The Walking Dead RPG

Parce que vous établissez toujours vous connaitre ? Vous avez passé la moitié d'une décennie éloignée l'une de l'autre, je ne crois pas que Lara sache ce que vous avez traversé et la réciproque est vraie, elle-même ne se targuerait pas de connaitre Yuan après plusieurs mois séparés, ou quelques années chacun de son côté. Ils sont deux personnes très différentes désormais et ils réapprennent à se découvrir. Pourquoi votre mère n'est toujours pas parmi nous ? Questionne-t-elle. Elle fronce les sourcils, encore plus devant la vindicte de l'adolescente. C'est donc parce que vous ne vous sentez pas menacé que vous avez semé la discorde là-bas, que vous vous êtes battus avec la jeune fille que votre mère a adoptée et que vous avez voulu vous en prendre à l'un de leur leader, c'est bien ça ? Entame-t-elle.

Pensait-elle vraiment qu'elle n'est pas au courant de ses écarts de conduite ? Que parce qu'elle veut changer aujourd'hui, l'ardoise est balayée ? Votre attitude n'est pas forcément en adéquation avec vos mots, précise-t-elle d'un ton calme. Quand on est au-dessus des choses qu'on méprise, on ne fait pas en sorte de les saboter, on ne perd pas de temps avec ça, parce que justement, leur accorde de l'attention ne vaut sans doute pas la peine. On ne se sent pas menacé par l'existence d'une autre personne, on ne jalouse pas, notamment parce que ça n'a pas de sens de jalouser quelqu'un qu'on estime inférieur. Un souffle lui échappe, à l'explication de la jeune femme. Elle la coupe d'un signe de la main.

Oh non, ça n'est pas anormal en effet, soupire-t-elle :Lâche, en revanche, sans doute plus. C'est vouloir fuir la vérité, la réalité, et par la même, les conséquences de ses propres actes, et puis, facile, elle pourrait dire "typique de Zelda" de vouloir faire sans récolter le grain qu'elle sème. Une chance d'avoir raison ? Là, elle n'est pas sûre de suivre le délire dans lequel elle s'engage. Je pense que vous n'avez pas compris le fond du problème avec votre attitude, rétorque-t-elle d'un ton plus ferme que prévu. Parce que sa patiente est en train de remettre en question la nécessité de cette entrevue, parce qu'elle croit pouvoir avoir raison sur sa manière de faire, alors qu'elle n'est, depuis des années, qu'en réaction et rejet avec tout et tout le monde.

Elle veut savoir ce qu'elle pense ? Vous me déroulez des opinions proches de la psychopathie comme s'il s'agissait d'une évidence et que le monde tournait ainsi, en faisant montre en plus d'un manque criant d'empathie. Vous rabaissez, méprisez, humiliez et vous arrangez pour démolir toutes les entreprises pacifistes. Quand c'est beau, vous voulez le gâcher parce que vous êtes mue par un sentiment d'injustice que ça ne devrait pas exister pour les autres quand vous n'en voulez pas pour autant. La réponse à toutes les problématiques qui s'impose à votre esprit se résume à user de la violence et de la force pour obtenir ce que vous voulez. Vous me parlez de paix, mais vous ne pensez qu'à la guerre et au chaos, à en finir avec New Eden, les Oblivions.

Alors, à qui Zelda pense parler, ici ? Et qui pense-t-elle duper ? Et vous vous attendez à pouvoir cheminer auprès de personnes qui pèsent tous les jours le poids des vies qu'ils gèrent et prennent ? Il n'y a pas un monde où Zi met en danger des soldats, plus maintenant. Caleb est la victime de trop pour tous. Quelqu'un vous a mis en tête que vous étiez au-dessus du lot et des gens au point où vous considérez que cheminer parmi eux n'est pas digne de vous, et quand leur réponse à vos insultes est de ne pas vous acceptez, vous agissez en adolescente frustrée qui ne comprend pas ces rejets enchainés que vous subissez, a-t-elle besoin de donner son nom ?

Evidemment que vous les vivez mal, Zelda. D'autant plus quand la personne qui vous a placé au-dessus du lot avec comme idée de se servir de vous, comme héritière ou comme arme obéissante, n'est plus là pour vous défendre et que vous vous êtes causée cent fois trop de torts, n'est-ce pas. Vous ne défendez pas l'intérêt de Fort Ward, vous fantasmez sur la toute-puissance et une forme de mégalomanie qui pourrie toutes les personnes qui s'y sont frottées de l'intérieur, sans voir qu'à ce petit jeu-là, vous ne vaudrez pas mieux qu'un Adonaï qui soumet à son joug des milliers de personnes qui n'en sont que plus malheureuses et en souffrances, vous n'avez pas soif de contrôle, vous avez soif de chaos, tout simplement.

