The Walking Dead RPG

J’ai du mal à garder les idées au clair. J’ai la tête qui bourdonne encore des coups que j’ai reçus, sans compter le choc face à la scène qui nous est imposée. Et pourtant, j’essaie, comme toujours, d’aider comme je le peux. Je sais que c’est ce qui m’a conduit jusqu’ici et qui causera probablement ma perte – si tant est que ce ne soit pas déjà le cas. Mais je ne peux pas ne rien faire. J’ai fermé les yeux trop longtemps pour rester de marbre désormais. Quand bien même le prix à payer est un peu lourd chaque jour.

Un profond soupir, alors que je continue de passer entre les allées. Achever un mourant, souffler quelques mots. Sentir la main d’Elohim se poser sur mon épaule pour me rassurer, m’aider à continuer. J’ai la tête qui tourne et, plus d’une fois, je dois m’arrêter pour essayer de reprendre mon souffle. Et je me sens vraiment à bout de force après quelques heures. « Tu devrais te reposer un peu. On va s’en sortir. » Je finis par hocher la tête et je m’écroule plus que je ne m’assois dans un coin de la pièce. Genoux repliés contre moi, je tente tant bien que mal de calmer mes tremblements et je me rends compte que j’ai fini par piquer du nez uniquement quand je sens la présence de Tasya à côté de moi. Il me faut quelques secondes pour retrouver le fil, alors qu’Elohim s’est rapproché. Agenouillé devant moi, il me tend une tasse remplie d’eau et fixe la brune, non sans une grimace compatissante. « Ils ne font rien pour qu’elle s’arrête. Tant qu’elle ne sort pas d’ici, ils se moquent des effets qu’elle peut avoir sur nous. J’ai perdu près de la moitié des occupants de ma baraque. »

De mon côté je bois à petites gorgées, non sans me crisper de douleur. Et j’ai un temps, laissant filer un silence, mon regard se perdant dans la vide. Avant de relever la tête vers Tasya. « Tu as encore la main ? Sur ceux que tu peux transférer ou non ? Et … est-ce que certains vont mieux ? » Ou alors, est-ce que ça veut dire qu’on est condamnés aussitôt qu’on est malade ? La question est importante. Je finis par poser la tasse à côté de moi, sourcils froncés. « On pourrait uniquement ramener les morts ici. » Pas de risque de nouveau massacre comme ça. Elohim lève un sourcil et ajoute, sur le même ton que moi. « Et pas uniquement les morts de la peste. Tant que le dortoir est plein. » Je hoche la tête en retour, laissant Tasya voir ce qu’il est déjà possible de faire ou non.

Les yeux dans le vague, Tasya ne peut que constater qu'ils sont bien en enfer. Elohim se rapproche pour tendre un verre d'eau à Mason. A ses paroles, elle hoche doucement la tête. « Oui, ils ne font rien pour l'arrêter » Comme tout ce qui se passe ici. « On est livré à nous-même.. » Complètement.

Tasya hoche à nouveau la tête. « Oui, j'ai encore la main. Il n'y a plus de médecin » Si le docteur VanHooten était venu les voir quelques semaines plus tôt, les disgraciés ne l'avaient plus revu dans le coin. Et du côté des districts de Colville, ils n'avaient eu personne en docteur non plus. Ils étaient livrés à eux-même avec cette épidémie. Et le seul point positif à cette absence de médic c'est que désormais, Tasya est la seule qualifiée et qu'ils se réfèrent à elle pour partager les dortoirs. Est-ce que certains vont mieux ? « Certains s'en remettent. La maladie n'a pas le même impact suivant les individus. Certains ont seulement un peu de fièvre mais elle épargne rarement les plus faibles. » Autant dire que personne ne peut savoir à l'avance comment la peste va les atteindre, vu qu'ils ne sont pas tous au top de leur forme. De son côté, elle ne peut que se réjouir de ne pas l'avoir attrapé vu ses contacts rapprochés avec les patients. Elle se protège du mieux qu'elle le peut : semblant de masques, mesures d'hygiène importantes... Avec sa grossesse, elle préfère jouer de prudence.

La mexicaine tourne son regard vers les deux hommes. Emmener uniquement les morts ici ? C'est une idée. « Je vais avoir besoin d'aide alors. Il faudra que vous vous proposiez pour les transferts... » Car jusqu'à présent, ce sont les soldats qui l'aidait. « Et s'ils s'en rendent compte...  » Elle a un frisson. « On ne peut pas prendre le risque... Il faudra emmener des mourants aussi » chuchote-t-elle, sentant la culpabilité l'envahir. Elle est en train de proposer de condamner des hommes à mourir sous la lame des gardes. C'est un mal pour un bien, non ? Ce genre de choix est atroce et l'évoquer à haute voix lui donne envie de s'arracher la langue. « S'ils se rendent compte qu'on essaye de les avoir, ils n'hésiteront pas à nous tuer... » répète-t-elle.

Tasya se redresse péniblement. Le poids de son ventre lui parait soudainement plus lourd. Elle est fatiguée. « Le jour va bientôt se lever. » Un bref regard vers la fenêtre le lui confirme. « Il reste encore du boulot.. » Notamment des tâches de sang au sol. Tout doit être impeccable avant le retour des miliciens. « On finit et tu vas au dispensaire » ordonne-t-elle à Mason. Il a besoin de soins, c'est non-négociable.

