The Walking Dead RPG

Silencieux, les mains pieusement liées devant moi, le pouce grattant nerveusement l’encre prisonnière de mes phalanges, je me fais discret dans sa foule de connaissances. Je n’étais pas son ami. Je ne sais presque rien de Joaquin.

Et pourtant, sa mort est une injustice qui me prend encore aux tripes. Tuer tous ses agresseurs ne l’a pas ramené. Joaquin va être enterré. Ruby est dévastée. Rien n’a changé.

Je les regarde défiler, ceux qui s’osent à un discours. Certains sont longs et plein d’attaches, d’autres bien plus courts. J’saurais pas quoi dire. De toute façon, c’est pas ma place.

Mon regard glisse sur le cercueil lisse qui dissimule le corps mutilé. Cette tradition de se recueillir sur un cadavre m’était incompréhensible quand j’en étais témoin au ranch. La religion, quelle qu’elle soit, a toujours été une superstition étrange à mes yeux. Un ensemble de coutumes toutes aussi arbitraires les unes que les autres.

Maintenant… de les voir tous réunis ici, j’en saisis un peu plus le sens. C’est l’occasion de dire au revoir, quand la violence des événements ne nous en a jamais laissé le temps.

J’observe Luna. Alice. Kira. Et reviens sur Ruby lorsqu’elle tombe en sanglots dans l’étreinte qu’on lui offre.

Je n’étais pas l’ami de Joaquin, mais je suis celui de la femme qu’il laisse derrière lui. Impossible d’en douter alors que ses pleurs me transpercent le coeur comme si l'on y jetait mille aiguilles. Mes doigts se resserrent les uns sur les autres, je détourne le regard, capte celui de Luna qui revient vers moi. Simple hochement de tête, un “ça va ?” silencieux qui n’attend pas vraiment de réponse. Bien sûr que ça ne va pas. Mais si ma soeur se tient ici aujourd’hui, c’est aussi grâce à lui.

Merci de l’avoir sauvée.

Je ne sais presque rien de Joaquin, sauf son courage dont je suis infiniment redevable. Il a sorti Luna des griffes de la mort et s’y est jeté pour protéger la fille qu’il aimait.

J’espère que je ferai aussi bien.

Je prends une inspiration plus difficile, contrainte par la gorge serrée, ose encore un regard à la cheffe des S.T.A.R.S.

T’en fais pas pour Ruby. Tu peux compter sur tous ceux ici pour prendre soin d’elle.
Moi le premier.

• don't try me •
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Le voyage avait pas été facile avec sa blessure. Putain, elle avait failli y passer, elle avait failli perdre Tony et qui sait si elle avait pas faillis perdre les autres. La mécano dormait beaucoup et c’était pas tellement de son plein gré. Son corps le lui imposait pour guérir sans doute.

Ici, aujourd’hui par contre, il était juste pas question de dormir. Pas question de quoi que ce soit d’autre, que de rendre hommage à son meilleur pote. À un membre de sa famille.

La rage grondait dans les veines de l’androgynette, mais plus que tout, la peine lui tordait le cœur. Elle n’avait pas pu l’aider, pas pu le sauver. Pis, quand ça avait été le temps de faire payer ces fils de putes, elle avait rien pu faire… Salem était amère. Vachement amère. Elle aurait échangé sa place en une battement de cil avec Joa, n’importe quand. Sauf que c’était elle qui se retrouvait avec les autres ici, aujourd’hui pour enterrer sa tête. Fallait sans doute être un peu reconnaissant, d’avoir quelque chose à enterrer… mais Sal y arrivait difficilement.

Se tenant le flan encore douloureux, elle avait les mâchoires serrées, essayant de ne pas céder aux larmes qui menaçaient de remplir ses yeux. Le visage fermé, elle restait silencieuse durant le laïus de Ruby. Elle acceptait bien sûr l'étreinte de Dana, un baume bienvenue à son coeur. D’autres suivaient Ruby et les monologues étaient beaux. Simples ou plus longs, Joaquin avait laissé sa marque et c’était impossible de penser le contraire. La mécano s’avançait finalement à son tour.

- On s’est toujours dit qu’on allait s’suivre jusqu’en enfer. J’ai bien failli v’nir hein, mais faut croire que c’était pas l’moment. J’suis… trop en colère Joa, de rien avoir pu faire. Je peux juste espérer que si y a un truc après la mort, c’est cool. Que t’es bien et qu’on s’reverra. Qu’on pourra prendre une bière en réparant un moteur là-haut.

Sal se reculait, elle avait rien de plus à dire. Faut dire qu’elle était pas hyper bavarde d’ordinaire et Joa l’avait toujours appréciée. Pas la peine de faire un long discours ici non plus. S’il y avait un truc après la mort, il saurait. Il saurait c’qui avait dans son cœur.

