The Walking Dead RPG

Les chaînes qui se referment dans un cliquetis froid provoquent une sensation devenue familière, tout comme leur poids. Leurs plaisanteries douteuses provoquent une vague de frisson qui se répand dans tout le camion, et je m'efforce de garder les yeux baissés.
Je suis terrifiée à l'idée que quelqu'un se rende compte qu'on a rien à faire là, Matéo et moi, ou qu'Emmett débarque et se fasse une joie de nous faire payer cet affront. J'en soupire presque de soulagement quand les portes se referment, nous plongeant dans le noir et éveillant nos autres sens.

Le camion se met rapidement en route et nous nous retrouvons secoués dans tous les sens, nous heurtant les uns contre les autres ou cognant durement contre les parois du véhicule. J'essaie tant bien que mal de protéger le garçon contre les cahots de la route, et l'enlace de mon mieux.
L'enfant semble peu gêné par l'inconfort de la situation et je souris, je crois, en l'entendant reparler de son héroïne de soeur, avec ses amis aux supers-pouvoirs. Je caresse les cheveux de Matéo sans savoir qui je cherche à rassurer, et réponds dans un murmure.
Tu sais, j'étais plus calée en princesses qu'en super-héros...
Je me creuse tout de même la tête pour poursuivre cette discussion à mi-voix. Parce que ce sont probablement nos derniers instants ensemble, et que je ne briserais pas ses espoirs maintenant. S'il peut arriver à s'enfuir de l'endroit où on nous emmène, je dois l'aider de toutes mes forces.
Je connais un peu Superman, il était dans ton groupe aussi ?

J'essaie de m'imaginer la scène. Tous les super-héros, existant vraiment et réunis ensemble pour combattre des monstres comme les Sinners. C'est un beau rêve, mais rien de plus. Les super-héros n'existent pas et...Je fronce les sourcils en entendant la requête de Matéo. Sa poche ? Que diable a-t-il encore prévu ?
Un instant, j'envisage de laisser mon épuisement prendre le dessus, lui demander d'oublier ce qu'il a en tête, quoi que ce puisse être, et d'attendre qu'on soient arrivés. Mais dans un soupir, je m'exécute, du moins j'essaie.
Les chaînes sont serrées et courtes, nous laissant un très faible possibilité de mouvement. J'ai beau serrer les dents pour supporter la douleur et tirer sur mon bras aussi fort que je peux, je suis sans cesse déséquilibrée par les mouvements du camion et me retrouve emmêlée dans ma chaîne.
Désolée, je n'arrive pas à t'atteindre...

Je parle à mi-voix pour éviter d'attirer l'attention du conducteur et de son acolyte, et me redresse un peu trop brusquement quand une femme s'adresse à Matéo. Je lâche un gémissement douloureux quand la chaîne tire brutalement mon épaule en arrière et je me recroqueville pour faire cesser la pression.
[cornflowerblue]Chut, pas si fort...ils pourraient nous entendre...[/color]
Mon ton est suppliant mais la femme qui vient de parler me fait trembler de peur. Dieu sait ce qu'ils pourraient faire s'ils nous entendaient papoter, entassées ici. J'essaie de satisfaire sa curiosité, sans savoir vraiment quoi dire. Même si en réalité, Dieu n'a sûrement rien à voir là-dedans.
On parle de super-héros...
J'essaie de sous-entendre que le garçon a sûrement besoin de se rassurer, mais sans pouvoir capter son regard, j'ignore si le message est passé.

Spoiler:

A force de me débattre contre mes chaînes, j'arrive plus ou moins à me démêler et à trouver une position un tant soit peu confortable. Amusée malgré par l'insistance de Matéo, je lui concède de bonne grâce la victoire des héros face aux princesses.
Tu n'as pas tort...
A supposer que les deux puissent réellement avoir existé, nul doute que les super-héros avaient eu une chance de survie, contrairement aux princesses. Mais s'il y avait vraiment des super-héros, des monstres comme les Sinners n'existeraient certainement pas aujourd'hui. Je garde cependant cette pensée pour moi plutôt que de la partager à haute voix, et je caresse la joue de l'enfant pour le réconforter.
Ce n'est pas que je te crois pas, Matéo, mais tu sais...Je suis vraiment nulle en super-héros, et c'est le seul que je connais un peu...

