The Walking Dead RPG

L'ascenseur émotionnel est violent. Le soulagement de l'entendre me confirmer qu'en effet, ma mère est toujours en vie est trop vite balayé par la suite. Vendue. Le sentiment de révolte ressenti à l'idée qu'on puisse vendre un autre être humain passe trop rapidement pour que j'aie le temps de m'y attarder. Ne reste que l'impression qu'un gouffre vient de s'ouvrir sous moi et je vacille, prise d'un vertige.
Si je n'avais pas été assise, je serais sans doute tombée, mais ça n'a pas d'importance sur le moment. La douleur, la peur sont d'une telle force que je sais pas comment gérer ça et j'ouvre la bouche pour essayer désespérément de me souvenir comment respirer.

Je sens une larme couler le long de ma joue, mais je l'essuie bien vite, refoulant les sanglots qui menacent. Je sais que mes larmes n'ont qu'un effet négatif sur eux, j'ai le sentiment que ça les déchaîne encore plus.
Pourquoi ?....Où ?

Je sursaute au son de ma propre voix, presque surprise d'arriver à parler tellement ma gorge est serrée. Pourtant, maintenant que les mots sont sortis, j'ai besoin de savoir, à supposer qu'il veuille bien me répondre.
Je me répète, insiste en essayant de me montrer plus claire.
Où est-ce qu'ils l'ont emmenée ?

Ma voix est à peine un murmure, mais je dois savoir. Pourquoi, je n'en sais rien, j'ai bien conscience d'être incapable d'aller la sauver. Mais peut-être que connaître l'endroit où elle est détenue me fera sentir plus proche d'elle ? Que ça me donnera l'impression que notre lien n'est pas brisé, qu'on arrivera à se retrouver, un jour...
C'est plus fort que moi, je ne peux m'empêcher d'espérer quelque chose de meilleur.
Les yeux baissés sur mes genoux, j'en suis toujours à me concentrer pour ne pas me mettre à hurler ma douleur et ne réponds à Emmett que d'une voix absente.
Elle travaillait aux urgences.

Mon ton est peut-être un peu trop sec, je ne suis pas sûre. Mais quelque part, j'ai envie qu'il sache quelle erreur il avait commise. Tout au fond de moi, une minuscule petite voix chuchotait que c'était bien fait, que j'espérais qu'il souffre...
La suite me demande un temps de réaction légèrement plus long que la normale, le temps que ses paroles parviennent jusqu'à mon cerveau malgré le maelström d'émotions qui ne me lâche pas.
Je relève la tête pour croiser à nouveau son regard quand le sens de ses propos percute ma conscience, et je suis une fois encore envahie par la contradiction.
Une fille comme moi...qui l'a blessé ? Il veut dire de mon âge ?

Inconsciemment, mes yeux parcourent l'endroit, comme à la recherche d'un objet qui puisse faire usage d'arme. Est-ce que j'ai vraiment une chance d'avoir le dessus sur lui ? Non c'est ridicule...
Le second sens de ses mots et son regard noir, annonciateur du pire, me prend à la gorge. C'est moi. C'est moi qui allait être punie à cause de ce que cette fille avait fait.
C'est en tout cas l'information que m'envoie mon crâne douloureux tellement il est submergé d'émotions contraires, qu'il n'arrive plus à analyser et catégoriser.
Seul l'instinct me pousse à me recroqueviller sur le canapé. S'il n'a pour l'instant pas bougé de sa place, j'ai l'impression que son ombre s'agrandit et qu'elle va me faire disparaître si elle me touche. Encore une fois, j'essaie de me rappeler comment respirer normalement, mais c'est trop. Je dois penser à trop de choses et je n'y arrive plus. Maman, la blessure d'Emmett, ma peur...tout se mélange et cette fois, je n'arrive pas à retenir la nausée qui m'assaille.

Spoiler:

Je me retiens à grand-peine de vomis sur son tapis, anticipant la réaction du chef des Sinners si cela devait arriver. Il prend plaisir à me tourmenter et c'est trop tard pour que je regrette lui avoir donné un nouveau moyen de me persécuter. Je l'écoute débiter ses horreurs sur ma mère et frémit d'effroi lorsqu'il évoque son second.
C'est plus fort que moi et je jette un regard noir et chargé de reproches à Emmett. Je sais très bien ce que Luke a fait à ma mère, j'étais là et il m'a obligé à regarder. Avant de s'en prendre à moi.
L'entendre plaisanter sur le sort de maman, c'en est trop et je parle sans réfléchir.
Ca suffit, taisez-vous !

Comment peut-il ainsi plaisanter sur la vie d'une autre personne ! N'a-t-il donc aucune humanité ? A ce stade, je ne pense pas aux punitions qui risquent de tomber ensuite, je veux juste qu'il comprenne qu'il se trompe, que son point de vue est erronné.
On ne peut pas mentir si aucune question n'est posée.

S'il l'avait demandé, je sais que maman lui aurait dit. Si elle avait su qu'il était blessé, elle aurait d'elle-même proposé de le soigner. Même à Luke, aussi monstrueux soit-il, maman aurait proposé des soins si sa main venait d'être amputée.
La pression redescent et je m'aperçois que je suis me levée, les poings serrés. Je déglutis péniblement et pousse un long soupir, presque douloureux tellement je suis contractée.
Pourquoi vous ne me tuez pas ?

