The Walking Dead RPG

J'ignore si l'on peut dire que la conversation avec Gin a été constructive ou non. Cependant, elle m'aura permis de prendre conscience de quelque chose. Alors que je discutais de la blonde, prenant pleinement conscience du fait que Ulrich ne me faisait pas confiance, j'ai compris que je devrais prendre des risques si je veux pouvoir essayer de survivre. Après tout, il ne s'agit que de ça. Rester en vie et m'assurer qu'il en sera de même pour Billie. Si je finis par être dans les bonnes grâces de cet enfoiré, peut-être qu'il m'accordera la faveur de laisser ma sœur en dehors de tout ça. Une immunité est presque trop belle pour être espérée, mais je dois m'accrocher à cet espoir. Sans quoi, tout serait perdu.

Alors, fin prête pour mon rôle de servante attitrée de ce fils de pute, je me rends dans la salle où il a l'habitude de s'installer pour manger. Dès que son repas est prêt, je mets la table – plus lentement que si j'avais deux bras ou même ma prothèse à disposition – avant de me mettre docilement à genoux à proximité de la chaise qu'il occupera dès lors qu'il arrivera. C'est le rituel qui a fini par s'installer. Je n'ai pas d'autre choix que de m'y plier. De toute manière, la douleur dans ma gorge chaque fois que je tente de parler et les images de ce qu'il m'a fait après ça continuent de me rappeler que je ne peux malheureusement rien faire d'autre. Je ne suis pas en position de force, que cela me plaise ou non.

Ce n'est que lorsque j'entends des pas résonner à proximité de la porte avant que celle-ci ne s'ouvre que je baisse la tête pour éviter de croiser son regard. Comme il me l'a demandé. Après tout, je n'ai pas d'autre choix que de me plier à ses exigences. Mon but reste le même. Tenter de gagner sa confiance. Améliorer ma condition. Protéger Reese – ou plutôt son enfant à naître – et faire de mon mieux pour accorder une protection à Billie. Et pour ça, si je dois trahir certaines personnes... Ma foi, je n'ai jamais eu de mal à le faire par le passé. Je ne vois pas pourquoi est-ce que ça m'empêcherait de dormir aujourd'hui.

Ma position n'a absolument rien d'enviable. En vérité, je la hais même du plus profond de mon être. Comment cet homme ose-t-il croire qu'il peut se permettre de me faire ployer devant lui ? Ne serait-ce qu'imaginer qu'il est parvenu à me briser ? Je ne fais que jouer son jeu pour me permettre de survivre et d'aller de l'avant. De finir par me donner un avantage. Rien d'autre. Lorsqu'il s'approche, restant près de moi, je n'ai même pas besoin de relever le regard dans sa direction pour sentir ce sourire qui doit certainement avoir pris place sur ses lèvres. Malgré tout, une œillade discrète me permet de confirmer ce que je pensais. Il me dégoûte.

A sa remarque, je ne dis rien. Il peut bien penser ce qu'il veut, imaginer qu'il est parvenu à un exploit que personne n'avait encore réussi auparavant. Je m'en fiche. Que cela lui permette de s'astiquer le poireau une fois de retour dans sa piaule si ça peut lui faire plaisir, je n'en ai rien à faire. Mon objectif n'est pas de le satisfaire, mais uniquement de servir mes propres intérêts. Je lui laisse donc prendre plaisir à me voir ainsi agenouillée à ses côtés, patientant simplement dans le silence jusqu'à ce qu'il se décide enfin à s'installer.

Comme à chaque fois, je patiente jusqu'à ce qu'il ait fini son repas. Ce n'est qu'à ce moment là que je me relève, faisant plus de trajets que je n'en aurais fait avec deux bras pour débarrasser la table. Je viens passer un chiffon humide sur ladite table avant de l'essuyer, m'assurant qu'elle soit propre avant de venir poser sempiternellement cette même carte devant lui. Le rituel est bien rôdé. Cependant, cette fois, ma décision est prise. Et alors qu'il a à peine le temps de venir poser son regard sur les lignes de la carte, mon doigt se pose sur l'emplacement d'un camp que je connais bien. Le domaine de Telve. Le repaire des Inglorious Fuckers. Je n'ai pas d'autre choix.

Les attaquer par la mer sera compliqué, mais pas impossible. Je ne parviens qu'à aligner ces quelques mots, ma voix déformée par la douleur et toujours aussi faible. On verra bien ce qu'il se passe.