Veut-elle lui affirmer le contraire ? Jouer le mensonge, l'hypocrisie, une nouvelle partition pour noyer le poisson ? Vous voulez parler de faits, Zelda ? Demande-t-elle. Parce que la psychologie des tirants, je la connais plutôt bien, et je peux vous assurer que c'est une route qui ne mène qu'à une chute vertigineuse, vous n'aurez pas de filet de sécurité lorsque vous tomberez. Et vous vous écraserez. Seule. Alors... Une chance d'avoir raison ? Elle fronce les sourcils, la scrute longuement. C'est bien ça le point, Zelda n'a probablement pas tout faut dans son raisonnement, mais c'est le rôle de tout humain de faire en sorte qu'elle n'ait pas raison pour l'avenir du monde. Parce qu'il n'y a pas pire enfer que celui qui est préparé comme elle l'envisage.

Cependant, vu votre attitude ces dernières années, cette solitude, n'est-ce pas justement tout ce que vous cherchez dans le but de ne surtout pas à avoir éprouver autre chose que ce sentiment amer d'injustice, ou cette colère qui vous dévore ? Vous êtes plus effrayée par les caresses que par les claques, mais ça va avec toutes les inversions de votre existence : responsabilités, polarités... J'en suis presque rendue à croire que vous résumez l'idée de l'ouverture d'esprit à une fracture du crâne. Voilà qui explique pourquoi toute votre belle volonté de "changer" n'est qu'un pieu mensonge. Vous voulez du changement sans enjeu, Zelda, soupire-t-elle. Quand vous voudrez effectuer un travail de fond, la donne sera très différente pour vous, peut-être plus difficile.

Parce que changer est douloureux, prend du temps, ça n'a rien de simple. Pas besoin d'être perplexe sur le reste : Vous vouliez savoir ce que je pense de tout ça. Je m'inquiète profondément et sincèrement pour vous, Zelda. Et je le fais tout autant pour les autres qui ne rentrent pas dans les cases que vous leur prévoyiez pourtant. Parce que vous ne saisissez pas la limite, on les a méthodiquement effacés pour vous et vous n'avez pas envie de les remettre en place. L'idée de changer vous fait encore plus peur, parce que c'est plus difficile de faire ça que de lever son arme et de tirer sur la contrariété du moment, voilà tout. Tant que vous n'aurez pas envie de faire ce pas, vous en changerez pas. Et vous n'avez pas besoin d'une carotte pour vous motiver. Cette histoire d'armée, ça n'amorcera jamais le travail de fond dont vous avez cruellement besoin.

who's on first ?

ANAPHORE

- On a du temps à rattraper et c'est sûr que c'est pas facile mais... Ouais ?

Il subsiste tout de même un léger doute dans le ton de sa voix. Elle est certaine que quelque chose subsiste du passé que Lara et elle partage, Zelda. Mais est-ce suffisant pour dire qu'elles sont encore familières ? On ne sait pas tout ce qu'on a pu traverser l'une et l'autre mais je sais qu'on peut s'en parler et aussi, ouais, s'comprendre ? Peut-être pas jusqu'à faire entendre raison à sa mère au sujet de sa politique extérieure, c'est vrai. Tu penses encore à ton fils après toutes ces années, j'imagine ? Moi c'est pareil avec mon père. On sait toutes les deux que des trucs résistent plutôt bien au temps, donc... Ouais, pourquoi pas ?

