L’Anglaise supervisait l’avancement des travaux pour la piscine numéro deux. C’était… intéressant comme projet. C’était le moins que l’on puisse dire. D’un point de vue ressource, même si les travaux coutaient un peu de matériel, le rendement et le produit étaient des plus prometteurs. Cela leur offrirait un nouveau moyen de produire un carburant plus spécialisé pour leur flotte aéronautique, Layla mettrait sa main à couper Mrs De Castel avait sauté de joie en l’apprenant.
Il fallait néanmoins avouer que la méthode de production elle, était quelque peu… extravagante ! Produire du carburant à partir d’algues communes. Elle avait effectivement relevé un sourcil lorsqu’on l’en avait informé. Évidemment, tout passait par son bureau pour les approbations de travaux majeur.
Merci aux scientifiques et à leur créativité insoupçonnée.
Observant les différents travailleurs, la jolie brune notait dans son carnet l’avancement de la mise en place d’une structure quatre saisons. Si la première piscine utilisée était intérieure, celle-ci était jadis extérieure et nécessitait quelques modifications. L’on pourrait peut-être même offrir à cette structure une double utilité : celui de serre. Car en effet, tout cela serait vitré afin d’offrir le plus de rayons UV possible à ces algues. Il y aurait pour y cultiver quelques plantes en pots très certainement…
Quoi qu’il en soit, alors qu’elle s’approchait un peu pour voir le nettoyage effectué sur la piscine de béton, Layla remarquait l’un des protégés du laboratoire. Elle lui offrit un petit signe de tête polie lorsque leur regards se croisèrent, puis décida de s’approcher par curiosité.
- Bonjour Jesse. Vous venez voir l’avancement des travaux également ? L’on m’a dit que l’on vous avait offert quelques responsabilités quant à ce projet ? L’un des rares enfants ici qui n’avait visiblement pas les deux doigts dans le nez…
Elle ne connaissait que très peu les enfants du camp. Aucun intérêt pour eux, rien ne servait de mentir. Sa plus grande expérience avec eux se résumait à Zelda… c’était dire. Il y avait bien Kassandra qui n’était pas si mal et qui se rendait utile à l’aérodrome. Puis il y avait ce jeune-ci, le jeune Jesse Hamilton.
J'imagine que prendre un peu l'air ne me fera pas de mal. Ça fait plusieurs jours que je suis quasiment pas sorti de chez moi sous prétexte de devoir surveiller ma mère quasiment en continu. Son état, encore bien loin de s'améliorer, semble même au contraire se détériorer ces derniers temps. En même temps, il paraît que déjà à l'époque c'était dur pour certaines personnes l'hiver avec le manque de soleil et tout. Alors dans son cas à elle... Je crois vraiment qu'il y a des instants où je m'attends au pire.
En tout cas, là, j'ai pas trop le choix de sortir. Bonnie était venue me donner un lieu et une heure de rendez-vous en me disant que j'avais intérêt à me pointer à l'heure. Alors puisque j'ai pas vraiment envie de décevoir la scientifique qui a accepté de me prendre comme élève, forcément j'ai fait des efforts. Sauf que quand je me suis pointé près des vieilles piscines qui servent à cultiver les algues et que je me suis retrouvée avec la brune qui m'a refilé un carnet avec plein de trucs à faire dedans en me disant que maintenant ce serait mon boulot bah... J'ai un peu déchanté.
Je sais pas trop depuis combien de temps je suis là, à essayer de noter ce que je remarque en espérant pas faire de la merde, mais je finis par sursauter quand j'entends des bruits de pas. Là, je vois une femme au teint pâle, tirée à quatre épingles, s'approcher de moi. Direct, c'est la montée de stress. Euh, je, bonjour. Super pour passer pour un demeuré. Je me racle la gorge, plonge mon nez dans mon carnet à nouveau. Oui. Enfin, j'essaie de me montrer à la hauteur. Vous êtes l'une des responsables du camp, je me trompe ? Faut dire qu'à part la voir de loin et avoir eu droit à une description d'elle à mon arrivée, je l'ai jamais trop rencontrée quoi. Tout ce que j'espère c'est que je vais pas trop me ridiculiser.