Au moins, il aura le mérite de réagir à ce geste que je viens d'avoir. A-t-il conscience de l'importance qu'il a ? Je pense qu'il s'en contrefiche. Tout ce qu'il voit est son propre intérêt. Ce qui peut lui apporter quelque chose, peu importe ce que cela peut avoir comme coût pour autrui. Et dans le fond... Puis-je réellement lui en vouloir ? Après tout, je suis exactement pareil que lui. J'ai passé ma vie à me servir des autres pour mon bon plaisir. Pour être franche, je n'ai pas l'intention d'arrêter. Au contraire, c'est même exactement ce que je suis en train de faire. Sacrifier un groupe qui ne m'a rien fait pour essayer d'assurer mes arrières et ceux de ma sœur. Il n'y a que ça qui compte réellement.

Je lui laisse le temps d'étudier la position du camp que je viens de lui désigner puis, lorsqu'il me demande des détails, je tente de reprendre la parole. Mais il semblerait que mes cordes vocales ne soient pas disposées à fonctionner. Je peste silencieusement et me détourne un instant de Ulrich et sa carte pour aller chercher le carnet et le crayon qui m'ont servi pendant des semaines pour m'exprimer et répondre à ce qu'il me demandait.

Des rochers escarpés tout autour du phare, mais une plage accessible permettant une attaque par la mer. Leurs défenses sont presque nulles, quant à leurs armes ils n'ont pas un arsenal très complet. Leur nombre fluctue, ils sont du genre à accueillir des gens de passage mais en général ils sont une bonne dizaine de résidents permanents.

Lorsque j'ai fini d'écrire ma réponse, je viens placer le carnet devant Ulrich pour qu'il puisse lire. Une fois qu'il a terminé, je reprends l'objet pour venir ajouter quelques lignes.

Séparer les équipes, en attaquant directement la plage pendant que d'autres contournent le domaine pour les prendre à revers serait certainement le plus efficace. S'ils se concentrent sur une attaque maritime, ils ne penseront pas forcément à une attaque terrestre en même temps. Ce ne sont pas des guerriers, simplement des survivants qui font de leur mieux.

Au moins, il ne pourra pas dire que je suis avare en informations...

Les secondes pendant lesquelles Ulrich lit le papier que j'ai mis devant lui me semblent durer une éternité. Je me retiens d'ailleurs de soupirer, espérant bien évidemment qu'il se dépêche et finisse par reconnaître ma bonne foi. Enfin, comme je m'y attendais, il me précise qu'ils iront bien évidemment vérifier mes informations avant qu'il ne fasse quoi que ce soit me concernant. C'est sûr qu'après leur avoir indiqué le camp des Remnants en premier lieu, je me suis un petit peu tiré une balle dans le pied. Mais comment est-ce que j'étais supposée savoir que ces crétins n'allaient pas repérer leur bateau et directement le faire couler en leur tirant une roquette dessus ? Vraiment inutiles quand on a besoin d'eux.

Quoi qu'il en soit, je dois avouer qu'une part de moi est relativement soulagée lorsqu'il semble démontrer un certain intérêt pour ce que je lui ai présenté. Sa remarque visant à se jeter des fleurs me passe au-dessus et je n'y réagis pas du tout. Cependant, je dois dire que lorsqu'il reprend après avoir indiqué qu'ils iraient bien évidemment vérifier mes dires, ma curiosité est piquée à vif. Qu'entend-il par « récompensée comme j'ai envie de l'être » ?

Avalant ma salive pour essayer de permettre à ma voix de sortir plus ou moins convenablement de ma gorge, je prends une grande inspiration et plante mes yeux dans les siens. Comment ? J'ai envie de savoir ce qu'il a en tête, même si j'ai parfois l'impression que même lui ne le sait pas toujours. Parle-t-il d'une récompense sexuelle ? Consentie cette fois, j'entends. Ou bien est-ce qu'il pense à autre chose ? Je dois avouer que je préférerais la deuxième solution, mais ça... Pas sûre qu'il soit prêt à une telle chose. Pas pour l'instant en tout cas. Tout ce que j'espère c'est que ce que je fais finira par aboutir comme je le veux: en me permettant de nous mettre Billie et moi à l'abri. Quoi que. Même juste Billie, ça m'irait. Comme toujours, ma vie a beaucoup moins d'importance à mes yeux que la sienne. Et je ferai tout ce qu'il faut pour la mettre en sécurité. Quoi qu'il m'en coûte.