The Walking Dead RPG

La seule chose positive qui se dessine quand on vient me chercher, c'est que ça me permet de marcher un peu. J'ai l'impression stupide que je peux prendre l'air, comme si j'étais restée en apnée pendant des heures, même si c'est techniquement impossible. J'ai toujours ce moment de terreur lorsque s'ouvre la porte sans savoir qui va la franchir et pourquoi. C'est piégeux, parce que c'est généralement le même visage qui apparaît, que ce soit pour me faire du mal ou pour me sortir de là. Luke. Celui qui me menace toujours de me découper les paupières, de m'arracher les yeux ou de tout ce qui lui passe par la tête.
Quand il entre, je retiens mon souffle dans l'attente de son bon vouloir, mais aujourd'hui, il me détache. Je me permets un bref soupir de soulagement mais il l'entend, et un sourire pervers étend ses lèvres. La journée est loin d'être finie, je sais qu'il pourra revenir plus tard.

Comme à chaque fois que je le peux, mes yeux scrutent les lieux pendant que j'avance à ses côtés, maintenue fermement par le bras. Je cherche ma mère, j'essaie de l'apercevoir, de l'entendre, quoi que ce soit. Le moindre souffle m'amenant son parfum rassurant, pour me dire qu'elle est toujours là, quelque part. J'ai cessé de demander où elle était, cette question restait sans réponses et énervait Luke. J'en suis venue à redouter ses représailles et je n'ose plus l'interroger. Encore une fois, rien ne me permet de savoir si maman va bien, si elle est toujours là, quelque part et mon coeur se serre.
Arrivée dans le bureau d'Emmett, Luke me relâche et le chef m'accorde à peine un regard en me montrant de la main de la main où m'asseoir. Je m'exécute et le silence s'installe. Si je suis ignorée par l'un, l'autre ne me lâche pas du regard et je fais ce que je peux pour ne pas croiser ses yeux. A la place, je laisse vaguement errer les miens quelques secondes, avant de me fixer à la contemplation d'une plante en pot, en train de mourir d'après le jaunissement des feuilles. Je me demande si je suis en train de jaunir, moi aussi, mais je n'ai pas de miroir pour m'en assurer.
De la pièce d'à côté, j'entends quelques voix indistinctes, uniquement masculines. J'ai perdu le compte des heures et des jours, mais je n'arrive toujours pas à décider s'il est préférable pour moi d'être dans ce bureau, à attendre je ne sais pas quoi ou de rester seule dans la pièce où ils m'enferment. Je suis pas certaine que ces moments passés assise dans un coin du bureau soient des moments de détente. Je n'ose pas bouger et j'ose à peine respirer, mes muscles sont crispés et douloureux à attendre je ne sais quoi. J'ai vite compris que la situation pouvait dégénérer à n'importe quel moment, d'un simple battement de cils.

D'un coup, Emmett attrape quelque chose et me le lance, m'accordant un bref et sec Mange ! tandis que j'entends Luke s'esclaffer tout bas. A mes pieds, c'est un os qui a atterri. Il n'y a quasiment plus rien à y ronger, mais je sais que je ne peux pas refuser, ni ignorer cet ordre. Docilement, je me penche et l'attrape avant de le porter à ma bouche, faisant mine de manger. J'en profite pour souffler doucement sur mes doigts, pour essayer de les réchauffer un peu.
Je sursaute quand sa voix claque dans la pièce Assieds-toi là, j'ai dit ! et je change aussitôt de place, me décalant d'à peine un centimètre sur le canapé, juste pour lui obéir. Si certains jours, il me fait venir juste pour jouer les potiches pendant quelques heures, il ne semble pas aujourd'hui de très bonne humeur et j'appréhende la suite.

Spoiler:

Dès que j'ai changé de place pour que ça lui convienne mieux, Emmett demande à Luke de partir et mon soupir de soulagement est couvert par celui, agacé et contrit, de mon geôlier. Pendant que la porte se referme, j'en profite pour déposer aussi discrètement que je le peux l'os à côté de moi, n'osant toujours pas prendre la parole.
Un soupir qui, chose rare, n'est pour une fois pas exhalé de ma bouche me fait relever les yeux, avisant le maître des lieux. Il semble brusquement épuisé et pâle, une main pressée contre son flanc. Ses tempes se recouvrent de sueur assez rapidement et sa souffrance me semble évidente, bien que brutale.

Je fronce les sourcils et cherche à comprendre. Un nouveau jeu ou test de sa part ? Non, il ne semble vraiment pas simuler son état, même si apparemment, il faisait semblant de donner le change devant son second. Je déglutis à cette pensée, et mon cerveau percute. Si Emmett est blessé ou malade, s'il meurt...J'écrase de moi-même sans pitié la minuscule lueur d'espoir qui naît en moi. Aucune chance que je puisse en tirer le moindre profit. Je ne connais pas la configuration exacte des lieux, ni le nombre de personnes présentes. Je perdrais du temps à chercher maman et à supposer que j'aie de la chance et qu'on arrive dehors, on perdrait immanquablement un temps précieux à essayer de nous repérer pour savoir quelle direction prendre.

