The Walking Dead RPG

Zelda n'est pas vraiment enthousiaste, et le deuil qu'elle porte se lit facilement sur son visage. Zi n'est pas spécialement étonnée de tout ça. S'il y en avait une en adoration devant June, c'était bien elle. Et il n'y a pas de raisons que cette adoration disparaisse soudainement. Mais plus encore, c'est la mort d'une déesse, d'une religion, que Zelda est en train de vivre. Les convictions profondes que la rousse, intouchable jusque-là, pas même par la faucheuse, aurait dû tout affronter. Une forme de trahison peut-être. Mais les morts sont souvent ceux qui laissent des sentiments amers derrière eux, malheureusement.

Eh bien ne parlons pas, souffle la chinoise sans insister. Elle n'a pas eu à dire quoi que ce soit depuis l'arrivée de l'australienne dans son bureau, elle n'a pas vraiment essayé par ailleurs. Par respect, en attendant qu'elle puisse parler comme elle le souhaite. Si elle le souhaite. C'est elle qui entame à l'évidence, avec une question qui la laisse songeuse : Remarqué quoi ? Reprend-t-elle en fronçant les sourcils. Le reste ? Le désespoir assumé de Zelda, farouchement balancé devant elle, comme si chacun se devait de ressentir tout ça.

Un temps passe. Un silence. La mention de New Eden ne change pas l'émotion de Zi. Elle est triste pour cette figure du passé disparue, mais comme beaucoup de personnes, elle ne connaissait pas vraiment Phelbs. Et ce qu'elle en avait analysé n'était pas exactement tout le temps humain. Vous savez Zelda, ça n'est pas parce que June était le centre de votre monde qu'il doit cesser de tourner pour toutes les personnes encore vivantes, lui souligne-t-elle simplement dans un soupir de circonstances. Elle est désolée de cette mort, mais ne peut rien y faire.

C'est la tragédie de la maladie, celle qui saisit soudainement et fracasse tout sur son passage. L'idée d'un deuil est d'avancer et de laisser les morts où ils sont, vous pouvez leur faire honneur, respecter leurs valeurs, leurs idéologies, ajoute-t-elle. Pour ce que ça peut changer dans le monde. Mais cesser de vivre et abandonner n'est pas au programme, pas au sien. Si Zelda y tient pourtant de son côté, c'est seulement dommage. Pas obligatoire mais... Dommage. Le combat n'est fini que lorsque nous baissons les bras, pour tout. Pour New Eden aussi. C'est ce que vous faites ? Abandonner. Vous renoncez ? Vous vous résignez ?

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ANAPHORE

- Bien sûr que non !

Au final il aura fallut quelques simples mots pour que l'orgueil de l'australienne se manifeste. Abandonner. Se résigner. L'idée qu'ils charrient reste toujours aussi insupportable. Non, ça ne fait pas partie de son vocabulaire. Arrête de faire ça, tu veux ? Sa psychologie inversée foireuse, ou peu importe le nom que les pros du domaine donnent à cette technique. Zelda n'est pas la moins tranchée des personnes mais elle reste consciente qu'il existe de multiples nuances de gris.

Et elle est même capable, de temps en temps, de prendre du recul !

Oui, June a toujours occupé une position particulière dans son estime ou son coeur. C'est elle qui lui a confié ses premières responsabilités, elle qui lui a ouvert les yeux sur la cruauté qu'il existe dans ce monde et initiée au pragmatisme. Elle n'était pas toujours présente pour elle mais elle ne lui a jamais retiré sa confiance. La loyauté de l'australienne pour la défunte n'a pas été forgée par le feu du hasard.

