Cela fait des semaines qu'il n'adresse quasiment pas la parole à la blonde. Depuis qu'elle tenté d'avorter. Orion a bien vu qu'elle avait essayé à plusieurs reprises de dialoguer avec lui, mais le brun prenait à chaque fois la poudre d'escampette. Un grand courageux. Il avait en réalité seulement ce besoin vital de se retrouver seul, d'être seul, de réfléchir. Réfléchir à son futur, à leur futur. ESt-ce qu'il pouvait en avoir un avec la jeune femme après cela ? Est-ce qu'il pourrait supporter une nouvelle tentative d'avortement, une nouvelle fausse couche de sa part ? Au début, quand elle lui avait annoncé sa grossesse il avait parfaitement saisit son embarras, sa surprise. Il l'avait senti perdue. Alors Orion l'avait rassuré, s'était montré présent, protecteur. Mais jamais il n'aurait pensé qu'elle puisse faire ce qu'elle a fait. Et c'est bien à cause du cintre que leur "bébé" n'a pas tenu le choc. C'est de sa faute.
C'est de sa faute. C'est exactement ce que lui répète cette voix dans sa tête, sûrement sa conscience. Johanna l'a trahi, il a donné de lui-même, de son adn, et pour quoi ? Pour que tout capote ? Pour que leur futur soit réduit au rien du tout ? Orion lui en veut, il s'en veut aussi de ne pas avoir su prédire l'acte, de pas avoir pu agir quand elle a fait la fausse couche, quand elle a perdu leur bébé. Le jeune homme s'en veut, mais le vit vraiment mal. Il erre dans Gig Harbor, il aide le plus possible, puis il erre à nouveau. Le regard vide. Est-ce encore un éternel recommencement ? Est-ce que tout le monde va le détruire ainsi ? Le trahir ? Prendre de lui et le déchiqueter ? En tout cas il n'a signé aucun contrat pour cela.
Depuis l'épisode du cintre il ne dort plus non plus avec Johanna. Il a peur de ce qu'elle pourrait faire, ou lui dire. Il a peur de ce que lui aussi pourrait faire ou dire. ESt-ce qu'il est dans une relation toxique ? Pff... Imbécile ! Quelle relation ? Entre eux rien n'a jamais été réellement dit, prononcé. Juste des actes parce que le métisse tient à la blonde, qu'il ne supporte pas l'idée qu'elle aille mal. Et pourtant c'est bien lui qui lui impose sa souffrance et cette distance.
Aujourd'hui encore il aide des enfants à fabriquer des dentifrices et des petites brosses à dents avec des fils de nylon. Il fait comme il peut. L'atelier touche à sa fin, et devant la porte de la cellule il la voit elle. Orion détourne rapidement le regard, il se met à ranger, espérant que cela la dissuade. En vain. Joe est toujours là, il soupire faiblement. "Tu as besoin de quelque chose ?" Sont les seuls mots qu'il parvient à prononcer.
I feel like in a dangerous game, ...
I knew I couldn't get out of it, but I got caught again
Que tu me parles, rétorque-t-elle en réponse à la question - terriblement insolente - d'Orion. Johanna le fixe. S'avance. En refermant la grille derrière elle pour l'empêcher de s'échapper - encore. Ils sont tous les deux désormais, tous les deux à devoir discuter pour de bon cette fois, alors que l'homme semble tout faire pour l'éviter depuis... Bien avant sa fausse couche. Pas faute de ressentir encore la douleur oppressante des contractions, ou de s'être excusé, d'avoir essayé de s'expliquer aussi. Orion semble sourd à ce qu'elle a à lui dire, et à dire vrai... Elle s'en sent blessée.
D'autant plus qu'elle aimerait vraiment qu'il la comprenne. Elle aimerait vraiment qu'il sache qu'elle regrette cette perte, autant que lui. Peut-être que sur ce dernier mois, après ce passage si serein à Telve, Johanna a retrouvé une forme de tranquillité, même dans la tempête de ses pensées et des hormones qui s'y sont mêlées. Peut-être qu'elle a vraiment cru pouvoir trouver une raison de se battre. Mais le destin, dans son combat acharné pour la briser, lui a pris la dernière chose qui aurait pu, qui aurait du... La sauver d'elle-même. L'espace d'une seconde, Joe en était à comprendre l'émotion de Selene, cette volonté de... S'accrocher.
