The Walking Dead RPG

Je ferme les yeux quelques instants, me frottant nerveusement les mains sur mon pantalon. J’ai promis à Anjali à peu près un million de fois de ne pas bouger, seule condition pour qu’elle accepte de quitter la maison pour chercher les enfants sans que je sois obligé de l’accompagner. Dire que je ne me sentais pas de sortir et de traverser le quartier une nouvelle fois est un euphémisme. Trop d’informations pour moi, trop de regards et de chuchotements sur mon passage. Je sais que ce n’est que le début d’une longue série et je n’ai pas senti vraiment d’animosité. Peut-être de la pitié, surement même. De l’incrédulité aussi. Comme les soldats à Spokane.

Un profond soupir m’échappe, alors que je commence à taper nerveusement du pied. Depuis combien de temps elle est partie ? Aucune idée, mais j’ai l’impression que ça fait beaucoup trop longtemps déjà. Et j’avoue que je me sens vraiment mal à l’aise dans cette maison. Ce manoir donc. Beaucoup trop spacieux, trop propre, trop… lumineux. Oui, je sais, c’est totalement ridicule de dire ça, mais c’est pourtant ce que je ressens en cet instant précis. Le pire ? C’est quand j’ai voulu boire un verre d’eau. J’ai passé bien cinq minutes à regarder l’eau couler, le regard rond, avant de laisser tomber et de retourner m’assoir sur le bord du canapé. De peur de le salir. Pourtant, j’avais eu droit à une douche ce matin même. Et d’autres vêtements. Toujours trop grands soit dit en passant. Mais… acceptables. On va dire ça.

Je finis par fouiller dans ma poche, arquant un sourcil quand je sors une cigarette un peu écrasée et la boite d’allumettes que je garde depuis Colville. « … ma foi… » Ouvrir la porte fenêtre et m’assoir par terre, juste devant, sur la terrasse, ce n’est pas vraiment quitter la maison non ? Je sais, je joue sur les mots, mais je suis de toute façon le seul à convaincre dans cette histoire. Alors, deux minutes plus tard, je prends une profonde inspiration, le regard levé vers le ciel et la pluie qui n’arrête pas depuis qu’on est arrivés ici. Je me sens, l’espace d’une seconde, un peu moins fébrile, même si l’idée même de revoir mes enfants dans quelques minutes alarme mon rythme cardiaque d’une force qui pourrait vraiment m’inquiéter. Sans compter les autres. Neela. Min-Oh. Hailey. Leurs enfants. A cette simple pensée, je sens mon regard se brouiller. Et je n’entends pas la porte d’entrée qu’on ouvre, tellement je suis perdu, à la fois terriblement loin et terriblement près d’ici.

C’est quand j’entends un claquement sur le plan de travail que je sursaute et je me relève d’un coup, la cigarette au coin des lèvres. « … Neela. » Je déglutis, incapable de faire le moindre mouvement dans sa direction ou de dire quoi que ce soit, mon regard rivé dans le sien. « Salut. » Oui, j’aurais pu faire autrement mieux niveau réplique. Je sais. Mais on ne change pas les bonnes habitudes hein.

C'est la première fois depuis tout ça qu'elle peut vraiment rejoindre sa "maison". Elle rêve de préparer un déménagement pour regagner l'ancienne pour tout dire, mais ces derniers jours, elle n'a pas eu vraiment le temps de ça. C'est malheureux mais prévisible considérant qu'ils ont tout à préparer justement. Tout à reconstruire. Ce qu'il s'est passé au Bidonville fait des émules, elle aurait aimé pouvoir être là pour Anjali, et Neela n'éprouve qu'une colère et une amertume sourde pour la mort de Nell. Une victime, la victime, qu'elle aurait préféré éviter. Surtout que la fleuriste n'a jamais écorné quoi que ce soit à New Eden.

C'est toute l'injustice de cette vie. Elle a un soupir, sans faire attention à rien, sinon à cette sale odeur de cigarette qui semble emplir l'espace. Elle rêve ? Raide comme un piquet, ses yeux cherchent le responsable, et le trouve finalement en la présence de Mason. Il y a un temps de flottement, un vide absolu sous ses pieds, alors qu'elle le fixe droit dans les yeux. Son nom. Des salutations. Ses poings se serrent, elle se crispe et ses mâchoires se contractent de plus belle. Voilà une autre raison à cette colère qui couve en elle depuis des plombes, l'empêche de penser correctement. Le pire ? C'est vraiment l'attitude qu'on peut croire nonchalante de Mason.