Je sais que June n'était que... June pour certaines personnes ! Et que la rouquine était loin de faire l'unanimité quand bien même les gens étaient assez malins pour se terre. À la base le boulot de l'australienne était tout de même de dénoncer ses détracteurs... Mais elle avait une vision pour l'avenir. Une vraie vision ! Et même s'il y a eu des moments plutôt compliqués elle s'est toujours démerdée pour nous faire garder la tête hors de l'eau. Plus ou moins en tout cas. Ce n'était pas parfait mais les choses roulaient. L'ordre et l'autorité étaient respectés. Maintenant ca va finir comme l'Empire d'Alexandre, tu vois ? C'est comme ça quand les reines meurt ! Tout fout le camp et il y a même des guerres civiles, parfois. Sans aller jusque-là, c'est le genre d'instabilité que Zelda est prompte à craindre. Parce qu'elle ébranle tout sur ce quoi elle a construit sa confiance.

Mais tout ceci relève aussi de sa propre perception. Et peut-être qu'elle se trompe. Elle l'espère sincèrement. Mais June ne se résumait pas seulement à un guide. Elle me protégeait, tu savais ? C'est sûrement grâce à elle que j'suis toujours vivante et qu'Levi n'a pas réussi à m'faire pendre ! Ou Stan', tiens ! Ou encore l'une des innombrables personnes qu'elle est parvenue à se mettre à dos. L'une d'elle a presque réussi, d'ailleurs, dernièrement. Cette foutue connasse amourachée de Caleb ! Là, clairement, j'suis dans la merde ! Et c'est probablement ce constat qui l'attriste le plus, bien au-delà de celui qu'elle dresse sur l'avenir du camp ou du groupe.

En plus... Franchement, j'ai pas la moindre idée d'la façon dont j'pourrais défendre les valeurs de June. Ou même d'son idéologie ! finit-elle par avouer, empruntée. Personne n'la connaissait vraiment et même moi, j'suis pas sûre d'avoir déjà vu la femme qui s'cachait derrière la leader ! De plus elle ne partageait pas non plus toutes les valeurs de la rouquine. Elle la trouvait bien trop clémente ces derniers temps. Et tout aussi prompte à vouloir se réfugier derrière les murs de Fort Ward. Franchement, Zi... Si on laisse tomber deux secondes la relation patiente-psychiatre et qu'on parle juste comme deux camarades... Tu l'sens bien, toi, l'futur ? Elle ne peut quand même pas être la seule à se poser des questions, si ?

Et vous pensez qu'il n'y en a qu'une sur terre qui a une vision pour l'avenir ? Elle fronce les sourcils, s'étonne de la voir restreindre le monde a une seule et unique entité. Mais c'est peut-être le problème de Zelda, ou ce qui a été toujours son problème. N'a-t-elle pas eu toujours l'impression qu'il n'y avait que June pour porter l'humanité sur ses épaules ? Des leaders, il y en a pourtant de toutes sortes, des bons comme des mauvais, mais June ne se rangeait résolument pas dans les saints qu'il fallait suivre aveuglément. Donc si je vous suis, elle vous protégeait tellement qu'aujourd'hui votre vie est en danger ? Vous ne pensez pas que d'autres prendront votre partie et se chargeront de vous protéger aussi ?

Elle souffle. Que personne ne sera capable de maintenir le campement à flot, à part elle ? Poursuit-elle alors en plissant le regard : Donc à chaque fois qu'un roi est mort, les royaumes se sont toujours effondrés ? Elle s'inquiète un peu pour tout dire. Si elle imagine mal Stanley et Arizona laissaient chacun faire sa loi - et notamment faire payer à Zelda ses actes passés que June aurait laissé passer - elle sait que ça peut avoir des conséquences. L'ouverture possible d'un clivage dans le campement. Quand bien même la rousse n'a pas toujours été du genre à créer l'osmose, elle créait au moins l'ordre. Quelqu'un a tenté quelque chose contre vous depuis sa mort, Zelda ? Ou est-ce seulement un élan de paranoïa ?

