The Walking Dead RPG

C'est horrible à penser, mais l'arrivée de Matéo est pour moi une véritable bouffée d'oxygène. Je ne suis pas certaine qu'ils ressentent le moindre scrupule par rapport à son jeune âge, puisqu'ils n'hésitent pas à lui mener la vie dure et à le frapper s'ils en ont l'envie, mais moi j'ai bien perçu des changements depuis qu'il est là. Ils sont surtout positifs pour moi, puisque je n'ai plus à subir Luke, et j'en remercierais presque Emmett. C'est lui qui donne les ordres après tout, et sa cruauté est d'un autre genre. Même s'il ne rechigne jamais à frapper pour se défouler, il préfère un autre genre de torture, et j'essaie de me convaincre qu'elle est préférable. Plus douce, plus humaine, peut-être ?

Je sais que je me leurre, que je sombre dans la folie et que j'arrive de moins en moins à discerner la réalité de mes cauchemars. J'apprécie pourtant la compagnie de l'enfant, et je reste sur mon objectif premier, le seul que j'aie. Le protéger du mieux que je peux, essayer de lui épargner le pire...J'avoue qu'il me facilite pas la tâche, mais je me focalise sur les points positifs.
Je ne passe plus mes journées enfermée à attendre, non, maintenant, Matéo et moi sommes mis à contribution. Des corvées ingrates, fastidieuses, répétitives et épuisantes, mais bienvenues malgré tout. Tout simplement parce qu'elles me permettent de sortir, de me concentrer sur autre chose que mes pensées.

J'ignore depuis combien de temps il est arrivé, mais il ne lâche pas prise. J'ai le sentiment qu'il est là depuis longtemps, des mois, des années peut-être. Mais il veut toujours s'enfuir, cherche un moyen à tout prix et reste convaincu que quelqu'un viendra le sauver. Je n'ai toujours pas osé lui dire la vérité et souvent, je pleure après qu'il se soit endormi. Je ne sais pas comment lui faire comprendre que ça ne sert plus à rien. J'espère peut-être qu'il s'en rende compte tout seul. Ca m'éviterait d'être celle qui tue cette étincelle d'espoir qu'il a dans le regard...possible que ce soit moi qui n'arrive pas à comprendre et qui continue d'espérer bêtement.
En attendant, j'essaie de mon mieux de lui éviter de s'attirer trop d'ennuis, et à plusieurs reprises, j'endosse la responsabilité de ses décisions. Il est trop jeune, il ne peut pas comprendre. Il ne peut pas subir ça et y survivre.

A le voir écouter les discussions des Sinners, je prends l'habitude de tendre l'oreille, moi aussi. Je crois que j'espère encore entendre une information sur l'endroit où est détenue maman, même si de longues années ont dû s'écouler, depuis la dernière fois où je l'ai vue.
Je n'entends rien de bon quand je fais ça et en y songeant, j'ai des sueurs froides en me demandant ce que Matéo peut entendre, lui aussi. Il faut que j'arrive à le convaincre d'arrêter ça.

Lorsqu'il vient me trouver tout excité, trop pour passer inaperçu, je suis abasourdie par son inconscience. Je dois m'y reprendre à trois avant d'arriver à déglutir correctement et je secoue la tête, cherchant les bons mots pour lui faire oublier cette folie.
J'ai entendu parler de ce convoi en passant devant le bureau d'Emmett, hier. Ce qui attend les gens qui seront emmenés sera largement pire qu'ici, et je dois vite lui faire comprendre pour le dissuader. Une grosse vente dans un endroit appelé Store va condamner ces pauvres gens à un commerce sexuel.
Matéo...On ne peut pas faire ça...Tu n'as pas idée...
A la limite de l'enthousiasme, le garçon m'interrompt, décidé. Je prends une inspiration et essaie de me montrer plus ferme.
Pas pire ? Matéo, qu'est-ce que tu peux espérer de gens qui vont acheter d'autres personnes ?
Je me mords la langue, consciente que mon ton est trop sec. Les Sinners sont cruels et horribles, et vendent des gens après les avoir torturés. Mais bon sang, comment peut-il imaginer que quelqu'un prêt à acheter un être humain offrira une condition plus enviable ? Moi au contraire, ça me terrifie davantage que de rester ici.

