Puisque le départ pour Agate n'est prévu que pour dans deux jours, afin de pouvoir tester le nouveau dispositif de sécurité créé par Zack, c'est tout naturellement que j'ai pris la décision d'aller rendre visite à Layla afin de savoir ce que nous pourrons amener avec nous jusqu'à l'avant-poste afin de rendre le trajet utile pour tous. Autant ne pas gâcher des ressources de carburant inutilement. De plus, cela me permet également de rendre visite à mon amie qui ne compte bien évidemment pas ses heures de travail dans la période de crise que nous traversons.
Frappant à la porte de son bureau, j'attends d'être autorisée à entrer avant de pénétrer dans la pièce. Un léger sourire vient étirer le coin de mes lèvres alors que je sors ma main de ma poche pour saluer l'anglaise. J'espère que je ne te dérange pas trop? Je ne tiens pas non plus à lui faire prendre trop de retard et à lui imposer de rester travailler plus tard encore qu'elle ne l'aurait prévu.
Comment est-ce que ça va ? Tu t'en sors, avec les stocks qui s'amenuisent ?
On toquait à la porte de son bureau et l’Anglaise fronçait les sourcils. S’il s’agissait de quelqu’un d’autre qui venait lui demande une permission spéciale pour sortir du Fort Ward et gaspiller des ressources pour une idiotie…
- Entrez. Le ton était sec, mais poli.
Le visage de l’intendante se détendit immédiatement en reconnaissant son amie cependant. Une agréable visite pour une fois.
- Pas du tout. Déposant son stylo sur les rapports devant elle, la jolie brune faisait signe à Arizona de s’asseoir on sans lui offrir un sourir. Et bien… je vais bien et toi ? Nous reprenons du poil de la bête tout doucement avec les ressources, c’est… j’ai bon espoir que nous pourrons lever ces restrictions. Avouait-elle à sa vis-à-vis. Bon, si l’on ne comptait pas la nourriture qui restait un point épineux. Et toi ?
Le changement de comportement de Layla entre le moment où elle m'autorise à pénétrer la pièce et celui où elle reconnaît qu'il s'agit de moi m'amuse en un sens. Car il est identique à celui dont je peux faire preuve également lorsque l'on vient me voir en plein travail.
M'approchant du bureau de l'anglaise, je glisse à nouveau mes mains dans les poches de mon jeans, attentive à la réponse qu'elle me donne suite à mes questions. Je suis soulagée d'apprendre que les choses semblent s'améliorer quant aux ressources dont nous disposons, mais je le suis plus encore de l'entendre me dire qu'elle va bien.
Je prends place sur le siège qu'elle me désigne, en profitant pour étirer ma jambe qui recommence à faire des siennes. Foutue paresthésie. Et bien, ce n'est pas toujours simple d'adapter mon programme de sécurité aux restrictions, mais à l'évidence on s'en sort plutôt bien. Il faut dire que je n'ai jamais douté des compétences de notre duo, dis-je avec un petit sourire complice aux lèvres. Malgré tout, je ne suis pas ici uniquement pour prendre des nouvelles de mon amie, sinon je ne serais pas venue la déranger à son bureau.
J'ai entendu que tu prévoyais un ravitaillement pour l'avant-poste de Agate sous peu. Si cela ne te dérange pas, je l'amènerai personnellement. Je pourrai en profiter pour voir ce qu'il se passe un peu là-bas et je dois procéder à quelques tests sur un nouveau dispositif de Zack. Tu penses que ça irait pour toi ?
- Oui, aucun souci pour Agate. Puis… À dire vrai même, je crois que nous pourrons lever toutes ses restrictions dans un petit mois si mes calculs sont bons. Justement grâce aux compétences de notre duo. Elle offrait un petit clin d’œil à sa chère amie, un petit sourire malicieux aux lèvres.
Cela avait fortement aidé les stocks, tous ces rationnements, cependant la population s’en trouvait éprouvée et non pas tant par manque de confort, mais par manque de liberté. Cela était… inspirant en fait. D’être assez évolué et bien installé pour que la prise de risque en extérieur soit interdite et que les survivants s’en sentent brimés ? Voilà bien la preuve que les Remnants réussissaient mieux que personne.
- Tu… Layla soupirait tout en se frottant le front, pensive. Tu crois qu’il y a des chances que nous les retrouvons en vie ? Après tout ce temps ? Arizona comprendrait immédiatement où elle voulait en venir.
Un léger rictus prend place sur mes lèvres, en réponse à la remarque faite par l'anglaise. En réalité, je n'ai fait que suivre tes recommandations, rien de plus. Le mérite te revient de droit. Je suis sincère. Je n'ai fait qu'organiser mon travail autour du sien.
Cependant, je note instantanément le changement dans le comportement de mon amie, tout autant que la tension qui s'installe subitement dans la pièce. Mon sourire se fane, mes sourcils se froncent, et un soupir transperce la barrière de mes lèvres alors que mon visage s'assombrit. En toute sincérité, j'ai personnellement fait le deuil de cet espoir à présent. En temps de guerre, je n'ai été que trop de fois confrontée à des situations similaires, et l'expérience m'a appris que l'espoir était l'un de nos pires ennemis avec le temps.
Tendant la main pour saisir celle de Layla, je viens planter mon iris dans les siens. Je suis navrée, Layla.
L’Anglaise rendait son sourire à son amie. C’était fort flatteur de sa part, mais il n’était pas tout à fait faux que la racine de cette organisation commençait avec les rationnements des différents stocks.
La conversation prenait un détour, car il n’y avait bien qu’avec Arizona que Layla pouvait être aussi… vraie, aussi… vulnérable. Les mots de la militaire sont douloureux, mais sages. Très sage et cela l’Anglaise ne peut que l’accepter. Tout au fond d’elle-même, il y avait bien eu cette petite voix qui lui avait soufflé ce conseil, mais la brune l’avait ignoré par émotivité…
- Ton expérience m’est précieuse. Je vais suivre ton conseil. Il faut avancer. Aussi douloureux était-ce. Merci. Soufflait Layla. Je suis également désolée pour ton propre deuil. Ajoutait-elle tout en saisissant la main tendue pour la serrer avec affection.
Je n'apprécie pas spécialement d'être l'oiseau de mauvais augure qui se doit de faire prendre conscience de la réalité à quelqu'un d'aussi précieux pour moi que Layla. Cependant, je pense qu'il est de mon devoir de la confronter à la dureté des choses plutôt que de la laisser se conforter dans un espoir déplacé et plus délétère qu'autre chose.
Serrant sa main lorsqu'elle attrape celle que je tendais dans sa direction, je lui offre un léger sourire se voulant rassurant. Tu n'es pas obligée de balayer tout cela d'un revers de main. Si tu as besoin de parler, tu sais que je serai toujours là pour t'écouter et te conseiller dans la mesure du possible. En gardant bien évidemment à l'esprit que je ne suis pas forcément la mieux placée pour cela.
Je prends une grande inspiration et hoche légèrement la tête, plantant mon iris dans les siens. Mon expérience passée m'a appris à faire immédiatement le deuil des personnes disparues en missions extérieures. Bien avant que notre monde ne soit comme il l'est aujourd'hui. J'ignore si c'est une bonne chose, mais au moins la souffrance est de courte durée.