Quant à sa question, Zi reste égale à elle-même : Je ne suis pas plus inquiète qu'avant, assure-t-elle. Et elle est sincère dans ses propos. Oui, la mort de June est évidemment triste mais pas pour les raisons qu'avance Zelda à ce sujet. Zi ne craint pas pour le futur de l'humanité : elle sait que cette dernière se reconstruira de toute façon. C'est égal pour moi, ajoute-t-elle simplement. Ce n'est pas parce que le futur est différent qu'il est pire ou mieux, et s'il ne me convient pas comme il se présente, c'est à moi de faire en sorte que ça ne se réalise pas, non ? Questionne-t-elle : C'est ce que je ne comprends pas : êtes-vous coincée dans une boucle de fatalité, ou le pire doit forcément advenir à votre sens ? Il ne lui manque plus que sa cloche et sa pancarte, pour aller arpenter les rues du fort en hurlant que la fin du monde est proche, donc ?

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ANAPHORE

- Non, tout l'monde a une vision pour l'avenir...

Et c'est bien ce qu'elle pense, Zelda. Chaque personne à sa propre perception du monde. Ou encore du bien et du mal. Il en résulte autant de perceptions différentes. Une pour chaque être humain, sans doute ? C'est un peu comme les avis et les trous du cul, tout l'monde en a une. Cette phrase n'a jamais semblée si adaptée. Et donc non, June n'était pas la seule à réfléchir. Mais tu crois que dans c'camp y'a quelqu'un qui voyait mieux qu'elle ? Si c'est le cas alors qu'elle n'hésite pas à lui donner des noms, surtout. L'avocate savait où elle allait.

Contre Levi ? Ou les potes de Caleb ? Zelda esquisse un ricanement. Zi n'a toujours pas compris qu'il existe des choses qui ne se résolvent pas autrement que dans le sang. lls respectaient June, assez pour lui obéir et que ce ne soit pas l'anarchie dans c'camp ! Si la décision ne venait pas d'elle, qui aurait osé m'buter ? C'est elle qui décidait qui devait mourir, non. Et personne ne prenait d'initiatives trop personnelles. Tu vis dans l'monde des bisounours ou quoi ? C'est toi qui me protégeras ? Et comment ? En la gavant de médocs et en espérant qu'elle rentre dans le moule, dans cette foutue norme que d'autres ont établi bien avant sa naissance ? Si tu penses qu'Ari vaut mieux que June et qu'elle parviendra à poursuivre son oeuvre avec l'même brio, j'commence à m'dire qu'on devrait p't-être échanger nos fauteuils... Peut-être que l'australienne est pessimiste. Mais elle reste malgré tout convaincue que c'est Zi qui se montre trop optimiste sur ce coup-là.

Prétendre que la mort de June ne change rien, qu'elle peut être remplacée ou que l'avenir est tout autant à leur portée qu'avant, c'est juste un joli petit rêve. Et c'est plutôt réservé aux gamins, ça, d'habitude.

J'en sais rien, j'suis pas une pro de l'Histoire... avoue-t-elle malgré tout lorsque la psy prendre les rois défunts du passé à témoin. Mais j'sais qu'faire une grosse purge quand on arrive au pouvoir, ouais, c'est plutôt tendance ! On élimine les prétendants, on sécurise sa position et on étouffe les contestations. J'suis convaincue que certains royaumes subsistent, ouais. Mais t'as retenu l'nom de combien de rois d'Angleterre, toi, hein ? Victoria, Elizabeth... Celles et ceux qui ont marqué leur temps, ou l'histoire. Ils ne se valent pas tous, et prétendre que c'est le cas n'est rien de plus qu'une manière de se balancer de la poudre aux yeux. Si tu savais c'que j'aimerais m'tromper... Mais elle est sûre du contraire. C'est bien ça, le soucis.