Maintenant ? Sans Mary-Abigail, qui est toujours là avec elle, Johanna se sent quand même désespérément seule. Abandonnée d'un allié qui devrait pourtant être à ses côtés, et qui trouve mieux de la bouder. Que tu arrêtes de me fuir constamment, ajoute-t-elle alors d'un timbre vibrant d'une émotion vive, coupable. J'ai fait une fausse-couche, Orion, rappelle-t-elle. Sa gorge semble étrangler sa voix, enrouée. Elle en est autant amère que lui, autant parce qu'elle aurait aussi préféré vivre ça avec son soutien. Peut-être parce qu'elle imagine, à tort, que ça lui aurait fait un peu moins mal. Et tu...
Quoi ? Que peut-elle dire de plus ? Elle inspire profondément, tentant, comme elle le peut, de garder ce semblant de raison qui la maintient consciente. C'est intraitable : elle s'oblige à organiser ses émotions. Elle s'oblige à conserver la tête froide. Mais en réalité, elle n'a jamais rien vécu d'aussi compliqué que ça depuis longtemps. Tu ne me regardes même plus dans les yeux, voilà. Elle a besoin qu'il lui parle. Qu'il lui dise les choses. Qu'il ne veut plus la voir. Qu'il ne l'aime plus, même pas un tout petit peu. Qu'il ne la désire plus. Qu'il lui en veut. Elle a besoin d'entendre les faits et d'avancer. Pas de vivre avec un autre fantôme. Elle en a suffisamment dans son crâne.
si le soleil se lève sur les autres
On a dévalé la pente en moins d'deux, on a fait comme si on savait pas. On a évité les regards ambigus, on a fait comme si on pouvait pas. On a dessiné la zone, évité les roses, repoussé la faune, compliqué les choses. Mais maudit ami, je veux plus : Danser ce slow avec toi
Qu'il lui parle, tient donc, maintenant c'est à lui d'apporter une explication à son comportement ? Elle ne l'a pas compris ? Elle n'a pas saisit qu'il était blessé, profondément blessé. Peut-être que ce bébé qu'ils avaient commencé à concevoir ensemble lui aurait permis d'être une bonne personne, d'être meilleur, d'être bienveillant comme son père. Peut-être qu'il aurait choisit de s'occuper d'eux deux au lieu d'avoir en tête cette envie de connaître le destin de sa mère, de voir si 26 ans plus tard il avait un frère ou une soeur, si Hanz était encore en vie. Cette envie de lui envoyer une baigne bien placée. Peut-être qu'il aurait pu sortir tout cela de sa tête, ce sentiment de trahison puissante. En vain. La vie est une pute. Une sacrée salope. Elle a ce malin plaisir à faire souffrir ceux qui semblent moins le mériter.
Orion ne dit rien, reste muet, continue son rangement jusqu'à se raidir un peu quand il entend la porte de la cellule se refermer. Le grand brun retient un soupire d'agacement, mais c'est un soupir las qui sort d'entre ses lèvres. Johanna est encore là, devant la porte. Il ne peut donc pas la fuir encore fois, ni éternellement. Il va devoir lui faire face; et les dernières fois où il a fait ça, ça c'est souvent mal terminé pour lui. Orion se sent frustré.
Plus encore quand elle précise encore une fois qu'elle a fait une fausse couche. Bordel il le sait ! Bien sûr qu'il le sait ! Est-ce de sa faute ? Aucune idée. Est-ce qu'il est coupable d'un acte ayant entraîné cela ? Aucune idée. Mais ses mâchoires se serrent, se crispent, ses doigts aussi autour des petits morceaux de bois taillés. Il les serre, espérant qu'une écharde entre dans ses doigts ou sa paume de main, juste pour le faire penser à autre chose qu'à la culpabilité grandissante. Cependant Joe continue, elle a bien vu oui, il ne la regarde plus dans les yeux. Il en est incapable. A quoi bon ? Il finirait par éclater en sanglots, par laisser sa colère et sa rage exploser, il finirait par la blesser plus encore. Oui, pour la protéger de lui, de ses mots qui pourraient dépasser ses propres pensées il ne la regarde plus, ne lui fait plus face dignement, il la fuit. Il n'est pas grand ET courageux. Non, il est juste grand. Grand ET peureux.