J’ai l’impression de sentir le sang pulser dans mes tempes et j’ai un profond soupir, alors que je me concentre tant bien que mal sur la tasse que j’arrive laborieusement à vider. Je sens que les prochaines journées vont être particulièrement difficiles à vivre et, à la remarque de Tasya, j’ai une grimace silencieuse. « Je ne sais pas ce qui est le pire. D’être livrés à nous-mêmes ou qu’ils fassent trop attention à nous. » Dans les deux cas, ce serait mauvais pour nous, autant être honnête.

Je laisse échapper un soupir, reposant la tasse un peu brusquement, alors que la brune répond à nos questions. Et la même idée semble germer dans nos esprits, même si le mien a un peu plus de mal à se mettre en route. Il faut dire que j’ai encore la nausée et l’impression que je vais m’écrouler si je tente de faire trois pas. « On s’occupera des transferts. Ils seront ravis qu’on s’occupe de mettre les mains dans la merde à leur place. » Elohim hoche la tête. « Je pourrais trouver des hommes sûrs pour m’aider. Suffira qu’on constitue quelques équipes qui tourneront H24. » Et j’ai une grimace quand Tasya parle aussi d’emmener les mourants. « S’il n’y a à faire pour eux, autant les emmener ici oui. » Je tends la main pour serrer son bras quelques instants. « Ils ne seront pas seuls, je continuerais de venir. » Hors de question de les abandonner là. Si on ne peut rien faire pour les sauver, on peut au moins les aider à mourir décemment. Même si ça peut paraitre dérisoire, ça reste une petite victoire quand on voit la façon dont ils peuvent se déchainer sur nous.

« Ils ne s’en rendront pas compte. Ils se moquent de savoir qui est en vie de qui ne l’est pas. » Elohim a soufflé ça avec une certaine amertume et son regard se perd un instant à fixer les morts dans la salle. On a eu de la chance, aucun d’eux n’a eu le temps de se relever avant d’être proprement trépané. Mais je suis bien conscient que nous ne sommes pas à l’abri d’une catastrophe du genre. Et beaucoup n’auraient même pas la force de lutter contre un rôdeur. En l’état, moi non plus d’ailleurs. Une nouvelle inspiration, douloureuse, alors que Tasya fait remarquer que le jour va se lever. « Comment on s’en sort ? » Une grimace quand elle parle du sang et j’essaie de me relever tant bien que mal pour aider, au moins sur la fin. « Ca va Tasya… j’ai connu pire. » Oh, j’ai connu mieux, mais ce n’est ni la première, ni la dernière fois que je me fais battre de la sorte malheureusement. Ma respiration est sifflante et j’ai du mal à tenir debout, mais au moins, j’essaie. Et, avec les autres, nous arrivons tant bien que mal à finir de nettoyer cet endroit.

Quand les miliciens reviennent, ils regardent autour d’eux, sourcils froncés. L’un d’eux laisse échapper un sifflement dédaigneux avant de se tourner, visiblement agacé de voir que nous avons réussi. Et le plus haut gradé finit par souffler, nous désignant d’un mouvement du menton. « Je veux plus vous voir. Dégagez de là. » Franchement, je ne vais pas me faire prier.

Tasya ne peut que donner raison à Mason. Les deux options sont aussi pires l'une que l'autre. Une solution est finalement trouvée. Ils vont tricher au niveau des transferts : emmener les morts ou ceux qui sont sur le point de mourir ici, et laisser les malades dans les autres dortoirs. Elle est réellement touchée par cet élan de solidarité. La brune hoche la tête pour accepter leur proposition : les jours à venir risquent d'être encore compliqués moralement. « Merci.. » murmure la brune à l'intention de Elohim puis de Mason qui se propose aussi pour venir visiter les mourants ici.

Le regard de la mexicaine se pose un instant sur Elohim, se demandant quelle tragédie il a vécu ici, lui aussi. Il semble être là depuis plus longtemps qu'eux. Il est temps de reprendre le nettoyage avant que les gardes ne leur tombent dessus une nouvelle fois. Elle s'active encore pendant les quelques heures avant le lever du soleil jusqu'à ce que le dortoir soit entièrement nettoyé. Tous les corps ont été enlevés, trépanés et le sang n'imbibe plus le sol. Il s'en sont sortis. Les miliciens reviennent et la respiration de Tasya se bloque. Elle appréhende un nouveau reproche mais finalement, ils leur demandent de déguerpir, ce qu'ils font sans demander leur reste.

Alors que le soleil se lève sur le bidonville et que les disgraciés sortent peu à peu de leurs baraquements, Tasya tire son ami par le bras. « Tu viens au dispensaire » souffle-t-elle. Ce n'est pas négociable. Mason doit venir se faire examiner. Même si elle ne peut pas lui promettre des antidouleurs ou de l'alcool pour désinfecter les plaies, il doit pouvoir les nettoyer et elle veut s'assurer que ses blessures ne sont pas plus graves.

« Une nuit de plus en enfer » souffle-t-elle lorsqu'elle a fini de l'examiner, venant poser son dos contre le mur. Ils partagent un pain qu'elle avait gardé dans sa réserve. Tasya est épuisée, mais ils ont survécu. Jusqu'à quand ?