Quoi qu'il en soit la jeune femme est bien obligée de hocher la tête de gauche à droite lorsque son interlocutrice lui demande si quelqu'un a tenté de s'en prendre à elle depuis la mort de June. Pas encore, non ! Mais j'me fais pas trop de soucis, ca va arriver ! Que ce soit des bigots ou même des camarades, il y a toujours quelqu'un qui se met en tête à un moment ou à autre de me zigouiller. Levi a juré d'me buter. Il me l'rappelle presque à chaque fois que j'le croise. Et d'après toi, Zi... C'est l'genre de mec qui parle dans l'vide ? Ou p't-être moi qui m'fais juste des idées ? Ce serait bien qu'on la prenne au sérieux, une fois. Et qu'on arrête de lui sortir des phrases préfabriquées pour gamines terrorisées. Les monstres existent, et ils ne se cantonnent pas à l'obscurité sous un lit.

Ah ouais ? souffle-t-elle quand Zi lui balance qu'elle n'est pas plus inquiète qu'avant. Tant mieux pour elle, sûrement. Au final, ouais, elle aura toujours autant de travail qu'avant. Ca ne changera pas grand chose, c'est sûr. Mais elle est incapable de faire preuve du même stoïcisme qu'elle fasse à l'avenir, Zelda. Ouais, on est tous aux commandes de notre propre destinée, je sais. Bon, ça, c'est la théorie. Quand on veut, on peut. C'est qu'une histoire de volonté. Elle les connaît par coeur ces dictons à la con. Mais notre survie est conditionnée à la gestion du camp et le camp, lui, dépend entièrement d'Ari. Dire que la nouvelle cheffe n'a aucune influence sur leur vie, c'est faux. Ce sont ses seules décisions qui décideront de leur survie, pas leur volonté individuelle. Tu peux pas dire que tout ira bien parce que t'en sais rien, et que ça n'dépend pas d'toi ou d'moi, mais des choix de quelqu'un d'autre ! Suivre June ne lui posait pas le moindre problème puisqu'elle avait souvent raison, et plusieurs coups d'avance. Ils ont résisté face à une super puissance. J'peux pas non plus affirmer qu'ça ira pas, ouais, j'en suis consciente. Mais franchement... Tu vas vraiment essayer d'me faire croire qu'Ari s'en sortira aussi bien que June ? Tout le monde dans ce camp sait que ce n'est pas le cas. Ari est quelqu'un de super, et quelqu'un de précieux pour l'australienne.

Mais Zelda a décidé de s'extirper du déni. Et ça commence par le fait de regarder les choses en face.

Je ne sais pas, est-ce que vous avez sondé les personnes autour de vous pour pouvoir répondre à cette question ? Demande-t-elle en fronçant les sourcils, la scrutant longuement. Zelda parlait beaucoup, disait beaucoup de choses, qui se mélangeait souvent. Je serais étonnée que ça soit le cas, que vous ayez pris le temps de connaitre les quatre-cent cinquante personnes qui vivent ici pour voir quelle vision de l'avenir ils ont, et ce qu'ils peuvent prévoir et apporter pour la suite, ajoute-t-elle alors en la fixant : En attendant : June n'est plus là et jusqu'à preuve du contraire, vous êtes bien vivantes, vous, en revanche, précise-t-elle.

C'est bien tout le point, non ? Alors entre l'appréhension de l'avenir, et le fait que l'adolescente était persuadée qu'elle allait finir par se faire tuer à un moment ou à un autre, Zi doit bien admettre qu'elle a du mal à suivre toute l'appréhension de cette dernière. Ah oui ? Vous connaissez Arizona par cœur alors ? Vous savez ce qu'elle prévoit ? Vous lui avez parlé ? Que saviez-vous des liens qu'il y avait entre June et elle ? Ajoute-t-elle. Du reste, que dire de plus ? Alors quelle est la solution, Zelda ? Demande-t-elle : Tout le monde en a après vous, que devez-vous faire pour survivre ? Visiblement, June n'est plus là pour empêcher ce que vous dites comme inévitable, souffle-t-elle.