Visiblement l’Anglaise l’avait surpris. Plus amusant encore ? Il semblait intimidé. Parfait. C’était toujours excellent quand on la redoutait quelque peu.
- Si vous avez été choisi au laboratoire, c’est que vous avez du potentiel Jesse. Mister Eden ne s’encombre pas pour rien. Elle ne mentionnera pas la haine du scientifique pour les enfants en plus, bien entendu. Enfin… haine…
Le mot était un tantinet fort sans doute. Disons plutôt alors, désintérêt et irritabilité envers les enfants. La haine était réservée toute spécialement pour Zelda.
- Effectivement. Je suis Layla Jones, je suis l’intendante des Remnnants. C’est pour cela que je me trouve ici aujourd’hui, afin de jeter un œil à ce projet que j’ai autorisé. Expliquait la Britannique tout en jetant un coup d’œil aux ouvriers un peu plus loin. Vous aurait-on demandé de venir vous assurez du bon déroulé également ? S’amusait la trentenaire.
Un bon moyen pour le jeune homme de se faire les dents sur un projet, du début à la fin. Aurait-il le courage cependant d’aller corriger les erreurs potentielles des ouvriers ? Hmm… cela l’Anglaise en doutait. Peut-être était-il ici pour évaluer l’environnement ? Il ne suffirait très certainement pas d’un simple abri avant de lancer la culture d’algue ? Si ?
- L’on vous confie de grandes responsabilités, comment vous sentez-vous face à tout cela ? Le questionnait l’intendante avec curiosité.
Un test de tempérament, tout simplement. Il ne s’agissait de rien de plus, mais de rien de moins. Était-ce un enfant qui s’ennuyait et qui par hasard avait réussi à entrer dans les bonnes grâces du laboratoire ? Ou était-ce réellement un jeune individu avec un potentiel encore inexploité, un avenir encore brut, mais dont on avait la possibilité de polir à sa guise ?
- Les sciences vous ont-elles toujours intéressé Jesse ? Je suis un peu curieuse je dois vous l’avouer, la plupart de nos jeunes individus semblent plus intéressés par la… guerre. Certains pour de bonnes raisons, d’autres absolument pas.
Encore une fois, le cas de Zelda lui revenait en tête bien malheureusement, mais fort heureusement celui de la jeune Kassandra également. Tout n’était pas complètement perdu avec la relève…
Faut dire que je m'attendais pas vraiment à avoir droit à une visite d'une responsable quelques heures à peine après que j'ai découvert ce pourquoi Bonnie m'avait fait venir ici. C'est sûr qu'elle m'avait déjà parlé du projet de culture d'algues, mais de là à m'en confier la responsabilité ? Ok, d'un côté ça me rend fier parce que ça veut dire qu'elle a confiance en moi. Mais le stress là, je crois qu'il fait un pic plus haut que l'Everest. Aller, respire Jesse, ça va aller.
Je prends une grande inspiration, triturant malgré moi mon carnet entre mes doigts pour essayer de contenir mon stress. Instinctivement, quand elle m'interroge, je regarde les pages entre mes mains comme si la réponse se trouvait dessus. Euh, je, oui. C'est bien ça. La vache, elle est quand même vachement impressionnante cette femme. J'ose à peine la regarder en face, comme si elle avait le pouvoir de me détruire juste en fronçant les sourcils. Une sorte de Gorgone 2.0 quoi. Enfin bref.
Me raclant la gorge, vraiment pas à l'aise sur ce coup là, j'essaie malgré tout de pas passer totalement pour un incapable. Je vais pas vous mentir, je stresse. J'ai envie d'être à la hauteur des espoirs placés en moi et je ferai tout ce qu'il faut pour y arriver. C'est la vérité. J'espère juste que les scientifiques vont pas être déçus par moi, évidemment. Par contre, au reste des mots de l'intendante, je fronce un peu les sourcils. J'ai appris à me battre pour survivre et pour protéger ma mère. Vous l'aurez peut-être remarqué, je suis pas quelqu'un qui est à l'aise avec les relations sociales. Alors avant tout ça, je passais tout mon temps dans mes bouquins et ce genre de choses. La guerre, c'est pas pour moi. Je veux me rendre utile en essayant d'améliorer le quotidien de ceux qui sont encore là aujourd'hui. Et clairement, il y a assez d'allumés du bocal pour aller sur les champs de bataille pour pas avoir besoin que j'y aille aussi.