Officiellement parce qu'on voulait se laisser un peu de temps pour se réapprivoiser. Et c'était vrai au début mais ensuite il y a eu cette histoire avec cette fille à Nisqually... C'est sûr que Lara aurait déjà dû les avoir rejoints depuis un moment, en théorie. Celle qu'elle a adoptée pendant que j'étais présumée morte, tu sais ? Elles se sont embrouillées, etc. Le ton est monté, les mots qui ont été échangés n'auraient pas dû l'être et tout s'est terminé plus ou moins comme d'habitude : mal ! Et comme j'ai été bannie j'ai trouvé tout à fait justifié, sur l'moment, de lui interdire de venir me voir ici ! Des mois se sont écoulés et si les contacts ont repris, elles ont perdu davantage de temps encore. Ma mère se sent redevable envers ces gens, t'as raison. Et elle veut s'assurer qu'ils seront en sécurité avant d'me rejoindre. Le problème, c'est... L'australienne lâche un petit rire désabusé et hoche la tête. Ben l'truc c'est qu'on est jamais vraiment en sécurité alors... J'peux juste qu'espérer qu'ma mère n'a pas des standards trop élevés à ce niveau-là ! Et puis surtout, que tout ceci n'est pas qu'une simple excuse pour rester loin d'elle, et ne pas oser lui avouer que sa vie se trouve désormais parmi ces gens. Et juste pour info, j'ai embrouillé personne. Pas la première, en tout cas ! Elle ne s'est franchement pas rendue chez les gueux avec l'intention de tout faire foirer. Elle avait même amené des stylos...

Et puis au calme doit succéder le conflit, le ton remonte à nouveau entre les deux femmes lorsqu'elles se recentrent sur l'adolescente plutôt que sur sa mère. Moi j'trouve que c'qui est étrange, c'est d'pas vouloir détruire c'qu'on méprise, surtout ! Même si elle conçoit l'idée que l'ignorance mutuelle est sûrement la solution la plus viable pour tout le monde. Mais ça revient à se murer dans une passivité que l'australienne abjure tout autant. D'la lâcheté ? Encore un mot qui la fait tiquer. Particulièrement quand le terme est dirigé contre elle. Bah p't-être que ça y ressemble d'un point d'vue extérieur mais... Non ! Et elle n'estime pas nécessaire d'argumenter davantage sur la question tant elle peut être fière de sa témérité.

N'empêche que si l'australienne se plaignait de ne pas avoir un avis constructif, elle est plutôt servie quand Zi se met à lui dévoiler ses observations. Un peu comme un tsunami. Ce qui semble plutôt logique si l'on considère que ce sont les chinois qui les ont inventés. C'est sûr que présenté comme ça, hein... grogne-t-elle. Presque assommée, finalement. Presque chacun des points soulevés par la psychiatre l'a incitée à réagir. À contester, ou du moins nuancer. Qu'est-ce que j'suis sensée répondre, hein ? Et la voilà qui se retranche à nouveau derrière son agressivité passive. Frustrée, mais néanmoins assez mature pour garder le silence. Et pour confirmer un peu malgré elle que ouais, Zi n'a pas totalement visé à côté. Voir plutôt bien, même.

Elle a au moins le temps d'analyser tout ça à son rythme avant d'arquer un sourcil désapprobateur. J'rêve ou t'essaies d'me faire comprendre que j'suis une psychopathe ?! Ce n'est même pas de la colère qui se manifeste. Plutôt de l'étonnement. Quand bien même on l'a déjà traitée des centaines de fois de la sorte, c'est la première fois que la psychiatre s'aventure sur ce terrain, de mémoire. Bon, et admettons ? C'est si mal que ça ? Le problème, au fond, c'est peut-être qu'elle ne voit justement pas le problème. J'veux dire... C'est pratique d'en avoir sous la main, non ? Des gens qui font c'qu'il faut faire ! Et puis il faut de tout pour faire un monde, paraît-il. Zi n'est sûrement pas hostile à cette idée, pas vrai ?


Mais Zelda, dans le fond, cherche à noyer le poisson, à se concentrer sur un point d'un discours bien plus vaste. Une infime portion de l'abîme que Zi vient d'exhumer. Et bien entendu, elle n'a pas choisi les paroles les plus hostiles à ses idées. J'ai de l'empathie, tu sais ? C'est justement pour ça qu'je suis prête à endosser l'rôle d'la pétasse pour garantir un avenir à nos descendants. Tu l'as dit, j'verrai même pas l'monde que j'pourrais commencer à bâtir. Elle n'a jamais prétendu croire que la violence engendre l'amour, la dévotion ou le respect. Juste une peur suffisante pour garder le contrôle. Après j'ose espérer qu'les historiens du futur m'réhabiliteront un jour ou l'autre, ouais, c'est vrai ! Ca j'dois bien l'avouer ! Une statue ou deux seraient également bienvenues. Mais le sourire las qui s'étale sur les lèvres de la jeune femme prouve qu'elle se contente de plaisanter.