Il pince ses lèvres l'une contre l'autre, pose les morceaux de bois, inspire profondément, ouvre la bouche pour espérer parvenir à lui parler un temps soit peu. "Tu veux que je te parle de quoi ? De ta fausse-couche ? Du moment où inconsciemment tu as voulu avorter ? Que c'était aussi mon bébé ? Que j'avais envie de le voir naître et pas assister à un putain de bain de sang en deux épisodes. Que je peux plus te regarder parce que j'ai peur de revoir le sang de ce jour là dans la salle de bain ? Que j'ai peur de ta colère parce que j'étais pas là quand tu as perdu notre bébé. C'est ça que tu veux que je te dise ? Que tu veux entendre ?" Il se tait aussi soudainement qu'il a parlé, souffle, comme si cette tirade lui avait demandé une effort surhumain. En quelques sortes oui. L'asiatique, baisse alors les yeux, à nouveau incapable de la regarder et souffle. "J'ai peur de te toucher, que tu me refuses parce que... " Parce que quoi ? Parce qu'il aurait l'impression qu'elle ne veut plus de lui, que la tentative d'avortement, la fausse-couche c'est parce qu'il a donné de lui, que le corps de Johanna n'en veut pas. Son corps ne le veut pas. Putain que c'est douloureux de penser ça. Il a envie de fondre en larme, la honte, elle trouverait le moyen de lui dire que c'est un imbécile à pleurer, que c'est elle qui compte, et Joe aurait parfaitement raison. Mais il a envie d'être égoïste, juste pour se protéger encore un peu.
I feel like in a dangerous game, ...
I knew I couldn't get out of it, but I got caught again
Johanna se sent mal. Mal de devoir en venir là. Mal de devoir arracher des mots à son complice. Mal de l'avoir blessée et de ne pas parvenir à se faire pardonner ce qu'elle lui a fait. Elle baisse le regard, l'écouter lui tord le ventre d'une douleur toujours moindre après la fausse couche. Cependant, elle ne se fait pas d'illusion : ça reste un sentiment horrible, ça reste pénible de l'entendre dire toutes ces choses, et de recevoir ça comme un couteau de poignard. Tu es injuste... soupire-t-elle alors tout bas, en sentant les larmes lui monter aux yeux. Il ne doit même pas réaliser à quel point il l'est !
Je ne me souviens même plus de mes gestes, je ne sais même pas pourquoi j'ai fait ça, ça n'était pas moi ! Se défend-t-elle comme elle le peut : Je ne voulais pas- Elle ravale ses mots. A quoi est-ce que ça sert de toute façon ? Qu'est-ce qu'il en a à faire ? Il a déjà décidé qu'elle était coupable, non ? Je suis malade, Orion ! S'exclame-t-elle, d'un ton ferme, presque un grognement furieux à son égard. Elle lui en veut parce qu'il ne prend pas ça en considération. Ce n'est pas une excuse : c'est ce qu'elle est. Une malade ! Il ne le découvre pas aujourd'hui, pourtant !
Je suis malade, et tu le sais, depuis longtemps maintenant ! Tu sais que je suis folle, et je fais des choses complètement dingues que je ne maitrise pas parce que ça ne tourne pas rond dans ma tête ! Lui rappelle-t-elle. Dans ses brefs moments de calme et de lucidité, Johanna n'est pas comme ça. Oui, elle vrille. Les hormones ne l'aident pas du tout à garder pied, et il n'y a rien de surprenant là-dedans. C'est une lutte constante contre elle-même qu'elle doit amorcer, depuis des mois, des années déjà ! Tu crois que je n'en souffre pas aussi ? J'ai eu peur de lui avoir fait du mal, et plus encore...
Elle soupire, baisse la tête, les épaules. Elle retient un sanglot douloureux. C'était horrible de le perdre ! Et d'être seule pour ça. Sans ces femmes autour d'elle, Johanna sait qu'elle aurait été totalement démolie. Elle sait qu'elle n'aurait eu plus qu'à se faire sauter le crâne. Encore maintenant, elle se sent abandonnée : de lui. Et malgré ça, tout ce que je veux, c'est que tu me pardonnes, tu comprends ? Lui demande-t-elle d'une petite voix enrouée. Alors, quoi ? Parce que quoi ? Insiste-t-elle. Elle a besoin de savoir, maintenant. Et surtout, elle a besoin qu'il soit là, avec elle.