Matéo insiste, s'énerve et parle un peu plus fort, en me demandant ce que j'espère de plus ici. Ses mots font mal et je serre les dents, presque surprise de sentir encore l'envie de pleurer affleurer. Je suis pas certaine d'en avoir encore, des larmes, mais le pincement au coeur fait résonner un seul et unique mot. Maman.
Est-ce que j'ai encore une chance de trouver l'endroit où elle a été emmenée ? Je dois être stupide de m'accrocher ainsi à ce vain espoir, tout en espérant que Matéo cessera de croire pouvoir être sauvé ? Est-ce que, comme lui, je ne me leurre pas inutilement ?
Il me tire violemment par la main et j'ai du mal à résister. J'aperçois un de nos geôliers, les yeux fixés sur nous d'un air soupçonneux et j'ai l'impression qu'une chape de plomb tombe sur mes épaules.
Arrête s'il te plaît...On va se faire repérer. Je t'en prie, remets-toi au travail...
Ma voix se fait suppliante, certaine que les ennuis arriveront bien avant la moindre sortie.

Spoiler:

Sûr de lui, Matéo est certaine de pouvoir s'échapper, d'être retrouvé par sa soeur. Je me mords la langue pour retenir une réplique inutile et méchante pour lui. Encore une fois, je me révèle incapable de briser ses rêves, même si la voix de la raison me souffle dans les oreilles qu'il est impossible qu'une telle chose arrive. A supposer qu'elle existe et soit encore en vie, cette super grande soeur, comment saurait-elle où chercher ?
Quant au reste de ses amis...ils étaient sûrement tout droit sortis d'une BD parlant de super-héros, et je ne peux que lui adresser un sourire, sûrement un peu triste alors que je l'espère rassurant.

Le garde arrive trop vite pour que j'aie le temps de réagir, et il s'en prend à Matéo de quelques coups de pieds bien sentis. Je baisse la tête dans un acte de soumission devenu réflexe, pendant que chacun de ses mots s'imprime profondément dans ma chair. Je distingue vaguement que le jeune garçon serre les poings avec une forte envie de répliquer, ou peut-être que je le devine. Je commence à le connaître, et j'essaie toujours d'anticiper du mieux que je peux ses réactions, ce qu'il risque à énerver des Sinners.

Je cligne plusieurs fois des yeux devant le martinet tombé à mes pieds, lancé par le garde. Mon cerveau refuse d'analyser l'information qu'il vient de recevoir, se contentant de me répéter en boucle le même leitmotiv depuis que ma route à croisé celle de l'enfant. Protéger Matéo. Quoi qu'il m'en coûte, il est trop jeune pour supporter tout ça. Ou moi trop lâche pour tolérer de m'en prendre à un petit garçon, mais ça ne fait pas grande différence. Je ne peux pas faire ça. Ma mère m'a appris à soigner les gens, pas à leur faire du mal.
Je n'ai même pas l'idée de ramasser l'objet pour m'en servir contre le garde, non. Quand je me baisse, c'est pour aider le garçon à se relever et je l'attire aussitôt derrière moi pour le protéger.

C'est ma faute, c'est moi qui lui ait parlé. Il me disait justement de me remettre au travail.
Sous-entendu, c'est à moi d'être punie. Doucement, je serre la main de l'enfant, l'enjoignant silencieusement à ne pas répliquer. J'ajoute, un peu tardivement.
Je suis désolée...Ca ne se reproduira plus.
Un bref coup d'oeil autour de moi ne m'indique aucune solution, aucune échappatoire possible. Que ce soit de la part des autres prisonniers qui fournissent des efforts incroyables pour ne pas regarder dans notre direction, ou des autres membres du gang présents.
Ce serait le bon moment d'avoir une idée de génie pour dédramatiser la situation mais rien ne vient dans mon cerveau débranché. Je tente tout de même une argumentation, espérant le calmer.
On va travailler deux fois plus...Blessés on ne vous sert à rien, je...je ne parlerais plus pendant mon travail, c'est promis. Je suis vraiment désolée de l'avoir déconcentré.