The fire inside me burned brither than the fire around me

Spoiler:

Lorsque le voyage s'est organisé depuis Crescent pour participer à l'enterrement de Joaquin, Allïa avait insisté pour en faire partie. Il ne pouvait pas en être autrement.

Joaquin. Sa mort l'avait profondément affectée, comme beaucoup ici. Il était l'une des premières personnes à l'accueillir ici, à Seattle et c'est en partie grâce à lui qu'Allïa avait intégré les Exilés. Il avait été son chaperon les premiers mois, la formant au job de récupérateur et ils en avaient partagé des sorties, s'attirant même la jalousie de Ruby qui les pensait proche. Il lui faisait toujours penser à ses grands frères, taquin mais protecteur, toujours présent si on a besoin. C'était peut-être effectivement son cinquième grand frère... Toute cette époque, l'archère a l'impression que c'était il y a un autre temps. Tant de choses se sont passées depuis, des bonnes comme des mauvaises. Ils avaient été expulsé des Exilés, il s'était rapproché de Ruby, elle avait eu une fille. Une autre vie donc.

Elle ne peut avoir que des regrets maintenant : celui d'avoir laissé le temps et les évènements les éloigner. L'archère se sent tellement en colère et elle ne sait pas vers qui diriger cette colère : les pirates sont tous morts et ils n'ont probablement pas autant soufferts que ce qu'ils auraient mérité. Ils ont tué un ami, un allié, un confident, un petit-ami pour Ruby. Toutes les personnes ici présentes avaient un lien particulier avec lui.

Allïa les écoute tous parler, les uns après les autres. « Pars en paix » souffle-t-elle en s'accroupissant devant le trou. Elle ramasse une poignée de terre et la lance sur le cercueil. La chasseuse n'a rien de plus à dire. Elle n'est pas une habituée des grands discours. Où qu'il soit désormais, Joaquin mérite de connaitre le repos, la paix après une vie mouvementée sur terre. Et comme l'a dit Salem un peu plus tôt : « On se retrouvera. » S'il y a bien une vie après la mort, elle espère qu'ils finiront par se retrouver effectivement.

L'archère se relève et jette un regard triste vers Ruby sans oser se rapprocher. La jeune femme est bien entourée, c'est certain.

Tu peux venir si tu veux, je me tourne un instant vers Kaitlyn, qui a pas décidé d'approcher. Elle est... Confuse j'imagine et ça s'entend. Faut dire qu'elle a jamais vraiment connu Joaquin : qui est-il pour elle ? A peu près personne mais elle a tenu à être là et j'respecte. Ils ont été ensemble sur une plateforme infernale, à subir le pire. Pour elle, des violences desquelles elle refuse de parler ouvertement. Pour lui, la mort. Tout court. J'pince les lèvres, tenant dans ma main la lettre que j'ai écrite, une manière de le faire partir avec un dernier truc pour le voyage.

Je m'approche, laissant Dana, et les autres qui sont venus avec nous pour faire signe à Ruby : Attend, on terminera de l'enterrer bien assez tôt. Je tire le couteau et la lettre pour venir les poser dans le trou avec lui. C'est symbolique et je sais pas trop si ça aura de l'importance pour eux. Pour moi, oui. J'aurais rien à lui dire à haute voix, rien qui figure pas sur cette lettre qui porte tout le poids d'ma culpabilité. J'ai que des regrets : notamment d'l'avoir entrainé là-dedans, et qu'il en soit mort. C'est sa vie que je porte dans mon cœur, et l'écho de notre dernière conversation.

J'ai noté les secrets qu'il a pris avec lui, et ceux qu'il m'a laissé.

La gorge nouée, je suis incapable de parler. Je sais pas si c'est ma place, et il y a des discours qui valent pas le prix du silence. Bon voyage, cher ami, que je souffle dans ma langue natale. Une autre poignée de terre par-dessus, et je me redresse finalement en m'écartant de quelques pas. J'ai pas envie de rester au milieu d'une famille de laquelle je fais plus partie. C'est comme ça. C'est différent aujourd'hui, mais un lien inextricable est resté entre nous, qu'on ait voulu le rompre à cause de la colère, le couper pour arrêter de souffrir.

C'est pas vraiment comme ça que ça marche. Et on l'a appris à nos dépends. Toutes ces années essaient de nous enseigner des valeurs que des gens comme nous auraient pas pu comprendre autrement. Certains parleraient d'résilience, mais je crois que ceux sont des mots trop pompeux pour ce qu'on fait concrètement. Pour nos erreurs, nos doutes, tout ça. J'ai un regard pour Isha, un écho assourdissant d'une situation déjà passée, maintenant enterrée. Si j'étais pas bornée, j'me dirais que ça se reproduit encore, et encore. Que ça pourrait être une chance de rattraper ce que j'ai foiré avec Joaquin.