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On a dévalé la pente en moins d'deux, on a fait comme si on savait pas. On a évité les regards ambigus, on a fait comme si on pouvait pas. On a dessiné la zone, évité les roses, repoussé la faune, compliqué les choses. Mais maudit ami, je veux plus : Danser ce slow avec toi
Il l'entend, ces quelques mots, injuste. Il a envie de rire. Injuste ? Vraiment ? Parce que malgré tout il la tient aussi responsable que lui de cette situation dans laquelle ils sont ? Et cela c'est être injuste ? Bordel de merde, ça le met en colère. Ce qu'il n'aime pas c'est l'injustice, et elle est plus ou en moins en train de lui en faire vivre une, et inversement. Orion n'est pas tout blanc, il en a parfaitement conscience. Il a ses torts, il a merdé, il le sait bien. Mais son esprit est encore trop embrouillé, son coeur souffre encore beaucoup trop. Il ne cesse de ruminer ces derniers mois compliqués.
Il la regarde à nouveau quand elle s'explique. C'est en effet une explication, mais cela n'excuse pas tout. Il le sait oui qu'elle est malade, il le sait oui, depuis longtemps. Il a essayé, il a toujours pris son parti même si elle pouvait être en tort, même s'il devait se faire détester des autres. Orion a justement toujours été du côté de Johanna. Il a aussi prit sur lui lorsque les personnes la connaissent parle d'elle comme la Johanna du Motel, et rien que cela, il n'a jamais dit que ça lui donnait la gerbe, parce que lui la voit autrement. Peut-être que lui aussi est malade, il n'en sait rien.
Un nouveau soupir franchit la barrière de ses lèvres. Puis un frisson d'agacement qu'il ne retient pas. "Arrête de dire que t'es une folle ou que t'es folle ! Arrête de dire ça !" La colère gronde dans le timbre de sa voix, il la regarde cette fois-ci, les yeux pétillant de cette rancoeur profonde. Il ne la déteste pas, au contraire. Et c'est bien cela qui fait qu'il a encore plus de mal à supporter qu'elle se traite ainsi. Suffocant presque autant qu'elle lorsqu'il perçoit l'émotion vive et douloureuse dans sa voix, dans son regard, il déglutit. Putain leur bébé n'a pas vécu et ça les fout dans un état pareil !? Quelle ironie non ? Il écoute néanmoins la jeune femme et serre encore les mâchoires, retient ses larmes.
"C'était horrible de le perdre". Orion doit en effet paraître bien égoïste, il a cru la perdre elle, il a perdu son futur aussi, mais il a eu peur de la perdre elle. ET c'est aussi pour ça qu'il lui en veut en s'en voulant à lui-même. Il est emmêlé dans ses émotions, dans ses réflexions. Il ne parvient pas à sortir de ce noeud géant dans sa tête. "... Te pardonner ? Tu crois pas que j'essaye ? En me raisonnant ? En me disant que t'y es pour rien, mais j'y arrive pas Joe." Le brun sent sa voix trembler à son tour, il déglutit, racle sa gorge pour reprendre contenance. "Quand je te regarde je vois tout ce sang, je vois... Je vois que ton corps me refuse. C'est ça, c'est pourquoi j'ai peur de te toucher, ton corps me rejette, il rejette ce qu'on a essayé de nous offrir." S'offrir un futur, un avenir, quelque chose comme un nouveau départ. Une sorte de réconciliation avec leurs vies passées, leurs traumas.
Orion frappe la petite table en bois avec son poing et souffle lourdement. Il l'a dit, il a dit sa crainte, il a dit ce qu'il ressentait, ce qu'il voyait, certes avec la plus grande maladresse, parce qu'il ne sait pas gérer ce genre de chose, que malgré tout il reste encore immature quand ça l'impacte directement. La gorge encore serrée, le poing encore serré, il pousse une chaise vers elle pour l'inviter à s'asseoir. Il essaye de mettre de l'ordre dans ses pensées, il a besoin de temps alors autant la faire patienter un peu en étant assise. "... Je. J'ai..." Il tente de se lancer, échoue, soupire et ferme les yeux pour ne plus la regarder. Peut-être que les yeux clos lui permettront de pouvoir dire les choses plus facilement. J'ai besoin de te dire des choses, mais je veux le faire les yeux clos, sinon j'y arrive pas."