Elle veut entendre sa solution. S'il y en a une, finalement. Ce dont elle n'est pas vraiment convaincue, notamment parce qu'elle n'est pas non plus convaincue que tout va s'effondrer à la prochaine bourrasque, ou encore que des ennemis embusqués vont s'en prendre à Zelda dès qu'elle sortira d'ici. Ce n'est ni une tendance, ni systématique, relève-t-elle : Qui est votre enseignant d'histoire, déjà ? Parce qu'elle trouve étrange qu'il n'enseigne pas davantage que ça, bizarrement. Zelda pose de surcroit la question à la mauvaise personne : Zi a un savoir dispensable astronomique, même en matière de roi d'Angleterre.

Non, vous vous trompez, souligne-t-elle alors : Le campement n'a jamais tenu que grace à June, sinon dès sa mort, tout devrait déjà prendre l'eau, il tient en raison de plusieurs facteurs, de plusieurs expertises, que June n'avait pas dans tous les domaines. Ce n'est pas elle qui a construit et entretenu les barricades, ça n'est pas elle qui a fait le vaccin, ça n'est pas elle non plus qui produit l'essence ou les munitions. June était une politicienne avec une approche de la gestion de ce campement bien à elle, qui a permis à Fort Ward de prospérer, elle a tâché de répondre aux difficultés en trouvant des solutions et des moyens... Mais elle n'a rien inventé, elle a tranché des décisions face à plusieurs propositions, précise-t-elle.

Elle ne défait pas ce qui a été accompli, au contraire. Elle ressitue seulement quel travail a été fait et par qui : Elle a fait des choix pour le bien commun, explique-t-elle. Des bons, des moins bons, des mitigés, les résultats ne viennent toujours qu'après avoir décidés, Zelda. Elle ne lisait pas l'avenir, elle ne voyait pas de quoi demain était fait : elle prévoyait et se projetait en étudiant les possibilités, c'était ce qu'on attendait d'elle de toute façon : Mais rien ne dépend d'une seule personne, et c'était un point que June avait toujours entendu et compris, persiste-t-elle.

Un soupir lui échappe à nouveau : Arizona fera au mieux, comme tous ceux qui l'entourent et qui veillent sur le campement, comme ce qui a toujours été fait jusque-là, avec ou sans June : Je ne crois personne indispensable, Zelda, précise-t-elle vite. La mort est une constante de la vie, c'est ce qui en donne tout le relief. Ce chemin est intense, animé, parce qu'il a une fin. Tout le monde finit par s'éteindre : vous, moi, June aussi. Mais si toutes les personnes extraordinaires étaient irremplaçables, la terre aurait cessé de tourner il y a très longtemps, souffle-t-elle.

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ANAPHORE

- Ah ouais, j'suis vivante ?

Zelda se fend d'un petit sourire. La remarque n'est même pas agressive, dans le fond. Elle témoigne plutôt de ce vide auquel l'adolescente est confrontée depuis la disparition de June. C'est un part de son passé et de ses espoirs qui se sont envolées. Mais oui, j'imagine qu'ma vision du futur est un peu différente de celle des gens normaux. Pour ne pas dire ennuyeux. Elle est sûrement un peu plus... ambitieuse ! Ouais, les choses peuvent être présentées ainsi. Elle n'aime pas se reposer sur ses acquis, contrairement à la majorité des gens qui s'accrochent à ce semblant de vie qu'ils ont obtenue ici.