On n'a pas l'choix, Zi... répète-t-elle d'une voix plus apaisée, accompagnée d'un regard au sérieux retrouvé. J'aurais aussi voulu qu'ce monde renaisse dans d'meilleur conditions mais... Les demi-mesures, c'est plus l'genre de trucs qu'on peut s'permettre. Et ça n'rime à rien d'parler du bien-être d'l'humanité si au final il n'y a plus d'humanité du tout, non ? Petit haussement d'épaules, soupir de circonstances. C'est dans ce genre de moment que Zelda se rend compte du travail qu'il reste encore à accomplir. Comment conquérir le monde quand on ne parvient même pas à convaincre une camarade ? Un jour on pourra p't-être à nouveau s'permettre d'avoir des principes mais... pas aujourd'hui. Et pas elles.

Zelda se passe une main sur le visage. Elle était entrée dans ce bureau pleine de bonne volonté et au final elle a l'impression d'avoir renforcé ces convictions. Plus elle y songe et plus son propre discours lui semble logique. Mais aussi incompatible avec cette rédemption qu'elle ne peut pas s'empêcher de chercher. T'sais c'que j'aimerais vraiment, Zi ? reprend-t-elle après quelques instants de pause supplémentaire. Juste... n'plus penser ! Pouvoir être au calme, seule, sans voir personne ! Y'a tout qui va trop vite ces temps ! Et elle perd pied. La mort de June ne l'a pas dispensée des habituelles corvées rébarbatives, qui l'incitent à macérer dans ses pensées noires. Elle n'en peut plus, elle va finir par exploser à ce rythme. J'ai besoin de repos, de dormir ! Qu'on lui foute la paix, qu'elle ne soit pas tenue de se rendre à diverses activités psychiatrique tout au long de la semaine. Elle ne veut plus être obligée de peindre mais juste avoir le luxe de passer quelques jours dans sa chambre, à observer le plafond. Pour se retrouver. Sinon j'te jure que l'prochain truc qui risque d'exploser sur cette île, c'est moi ! Le seul réconfort que Zelda trouve à cette séance, c'est encore le fait que Zi lui ait avouer s'inquiéter pour elle. Ca fait toujours une personne de plus. Et c'est pas anodin. J'crois que... hésite-t-elle. J'crois que j'me tape une bonne grosse déprime, là ! Un truc bien correct, un monstre de noirceur qui pèse sur ses épaules et chacun de ses gestes. À tel point qu'ils semblent même devenir difficiles...

Je sais pourtant que si j'avais la joie de croiser mon fils demain, il y a de fortes chances que nous ne nous reconnaissions plus malgré tout l'amour que nous pouvons nous porter, encore aujourd'hui. Sa mort ne change rien à cet état de fait pour elle, vraisemblablement. Elle aime et aimera toujours Tao comme s'il était vivant à ses côtés. Et si parfois cet amour lui est douloureux, il n'est pas dispensable : Nous ne sommes plus les mêmes, ajoute-t-elle. Vous vous êtes recomposé un entourage, accordez à votre mère qu'elle ait pu en faire autant, une constellation de gens à qui elle tient : Vous ne vous verriez pas quitter Fort Ward et ce qu'elle représente, n'est-ce pas ? C'est aussi difficile pour votre mère de tout lâcher pour l'inconnu, même si vous êtes là, vous faites aussi partie de cet inconnu désormais, aussi étrange que ça puisse paraitre.

Elle soupire un instant et cherche une métaphore que Zelda pourra entendre : Vous ambitionnez une existence particulière, voyez ça comme un investissement perdu. Vous devez traverser une plage où il y a cinquante chateau de sable, vous n'avez pas beaucoup de temps pour le faire. Si vous vous arrêtez à chaque pour les détruire méthodiquement, vous n'arriverez jamais à temps à votre rendez-vous, qui est autrement plus important pour vous, tout simplement. Le temps qu'on accorde à saboter ce qui est à nos yeux puériles est du temps qu'on ne peut pas investir dans des projets plus personnel et leur donner le relief dont ils ont besoin, mais c'est un point que l'australienne s'échine à ne pas comprendre, parce qu'elle n'entend pas non plus que sa propre mort peut être une résolution possible finalement. Il y aura un point final à toute expérience.