En fait, c'est con mais... Pourquoi est-ce qu'elle se retient ? Pourquoi fait-elle encore dans la courtoisie ?

Espèce de tête de noeud ! Lâche-t-elle finalement en bondissant sur ses appuis pour le rejoindre. Pour l'empoigner fermement par le col de son vêtement trop large : C'est tout ce que tu trouves à me dire ?! Et Bam ! Le coup de poing part directement dans sa pommette, elle a envie de lui en mettre un deuxième quand même pour le luxe qu'il se paie. Elle ne le relâche que pour mieux le foutre au sol et essayer de lui coller des claques, ou lui frotter le visage contre les graviers : Salut ??? Balance-t-elle : Je vais te marraver la tronche, connard ! Et puis, quitte à le dire : autant le faire directement.

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ANAPHORE

J’ai l’impression, pendant une seconde, que le temps est comme suspendu. Et, à la réflexion, j’aurais probablement – surement – préféré que ce soit le cas. « Hein ? » J’écarquille les yeux alors qu’elle m’attrape par le col. Je n’ai même pas le temps de lui répondre quoi que ce soit que le coup part, me séchant quelques secondes. Et je me retrouve au sol, sans même comprendre ce qui m’arrive.

Pendant une seconde, j’ai l’impression de replonger des semaines en arrière et mon premier réflexe et de me recroqueviller sur moi-même pour essayer de me protéger comme je le peux. Je ne me rends même pas compte que ces derniers mois m’ont conditionné à ne surtout pas tenter de répliquer, à juste attendre que les coups pleuvent en espérant qu’ils ne seront pas trop violents, que j’ai perdu mes habitudes de combattant.

Mais dans un réflexe venu de je ne sais où, j’arrive à me reculer un peu, juste ce qu’il faut pour éviter un autre coup en plein visage. « Neela ! A… arrête… » Je ne suis même pas sûr qu’elle m’entende vraiment. Mais je le redis, un ton plus haut. « ARRÊTE ! » J’essaie de reprendre mon souffle, mon regard cherchant le sien. « Tu voulais que je dise QUOI ? Si t’as un foutu manuel pour me dire comment je dois me comporter après six mois dans un camp, je suis preneur. » Parce que je sens que je vais en avoir cruellement besoin les prochaines semaines. Un autre coup que je n’arrive pas à éviter et qui m’arrache une quinte de toux. Je ne peux même pas dire que c’est un cauchemar, parce que c’est exactement comme ça que j’imaginais la réaction de la brune à mon retour. A deux ou trois détails près, un peu moins douloureux.

« Putain… » Soufflé entre mes dents, alors que je perds le fil l’espace d’une seconde. « Je suis DÉSOLÉ Neela. » De tellement de choses, elle n’a pas idée. Mais à ce train-là, je ne risque pas de pouvoir m’excuser de grand-chose. Et je reste replié sur moi-même, inconscient de la posture défensive que j’ai toujours ou du fait que je tremble des pieds à la tête. Pas comme si ce n’était pas récurrent ces derniers jours. Ou que ça allait changer quoi que ce soit à la situation.

Elle sent une rage, palpable, grossir en elle. L'envie de s'en prendre à Mason, de lui faire mal comme il a réussi à faire du mal à sa famille, à sa sœur de cœur. Comment ose-t-il se présenter devant elle et se contenter d'un "salut" misérable, alors qu'elle a été celle qui a épongé les larmes d'Anjali en son absence et fait en sorte de remplir le ventre de leurs enfants ? Le preux chevalier servant sur son destrier blanc a pris un sacré coup dans l'aile avec son échec le plus cuisant, et aussi impitoyable qu'elle peut l'être aujourd'hui, Neela n'est pas près de lui pardonner cet écart.

Que tu ne te fasses pas prendre ! Que tu ne disparaisses pas pendant des mois ! Que peut-elle lui demander de plus ? Elle éprouve de la haine à cet égard : Que tu n'abandonnes pas Anjali ! Surtout. Parce que ceux sont eux qu'il a laissé derrière avec son manquement, eux qu'il a oublié dans l'équation. Il ne se doute pas de l'état de son meilleur ami, de comment il a subi la situation par-dessus tout. Elle est en colère, très franchement, contre celui en qui elle avait confiance au point de lui confier sa vie, sa seule famille, tout ça pour quoi ? Je comptais sur toi, Mason !