Je m'entête, il faut que je m'en tienne à ma version. Il était sans doute un peu trop loin pour entendre ce qu'on a pu se dire et c'est en discutant qu'on a attiré son attention. Donc s'il n'a pas fait attention à nous au départ, ce que je dis peut lui sembler plausible, non ?

L'aplomb de Matéo me laisse sans voix. Je ne sais pas, à ce stade, si c'est de l'audace ou de l'inconscience, mais il ne peut pas à ce point croire qu'un groupe de super-héros viendra le sauver. Je n'ai plus vraiment le choix, il va falloir que je me résigne à lui lui faire comprendre la vérité, avant que son comportement devienne suicidaire.
Il lâche ma main et ramasse le martinet, obéissant, et j'essaie de capter son regard pour lui faire comprendre que ça va aller.
J'ai dans l'idée que le garde va inverser la punition et je ne veux pas que l'enfant se sente coupable de ce qui va se passer. Mais non, il glisse quelques mots, l'air de rien et je retiens mon souffle dans l'attente d'une réaction.

Quelque part au fond de moi, je suis un peu impressionnée, je crois. Même si pour le moment, mon regard paniqué scrute les environs, craignant de voir Luke débarquer. Comme si le simple fait de prononcer le nom de ce monstre pouvait suffire à le faire apparaître. Je ne remarque même pas la nervosité du Sinners, et j'ai besoin de quelques longues secondes pour comprendre qu'il s'adresse à moi.
Je pose les yeux sur l'homme puis sur Matéo, consciente du piège. J'ai essayé d'inciter le jeune garçon à mentir pour qu'on soit sur la même longueur d'ondes, je ne peux pas lui faire faux bond maintenant. Nier reviendrait à décupler la fureur du gardien et nul doute que la supercherie remonterait aux oreilles de Luke. Le monstre ne devait pas être du genre à apprécier qu'on utilise son nom de la sorte, et je ne pourrais pas protéger Matéo de sa rage.

Oui. On l'est tous les deux.
Je suis étonnée du calme et de l'assurance qui se dégagent de ma voix. Je relève la tête pour croiser le regard de l'homme, affichant je l'espère une certitude que je suis en réalité loin de ressentir. Comme un mantra, je me répète en boucle ces deux mots qui m'aident à tenir, depuis que j'ai rencontré le garçon. Protéger Matéo.
Je reste persuadée que l'enfant n'a pas pris conscience que ce qui nous attendait là-bas, où qu'on soient emmenés, serait bien pire que ce qu'on vivait ici. Mais s'il voyait dans ce voyage une chance de s'échapper, s'il voulait fuir pour espérer retrouver sa soeur, je ferai ce qu'il faut pour l'y aider. Je ne pouvais faire que ça, puisqu'il devenait évident que jamais Matéo n'allait renoncer.

Forte de cette nouvelle résolution, je laisse le temps au garde de blêmir à l'évocation de Luke, un peu surprise tout de même que même ses complices aient peur de lui. L'homme se reprend assez vite et nous conduit au camion, nous forçant à hâter le pas. Une fois montés, j'enlace Matéo et le serre contre moi. Nous nous retrouvons entassés les uns sur les autres, avec des dizaines d'autres personnes, dans un silence de plomb. Dans les quelques regards que je croise, je ne lis rien d'autre que de la terreur et de la résignation, certaine que c'est le juste reflet de mes propres yeux.
Impossible de revenir en arrière maintenant, j'essaie de trouver le courage d'aller jusqu'au bout. J'essaie de réfléchir au meilleur moyen de sauver Matéo. Il n'allait avoir qu'une chance, une seule, et je ne devais pas la gâcher. Lui donner l'occasion de fuir, et mourir en le protégeant une dernière fois, c'était la seule option.

Spoiler: