j'ai beaucoup de regrets que tu n'aies pas une tenue de matelot, que je lui souffle en me faisant congédier, sans remarquer son sérieux passager. Moi, j'ai l'œillade pétillante, je suis un peu trop en train de m'amuser et pour tout dire, si je ne m'éclipse pas, je risque vraiment de me faire mal. Et en même temps, c'est plus judicieux pour éviter de me faire sauter les points, je pense, que j'ajoute, avec la même risette de circonstances, avant de soupirer. Je peux gagner la cabine, me mettre au chaud à défaut.
Puis quand nous nous retrouvons tous les deux, où je me suis autorisée une heure d'un sommeil presque réparateur, je retrouve finalement Sebastian dehors : Je devrais pouvoir me rendre utile, je me rapproche et si pour l'instant, il n'a pas besoin de trop manoeuvrer, je me glisse contre lui, notamment en ouvrant son manteau pour m'y faire une place. Voilà qui m'évite au passage d'avoir à forcer ma posture pour me tenir trop droite, et donc à me fatiguer un peu trop vite. Je lui offre un sourire en le scrutant.
J'espère que les autres seront là, que j'ajoute simplement en haussant les épaules. De préférence avec des armes, autant ne pas s'en cacher de trop. Je pince les lèvres, je sais que nous avons investi beaucoup de notre temps et de nous-même dans ce que nous avons pris pour une mission. Ne pas pouvoir la finaliser par nos propres moyens est une petite amertume de mon côté. Mais je me satisfais déjà du fait que le groupe ne soit plus vraiment un problème. Je crois que je serais vraiment contrariée qu'ils reviennent tous sans rien après tout ça...
Et quand on est une cocotte-minute qui souffre en plus d'être pleine d'hormones, j'imagine que me contrarier à quelques implications... Dangereuses. Quand tu les as vu la dernière fois, ils s'en sortaient comment ? Que je lui demande finalement en posant un regard sérieux sur lui. Je n'ai pas pu les voir depuis un moment, aucun d'entre eux. J'espère encore qu'Otis va bien, j'ai eu très peu pour lui, et la mention de l'adoration des deux jumeaux pour lui m'a au moins consolé sur sa survie. Mais à quel prix ?
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« Je ne suis pas certain qu’il y ait ma taille au rayon matelot, mais peut être plus celui des capitaines. Je jetterais un œil a l’occasion. »
Ces quelques mots sont bien loin alors que nous voguons vers la marina ou nous devons récupérer les autres, en espérant qu’il y ait au moins eux a récupérer. Je rends son sourire a Olivia tout en, lui facilitant la tache pour venir se glisser dans mon manteau. Je trouve sa façon de s’assurer que sois en bonne compagnie plus que très plaisante.
« J’avoue que j’en serais presque a espérer qu’ils soient en retard pour profiter un peu plus… »
Parce que dès qu’ils seront en vue, nous ne pourrons plus nous permettre ce genre de geste, nous ne dormirons plus ensemble et je sais d’avance que cela va être une torture. J’ai du mal a ne pas laisser échapper un soupire quand elle me fait part de ses craintes qu’ils ratent leur mission.
« Je t’avoue que je serais plus que contrarié pour ma part, même si je dois m’en charger seul, nous ne repartirons pas sans ces armes, on a payé beaucoup trop cher pour cela. »
Une de mes mains quitte la barre pour la serrer doucement contre moi. Je me refuse a toucher son ventre, conscient que c’est de genre de geste qui va mettre encore plus de pression et d’enjeux si la fausse couche se déclenche. Même si je suis surpris que pour le moment tout semble bien se passer, je reste de nature pragmatique et je ne préfère ne pas me mentir. On ne pourra pas être sur avant plusieurs jours et il faudra attendre une échographie pour lever les derniers doutes si le bébé tient jusque-là. Je fais une petite grimace qui en dira surement que des mots quand elle me demande comment les autres s’en sortait quand je les ai vu la dernière fois.