Il est prostré, essayant de se protéger, conditionné à ne pas se débattre. Il parvient cependant à la repousser, et elle lâche un grognement furieux en rivant sur lui un regard perçant : Connard... Articule-t-elle, partagée entre l'envie de lui mettre une autre claque et de lui laisser un peu de répit. Honnêtement, il lui devient difficile de savoir quoi faire. Mais au fond d'elle, il y a du soulagement. De le savoir en vie, de ne pas devoir faire son deuil à nouveau. Elle s'approche, et en se collant dans son dos, elle vient l'étreindre fermement. Elle le sent trembler contre elle, sans doute éprouvé par son attitude, mais Neela a besoin de ça pour être sûre cette fois qu'il ne disparaitra pas encore.

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ANAPHORE

J’aimerais dire que je ne comprends pas d’où vient sa colère, sa rage même. Que je n’aurais pas réagi pareil à sa place. Sauf que ce n’est pas le cas. Certes, j’aurais préféré qu’elle frappe moins fort et qu’on parle au lieu d’en finir comme ça. Surtout que je ne suis plus capable de vraiment réagir comme j’aurais pu le faire il y a quelques mois. Et, au final, ses mots font encore plus mal que les coups.

Je le sais pourtant. Elle a raison. Terriblement raison. Je n’ai pas arrêté d’y penser ces derniers mois, à chaque minute, de chaque jour. Mais je suis incapable de répondre quoi que ce soit, plus occupé à m’enfoncer dans des réflexes tout juste acquis. Pourtant, j’en ai un qui sort de nulle part et j’arrive à la repousser. A reprendre mon souffle tant bien que mal. J’ai un mouvement de recul quand elle se rapproche de nouveau de moi, avant de me figer quand, cette fois, elle m’étreint. Il me faut bien quelques secondes avant que mon corps accepte de se détendre – un peu.

Et je ferme les yeux quelques instants, soufflant un « je sais » quand elle me traite de connard. Avant de finir par me tourner vers elle pour la serrer contre moi. « Je suis tellement désolé Neela. » Je continue de trembler mais, en soit, ce n’est pas un problème. « Je sais que ça ne changera rien à ce qui s’est passé, mais je te promets que je ferais tout pour ça que ça n’arrive plus jamais. Je ne vous abandonnerais plus. » Je sais que cette promesse n’engage que ceux qui voudront bien y croire, mais je m’y raccroche depuis des semaines, pour ne pas dire des mois. Je la garde contre moi encore quelques instants avant de la relâcher, un peu, le regard brillant. « Je… » Une hésitation avant de souffler. « Tu m’as manqué tu sais. Terriblement manqué. » Même si j’ai été soulagé de ne voir aucun d’eux débarquer à Colville, autant être honnête, j’ai réalisé à quel point je puisais ma force en chacun d’eux, à quel point ils sont devenus ce que j’ai de plus cher. Ce n’est pas pour rien qu’il n’y pas que le nom d’Anja et des enfants gravés sur mon bras. « Je peux te lâcher ou tu vas recommencer à me cogner ? » Je ne me rends même pas compte que ce simple échange a réussi à m’essouffler. Mais j’essaie de faire bonne figure, avec un succès tout relatif.

Tu n'es vraiment qu'un idiot, tu le sais, ça ? Qu'elle lui souffle, encore contre lui, alors que Mason parvient finalement à lui rendre maladroitement son étreint. Elle le serre avec force, et sent ses os à travers ses vêtements. De sa carrure passée, l'homme semble avoir fondu comme neige au soleil. Elle ne comprend pas. Elle ne comprend pas comment c'est possible, comme Mason a pu se transformer comme ça en si peu de temps... Que reste-t-il de lui, sinon des os et de la peau pour les recouvrir ? A dire vrai, c'est surtout effrayant et l'indienne sent les larmes lui monter aux yeux à peine elle en prend conscience.

Tu m'as manqué aussi, articule-t-elle, la voix mêlée de quelques trémolos douloureux alors qu'elle s'écarte et relève le nez vers lui. Elle a tout juste le temps d'essuyer ses yeux, sa rage l'anime toujours mais laisse place à une peine qu'elle a du mal à cacher, surtout à celui qui ressemble encore terriblement à son ami. Mason reste qui il est, un proche. Un membre de sa famille malgré les erreurs qu'elle lui met sur les épaules. C'est pénible à vivre mais c'est comme ça. Elle souffle longuement en essayant d'apaiser la tension qui tient son ventre : J'ai quand même bien envie de recommencer à te cogner, si tu poses la question...