J'espère m'être montrée convaincante dans mon demi-mensonge. Je dis la vérité sur ma connaissance des héros aux pouvoirs géniaux, ça ne m'a jamais vraiment intéressé, avant. Mais j'avais en tête de lui dire autre chose, sans pouvoir. Je ne sais pas comment le préparer à ce qui nous attend à notre arrivée, mais il n'y aura super-héros, pas plus que de soeur sauveuse de l'humanité. Juste d'autres monstres, peut-être pires que ceux qu'on avait rencontrés.
Je croise quelques regards, durs reflets de ce que je pense, mais les autres femmes ont la présence d'esprit de ne rien lui dire non plus. L'une d'elle renchérit sur le Captain Seattle, relançant Matéo et son espoir démesuré. Pire, je sens une vague d'espoir parcourir l'arrière du camion et je m'aperçois de mon égoïsme. Ces femmes, ces enfants, espèrent tous être sauvés. Pas uniquement Matéo.

Est-ce qu'il n'y a que moi qui a cessé d'y croire ? Soudain, l'idée de sauver Matéo sans rien faire pour les autres me paraît injuste. J'ai brusquement le sentiment d'être un monstre, moi aussi. Aider l'enfant à fuir, ou au moins à essayer, ça ne revient pas à me condamner, moi. Ca revient à condamner toutes les personnes présentes dans ce camion, avec moi. Mais en même temps, ignorant où l'on va et le nombre de personnes qui seraient présentes, je sais très bien que mes chances de le sauver sont minces, si ce n'est nulles. Alors, sauver tout le monde ?

C'est trop tard pourtant, je le sais. Maintenant que cette idée m'a effleuré l'esprit, ou ce qu'il en reste, je sens que je ne peux pas faire comme si je n'y avais pas songé. Je n'ai aucune idée de comment faire, mais il faut que j'essaie. Je me replie sur moi-même, essayant de réfléchir. Elaborer un plan de sauvetage alors que je suis incapable de discerner le vrai du faux serait en réalité sûrement très drôle, si quelqu'un pouvait deviner ce se passait dans mon cerveau. Le rappel à l'ordre venu de l'avant est clair et cette fois, c'est un frisson de peur qui parcourt les prisonniers entassés.
Calée du mieux que je peux, la tête contre mes genoux remontés, les cahots de la route m'aident à m'assoupir, aussi surprenant que soit cette idée.

J'ignore combien de temps a passé ni si je suis restée assoupie longtemps lorsque le camion s'arrête brutalement, nous jetant les uns contre les autres, ou contre les parois du camion pour les plus malchanceux. Au-delà des murmures qui résonnent dans la moiteur de notre prison mobile, je tends l'oreille, essayant de deviner ce qui se passe. J'ai un hoquet de surprise en entendant des coups de feu et je me tends, indécise. J'ai l'impression de percevoir une odeur âcre de brûlé, sans comprendre d'où vient cette odeur, et je sursaute en entendant l'un des gardes, le chauffeur je crois, lancer durement On a qu'à s'en débarrasser.

Je déglutis avec difficulté, mes yeux papillonnant sur les visages autour de moi, sans arriver à me fixer sur un seul. Encore une fois, je me demande où se situe la réalité du cauchemar. Suis-je la seule à avoir remarqué ça ? L'odeur, les bruits, les voix, je les ai imaginé, peut-être ? Mais cet arrêt brutal, est-ce que c'est la chance de Matéo ? Des autres ? Si je fais erreur, la sanction sera sévère et violente, pour tout le monde, mais s'il se passe quelque chose, c'est probablement leur seule chance...
Cette pression me rend folle...Mais non, je le suis déjà. La chaleur étouffante qui règne ne m'aide pas à réfléchir, et je touche mes yeux, dans un réflexe devenu habitude. Ils sont toujours là, mes paupières aussi. Les mains de chaque côté de la tête, je serre mon crâne de toutes mes forces, pas grand-chose au final, pour essayer de le forcer à se concentrer. Matéo et moi avons été parmi les derniers à monter, nous sommes donc près des portes. J'étends mes bras et laisse mes mains courir sur les portes du camion, autant que me le permettent mes chaînes. S'il y a un loquet, quelque chose qui permette d'ouvrir de l'intérieur...J'étire mes bras, mes jambes, mon corps entier, autant que je le peux, tout en me répétant que ça ne me faisait pas mal. Je suis pas certaine que ma tolérance à la douleur ait augmenté malgré ces dernières années, mais à force de me dire que je n'avais pas si mal que ça, que je pouvais gérer, ça finirait par marcher, non ?

Spoiler:

Les murmures s'amplifient à l'arrière du camion pendant que j'essaie de trouver l'ouverture de la porte. Je me fige un instant en entendant le Sinners vociférer des menaces, reprenant doucement mon exploration en retenant autant que possible ma respiration. L'odeur de brûlé, toujours présente, me fiche la trouille. Ils étaient capables de nous laisser enfermés ici, à finir brûlés vifs.
J'écoute Matéo d'une oreille quelque peu distraite, vaguement consciente qu'on tire sur ma chaîne, puis que j'arrive mieux à bouger. Je m'arrête net quand j'arrive à lever mon bras droit au-dessus de ma tête et que les restes de mon cerveau comprennent que je ne suis plus attachée.

Les mains à hauteur des yeux, je les regarde curieusement, comme si elles ne m'appartenaient pas, avant de tourner mon visage vers l'enfant. Détaché, lui aussi, et d'un calme olympien vu la situation. La femme la plus proche de nous réclame d'être libérée de ses entraves à son tour, et je regarde Matéo, sans vraiment savoir ce que lui envoie mon regard. De l'inquiétude à l'idée de perdre du temps ? Une supplique muette de leur donner, à elles aussi, une chance ?
L'urgence de la situation me prend à la gorge. Si je veux avoir une chance de l'aider à retrouver sa soeur, c'est maintenant ou jamais. Le laps de temps pour réussir se jouera à quelques minutes seulement.
Essaie d'en libérer d'autres.

Ma voix n'est qu'un souffle, et une partie de moi se sent monstrueuse. Si nous sommes plusieurs, à partir dans des directions différentes, Matéo aura une chance supplémentaire. Ils ne pourront pas courir après tout le monde en même temps. D'un geste, j'essaie d'intimer le silence aux plus proches de nous, et je me rapproche encore un peu de la porte du camion. J'entends des bruits de pas qui approchent et j'ai l'impression d'avoir avalé une énorme pierre.
C'est de la folie, je le sais bien. Je suis plus petite, sans arme et les coups et privations m'ont certainement privés du peu de force que j'avais. Protéger Matéo.
Quoi qu'il arrive, il fallait qu'il fuie.

Je me retourne vers lui pour lui expliquer. Quelques secondes seulement, c'est tout ce qui nous était permis pour se mettre d'accord.
Essaie de fuir, dès que la porte s'ouvre.
Je laisse le soin aux prisonnières libérées de faire leur propre choix. Nos chances sont très minces, mais ma priorité est uniquement le petit garçon.
Dès que la porte s'ouvre, je bondis hors du camion, bousculant notre geôlier. A peine consciente de ce qui m'entoure, éblouie par le brusque changement de luminosité, je perçois juste des murs et un toit, et sans réfléchir davantage, je me mets à courir pour qu'il me poursuive.