Si la vie était pas une pute ironique, j'me dirais que c'est peut-être lui qui me laisse une chance de pas merder encore une fois.

Mais soyons pas naïfs, les secondes chances sont pas vraiment pour les gens comme nous. Pas vrai, Joa ?

Je sais pas si ça m’est déjà arrivé, enfin, on va essayer de ramasser tous les morceaux et de recommencer à zéro, ça va pas être facile mais on est tous ensemble maintenant et je me sens bien.

En retrait, je fixe la tombe fraîchement creusée, silencieuse et le visage fermé. Nous n’avons réussi, et ça me tord le ventre. Je sais que cela semble presque impossible, mais je crois que c’est la première personne à qui je tenais que j’enterre vraiment depuis le début de l’épidémie. Et j’ai beaucoup plus de mal à y faire face que ce que je ne l’avouerais. Joaquin était un survivant, il savait se défendre, il était fort, débrouillard et tenace. Apprendre sa mort avait eu un effet dévastateur, et pas uniquement pour Ruby. Cette cérémonie m’oblige à admettre ce que je refuse d’envisager depuis des années. Ce n’est pas le moment d’y songer, nous sommes là pour lui rendre hommage, mais ces pensées me hantent malgré moi.

A défaut de pouvoir trouver un hanbok, j’ai soigneusement noué mes cheveux avec un ruban blanc, que j’ai confectionné moi-même. Rosie en a demandé un aussi, quand je lui ai expliqué la signification. J’ai réussi à trouver quelques fleurs blanches et jaunes, et surtout, de l’encens, que je tiens contre moi d’une main tremblante. Je sais que ça peut paraître idiot, superflu, étrange. Mais Joaquin était croyant, et je ne pense pas que ça le dérange vraiment que j’agisse ainsi. C’est une religion différente, une manière différente, mais il comprendrait sans doute l’importance que cela revêt pour moi. J’ai tout de même demandé à Ruby si elle n’y voyait pas d’objection.

Les larmes se mettent à couler sans que je ne songe à les retenir, alors que Ruby prend la parole et que sa peine est presque palpable. D’autres suivent. Je les laisse passer, avant d’essuyer mes larmes et de m’approcher à mon tour.

Je m’agenouille. Allume les bâtonnets d’encens. Pose la coupelle où ils brulent près d’un côté de la croix, le bouquet de fortune de l’autre. Ferme les yeux, les mains posées sur mes genoux. Et c’est sans y penser que je parle dans ma langue natale. « Je suis heureuse d’être venue jusqu’ici et d’avoir eu la chance de te rencontrer. Merci de m’avoir accepté parmi vous… Merci d’avoir été mon ami. » Je marque une hésitation. « … Si tu vois ma famille, dis-leur que je vais bien, tu veux bien ? » Une ombre de sourire. « Oui, j’ai toujours quelque chose à demander, je sais, tu me connais… » Je rouvre les yeux et inspire. « Tu peux te reposer maintenant. On continuera à prendre soin les uns des autres, et à avancer. Sois en paix Joaquin. » Je m’incline, front contre terre, réalisant deux jeol comme le veut la tradition. Et comme dans sa tradition à lui, j’attrape une poignée de terre que je laisse tombe dans la tombe.
Au revoir.

En compagnie des quelques Exilés présents, Valérian se tenait silencieusement dans un coin du rassemblement. Son visage ne laissait transparaître que peu d’émotions. Seule une légère crispation à sa mâchoire trahissait le trouble qui l’habitait. Il peinait en effet à débrouiller ce que lui inspirait la mort de Joaquin. Leur relation avait été compliquée : tantôt fraternelle, tantôt empreinte d’une franche animosité. Parfois, ils s’étaient chahutés comme des frères, tandis que d’autres, ils s’étaient violemment invectivés, manquant à plusieurs reprises d’un venir aux mains et de laisser libre cours à la violence qui sourdait en eux. Ils avaient toujours évolué sur le fil du rasoir en présence de l’autre. Peut-être avaient-ils été trop différents pour se comprendre correctement en fin de compte. Ils étaient tous les deux originaires de milieu diamétralement opposés ; et, au-delà de ça, avaient eu des personnalités aussi différentes que le feu et la glace.