Elle pince les lèvres et scrute longuement Zelda. Peut-être l'a-t-elle assommé finalement avec son avis, là où l'adolescente a fini par gagner le silence. De là à dire que c'est nécessaire, Zi ne franchira pas cette limite : Les psychopathes étaient majoritairement les populations qui peuplaient les prisons américaines avant tout ça, la majorité aussi de ceux qui finissaient sur la chaise électrique ou sur la table d'injection pour des condamnations à monde, il est littéralement admis que c'est justement mal, précise-t-elle rapidement. Les psychopathes font souffrir leurs proches, jouissent de la souffrance de ces derniers, ils sont incontrôlables et ne supportent aucune frustration, aucun monde n'a besoin de ce genre de personnalités, Zelda, il ne s'agit pas de "faire ce qu'il faut", ou "d'être la pétasse qui endosse le mauvais rôle".

Il s'agit de le provoquer et d'y prendre du plaisir. Alors autant vous dire que j'espère pour vous qu'il s'agit seulement de tendance, et pas le socle entier de votre personnalité, parce que dans le second cas, votre cause est perdue et je ne plaiderais pas pour votre survie dans cette communauté, peut-être même qu'elle plaidera tout l'inverse. Elle veut bien se faire garde-fou pour protéger Zelda, mais s'il s'avère que c'est à vocation de la voir exercer son sadisme à terme, elle n'entendra pas le faire éternellement. Refuser de voir qu'il y a en effet un choix à la tournure que l'on veut donner à notre avenir, ça n'est pas la solution, Zelda, plaide-t-elle. Renoncer à ses principes, c'est peut-être pire qu'abandonner, et c'est justement ce qu'elle essaie de lui faire comprendre. Parce qu'à la fin, il s'agit de faire le compte de son parcours, de ses erreurs, de son égoïsme. Et de ce que ça a coûté à tout le monde.

Zelda soupire, Zi pince les lèvres. Une déprime ? C'est normal, et elle comprend. Avec le deuil qu'elle a à faire, et la punition qui est toujours la sienne jusqu'à nouvel ordre, la chinoise entend que les idées noirs s'installent. On peut alléger vos séances pour quelques semaines, si vous continuez vos activités, vous aurez plus de temps libre pour tenter de renouer des liens sociaux, et faire des choses qui lui font du bien. Voir des proches, échanger, et puis... S'occuper de son animal. Vous pouvez relever un défi si vous n'avez pas peur : faire un compliment par jour à une personne de votre choix, sur ce que vous voulez, ajoute-t-elle alors en scrutant la réaction de l'adolescente. Droit dans les yeux, et compliments sincères, c'est l'obligation. Pas deux fois la même personne à la suite, précise-t-elle rapidement. A prendre ou à laisser. Mais c'est une étape qui pourrait lui faire gagner de nombreux avantages en plus de lui faire voir des réactions plus humaines et valorisantes.

who's on first ?

ANAPHORE

- Ca ne t'empêcherait pas d'le prendre dans tes bras et d'le serrer fort contre toi...

On aime toujours sa famille, même lorsqu'on la déteste. C'est l'une des rares règles qui semblent avoir survécu à la fin du monde. C'est peut-être aussi cette chance qui les aide un peu à tenir. Sûrement, même. Mais Zi a peut-être raison aussi en affirmant que deux personnes qui partagent le même sang peuvent être des étrangers. C'est complexe, propre à chaque individu. Sûrement trop vagues, aussi, pour qu'elles puissent de toute façon se mettre entièrement d'accord sur la question. Elle a le droit d'avoir un entourage, mais elle n'a qu'une seule fille ! Tout comme elle n'a qu'une seule Lara, Zelda. Sûrement mais... Le rôle d'un mère, c'est pas d'avoir l'courage d'sauter dans l'inconnue pour ses enfants, justement ? On parle souvent du lien si puissant qui uni une mère à sa progéniture. Est-ce que ce n'était, ça aussi, qu'une jolie histoire racontée dans les films ou préserve par la croyance populaire ?

C'est pour ça que j'dois avoir un océan derrière moi ! C'est sa réponse à la métaphore de Zi sur les châteaux de sable. Un océan de soldats, de personnes dévouées à une cause. Une multitude de poissons qui tirent à la même corde. Une grosse vague pour détruire ces cinquante pâtés d'sable en même temps. Et j'serai à l'heure à mon rendez-vous ! Non, elle ne veut pas en démordre. Mais elle envisage peut-être l'idée de se tromper. Ou du moins, de laisser un peu de temps au temps pour lui laisser rendre son verdict. Construire un discours sur l'avenir revient à poser les fondations d'une maison sur du sable.