Pire même, s'il arrive quelque chose à Emmett, Luke prendra sa place. A cette pensée, je n'ai que le temps de serrer les mâchoires de toutes mes forces pour contenir la nausée qui m'envahit et remonte, acide, le long de mon oesophage. La refouler me fait monter les larmes aux yeux, et je suis obligée de les refouler également, au plus vite.
Et puis...maman m'a tellement parlé de son serment de médecin, et je l'aide depuis si longtemps déjà...
Je ne sais pas vraiment ce qu'il a, mais ma conscience m'empêche de ne pas réagir.

Je...Vous êtes malade...ou blessé ?
Je me crispe aussitôt, attentive à sa réaction. Comment va-t'il prendre le fait que j'essaie de l'aider ? Tout ça n'est peut-être qu'un simulacre de jeu malsain, comme ils en ont l'habitude et par réflexe, je regarde la porte, m'attendant à la voir s'ouvrir pour que surgisse à nouveau Luke, prêt à me faire payer mon erreur.
J'exhale un long soupir en la voyant rester close et mes yeux se portent à nouveau vers Emmett. Je ne suis pas certaine de pouvoir l'aider, et par dessus tout, je crains les conséquences d'un mauvais diagnostic de ma part. Est-ce que je peux transformer cette aide en chance ?
Maman...Ma mère est médecin, elle peut s'occuper de vous...
Si elle est là. Je ne me rends pas compte que mes mains se sont collées l'une à l'autre, comme jointes en une prière muette. Elle est encore là, et je vais pouvoir la revoir...cette phrase tourne en boucle, se cogne aux parois de mon cerveau et rebondit dans tous les sens. J'en tremble d'anticipation, connaissant les deux issues possibles à cette audace. La punition ou la récompense.

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Je sursaute violemment lorsque sa réplique, cinglante, fuse dans le silence de la pièce. C'était à quitte ou double je le savais, et je me dis que sa réaction aurait pu être pire. C'est peut-être le signe qu'il souffre vraiment, s'il a préféré me rabrouer aussi sèchement plutôt que de se lever pour me frapper. Mais ma question l'a contrarié, c'est visible dans l'éclat de son regard et je songe avec angoisse qu'il y avait peu de chances qu'il apprécie qu'une de ses prisonnières remarque son état de faiblesse. Je déglutis difficilement en constatant que je viens certainement de commettre une grosse erreur, incapable d'empêcher mon cerveau d'imaginer quelle sanction me sera infligée pour ça.

Je secoue la tête en priant silencieusement qu'il ne rappelle pas Luke, ni même quelqu'un d'autre. Il n'est pas plus tendre que son bras droit, je ne me leurre pas, mais j'ai inconsciemment classé ces hommes selon leur degré de perversité et à mon sens, Luke l'emporte haut la main.
Incongrue sur le moment, la pensée m'effleure que je dois être ici depuis bien plus longtemps que je l'imagine, pour avoir compris que parmi tous ces monstres, certains sont pires que d'autres. Je porte une main à mon visage juste pour m'assurer que j'ai pas de rides, mais je n'ai pas le temps de m'en assurer qu'il reprend la parole, acerbe.

J'ai un hoquet de stupeur en entendant ses mots et mes yeux restent fixés sur lui, écarquillés d'horreur et d'incompréhension. Non, c'était impossible ! Haletante, je me force à réfléchir, à l'observer, à deviner ce qui se cache derrière sa souffrance. La vérité ou un mensonge ?
Je discerne un éclat dans son regard, que je ne sais pas vraiment interpréter, mais je suis convaincue qu'il ment. Ou je l'espère très fort, j'arrive plus à faire la différence.
C'est faux.

J'y mets toute mon assurance, sûre de moi. Ou peut-être tout simplement que je cherche à m'en convaincre, que je me suis trompée en pensant déceler un signe de duplicité en lui. Après tout, cet homme est habitué à faire souffrir les gens, et pas uniquement d'un point de vue physique. Pourtant, j'ai cru comprendre qu'il vendaient leurs prisonniers, ils me l'ont dit, à plusieurs reprises.
Non, mon crâne va exploser si je continue à essayer de démêler le vrai du faux. Je dois me concentrer sur le moment présent, que ce soit un cauchemar ou non.

Elle vous soignera, si vous avez besoin.
De ça au moins, je suis sûre. A supposer qu'ils aient du matériel médical et des médicaments, mais ça nous laisserait au moins un répit, à maman et moi, s'il envoie ses hommes chercher ce qu'il faut.
C'est...une blessure ?

Je ne sais pas pourquoi j'insiste autant, il n'est pas homme à apprécier avoir une dette, ni même à avoir pour habitude de les honorer. Pire, mon insistance risque de vraiment le mettre en colère. Mais il faut croire que ma mère a déteint sur moi, je suis incapable de rester sans réagir face à une personne en souffrance, même si je ne suis pas sûre d'en savoir assez pour agir seule.

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