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Pourquoi ? Ce n'est que la vérité, Orion ! Lui rétorque-t-elle avec autant d'emportement que lui, en secouant la tête. Qu'attend-t-il ? Elle l'admet, elle. Elle le dit, haut et fort. Bien sûr qu'elle est folle. Certes, ça n'est pas le nom scientifique, on pourrait parler de schizophrénie dans ces circonstances, mais qu'est-ce que ça change ? Elle entend des voix, des voix qui lui disent quoi faire, et surtout d'être violente envers les autres ou elle-même. Il n'y a rien de moins timbré que ce qu'elle vit au quotidien, et pourtant, le monde entier est totalement dingue. C'est ce que je suis ! Et tu devrais simplement l'admettre, voilà tout !
Elle ne peut pas s'en cacher de toute façon. Son secret s'évente, ceux qui la connaissent savent très rapidement qu'un truc ne va pas chez elle. Et il faut le dire : c'est évident. Elle soupire avant de secouer la tête, d'autant plus quand Orion atteste qu'il essaie vraiment de lui pardonner, mais qu'il n'y arrive pas. C'est injuste... Marmonne-t-elle en baissant les yeux au sol, honteuse, coupable. Je n'y peux rien, je ne l'ai pas choisi, elle n'a pas demandé à perdre ce bébé en fait, elle n'a rien demandé de tout ce qu'il s'est passé.
Je suis maigre, j'ai des plaies partout, je tombe facilement malade... A-t-elle besoin d'énumérer ce qui est son quotidien ? Ce qui les inquiète tous ? Orion l'a déjà vu moins habillé, ses côtes saillantes ne sont pas une vue de l'esprit. Comment veux-tu que mon corps porte la vie ? Même si ça vient de lui, de surcroit. Elle en est incapable, elle ne peut pas lutter contre son esprit malade, et se concentrer en même temps sur sa santé corporelle. Ce n'est pas moi, ma tête, et mon cœur, ils savent ce qu'ils veulent, tous les deux ! Être avec lui, le rester. Qu'importe le reste. Mais tout ce qu'elle voit, c'est qu'elle le torture, le fait souffrir. Et c'est horrible.
Elle sursaute à son coup sur le bois de la table, ses yeux suivent la chaise. Elle ne sait plus quoi faire. D'un revers de la manche, elle essuie ses joues humides en essayant de ne pas décompenser un peu plus ces émotions. Si tu veux, je peux me retourner aussi, ajoute-t-elle en s'installant. Il n'a qu'à le lui dire, elle le fera de toute façon. Même si c'est sans doute beaucoup de précaution pour... Pour la quitter, sans doute. N'est-ce pas tout ce qu'elle mériterait, en fin de compte ?
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On a dévalé la pente en moins d'deux, on a fait comme si on savait pas. On a évité les regards ambigus, on a fait comme si on pouvait pas. On a dessiné la zone, évité les roses, repoussé la faune, compliqué les choses. Mais maudit ami, je veux plus : Danser ce slow avec toi
Non ! Non il ne l'admet pas, car sa vision est toute autre. Il en a assez qu'elle se dise folle, qu'on le lui dise en retour, il en a assez de la voir se complaire dans cette position de folle. Ca le met hors de lui, sûrement à cause de sa sensibilité à la cause. Il vit avec elle, il devrait oui le savoir mais il ne le voit pas ainsi. Joe n'est pas folle, elle est psychiquement malade. C'est là toute la différence. Il le sait bien dans un coin de sa tête que son comportement envers elle ne l'aide pas à aller mieux. Il refuse de lui parler, de la regarder en face. Il se sent fautif et en colère. Il se sent mal et trahit. Il le voulait ce bébé, avec Elle, pas avec une autre, il voulait ce bébé avec Johanna.
Il soupire doucement, toujours aussi frustré et en colère, il essaye de lui pardonner, il essaye d'être le moins blessant possible, mais il le sent, ses mots sont déchirant, coupant colle des lames de rasoirs. Il le sait, ça lui coupe la langue aussi, mais Orion ne parvient pas à les formuler autrement. Il est égoïste, il le sait, il pense à sa propre souffrance sans penser à la sienne, ou bien est-ce le fait de l'avoir vu souffrir qui le met autant en colère ? A vrai dire il ne sait plus. "Je t'ai dit d'arrêter. Tu es malade pas folle ! Folle c'est pas toi !" Il gronde ses mots, comme s'il rejette ceux de la folie. Lui veut voir ça différemment, parce qu'il connait la Johanna bien lunée, calme, qui lui sourit. Et même quand elle déraille à cause des voix il veut la calmer, la rendre sereine. Mais ces derniers temps, il le sait, il a été nul à chier. Alors comment peut-elle encore le considérer ?