Pourtant, le grec avait tenu à être présent lors de cette cérémonie. La nouvelle de la mort de Joaquin avait constitué au choc pour lui - preuve étant qu’en dépit de leurs nombreux différends, un lien avait subsisté, enterré sous ce déferlement de colère. S’il n’en disait rien, les regrets grippaient la gorge de Valérian telle une bile au goût âpre : des regrets liés à la violence qui avait éclaté leur groupe quelques années auparavant, et qui les avaient irrémédiablement éloignés de Joaquin, Ruby et Salem, sans qu’aucune parole, aucun geste, ne puisse jamais réparer ce qui avait été défait ce jour-là. Les tensions n’avaient cessé de croître depuis. Elles avaient éclaté de nouveau après l’attaque de la péniche, lorsque Ruby et lui s’étaient une nouvelle fois vilipendés. Mais peut-être la mort de Joaquin marquait-elle un tournant. Peut-être constituerait-elle l’impulsion nécéssaire qui leur avait manqué tout ce temps pour réussir à tourner la page et… laisser derrière eux les amertumes qu’ils avaient créées en se côtoyant ces dernières années.    

Valérian ignorait s’il devait y croire ou non. Pourtant, lorsqu’il s’avança à son tour pour attraper une poignée de terre et la jeter dans la tombe, ses yeux noirs tombèrent sur Ruby.

Il ne se déroba pas à cet échange de regards, et s’efforça de lui transmettre, par celui-ci, les regrets qui l’habitaient et, peut-être, une once de compassion pour sa perte. Il se détourna pourtant rapidement et, sans un mot, rejoignit les rangs des siens. Il ne lui appartenait pas de s’exprimer au sujet de Joaquin. Il n'avait pas cette légitimité. Et si l’hispanique n’avait pas été un saint, comme aucun d’entre eux, d’ailleurs, le grec se souviendrait pourtant de lui comme d’un homme courageux, loyal, prêt à tout pour assurer la sécurité des siens.

Every time that I look in the mirror, all these lines on my face getting clearer. The past is gone. Oh, it went by like dusk to dawn. Isn't that the way ? Everybody's got their dues in life to pay.

Awards:

Ça leur avait fait un crochet. Depuis leur retour du Canada et depuis Monroe, le petit couple avait fait le détour pour un dernier hommage à leur ancien compagnon de route. Ils se rendaient à Port Angeles où de nouvelles aventures les attendaient. Ces derniers jours, ils avaient entendu les récits sur la longue traque des pirates, l’attaque de la plateforme et le destin de l’hispanique. Persuadée depuis longtemps qu’il était mort, Kaycee n’avait pu s’empêcher d’être ébranlée pourtant en apprenant qu’il était finalement le seul des otages à y être resté. Alors qu’il était indéniablement le seul qu’elle aurait sincèrement aimé vouloir voir revenir.

- On va la trouver, tu crois ? Souffla la jeune fille à Tiago qui l’avait évidemment accompagnée jusqu’ici. Les indications de Ruby avaient pourtant été précises. Ils finirent d’ailleurs après quelques minutes de recherches par se retrouver devant la tombe. Il t’avait déjà parlé de sa famille ? Murmura-t-elle, alors que Joaquin reposait maintenant auprès des siens.

Elle laissa le gitan lui répondre et sentit sa bouche se tordre légèrement. Une part d’elle ne savait pas vraiment ce qu’elle faisait là. Se tenir ici ne rendrait pas la disparition du brun plus acceptable, ni ne comblerait le vide qu'il avait laissé. Elle ne croyait pas qu’il l’entendait, ni ici, ni ailleurs. Mais le visage du trentenaire se forma dans son esprit. Elle revit ses yeux incroyables et son sourire. Elle se souvenait de leurs interactions au dispensaire, à la cage. A Centralia, Monroe, tout ça. Et le savoir finalement ici, à ses pieds, sous cette terre, l’emplit de tristesse.

- Je déteste tellement cette vie, parfois, confia-t-elle seulement à son voisin, la gorge nouée. Cette vie qui s’évertuait toujours à tout leur prendre. Sa main vint chercher celle de son copain. Elle craignait plus que tout aussi le jour où ils se retrouveraient eux aussi séparés.

Elle se baissa finalement pour déposer sur la tombe le bouquet de fleurs sauvages qu’elle avait composé en chemin. La nature avait depuis longtemps repris ses droits sur la ville et le printemps se glissait partout, il suffisait de se baisser pour le récolter. Il était beau, mais finirait par mourir lui aussi. Ce soir. Demain.

- Adieu Joa, souffla-t-elle. Même si elle le savait pertinemment : il ne l’entendait pas.

~ Kaycee,

Easy as a kiss we'll find an answer
Put all your fears back in the shade
Don't become a ghost without no colour
Cause you're the best paint life ever made