Mon coeur bat à toute vitesse en espérant que Matéo ait réussi, les autres aussi. Arrivée à la porte de ce qui s'avère être un hangar, j'ai un temps d'arrêt pour prendre conscience de ce que je vois. D'autres hangars probablement vides, et rien d'autre à l'horizon, hormis de la végétation parmi les bâtiments en ruines.
Ce temps d'arrêt m'est fatal et une main m'attrape brutalement par les cheveux. Violemment tirée en arrière, je me retrouve dans une position des plus inconfortables pendant que le monstre éructe Tu crois que tu vas où, comme ça ?
Je croise son regard et perçoit l'éclat d'un couteau. Dans un réflexe instinctif, sans doute désespéré, je tente de le repousser mais ne parvient même pas à attraper son bras. Avant de mourir, je veux juste savoir si Matéo a réussi. S'il a fui, tout va bien. Tout ira bien, pour lui, désormais. Malgré la douleur que la poigne de l'homme fait subir à mon crâne, j'essaie de tourner la tête, dans l'espoir de voir la silhouette lointaine de l'enfant.

Spoiler:

La pression qui m'enserre le crâne se relâche et je fais un pas pour m'éloigner du garde, tout en me retournant vers lui. Matéo est passé à l'attaque, et s'il me crie d'aller chercher sa soeur, je ne bouge pas. Je ne sais pas à quoi elle ressemble ni où la chercher, mais il me paraît évident qu'elle n'est pas là. J'ignore combien de temps je devrais courir avant de trouver quelqu'un, je ne sais pas si j'arriverais à convaincre quelqu'un de nous aider et encore moins dans quelle direction partir, pour trouver cette possible aide.

A la place, je ramasse le couteau tombé au sol. Plus par réflexe qu'autre chose, mais Matéo ne tiendra pas longtemps. J'entends les autres prisonnières qui crient, et je ne sais pas si le second Sinners essaie de les empêcher de fuir ou s'il va arriver au secours de son complice d'une seconde à l'autre. Peut-être même que d'autres sont présents, là tout près. Je n'ai pas le temps de réfléchir et je me jette en avant, sans un mot.
Le monstre réussit de justesse à retenir mon bras, mais je le sens faiblir face à Matéo et je retente aussitôt, lançant ma main serrée autour du manche presque à l'aveugle.

Cette fois, mon bras n'est pas retenu et j'entends le garde lâcher un grognement de douleur. Je l'ai blessé ? C'est presque étonnée que je regarde la lame teintée de rouge, surprise de ma propre réussite. Visiblement blessé au bras, le Sinners n'est pourtant pas vaincu, et si mon instinct me hurle de reculer hors de sa portée, je ne peux m'y résoudre, certaine qu'il reporterait son attention sur Matéo. Je dois au contraire continuer d'occuper notre geôlier pour lui donner une chance, et enfin, je réponds à l'enfant.
Je ne sais pas à quoi elle ressemble, vas-y, toi !

Ma voix est assurée en proférant ce mensonge. C'est le but de tout ça, après tout. Qu'il puisse fuir, lui, avoir une chance de s'en sortir. Je ne crois pas à ce sauvetage providentiel, sa soeur, si elle est en vie, est sûrement à des kilomètres de là. Peut-être qu'elle est en train de le chercher, mais pas ici, pas maintenant. Mais ça, Matéo ne doit pas y penser. Au contraire, j'espère que mes quelques mots suffiront à le galvaniser, assez pour qu'il file vers la sortie.
Matéo, toi tu peux trouver ta soeur....Moi, je suis team princesse, pas super-héros.

Je ne cherche pas spécialement à faire de l'humour, mais simplement à lui faire comprendre. Je pense pas que ma logique soit faussée, mais je m'efforce d'afficher un visage serein et de cacher mes doutes. C'est lui qui ne cesse de parler de super-héros, convaincu qu'ils viendront le sauver, lui seul est en mesure de retrouver cette soeur dont il ne cesse de vanter les mérites. J'espère tellement qu'elle existe vraiment, et que Matéo réussira à la retrouver.

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