Elle n'a rien demandé... De manière lointaine il s'en doute, mais il se sent trahit par cette perte soudaine. Ce bébé... C'était devenu important pour lui. Aujourd'hui il a la sensation qu'une moissonneuse-batteuse lui a roulé dessus. Il déglutit, ne la regarde pas suite à son monologue agacé, encore moins quand il frappe le bois de la table. Du coin de l'oeil il l'a bien vu réagir, et être brutal ne lui ressemble guère, sauf quand il est touché en plein coeur. A cet instant c'est le cas. "Ton corps je le connais. J'ai essayé d'en prendre soin... De ta tête aussi. " Grogne encore Orion dans la pièce. Son corps, même s'il est maigre, même s'il voit ses côtes, même s'il sent ses hanches sous ses doigts... Il l'aime. Il aime ses formes légères. Il aime voir ses cheveux long tomber sur son dos, ses épaules et sa poitrine. Il se fiche de ses os saillants, ça n'est pas le plus important. Il manque de rougir à certains souvenirs. Les mots de sa blonde le ramènent rapidement à la réalité. "Ca aurait pu Joe. On aurait pu éviter ça ! De le perdre... Et... Et je sais même pas si c'était une fille ou un garçon." Il murmure sa phrase, plus pour lui-même que pour elle.
Bien trop figé sur son ressenti, il ne saisit pas forcément la portée des mots de son amante, sur ce que veulent sa tête et son coeur. Il est déjà en pleine réflexion pour sa nouvelle tirade. Il ne se la jouera pas Cyrano ni Don Juan. Orion n'en a pas le talent, mais il secoue la tête quand elle propose de lui tourner le dos. "Non, juste assieds toi et écoute moi." Il a déjà les jambes en coton, le plus âgé la regarde s'installer sur la chaise. La sensation que sa cage thoracique se fait écraser est des plus présente, mais il est sûrement arrivé au moment où il ne peut plus rien cacher. Où il doit lui dire, lui dire parce que ça le ronge, parce que malgré tout, malgré ses blessures, sa rancoeur, cette sorte de trahison, le fait qu'il ne parvient à lui pardonner il le voudrait; il ne pense qu'à elle.
L'ancien hygiéniste inspire un grande goulée d'air, il en a besoin. Il ferme les yeux, il l'a vue essuyer ses larmes, et ça lui serre encore plus le coeur. C'est aussi de sa faute. Il racle un peu sa gorge, il est temps. "Je veux te pardonner, sincèrement, je veux te regarder à nouveau, je veux que tu sois heureuse, que tu puisses calmer tes angoisses, tes démons à mes côtés.... Je vais pas faire original mais j'ai appris par coeur un extrait de Victor Hugo pour te dire ça..." Ce qui va suivre. Il l'a lu et relu, il s'est rendu compte que les mots de l'écrivain étaient justes. Alors il inspire puis commence à citer l'Homme. "J'ai envie de te tenir, te parler, t'entourer de mes bras, te couvrir et te brûler de mes caresses. Te voir pâlir et rougir sous mes baisers, te sentir frissonner dans mes embrasements, c'est la vie, la vie pleine, entière, vraie, c'est le rayon de soleil, c'est le rayon du paradis ! Ô mon ange, que tu es belle, viens que ma bouche pose et cueille sur la tienne ce mot qui est le plus doux des baisers : Je t'aime !" Il l'a dit, il sent ses joues chauffer, ses oreilles s'enflammer, tout son visage brûler. Il n'ose même pas ouvrir les yeux parce qu'il a peur. Peur qu'elle se moque, qu'elle lui hurle dessus, qu'elle le trouve stupide de changer d'attitude après ce qu'il lui a dit avant. Elle pourrait, Johanna en serait de plein droit. Lui aussi ne doit pas aller très rond dans sa tête, mais il n'y peut rien, il fallait le dire. Le dire car ça le bouffe de plus encore de ne pas savoir, de ne pas mettre de mot clair sur leur relation.
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