Non, pas par coeur ! Mais plutôt bien, ouais, c'est elle qui m'entraîne. Enfin, m'entraînait. Elle va avoir d'autres trucs à faire maintenant j'suppose ! Maintenant qu'elle dirige le camp. Les questions de Zi restent légitimes néanmoins et Zelda ne peut pas vraiment condamner leur nouvelle meneuse avant de l'avoir vu en action dans ses nouvelles. J'peux rien affirmer non plus. J'sais pas, c'est une intuition ! Quelque chose qui lui semble presque évident à vrai dire, mais qu'elle ne peut pas étayer au-delà du ressenti. J'dis pas qu'les miennes sont toujours bonnes, mais elles m'ont déjà sauvé la vie une fois et deux. Et parfois elles se sont même révélées vraies donc bon... C'est plutôt dire d'écouter ce que votre être vous souffle. On ne détruit pas des impressions aussi aisément que des rôdeurs. J'devrais... J'sais pas, juste l'ignorer ? Fermer les yeux et laisse le pragmatisme prendre le dessus ? Ouais, elle aimerait bien. Mais elle reste une jeune femme qui n'aime pas devoir se convaincre elle-même de quelque chose.

Et cette jeune femme n'entrevoit même pas de solution à vrai dire. Enfin il en existe bien une mais elle n'est pas vraiment satisfaisante à ses yeux : Pour l'moment ma stratégie s'résume surtout à un truc du style Fumer l'autre avant d'être fumée si tu veux tout savoir... Au final c'est presque un retour en arrière malgré son désir de progresser, de devenir quelqu'un de respectable à défaut de pouvoir être une meilleure personne. Et tu devrais prendre mes inquiétudes au sérieux. Parce qu'imagine que j'aie raison et que j'me fasse descendre avant notre prochain rendez-vous ? Tu t'sentirais comment, hein ? Elle n'est pas non plus du genre à paniquer pour rien, l'australienne. Vraiment pas.

Va dire ça au roi d'France d'la Bastille, ouais ! s'amuse-t-elle quand son aînée semble vouloir lui assurer que les transitions peuvent être pacifiques. Avant de lui demander qui était son prof d'Histoire. Ao ! Après la dernière fois que j'ai mis les pieds dans une salle de cours c'était... y'a deux ans ? Un truc du style ? Et elle ne prétendra pas connaître le passé sur le bout des doigts alors que le sien lui semble déjà flou, parfois.

Et puis bien sûr June redevient rapidement le sujet de la discussion lorsque Zi tente de la convaincre que June n'était elle aussi qu'un rouage de la machine. Zelda a au moins le mérite de la laisser terminer avant d'exposer son propre point de vue. C'est sûr qu'on est plutôt bons, ouais. Le groupe dans son ensemble. Mais comme tu l'as dit, y'a qu'une seule personne qui prenait les décisions et au final, on était tous suspendus à sa clairvoyance. Et maintenant, à celle d'Ari' ! L'orchestre peut être aussi bon qu'tu veux, si la personne qui les fait jouer en agitant sa baguette assure pas, ben... Boom ? Plus de concerts prévus. Et dans leur cas, ça pourrait surtout signifier la mort. C'est plutôt normal d'avoir des réserves sur une personne qui vient d'prendre le commandement et qui pourrait tout aussi bien nous préserver qu'nous envoyer dans l'mur, non, j'suppose ? Ce n'est même pas une histoire de défiance. Juste de la méfiance que l'australienne aime saine. Se questionner, anticiper... C'est pas ce qu'elle est sensée faire ?

Ouais, exactement ! Zi a compris. Zelda se relève avec un enthousiasme sincère en pointant la psychiatre du doigt. C'était ça, June ! Son interlocutrice n'aurait pas pu exposer la situation plus clairement. L'art de faire croire que chaque personne comptait, qu'on était tous essentiels et même que notre avis comptait ! De la manipulation poussée à son paroxysme. Un miracle de bullshit. Pourtant les choses se déroulaient toujours comme elle le voulait. Dans la mesure du possible, en tout cas. C'est ce point qui a recueilli l'admiration de la gamine qu'elle était alors, lors du premier entretien qui s'est déroulé dans son bureau. Celui où elle lui a fait comprendre que les apparences étaient tout aussi importantes que la réalité. Un concept qu'elle peine d'ailleurs toujours à véritablement assimiler.