« Ma foi, ils étaient la parfaite illustration qu’un plan mal cadré est un plan mal barré. »
Dan allait tuer Jon, Maes aurait surement suivi quant a Lex et Camilla, je pense qu’elles n’auraient pas eu cette chance. J’essaye de tenir moralement avec cette quasi-certitude que si j’étais resté au camp, un drame aurait surement eu lieu a la marina.
« De toi a a moi, je ne compte plus repartir en mission avec ces personnes sans un minimum de préparations. »
Les Exilés ne m’avaient pas fait forte impression dans cette impatiente a partir dans une quêtes bancales, sans aucune certitudes des enjeux. On avait bien assez d’ennemis a gérer et je pense lever les yeux au ciel si une seule personne me parle de mission menée au nom de la moralité ou je ne sais quelles fadaises hypocrites.
« Je sais que c’est beaucoup trop tôt, mais j’ai comme dans l’idée que dès que nous aurons retrouvés « les zozos » nous n’aurons plus de moment au calme tous les deux avant un certain temps. Même si on s’est comporter comme des ados, il faut aussi que l’on regarde les choses en face : nous avons un bébé qui a, pour le moment, survécu et pour lequel nous allons devoir réfléchir. »
Ce n’est pas a elle que je vais expliquer le poids que représente un enfant, en terme de responsabilités, de ressources, de temps et d’investissements émotionnels. Je pense qu’elle a déjà compris que je n’étais pas un Ludwig comme j’ai autant entendu que vue qu’elle n’a pas une vision de la maternité conforme à la mienne. Je prends un peu de temps avant de me lancer, le visage grave :
« Je pensais tout ce que je t’ai dit. Cette décision te revient et je te soutiendrais du mieux que je le peux quelque soit tes choix, de la même façon ca ne remets pas en cause les sentiments que j’ai pour toi ou mes envies que nous fassions encore beaucoup de route ensemble. Maintenant, j’ai besoin de partager avec toi mes réflexions. J’ai peur que ce bébé arrive bien trop tot dans notre couple, que je ne supporte pas de te voir risquer ta vie avec un accouchement comme tu en as déjà eu. De la même façon, je ne suis pas sûr que tu saches bien vivre les contraintes d’une grossesse a risques. C’est possible que tout cela me fasse un peu peur, ça … et la suite. Tu m’as confié ne pas t’épanouir dans un rôle de maman et je préfère être honnête sur mes prérequis pour être père… Tu en penses quoi toi ? Est-ce que tu penses que tu as envie de vivre cette grossesse avec tout ce qui risque d’y être lié, je ne parle pas que de ta santé, mais aussi de notre sécurité. Tu arrives a te projeter en nous imaginant parent ? »
Il n’y a aucun jugement ou reproche dans ma façon d’exposer ce qui relève autant du bon sens que de craintes légitimes. Si je veux être liée a cette femme, je ne veux pas que cela soit dans la contrainte d’un enfant qui obligera forcément un de nous, si ce n’est les deux, a y consacrer un temps colossale et revoir tout sa façon de survivre. Je nous sais pas prêts a cela et redoute que ca ne précipite nous couple naissant dans un mur a force de concessions. Olivia aime beaucoup trop sa liberté et moi la prudence pour que cela ne deviennent pas rapidement compliqué.
Disons qu'on n'a pas toujours rivaliser de chance, et qu'ils n'ont pas l'air d'être très organisé, après, est-ce que je peux leur jeter la pierre ? Très franchement, je ne dois pas être mieux. Pour autant, Otis a été fiable, que j'analyse rapidement : Axelle aussi, et Maes a le sens de l'observation : Il faut voir leurs qualités aussi, je préfère ne pas en rajouter sur Cesare. Il a de l'imagination, disons. Et il fait des pizzas. Sinon, je le connais assez peu sur tout ça. J'esquisse un sourire, que je perds rapidement quand Sebastian entend néanmoins approcher un sujet pour le moins sensible. Hm ? Est ma première réaction, avant de froncer les sourcils. Oh, que j'ajoute.
Un silence suit, après tout ça, je ne sais pas vraiment quoi lui répondre. Tout comme je ne suis pas capable de définir ce que je ressens. De l'appréhension, je crois. Peut-être... Un fond de peur. Pas de lui. D'autres choses, de difficile à expliquer. Je n'en sais rien, j'ai surtout tenté de ne pas me projeter ces derniers jours pour des raisons évidentes. Je ne veux pas avoir d'attente quelconque au cas où il se passe quelque chose, tout simplement. Même si ça ne parait pas évident pour les autres, et que c'est un exercice extrêmement difficile qui me coûte énormément d'énergie. Tu sais... Je pince les lèvres, sans le regarder. J'ai l'impression qu'il n'y a pas de bonnes réponses ou de bonnes solutions dans tout ça, mon instinct me hurle que quoi qu'il se passe, je suis juste coincée, que j'admets alors.
Je le relâche un peu, sans m'écarter, je me sens gênée dans tous les cas d'être ici, et de ne pas pouvoir lui amener les solutions dont il a besoin pour la suite. Si je le garde et que je le perds, ça aura des conséquences. Si je le garde et qu'il vient au monde, il y a tellement de choses à préparer et je ne parle même pas de l'impact qu'il aura forcément sur nous, je ris doucement, mais sans aucune joie. Si je décide d'avorter, je crois aussi que... Que ça cassera quelque chose, c'est là où je relève les yeux, croise son regard : Et pas forcément chez moi, surtout. Je peux encaisser ça, j'en suis capable. Peut-être que ça me soulagerait d'ailleurs. Mais il y a autre chose : Là-bas, tu as dormi toutes les nuits la main sur mon ventre, Sebastian, que j'ajoute. A partir du moment où tu l'as su, ça a été comme... Une sorte de réflexe. Je me sentirais misérable de te retirer ça, que je murmure.
Que le geste soit naturel pour lui, ou inconscient, rend sans doute la décision encore pire pour moi. Plus difficile à prendre. Je n'aime pas ma position, encore moins vu ce qu'elle implique. Je peux le faire. J'ai été alité trois mois, parfois plus, je l'ai déjà fait. J'ai passé ma première grossesse dans des conditions qui défient tout ce qui peut être supportable, il n'a pas envie de savoir les détails, à dire vrai. Je ne suis pas une bonne mère, même si j'essaie... J'essaie vraiment, parce que si je ne suis pas la maman qu'ils méritent, je tente au moins d'être celle qui leur fera se sentir important, que je souffle au sujet de Romy... Et Nicolas. Même s'il n'est plus là, et qu'il a embarqué avec lui les rêves de son père en disparaissant. Je pince les lèvres.
Et j'ai... J'ai peur de ce que ça changera, entre nous deux, que j'admets finalement, l'impression d'avoir une boule dans le ventre rien qu'à l'évoquer. Parce que je suis intimement persuadée d'être... Maudite, ou quelque chose du genre. Que... Soit tu vas mourir et je me retrouverais toute seule, soit tu vas... Croire que tu vas me perdre et ça brisera quelque chose, parce que c'est ce qu'il s'est passé. Je sais que c'est quelque chose que je peux faire si... Si je suis avec quelqu'un qui saura m'épauler, pour de bon, que la première galère ne sera pas un abandon. Je ne sais pas quoi faire, Sebastian, tout simplement. Je ne sais pas ce que je veux, je tente juste de ne pas y réfléchir actuellement parce que si demain je me tords de douleur et que je le perds, j'aurais perdu un temps précieux à être triste avec toi pour rien, et je n'ai pas envie de ça, pas quand ce temps nous semble si vital et la route trop courte pour le voyage.
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Je sens que le sujet est surement plus douloureux pour elle que les coups qu’elle a pris dans cet enfer de néonazis, en même temps, c’est une décision compliquée a prendre. Ca serait mentir que de dire que je ne suis pas, non plus, fortement touché par ce sujet. J’aimerais parfois être de ceux qui savent profiter de l’instant sans se soucier des lendemains, me contentant de me dire qu’on va gérer les problèmes au fur et a mesuré les difficultés, mais j’en suis incapable. Plus je réfléchis et plus je vois les murs qui s’érigent même en essayant d’être optimistes. Dans un souffle je lui confirme ce qu’elle sait déjà :
« Non, il n’y en a pas… »
Si nous ne devions pas trancher entre deux mauvaises décisions, nous ne serions pas autant dans la peine j’imagine. Tout serait plus facile. Je me contracte légèrement quand elle parle du fait que cela va casser quelques choses, alors que vais lui répondre en pensant qu’elle parle d’elle ou de notre couple quand elle me fait comprendre que je suis surement celui pour qui elle s’inquiète.
