Tout au long de mon explication, on ne va pas se mentir, j'ai l'impression de trembler comme une feuille. Parce que si je suis déjà mal à l'aise quand je dois parler à quelqu'un en temps normal, me retrouver dans une situation de pseudo interrogation orale de la part d'une responsable du camp est encore pire. Je sens que j'ai les mains qui deviennent moites et je les essuie nerveusement sur mon pantalon de temps en temps, par crainte qu'elle ne s'en rende compte et ne me juge trop fort. Si d'habitude je me fiche de ce que les gens pensent de moi, là je crains que l'intendante ne risque d'aller faire un rapport très peu flatteur de moi auprès de Bonnie et de ceux du laboratoire, me fermant donc les portes de cet endroit dont les travaux me passionnent réellement.
Pourtant, à ma grande surprise, quand je termine et finis par relever le regard sur l'anglaise en attendant son verdict, elle semble conquise par ma façon de faire. J'en rougirais presque, pour dire. Non pas parce qu'elle est belle – même si c'est le cas, soyons honnêtes – mais bel et bien parce que ses mots sonnent comme un véritable compliment à mes oreilles.
Je suis bien vite rappelé à la réalité par les mots de Layla. Je me racle la gorge, me redresse une nouvelle fois bien que ça ne change pas grand chose à ma position puisque je suis déjà droit comme un i depuis qu'elle est arrivée, et hausse les épaules à sa question. J'avais douze ans quand l'apocalypse est arrivée. Alors je crois qu'il me manque beaucoup d'années au compteur en toute logique. Je me vois mal lui mentir à ce sujet, bien qu'à l'époque j'avais déjà pris de l'avance dans des matières telles que les sciences. J'aurais pu sauter quelques classes, mais mes parents ont préféré ne pas y avoir recours pour ne pas que je sois trop isolé à cause de la différence d'âge. Reconnaissons que ça n'a pas été très efficace, en fin de compte.
Je suis en formation au laboratoire, sous la tutelle de Bonnie. Et j'imagine que si elle m'a confié ce projet, c'est sûrement que je ne dois pas être trop idiot, dis-je d'un air quelque peu gêné. Je ne veux pas qu'elle prenne ça comme une attaque, comme si j'avais mal pris ses questions. Je veux juste souligner que bah... c'est pas parce que je suis jeune que je suis con quoi. Est-ce que vous avez d'autres questions sur les algues ? Parce que j'imagine que c'est pour ça qu'elle est là, non ?
Il n’avait donc pas terminé ses études générales, cela ne voulait pas non plus dire qu’il ne les avait pas poursuivies en arrivant ici. Cependant, le jeune Jesse ne répondait pas tout à fait à la question de l’intendante, préférant expliquer qu’il n’était pas idiot si on lui proposait de travailler sur un tel projet au laboratoire. Un égo fragile, notait l’Anglais tout en ne perdant pas cet éternel sourire mystérieux. Qu’elles étaient ses autres faiblesses ? Il y avait toujours des fissures à exploiter chez les gens. Spécialement les plus jeunes. Si elle souhaitait obtenir des informations sur le laboratoire, il faudrait savoir comment manipuler le jeune Jesse. Les responsables pouvaient sans doute cacher certaines choses et Layla aimait bien avoir des oreilles un peu partout dans le camp.
Il osait même lui demander si elle avait d’autres questions sur ce projet d’algue, comme s’il voulait prendre congé. Layla riait intérieurement, arquant simplement un sourcil. Maladroit ? Sans doute un petit peu.
- Non, je venais surtout surveiller les travaux, je vous laisse le soin cependant de faire le suivi concernant vos algues Jesse. Je vous laisse donc à vos responsabilités, il est important de ne pas gaspiller de précieuses ressources par mauvais calculs. Concluait Layla d’un ton sérieux.
Le jeune homme allait sans aucun doute avoir un coup de pression et c’était entièrement le but de la manœuvre. Ne serait-ce que oui, parce qu’il était important de ne pas gaspiller, mais surtout parce que cela était bien trop distrayant de s’amuser aux dépens du jeune laborantin en herbe.
- Je vous souhaite une excellente journée Jesse, merci pour vos explications.
Et ainsi, l’intendante s’en allait faire ses vérifications un peu plus loin. Supervisant un peu l’avancer des travaux, elle surveillait aussi de loin Jesse. Il avait l’air sérieux, c’était sans doute la seule raison qui faisait que Mister Eden le supportait au laboratoire, songeait la brune en souriant. Ces jeunes ne pouvaient pas tous être des clones de Zelda, fort heureusement.
En quittant le chantier, l’intendante offrit un signe de tête poli à son cadet, pour lui dire au revoir, mais surtout continuer d’asseoir son autorité.