Je pense qu'ils ne s'attendaient pas vraiment à avoir droit à une telle offensive, surtout par deux personnes seulement. Et franchement, quand le dernier survivant de leur petit groupe de connards se rend compte qu'au final ils se sont fait avoir comme des cons par deux pégus, il tire une tronche qui laisse pas trop la place au doute. Il sait qu'il est dans la merde. Et c'est rien de le dire.
***
Attrapant un morceau de tissu suspendu à un fil qui devait leur servir de corde à linge, je viens essuyer mes mains couvertes de sang avant de faire pareil avec ma hache. Je tourne la tête vers le feu qui brûlait au centre de leur petit campement, finissant par jeter le linge souillé dans les flammes. Au moins, on a eu quelques infos. L'emplacement du lieu de réunion où ils sont censés se retrouver à la fameuse prochaine pleine lune, combien ils sont par camp et où est-ce qu'ils sont situés. Apparemment, il était mieux renseigné que ceux qui avaient fini par arriver à Junk Town. A croire que c'était presque uniquement le hasard qui les avait guidés jusque là-bas.
Tu préfères qu'on laisse tout ça comme c'est en laissant les cadavres là, ou bien on les brûle pour donner l'impression qu'ils ont juste disparu ? On sait jamais, si une patrouille quelconque devait se ramener et potentiellement griller nos plans en décidant de déménager en se disant qu'ils ont été compromis. J'en sais rien, je fais des suppositions, mais ça fait tellement longtemps que j'ai plus été en contact avec ces tarés que j'ai plus forcément le même chemin de pensée qu'eux. Enfin, si tant est que je l'ai déjà eu. Ça, c'est pas certain.
J'ai une autre question. Avant qu'on continue, est-ce que tu veux retourner chez toi pour rassurer les tiens ? Peut-être qu'on reviendra jamais de ce qu'on s'apprête à faire. C'est un truc dont j'ai parfaitement conscience et pour ma part j'ai fait mes adieux par lettre interposée. Contrairement à Ana, ils ne savaient pas où je me trouvais et ne connaissaient pas mes liens. Ou du moins je l'espère. Alors pour ne pas prendre de risques, j'ai préféré faire ça comme ça. Elle, par contre, ils savent déjà où vivent ses proches, de ce que j'ai compris. Donc à elle de voir.
Je veux qu'ils se sentent traqués, souffle-t-elle en relevant les yeux vers Liam, la fermeté dans les pupilles, sans chercher plus loin. C'est une guerre de nerfs qui s'amorce avec des ennemis qui n'ont que faire des menaces. Ou du moins, qui veulent le faire croire. Cependant, Ana le sait : il y a un paysage a dessiné ici, un paysage qui fera en sorte qu'on ne viendra plus s'aventurer davantage dans cet environnement. Placer l'Etat de Washington hors de portée de ces enflures ou qu'ils le pensent trop dangereux pour eux, trop hostiles. Qu'ils aillent voir vers le sud si ça leur chante : pour ce qu'Ana en a à faire de son côté.
Elle se tourne vers les cadavres, venant se passer une main sur la joue encore couverte de tâche de sang qu'elle n'a pas réussi à effacer, faute de voir son reflet dans la glace. Tout ça lui donne des allures de madone sanguinaire, ça lui convient très bien. C'est l'image que ces hommes ont embarquée avec eux, avec leurs hurlements et la douleur qui va avec. Les corps en évidence, et on va y aller avec la mise en scène, ajoute-t-elle pour plaider sa stratégie, avant de revenir auprès de Liam : Qu'ils comprennent qu'ils ne sont pas les bienvenus ici, ajoute-t-elle.
Tout ça leur prend du temps, c'est une mise en place minutieuse. A l'aide des affaires qu'ils ont avec eux, leurs corps sont réduits à l'état de pantin désarticulé, sans marionnettiste pour les animer désormais. Il n'y a plus rien d'humain chez eux depuis longtemps, alors qu'est-ce que ça change ? Je vais devoir rentrer pour prévenir les autres de toute façon, souffle-t-elle à Liam en haussant les épaules, le souffle court après l'effort. Il faut aussi que je trouve un moyen de contacter le baron pour qu'il vienne nettoyer un merdier qui le concerne, précise-t-elle. Sebastian sera ravi sans doute. Et ça ne sera pas plus mal de pouvoir le balancer lui aussi sous les roues du bus si l'occasion se présente.
Faire en sorte qu'ils sachent qu'ils sont traqués hein ? C'est dans nos cordes. Et le pire c'est que je sais d'avance que la scène qu'on leur offrira sera certainement bien pire que tout ce à quoi ils auraient pu s'attendre. En tout cas, je suis l'avis de la brune, me contentant de hocher la tête avant de me mettre au travail. Les corps sont récupérés, malmenés autant que faire se peut, installés de manière à créer l'atmosphère la plus macabre qu'il nous soit donné d'imaginer.
Éreinté par l'effort, je viens essuyer mon front d'un revers de la manche alors que Ana jette un dernier coup d’œil à notre chef d’œuvre. Franchement, c'est tellement bien fait que ça me ferait presque froid dans le dos si je savais pas que c'était une mise en scène. Les corps dans un tel état, exposés de la sorte... Je pense que si je tombais par hasard sur ça, je serais vraiment pas rassuré.
En tout cas, comme je m'y attendais, mon ex-femme a bel et bien l'intention de retourner voir les siens. Je hoche donc la tête, fronçant légèrement les sourcils quand elle me parle d'essayer de trouver un moyen de contacter le Baron. En espérant qu'il nous la fasse pas à l'envers en allant se rabibocher avec eux juste pour sauver son cul. Vu le personnage, je ne serais qu'à moitié surpris il faut dire. Enfin, j'imagine qu'en ayant la menace d'avoir deux personnes comme nous qui pourraient le démembrer au moindre faux pas, peut-être que ça le dissuadera. On verra bien. Si ça se trouve, elle n'arrivera même pas à le contacter. Bref.
D'accord. En attendant, je vais continuer de traquer leurs camps et essayer d'avoir un maximum d'infos. T'en fais pas, je ferai en sorte de répéter des scènes comme celle-ci, pour qu'ils comprennent que ce sont les mêmes qui se sont attaqués à eux. Sois prudente, ok ? Flemme de devoir me taper tout ça tout seul. Après tout, mon petit doigt me dit que ça ne fait que commencer.
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