The Walking Dead RPG

Rapidement congédiés, je fais taire le garçon pour ne pas faire changer Emmett d'avis. Les quelques pas qui mènent à ma geôle, notre geôle, me paraissent interminables et je serre les dents pour essayer d'oublier la douleur à chaque pas.
Laissés seuls une fois attachés, je laisse tomber le masque et me laisse glisser contre le mur, submergée par le désespoir. Je sais que le leader des monstres envisage déjà mille et une idées pour me faire souffrir à travers ce petit garçon, et inversement, mais pour l'heur, je me laisse seulement envahir par la brume qu'engendre mon cerveau épuisé. Les pensées cohérentes et la capacité de réflexion reviendront peut-être plus tard, j'espère...

J'ignore totalement combien de temps s'est écoulé, mais je relève lentement la tête quand l'enfant prend la parole. Je déglutis un peu bruyamment, la gorge sèche et le visage en feu et le regarde d'un air absent. Je ne sais pas quoi lui répondre, mais il faut que je le rassure. Où es-t-on ? En enfer, je crois, mais je peux résolument pas le lui avouer. Ou si ? Est-ce que ce ne serait pas plus cruel de le laisser espérer vainement ? Je décide de faire fi de cette première question.

Ils sont...dangereux.
C'est peu de le dire, mais j'insiste, il faut qu'il comprenne.
Certains vont peut-être venir pour te...
Je me tais, incapable de continuer.

Je suis vraiment...désolée que tu te retrouves là. Ils te frapperont...sûrement. Te défendre...c'est une mauvaise idée, ils feront pire. Ils font toujours pire...
J'ai du mal à parler, mais je me force, c'est nécessaire.
Je te laisserais le matelas, pour dormir. Et la nourriture, je peux m'en passer. Elle aura mauvais goût, mais...il faut manger.
Je crois qu'ils pissent dedans avant de me servir...j'en suis pas sûre, en tout cas le ragoût est vraiment immonde. Mais c'est la seule chose qu'ils apportent.

Tu t'appelles comment ?
Je me creuse la cervelle pour essayer de le distraire. Dire quelque chose qui lui fera oublier, l'espace de quelques minutes, où nous sommes et ce qu'est devenu sa réalité.

Tout le côté gauche de mon visage m'élance affreusement mais je tente l'esquisse d'un sourire. Je sais pas vraiment si c'est juste pour essayer de le rassurer, de l'inciter à se détendre un peu, ou si c'est un vestige de vie sociale. Le genre de comportement qu'on adopte lorsqu'on fait une nouvelle rencontre, et qu'une certaine curiosité impatiente s'éveille en nous à l'idée d'apprendre à connaître quelqu'un.

Mari...ssa.
J'exhale mon prénom dans un souffle plus que je ne le prononce et je suis pas certaine qu'il l'ait bien compris, mais je ne me sens pas la force de répéter.
Je dois littéralement lutter contre moi-même pour rester consciente. Je sais que je ne peux pas m'évanouir et le laisser seul, et j'essaie de penser à autre chose qu'à la douleur. Mes pieds ! Je n'ai pas mal aux pieds et je me concentre sur ce fait pour faire refluer le ressenti du reste de mon système nerveux.

L'oeil posé sur Matéo, je prends le temps de choisir mes mots avec soin avant de lui répondre.
J'étais avec ma mère. Ils nous ont amenées de force ici.
Ce qu'ils veulent, je suis bien en peine de lui répondre mais je sens qui lâchera pas l'affaire.
Ils...nous échangent. Contre ce dont ils ont besoin.
Version un peu édulcorée mais je ne peux pas avouer qu'ils vendent des humains. Ca me terrifie et je n'ose imaginer ce qu'il ressentirait.
Parce que si les Sinners sont violents, cruels et terrifiants, à quoi peut-on s'attendre de gens qui acceptent d'échanger denrées alimentaires ou médicales contre un être humain ? Et qu'arrivent-ils aux vendus, ensuite ? Peut-il y avoir pire que les Sinners ?

Je refoule une nouvelle nausée et adresse un regard désolé à l'enfant, tout en secouant la tête.
Non, je suis désolée...
Je n'ai vu personne d'autre ici. Et le fait que Matéo soit enfermé avec moi, ça signifie qu'on est les deux seuls prisonniers, non ?
Il m'arrive d'entendre des bruits de voix à travers les cloisons, des discussions aux sons étouffés. Mais jamais de cris, de hurlements ou ce qui pourrait ressembler à des supplications. A part les miennes. Sans la connaître, je compatis au sort de cette fille, priant pour qu'elle ait eu une mort rapide. Ou qu'elle ait pu s'enfuir, mais peut-on échapper à ces monstres ?
Nicole...C'est ta soeur ?
Est-ce que je dois lui dire de commencer à faire son deuil ?
Je ferme l'oeil en soupirant, renversant doucement ma tête pour l'appuyer contre le mur auquel je suis adossée.

Encore une fois, un dilemme interne me déchire le coeur. Couper court à tout espoir vain et futile dès maintenant ou le laisser espérer ?
Je ne doute pas que Matéo ait vu des horreurs dont il n'aurait jamais dû avoir conscience. Mais ça...ce qu'il allait vivre au quotidien désormais, aux mains des Sinners...Ca allait être pire que tout. Mais j'ai le sentiment que je serais aussi cruelle que nos bourreaux si c'était moi qui mettait fin à ses espoirs.

Je comprends maintenant pourquoi Emmett m'a 'confié' cet enfant. Il savait que ce serait moi qui ferai face à ses questions, qui devrait y répondre, et quelle torture ce serait. Il n'y a pas réellement de bon choix, pour moi, je le sais bien. Je me contente de lui sourire, du moins j'essaie. J'espère ne pas avoir l'air trop effrayante ainsi, ce n'est pas le but.
J'espère sincèrement que sa soeur a pu s'échapper. Mais jamais son groupe ne pourra le sortir de là. Ils finiront ou tués ou enfermés ici, avec nous. A subir le bon vouloir d'Emmett et de son gang en attendant d'être vendus ou de mourir. Il n'y a pas d'autre alternative, mais je ne peux pas l'avouer à Matéo. Je ferme l'oeil pour ne plus voir cette petite étincelle d'espoir qui brille dans ses yeux, tout comme je feins de ne pas remarquer les larmes qu'il se force à refouler, pour ne pas le heurter.

La suite me coupe le souffle, comme si je venais de recevoir un nouvel uppercut. Maman...est-ce que j'ai une chance de la revoir ? Aucune, je le sais en réalité. J'ignore à qui elle a été vendue, depuis combien de temps et quelle direction a été prise. Et jamais aucun d'eux ne m'avouera la vérité. Cette fois, je n'arrive pas à refouler les larmes et je plaque ma main sur ma bouche pour étouffer les sanglots qui secouent mes épaules. Inutile d'attirer les charognards trop vite.

Lorsque j'arrive à me calmer, je n'ai pas oublié la demande du jeune garçon et je lui réponds enfin, d'un air un peu détaché.
Je ne dirais rien...tu as ma parole.
Mon oeil devient vague, n'arrive pas à se fixer sur quelque chose de précis. Je sens que mon esprit dérive à nouveau, et je laisse le silence s'installer dans la pièce. Je suis fatiguée mais je n'ose pas m'endormir. Il faut que je sois réactive, si quelqu'un arrive...la seule pensée cohérente qui tourne en boucle dans ma tête tient en deux mots : protéger Matéo.