« Olivia… »
Je l’écoute avec une douleur sourde dans le cœur pendant qu’elle tente de me prouver qu’elle va savoir endurer la grossesse, l’accouchement être a la hauteur pour être une bonne mère sans se rendre compte qu’elle en parle comme si tout cela était une épreuve. En fait, je n’arrête pas de penser a mon frère et ma belle séjour, a cette joie sourde et insouciance qui était la leur quand ils sont su que David était en route sans y voir, a un seul moment, une contrainte. Mes échecs avec les nazis ne font que me conforter dans l’idée que je ne serais pas à la hauteur pour les protéger tous les deux. Je bloque les outils de navigation après m’être assuré que nous sommes sur le bon cap et que je peux me concentrer sur autre chose au moins quelques minutes. Je me décale légèrement pour la garder dans mon manteau et mes bras, mais surtout, pouvoir la regarder dans les yeux ;
« Olivia, tu n’es pas maudite… si je meurs un jour, ca ne sera que parce que j’ai commis des erreurs ou que mon passé m’a rattrapé, mais surement pas autre chose. »
C’est idiot de commencer par la mais ce n’est pas la première fois qu’elle évoque cette crainte qui semble la talonner injustement. J’ai besoin de prendre une petite pause avant de plonger dans le sujet douloureux que nous avons pris soins de repousser tous les deux.
« Je voudrais protéger ce bébé. A mes yeux, il est peut-être né du fait que nous avons été inconscients dans nos étreintes, mais ca reste un bébé fait entre deux personnes qui s’aiment et qui n’a pas demandé a être la… »
Je me souviens encore des conversations de mes parents, que je ne comprenais pas a l’époque, quand « l’accident » était en route. Difficile de ne pas y penser. Surement que dans un autre contexte, j’aurais vu les choses autrement en voyant ce que mon petit frère a réussi a devenir malgré le fait qu’il soit « un imprévu ». Mais les choses sont bien différentes. C’est tristement que je poursuis, car cela me fait sincèrement de la peine :
« C’est aussi pour cela que je te parle de lui accorder une fin paisible avant d’avoir échaudé les souffrances qui l’attendent, sans certitudes que l’on sache le protéger ou qu’il ne paye pas mon passé. »
Il est encore dans le ventre de sa mère et a déjà failli être poignardé parce que je n’ai pas assuré. Je ne sais pas encore si j’arriverais a digérer cet échec qui va surement, aussi, beaucoup peser sur notre couple. J’entends plus la souffrance d’Oliva que je ne reconnais la mienne, mais j’entends son envie de se lancer dans cette aventure qui moi, me semble terrifiante.
« Tout cela arrive bien trop vite, on est obligé de se poser des questions au lieu de se laisser le temps de poser les choses naturellement. »
Je soupire avant de me lancer :
« J’ai une vision classique de la famille. Si je me projette avec un enfant et toi, c’est de la façon dont Daemon et Alex font que je nous verrais prendre soin d’un bébé. Tu as le droit de te moquer, mais plus j’y pense et plus je dois avouer que c’est ca que j’aimerais avoir alors que toi et moi, nous savons que ce n’est pas possible. »
Et ca me fait étrangement mal d’être aussi lucide sur cette projection, d’autant plus que sans les Oblivions, les choses seraient plus simple :
« Regarde, juste pour décider où tu passeras ta grossesse, nous avons eu du mal à trouver un accord. Que ce passera t’il quand ce bébé sera là ? Avec la menace de la Manbo, il ne pourra pas aller vivre a TH, ou tu as tes racines, toi tu ne voudras pas venir vivre au domaine… on va le condamner à avoir un de ses parents à mi-temps ? Je… je en fait c’est stupide… mais je crois que c’est ce qui m’effraie le plus. J’ai confiance en toi quand tu dis que tu vas savoir endurer et te dépasser, je sais aussi que si tu souhaites le garder, je ferais de mon mieux aussi pour être a la hauteur, mais pour moi, un enfant a besoin d’une famille, de stabilité en plus de tout ce que nous pouvons lui donner.»