Je finis enfin par réussir à relever la tête vers la brune, bien qu'elle m'impressionne toujours autant. Et puis de toute manière, la guerre n'est pas que se jeter sur un front avec les armes à la main. Sans ceux qui sont là pour gérer tout le reste, aucune guerre ne peut se mener. Mais bon, je sais que je vous apprend rien à ce sujet puisque vous êtes l'intendante. Oula. Excès de confiance là Jesse ? Un peu. Du coup, maintenant que je la regarde, je flippe de nouveau. Super. Génial.
Le jeune homme semblait avoir l’instinct d’éviter son regard, prouvant là qu’il reconnaissait l’autorité naturelle de l’Anglaise. Chose qui l’amusait et lui plaisait fortement à la fois. Bien sûr, Layla elle ne le quittait pas d’un millimètre, le sondant dès que leurs regards se croisaient. Il semblait être bien sincère avec elle jusqu’ici. Naïf et sincère. Sans confiance en lui, mais décidé. Un mélange parfois dangereux, lorsqu’on ne cadrait pas ce genre d’individu. Jesse semblait cependant entre de bonnes mains au laboratoire… aucun jeune ne se retrouvait au laboratoire après tout.
- Vous avez déjà, donc, une longueur d’avance sur plusieurs. Du dévouement même sans expérience est plus précieux qu’une indifférence avec expérience. Si la Britannique pouvait se permettre de vulgariser.
Le jeune homme continuait de répondre aux questions de l’intendante, permettant à celle-ci d’aiguiser un peu son jugement envers le jeune Jesse.
- Hmm, hmm. Elle approuvait bien entendu le zèle de son jeune interlocuteur, malgré qu’il avait encore tant à apprendre de la vie.
Un peu trop de conviction pour son âge, mais il touchait effectivement à quelque chose de très sensé. Il ne fallait pas pour autant cracher sur ceux qui allaient au front, sur ceux qui servaient de bouclier de chairs aux bons pensants qui géraient eux toute la machine derrière.
- Nous sommes tous les engrenages d’une grande machine et il faut effectivement de tout pour être victorieux dans notre survie. Il ne faut pas diminuer l’impact des soldats ou celle des cultivateurs ou celle des scientifiques. Elle offrait un sourire au jeune homme, pas spécialement chaleureux, plutôt même inquisiteur. Qu’avez-vous noté jusqu’ici ? Je suis curieuse.
Avait-il réellement de l’esprit ? Était-il assez observateur ? Il s’agissait d’une merveilleuse distraction pour Layla et peut-être qu’au fond cela l’amusait un peu plus que nécessaire de voir son cadet devenir nerveux en sa présence.
- Je ne suis pas certaine d’avoir compris tout le procédé pour la production, vous sauriez peut-être me le vulgarisé à votre façon Jesse ? Oh oui, l’intendante s’amusait très certainement, il n’y avait plus aucun doute. Il fallait voir cela comme de l’entrainement pour le jeune homme au fond… Savoir s’exprimer et faire face à des gens plus importants que lui ne serait qu’un atout dans sa poche.
On ne va pas se mentir, je ne suis absolument pas à l'aise en présence de l'intendante. L'aura qu'elle dégage impose le respect, et j'ai le sentiment de n'être qu'un insecte prêt à s'écraser sur son pare-brise si je tente de rester trop près d'elle. Et si sa remarque me donne un instant l'impression d'être un compliment, je dois avouer que la fin de celle-ci me laisse un goût amer en bouche. Je ne me sens absolument pas supérieur à quelqu'un d'autre, loin de là. Je ne fais qu'essayer de me rendre utile en choisissant la facilité. D'ailleurs, quand elle continue en précisant que chacun à son importance, j'ai l'impression qu'elle a cru que je disais le contraire. Et je me sens encore plus mal à l'aise, du coup.