Les explications sur les psychopathes, quant à elle, ont au moins l'avantage de faire comprendre à Zelda de quel genre de personne on parle exactement. Et quelque part, oui, elle ne peut être autrement que soulagée en constatant qu'elle n'entre pas entièrement dans le descriptif. J'prends aucun plaisir à faire souffrir mes proches, moi ! assure-t-elle. Même si sa phrase reste un peu étrange dans ce contexte. J'essaie même d'éviter, en général ! Donc c'est bon, tout est réglé, ça lui fera déjà une tare de moins. Même si elle suppose encore que les gens qui peuplaient les prisons autrefois sont ceux qu'il faut sur le terrain aujourd'hui. J't'assure que y'a vraiment pas besoin d'plaider pour ma mise à mort, ça va très bien ! C'est sûr que c'est surtout cet argument qui la pousse à se distancier de la psychopathie. Les exécutions publiques, elle n'a rien contre. Sauf quand c'est elle qui et sensée se retrouver sur l'échafaud...

C'est faux, on n'a pas toujours le choix. Ou alors dans l'meilleur des cas, juste entre un truc foireux et un machin craignos... Elle, en tout cas, elle n'a pas l'impression d'être confrontée à plusieurs options. Elle se contente de suivre un chemin qui semble déjà tracé. Avec quelques nuances, certes. Mais ca fait bien longtemps que d'autres décident pour elle. Le monde qui lui dépeint Zi est sans doute celui qui devrait exister mais le leur ne s'embarrasse pas de la volonté des survivants. Il y a toujours quelqu'un qui finit par décider pour nous. Avant il y avait les présidents et les lois. Maintenant c'est juste notre instinct d'survie ou l'espèce de... d'animal en nous ? Cette chose qui les oblige à faire ce qu'ils ne veulent pas toujours faire, et que se substitue aux carences de la conscience.

Toujours est-il qu'au terme de la séance, Zelda obtient ce qu'elle était aussi venue chercher dans ce bureau. La promesse d'un emploi du temps allégé. Pour pouvoir se recentrer sur elle-même. Mais cette perspective est assortie de certaines conditions. L'une d'elle consistant à continuer ses activités. Notamment la peinture, suppose la jeune femme. Et l'autre étant de... Complimenter des gens ? La voici qui plisse aussitôt les yeux, méfiante. C'est... J'sais pas... Elle est pas trop jouasse à cette idée, ça, c'est le moins qu'on puisse dire. J'fais pas ça, moi, tu sais ? Dire des choses gentilles juste pour leur faire plaisir. Les compliments ramollissent les gens... Et puis qui croira franchement qu'elle pense ce qu'elle dit ? On risque même de penser qu'elle se fout de la gueule des gens. Personne va y croire, hein ! T'en es consciente ? Et en plus elle ne voit même pas ce qu'elle pourrait dire. Il y a peu de gens qu'elle tient en estime dans ce camp et elle aura vite fait le tour.

Mais bon... Ce sera toujours moins contraignant que des heures dans ce bureau. Alors... Okay, okay, très bien ! abdique-t-elle. C'est pas non plus comme elle avait encore une réputation à sauvegarder. Sur un malentendu quelqu'un pourrait même se sentir flatté, qui sait ? Il reste bientôt plus d'Xanax, sinon. Mais Yu' m'a dit qu'il allait voir ça avec toi dans la semaine, donc... J'vous laisse gérer ? Quant à elle, elle est déjà sur le départ et récupère sa veste qu'elle enfile avec l'urgence de celles qui ont besoin de prendre l'air pour se changer les idées. Bye, merci, ciao ! Et elle referme la porte.

Avant de la rouvrir.

Elle a oublié un petit truc. L'australienne glisse sa tête par l'interstice, observe la psychiatre droit dans les yeux - sauf quand elle les lève brièvement ciel lorsqu'elle a l'impression d'être un clown en représentation - et consent finalement à lui lâcher un Si jamais t'as les cheveux super brillants aujourd'hui ! Ca t'va bien, c'est chouette ! Elle espère que son aînée comprend que c'est bien un compliment qu'elle vient de lui faire, là. Ouais... Très chouette ! Voilà voilà ! Devoirs terminés pour la journée. Et il maintenant l'heure de s'en aller pour de bon.