Je suis une personne entière pour qui la famille est d’une importance cruciale. Nous aurions du avoir le temps de construire cette famille pour voir si un enfant aura eu sa place, mais ce temps nous manque.
« Toi tu verrais comment les choses ? Quand tu nous imagines avec cet enfant ca serait ou. »
Ces questions, on se les pose aussi au bout de dix ans de mariage avec une personne qu'on aime, surtout dans ce monde, que je lui souffle en haussant les épaules, sans chercher plus loin. Ce que Sebastian ne comprend pas, c'est que cette situation n'est pas inédite pour moi en un sens, et que nous venons en plus de ça de deux mondes très différents où l'improvisation pour ma part a été le mot d'ordre. Sans cette adaptabilité et cette résilience, je serais morte il y a bien longtemps. Quand je suis tombée enceinte de Nicolas, on a eu cette même conversation avec mon mari, pour les mêmes raisons et nous étions dans un campement qui a tenu les quatre mois suivant avant de s'effondrer, c'est comme ça qu'il est mort et comme ça que je me suis retrouvée toute seule sur les routes, que j'ajoute. On ne prévoyait pas ça mais c'est arrivé, et on n'a rien pu y faire...
Cette image qu'il a en tête n'est pas la définition de ce que le bonheur doit être. Elle n'est de toute façon pas ce qu'est la vie. Dans son propre entourage, il a trop d'exemple de ce que le destin établit à force de choses. Une famille se compose de pièces rapportées, pas toujours de liens du sang. Non, ça n'est pas possible. Parce que cette vision de la famille, je ne la connais pas, elle ne m'évoque rien et que ça n'est pas une définition arrêtée, en fait, je pense qu'il veut suivre un mode d'emploi qui lui semble plus sécure pour tout le monde. Mais ça ne veut pas pour autant dire que c'est la solution qui est attendue. Dans ce cas, trouvons une solution pour la Manbo et avisons ensuite sans une épée de Damoclès au-dessus de la tête ? Et... Viens avec moi ?
Je ne sais plus quoi lui dire. Se mettre à l'abri le temps de trouver les réponses à nos problématiques est possible, mais je ne resterais pas éternellement loin de ma fille, au domaine. Et loin de ma famille, aussi étrange que cela puisse paraitre pour lui. Il peut en faire partie, et je lui ouvre la porte sans une once de méfiance à son égard. Mais ça implique sans doute ouvrir aussi son esprit à cette possibilité, et Sebastian n'a pas l'air de l'envisager une seule seconde. Je crois que ça me blesse, surtout. Tu veux me pousser à prendre une décision mais : je ne sais toujours pas, c'est ça que tu ne comprends pas... Je ne dis pas ça pour me payer le luxe de gagner quelques jours où tu vas pouvoir t'occuper de moi sans que je n'aie rien à faire - Dieu sait que j'ai horreur de ça ! - mais parce que je n'ai sincèrement aucune idée de ce que je dois faire, que j'ajoute.
J'aimerais avoir la réponse toute faite, à sortir de la poche arrière de mon jean, sans plus de problème. Ou alors une illumination soudaine mais ça ne fonctionne pas comme ça. Alors, qu'est-ce que je vois ? Pendant longtemps, ma famille a été mes grands-parents, ensuite mon mari et son entourage, également les gens avec qui j'ai pu travailler, je n'ai jamais été fixé quelque part, les personnes de Nisqually sont devenues mon entourage et celui de Romy, ma vie ne s'est jamais limitée à mes parents... Et je ne crois pas que les enfants qui viennent dans ce monde en aient quelque chose à faire d'une "famille traditionnelle", parce que ça n'est pas ça qui leur importe, Romy ne peut pas compter combien de tantes et d'oncles elle a. Mais surtout, combien c'est précieux qu'elle ne craigne pas de s'affirmer, ou de l'inconnu. J'ai arrêté d'imaginer un avenir possible à la mort de mon époux, Sebastian. Je ne recommencerais pas, parce que ça n'amène que des déceptions... Je n'ai tiré qu'une seule leçon de ce drame, c'est de ne rien attendre pour prendre seulement ce qu'il y a à prendre...