Je me mords l'intérieur de la joue, me reculant un petit peu sans même m'en rendre compte, et me racle la gorge pour répondre sans pour autant oser lever les yeux de mon carnet. Je sais, chaque groupe est un organisme vivant. Aucun organe ne peut fonctionner seul. Oula. L'excès de confiance, mais je suis pas bien ou quoi ? Heureusement que j'ai la peau sombre, qu'elle ne voit pas à quel point je m'empourpre sous le coup de la gêne. J'ai pris un bol de courage ce matin ou quoi ?
Heureusement – enfin, pas vraiment – elle me remet vite à ma place en me demandant de voir ce que j'ai noté dans mon carnet. Je me raidis un peu, déglutissant difficilement avant de lui tendre l'objet que je tenais fermement entre mes mains jusqu'à maintenant. Il y a un petit retard de croissance par rapport à la normale, mais les conditions climatiques jouent beaucoup. Je lui fais un résumé de mes notes, même si j'imagine qu'elle prendra le temps de tout lire. Avec mon écriture d'enfant, en plus, elle va sûrement me trouver ridicule.
Prenant une grande inspiration suite à sa demande, je me lance alors dans des explications en essayant de faire le plus simple possible. J'explique, je montre, tente de faire des petits schémas avec mes mains, des comparaisons avec des trucs plus habituels ou du quotidien. Le but n'est pas de la prendre pour une idiote, mais j'essaie de vulgariser au maximum comme elle me l'a demandé. Une fois terminé, je finis par relever le regard vers l'intendante, hésitant.
Je... C'était compréhensible ? Parce que j'avoue m'être laissé emporter sur le coup, relativement passionné par ce que je racontais, sans vraiment faire encore attention à ma gêne de parler à quelqu'un. Surtout à quelqu'un d'aussi important, en fait.
Il prétendait savoir ? C’était fort amusant. Cela était une chose de l’énoncer tout haut, une autre de le croire réellement. Layla se demandait si c’était pourtant le cas. Peut-être bien, après tout, que le jeune Jesse savait réellement que chacun était indispensable à l’autre. Ou alors, peut-être répétait-il simplement les paroles sages de ses ainés ? Le temps le dirait, tout comme les actions que poserait cet enfant.
L’intendante elle ne se départissait pas de son sourire discret. Un sourire quelque peu énigmatique, mais somme toute poli.
Demandant à son cadet de lui expliquer ce qu’elle avait parfaitement compris lorsque Friedrich était venu lui présenter ce projet, la Britannique écoutait attentivement la réponse du jeune Jesse. Avait-il compris, lui ? Saurait-il vulgariser le projet ? S’embourrerait-il dans sa propre incompréhension ? Diablement divertissant de le voir devenir nerveux. Elle attrapait délicatement le carnet que le jeune homme lui tendait. L’écriture était claire, quoique quelque peu juvénile. C’était bien mieux que d’autres adultes. Lisant rapidement ce qu’elle avait sous les yeux, Layla tendait l’oreille vers son cadet.
- Hmm, hmm. Répondait-elle avec son éternel petit sourire.
Les notes lui semblaient appropriées. Un retard de croissance, mais la météo l’expliquait. Relevant le regard vers Jesse, Layla lui offrait toute son attention, curieuse de découvrir comment il se débrouillerait pour lui expliquer ce projet d’envergure. La réponse ? Assez bien !
- Bien vulgarisé Jesse. Le félicitait-elle. Ce n’est pas un sujet simple, mais j’ai bien compris ce que tu tentais de m’expliquer. Quelque peu maladroit, mais bien meilleur que ce à quoi elle s’attendait de la part d’un enfant. Il vous reste combien d’années d’études générales Jesse ? Avait-il quitté les bancs d’école comme cette petite peste de Zelda ? Était-il plus âgé que ne le soupçonnait l’Anglaise ? Êtes-vous plutôt déjà en formation avec le laboratoire ?
Peut-être simplement sous l’aile des scientifiques pour le moment. Dans tous les cas, Layla espérait qu’il continuerait sur cette voie. Les soldats avaient leur utilité, mais les scientifiques aussi. Il était malheureux de ne pas voir plus de relève.
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