Elle secoue la tête, tente de retrouver pleinement son calme. Fébrile et remontée, dans un tourbillon pénible à contenter, l'indienne avise longuement son frère de coeur. De toute façon, tu ne pourras plus faire une bêtise comme celle-là, si jamais tu as dans l'idée d'être un abruti encore, oui, elle ne mâche toujours pas ses mots mais pourquoi faire ? Mason a vu et vécu pire que les quelques injures qu'elle lâche généreusement depuis qu'elle le voit, non ? Ton Général a fait bouger les choses, Adonai a été arrêté, tout est en train de changer, ajoute-t-elle simplement en soupirant, avant d'hausser les épaules : Tu as pu revoir les enfants ? Et Anjali ?

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ANAPHORE

J’ai un rire entrecoupé d’un sanglot que j’ai du mal à retenir, alors qu’elle me traite d’idiot. « Je sais oui. J’ai … j’ai pu m’en rendre compte ces derniers mois. » Elle n’a pas idée. Le pire ? C’est que j’ai quand même continué d’aider les gens comme je le pouvais, malgré les horreurs, malgré cet endroit et ce qu’on nous a fait. Et surtout, je crois que je ne réalise pas vraiment à quel point j’ai changé. Je ne sais pas à quoi je ressemble vraiment, mais j’ai pu lire dans le regard d’Anjali que quelque chose cloche. Et c’est la même lueur que je peux lire un instant dans les yeux de Neela. Sans que je n’arrive à vraiment saisir ce que c’est.

Je lui rends un mince sourire au reste, avant de laisser filer un soupir et de la relâcher doucement. « Je m’en doute. Mais si tu peux attendre un peu que … j’aille mieux. Ce serait sympa. Et… Depuis quand tu frappes aussi fort ? » Je sais qu’elle avait progressé mais là… ou alors, c’est juste que je n’ai vraiment plus assez de forces pour me défendre ce qui, vu les derniers jours, les dernières semaines, n’est pas vraiment surprenant.

Je finis par serrer ses mains entre les miennes et j’ai une grimace quand elle reprend. « Je ne compte plus me comporter comme un abruti. Je… je ne veux plus jamais que ça arrive. » Je ne veux plus les perdre. Jamais. Je ne m’en relèverais pas une deuxième fois de toute façon, si ça avait le malheur d’arriver. J’étais déjà bien trop proche du point de rupture avant qu’on ne quitte cet enfer. Et je le suis toujours. Et j’ai un bref hochement de tête à l’évocation d’Armand. « Je sais. Il m’en a parlé à Spokane. Je ne suis pas au fait de tout, il me faudra probablement une séance de rattrapage. » Une inspiration, plus pour calmer ma fébrilité qu’autre chose. « Je ne sais pas ce que vous avez appris sur Colville mais… le camp est tombé. Quelques jours après le putsch. »

J’ai une grimace de douleur alors que je finis par lâcher ses mains pour m’appuyer contre le mur. Et elle peut me voir me frotter nerveusement les bras à sa dernière question. « Je… Anja m’a retrouvé. Dans notre ancienne maison. » La maison du traitre. Ces quelques mots qui vont continuer de flotter longtemps dans mon esprit. « Elle est partie chercher les enfants. Ils étaient chez… » Je fronce les sourcils, incapable de me rappeler du nom de la jeune femme qui s’en occupait. Et j’ajoute, dans un murmure tremblant dont je suis à peine conscient. « … s’il ne me reconnaissent pas ? Je fais quoi ? » Je suis prêt à affronter leur hostilité, leur tristesse. Peu importe. Mais pas ça. J’ai eu tellement peur de les oublier que je les ai marqués dans ma chair, mais je n’avais pas réalisé que ça pouvait leur arriver à eux aussi. Ca fait plus de cinq mois après tout.

D’un coup, je bats des cils, fixant Neela. « … et ton bébé ? » J’ai une hésitation avant de reprendre, sur le même ton. « Il faut prévenir Min-Oh aussi. Que je suis là. Comment il va ? » Trop de choses, mon cerveau a dû mal à tout assimiler et je tremble des pieds à la tête, sans même m’en rendre compte.