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Je serre spontanément sa main dans la mienne et c’est avec certitude que je lui dis :
« Nous n’avons peut être pas 10 ans de mariage derrière nous, je ne peut pas te promettre que nous les aurons devant nous non plus, mais il y a une chose dont je suis sûre : tu n’es plus cette jeune femme perdue et seule. Tu es devenue forte, tu as su t’entourer et je sais que jamais ma famille ne te tournera le dos si tu es dans le besoin… »
Je sais qu’elle a gardé beaucoup de traumatismes de son premier mariage, qu’elle porte encore le deuil de son fils et surement beaucoup d’autres amertumes du passé que je n’ai pas su comprendre pendant que la fièvre la faisait délirer. Pour autant, même si c’est le passé qui nous façonne, c’est vers l’avenir que nous devons nous tourner. Je me doutais que nos visions divergeaient et surement que, sans ce bébé, le problème ne se serait pas poser aussi violemment.
« Même sans la Manbo Olivia, j’ai besoin de savoir si tu aurais assez confiance en moi, en nous, pour essayer de tenter cette vision de la famille ? »
Une fois de plus, cette grossesse est arrivée bien trop rapidement pour un couple a peine naissant. Ce genre de question, c’est dans le temps que nous aurions du nous les poser. J’appréciais cette légèreté spontanée que je suis en train de tuer purement et simplement en essayant de regarder l’avenir le plus posément possible.
« Je comprends, mais j’avais besoin que nous en parlions avant que tout le monde n’arrive et nous prive de ces moments. Quoiqu’il arrive, je reste avec toi d’accord ? »
J’essaye de lui sourire avec réconfort mais une part de moi est des plus septique quand a la suite. J’ai du mal à voir comment régler la menace de la Manbo, comme celle des Oblivions et tout le reste en si peu de temps.
« Je ne te pousse pas a prendre une décision immédiatement Olivia. Si c’est ce que tu ressens, je suis désolé d’avoir été maladroit. C’est juste que même si je me fierais a ta décision, j’avais besoin de partager avec toi mes propres attentes et que nous réfléchissions a la suite ensemble. »
Je me referme un peu a son discours qui assombri considérablement mes espoirs quant a l’avenir. Je sais ce que j’ai besoin, ce que j’estime être le mieux pour un enfant, mais visiblement, nous ne sommes pas au diapason et cela m’inquiète horriblement. Plus que jamais, je pense que nous ne sommes pas assez solides ni prêts pour accueillir un bébé avec de telles divergences et si peu de temps pour nous apprivoiser a l’idée d’une autre façon d’être. Je ne pense pas que Romy soit malheureuse, mais je ne pense pas que je voudrais ce genre de vie pour mon enfant. Une fois de plus la vision de Daemon et Alex s’impose a moi et je ne peux que ravaler cette vision du bonheur qui ne semble pas destiner a un ex Oblivion.
« Je vois… »
Ses mots sont sans appel, sans négociation possible et je me sens trop épuisé pour essayer de lui laissez entrouvrir la porte. Elle ne semble pas encline a me donner une chance de faire mieux que son précèdent epoux. J’imagine que c’est surement un juste retour de bâton au regard de la couleur de mes mains, que ne pas porter mon nom est mieux pour elle, mais, pour le moment, je peine a trouver des consolations dans cette situation. Je relâche doucement ma main et reporte mon attention a la barre, espérant que c’est l’épuisement, l’amertume et la douleur qui parlent pour le moment. Peut être que les prochains jours seront plus doux, il faudra l’espérer si on ne veut pas être trois malheureux.
« On approche. Je ne vois pas de lumière… j’espère que nous n’aurons pas de mauvaise surprise. »