Du génie !

Toutefois, oui, June n'est plus. Son héritage reste présent, Zelda entend le préserver et poursuivre son oeuvre mais c'est Ari qui commande. Et force est de constater que la Terre a continué à tourner. On verra bien, écoute... De toute façon il n'y a rien d'autre à faire d'autre. Les options ne se bousculent pas au portillon et Ari mérite au moins une chance. Et l'australienne aussi, d'ailleurs, non ? Dis, en fait... Y'a pas un truc qui dit que quand la cheffe meurt y'a une sorte d'amnistie générale ? Quelque chose du genre ? La jeune femme s'en veut un peu de chercher un quelconque profit à la mort de son idole. Mais... cette dernière n'aurait pas hésité à faire de même, pas vrai ?

Ambitieuse ? Demande-t-elle alors. Elle entend le mépris qu'affiche Zelda vis-à-vis de la vision des autres justement : Quelle est votre vision du futur ? Questionne-t-elle par curiosité. Visiblement, la vision de June, elle pourrait le parier. Mais sait-elle seulement ce qu'envisageait concrètement June pour leur avenir à tous ? Parce qu'aux dernières nouvelles, la rouquine n'a pas laissé de note à ce sujet, de mention particulière non plus. Elle n'en a pas parlé à sa compagne, Valentine. Elle n'a rien fait de tout ça. Alors quoi ? Un temps passe.

Vous faites comme vous voulez, Zelda, précise-t-elle. Faites aussi le point avec vous-même : combien de fois vos intuitions vous ont-elles mis dans des situations compliquées, qui vous amènent désormais à vous sentir en danger au sein du campement qui est le vôtre ? Demande-t-elle en réponse, d'un ton égal. Peut-être qu'en effet, elle devrait cesser d'écouter cette petite voix qui est la sienne, et qui lui dit des grandes choses sur les gens. Parce que jusqu'ici, ça n'a pas été toujours une franche réussite pour elle. Quant à savoir ce qu'elle ferait si en effet quelqu'un cherchait à la tuer : Je le regretterais sans doute, et je ferais en sorte que Justice vous soit rendue, assure-t-elle.

De toute façon, elle n'a pas le pouvoir de ramener les morts à la vie, aux dernières nouvelles : En revanche, je dois bien admettre que vous êtes encore entière devant moi, si votre tranquillité se résumait à l'existence d'une seule personne, je trouve ça autrement plus inquiétant, analyse-t-elle : Ce favoritisme de la part de June ne vous a sans doute pas servi ces dernières années, ajoute-t-elle. Tout au contraire : Il vous a empêché de prendre vos responsabilités, et d'apprendre à vous comporter auprès des autres, donc à se fondre dans la masse, à se faire oublier, à ne pas agir avec impulsivité. Reste à comprendre pourquoi June lui a passé autant de méfaits. Aujourd'hui, quand vous faites le tour de vos alliés, que vous reste-t-il ?

Yuan, sans doute. Locklan, aussi. Clayton, probablement. Mais ça reste restreint, si on peut le dire comme ça. Et elle n'est pas sûre que l'un des trois se sacrifieraient totalement pour elle pour empêcher son exécution si elle doit venir. Il y a des pièces plus importantes que d'autres, certaines aussi plus adéquates, lui répond-t-elle dans la foulée. Ce point, elle ne le nie pas. Encore une fois, ça n'est pas parce que c'est différent que c'est moins bien, tout simplement. June avait en effet l'aptitude de faire se sentir quelqu'un unique. Mais à quel prix ? Elle plisse le regard : Je ne crois pas que ça fonctionne comme ça, souffle-t-elle. Vous ne pouvez pas demander à un campement entier d'oublier vos états de service et vos frasques, malheureusement...

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ANAPHORE