Je veux dire, rapidement et une bonne fois pour toutes. Tout plutôt que cette agonie lente, à petit feu. Ca devient trop insupportable et je suis fatiguée. Fatiguée de sursauter au moindre bruit, de trembler en permanence. On ne leur a fait aucun mal, ni maman ni moi n'avons jamais représenté la moindre menace, alors pourquoi ?
Brusquement, mes jambes n'arrivent plus à supporter le poids de mon corps et je m'effondre au sol, incapable de bouger, de réagir.
Je ne perçois même plus la sensation de mes membres, je ne suis même pas sûre que mon cerveau fonctionne encore. Si je reste là, si je lâche prise complètement, peut-être que le sol va m'engloutir et que je vais disparaître ?
Ca n'a plus réellement d'importance, pas vrai ?

Spoiler:

Emmett bondit vers moi, trop prompt pour que j'aie le temps de réagir. Il faut croire que sa blessure n'est pas importante, finalement. Quelques mots cruels pendant qu'il enserre ma mâchoire dans une poigne brutale puis une gifle qui manque m'envoyer au sol. Il me rattrape aussitôt, tirant violemment sur mes cheveux pour me forcer à rester debout, et je lâche un gémissement douloureux.
Les coups s'enchaînent, trop rapides pour que je puisse éviter le moindre d'entre eux.

La pièce tangue et une espèce de sifflement aigu me vrille les tympans, pendant que le goût métallique et écoeurant du sang envahit ma bouche. Toujours maintenue solidement par Emmett, dont la poigne est la seule chose qui m'empêche de m'écrouler par terre, je profite d'un répit que je devine trop bref. J'essaie de comprendre ce qui se dit tout en essuyant machinalement mon menton, sur lequel je sens quelque chose couler. Du sang, je constate en baissant les yeux sur mes doigts, et je me dis que j'ai dû l'étaler plus qu'autre chose. Il faudra que je pense à me débarbouiller avant le repas, maman n'aime pas...Ah non, c'est vrai, elle n'est plus là.

Pourtant, c'est en entendant parler d'un gamin que mon coeur se serre. L'idée qu'un enfant puisse être détenu ici est trop horrible à envisager, et je me demande quel âge il a. Ou si je peux l'aider. J'essaie de profiter du fait que l'attention du chef de groupe soit détournée pour tenter de me libérer de son emprise, et je fais un pas en arrière, titubant plus qu'autre chose. Un simple coup d'oeil vers l'autre type, qui détourne aussitôt le regard avant de repartir aussi vite qu'il est venu. Je voudrais l'interpeller, le voir rester un moment, juste le temps que le leader des Sinners oublie ma présence, mais je n'ai pas le temps de prononcer le moindre mot que la porte est déjà refermée.
De toute façon, je ne suis pas certaine d'arriver à parler, tellement ma mâchoire me fait mal. Je sens déjà mon oeil gauche gonfler et difficile à garder ouvert. Et maintenant ?

J'apprécie le répit offert par l'intrusion de l'autre homme. Même si l'information qu'il avait à communiquer n'a rien de rassurant, ça a eu le don de faire passer Emmett à autre chose, et je me terre contre le mur, à plusieurs pas de lui.
Mon corps tout entier hurle de douleur et j'essaie de reprendre une respiration normale, maintenant que les coups ont cessé de pleuvoir.

Le silence est reposant et m'offre quelque chose de presque salvateur. Fermant l'oeil qui ne l'est pas déjà, je laisse des images réconfortantes m'envahir, berceau de douces illusions. Des souvenirs heureux avec maman, Francesca ou même papa, tirés d'une époque si lointaine qu'elle me semble imaginaire. Et si tout cela n'avait été qu'un rêve, au final ?
Si mon quotidien était celui-ci, les coups et la terreur, et que j'avais inventé tout le reste ? Créé de toutes pièces une mère aimante, une amitié sincère et une vie où il m'aurait été possible de connaître des moments de partage, de rire et de chaleur humaine ?
Je n'arrive plus à discerner le vrai du faux, le cauchemar de la réalité. Est-ce qu'il y a la moindre parcelle de positif à retirer de tout ça ?

Je sursaute lorsque la porte s'ouvre à nouveau, presque surprise de me voir toujours présente dans cette pièce. L'informateur de tout à l'heure revient accompagné, et je ressens un élan de pitié en voyant le si jeune visage qui vient d'entrer. Déjà amoché mais une lueur de défi dans le regard, quand il pose ses yeux sur Emmett, un cri d'alarme retentit dans ma tête, assourdissant.
Je me surprends à sentir la détente dans mon corps, que je pensais pourtant brisé en milliers de petits morceaux, et je me jette entre l'enfant et Emmett.
Il n'a aucune chance, il ne peut pas le provoquer aussi ouvertement. C'est mon corps qui reçoit le poing destiné à l'homme, mais la douleur est bien moindre que celle qu'y mettait mon bourreau.

Je referme mes bras sur lui en laissant échapper un profond soupir en réaction au coup de poing, et lui murmure à l'oreille.
Non...ne fais pas ça, il te tuerait...
Je ne bronche pas devant l'ordre d'Emmett, essayant de comprendre ce que ça implique. M'en occuper...je serais donc responsable de lui, de ses faits et gestes ?
Je déglutis et baisse la tête. Si je n'y arrive pas...non, je dois tout faire pour le garder en vie et en bonne santé, le plus longtemps possible. Mais pour quoi ou pour qui ? Personne ne viendra nous sauver, et nos chances de nous sauver nous-mêmes sont tellement minces...

Je regarde Emmett avant d'oser prendre la parole tout en restant entre lui et l'enfant par précaution.
Et...Luke ?
Je lutte contre la nausée dans l'attente de la sentence. J'ignore si Emmett sait que son second vient aussi souvent, et j'ignore si la présence du garçon le dissuadera de venir. Ou mes blessures. Et finalement, je suis pas certaine d'avoir envie de le savoir, alors sans attendre, je secoue la tête, comme pour effacer ma question, en retenant un gémissement à ce geste et recule vers la porte, entraînant l'enfant avec moi.

Spoiler: