The Walking Dead RPG

Tasya reste près de moi, m’aidant à boire un peu d’eau. Je trouve la force suffisante pour lui parler, pour dire ce que j’ai sur le cœur à cet instant. La brune me dit qu’elle fera son possible, qu’elle répétera ces mêmes mots à Amalia. Une part de moi ressent un profond soulagement, même si je ne suis pas dupe. Il y a très peu de chance pour que les deux femmes se revoient à nouveau. Mais encore une fois, je me raccroche à ce maigre espoir afin de pouvoir partir en paix. Ses mots me touchent et je ne quitte pas son regard, me contentant de lui souffler un « Merci. » Ma voix me paraît encore plus faible, un murmure. Ma main serre la sienne, encore une fois, reconnaissante.

Quand elle me dit brusquement qu’elle va revenir, je laisse sa main s’échapper, sentant alors un profond vide à cet instant. Elle s’éclipse, me ramenant alors à la triste réalité. Autour de moi, les malades sont toujours aussi nombreux, certains semblent se porter mieux que moi, d’autres sont sûrement condamnés, tout comme moi. Je préfère fermer les yeux, pour ne pas m’attarder sur eux, ai-je l’air aussi mal en point qu’eux ? Je ne préfère pas y penser.

J’ignore combien de temps je reste seule. C’est finalement une voix masculine qui m’interpelle. J’ouvre difficilement les yeux. Je mets quelques instants à le reconnaître. Alors qu’il vient attraper ma main à son tour et qu’il baisse brièvement son foulard pour me sourire, je finis par me rappeler qui il est. Encore une fois, il semble être prêt à m’aider. Cela me dépasse un peu et je ne peux pas m’empêcher de lui dire « T’es pas obligé d’rester. » Pourtant, une part de moi n’a pas envie qu’il parte. Il doit sûrement le sentir quand je serre légèrement ses doigts. Un sourire à peine imperceptible étire le coin de mes lèvres, pour le remercier de rester là. Je sens que la peur n’est pas loin, qu’elle finira sûrement pas l’emporter à mesure que la fin approchera, je suis soulagée qu’il soit là.

J’ai un rire silencieux à sa remarque et je souffle, toujours sur le même. « C’est bien parce que je ne suis pas obligé de rester que je compte bien le faire. » Et mon autre main se pose sur la sienne, comme pour l’aider à s’y raccrocher le temps qui lui reste. J’entends sa respiration plus que laborieuse et mon regard se détourne un instant pour croiser celui de Tasya. Pour faire disparaitre les dernières miettes de lâcheté qui ont ponctué mon existence.

Je finis par reporter mon attention sur Alba, reprenant d’une voix aussi douce que possible. « Tu n’as pas à avoir peur tu sais. Tu n’es pas seule. Tasya et moi, nous resterons avec toi jusqu’au bout. » Un instant, j’ai l’impression de voir le fantôme de mon père flotter près de moi. C’est probablement ce qui me donne la force de continuer sans que ma voix ne se mette à trembler. « Et quoi qu’il ait pu se passer, quel que soit le chemin que tu aies emprunté pour arriver ici… tu peux partir en paix Alba. Tu as assez vécu, assez souffert. Maintenant, tu vas pouvoir te reposer. Et plus personne ne te fera de mal. Ce sont de belles choses qui t’attendent. » Je n’ai que quelques bribes de sa vie jusqu’ici et franchement, en cet instant, ça n’a plus d’importance. Personne ne devrait finir ici, personne ne devrait subir autant qu’elle l’a fait. J’ai juste envie qu’elle trouve un peu de paix, de sérénité, avant de nous quitter. Si je serre toujours ses doigts d’une main, l’autre se tend vers son visage, pour aller se poser sur le sommet de son crâne, avec toute la douceur à laquelle j’ai été habitué avec les enfants.

Sans même que je m’en rende compte, je commence même à chantonner doucement, sans perdre ce sourire qui lui est destiné. J’ai nombre de chants religieux en tête et pourtant, ce n’est pas celui qui me vient naturellement.

« Très loin, là-bas,

Sous la lune d'opale,
Quelqu'un se sent triste
Et pense à moi ce soir.

Très loin, là-bas,
Quelqu'un parle aux étoiles
Dites-lui que je l'aime,
Et que nos prières se croisent.

Même si l'immensité qui nous sépare me fait mal,
Je sais que tu confies le même voeu à la même étoile.
Quand le vent tristement chante sa plainte sur les toits,
Je sais que tu vas t'endormir sous le même ciel que moi.

Très loin, là-bas,

Si tu as fait un voeu,
Nous serons ensemble.
Très-loin, là-bas,

Où le ciel est bleu... »

I will walk by faith
even if I cannot see.

ANAPHORE

Spoiler:

Tasya se retient de justesse de ne pas intervenir quand Mason enlève son foulard. La peste est une maladie contagieuse, et elle ne veut pas que son ami finisse ici, lui aussi. Tout ça, il le sait déjà de toute manière et s'il est prêt à prendre le risque, elle ne peut intervenir. Visiblement, elle a bien fait d'être allée le chercher puisqu'il semble reconnaitre Alba en la nommant par son prénom. La jeune femme sourit, faiblement.

Lorsque son ami tourne le regard vers elle, la mexicaine hoche la tête en silence. C'est bien la fin, elle ne peut plus rien faire pour l'aider. Les traitements n'ont pas eu l'effet escompté. Il aurait fallu plus, que Alba soit intubée pour lui permettre de dépenser moins d'énergie en cherchant sa respiration, qu'elle soit perfusée, nourrie. Là, ici, dans ce dortoir, ils n'ont rien de tout ça et ce n'est pas faute d'avoir demandé plus de moyens aux miliciens. Un instant, ses yeux se voilent. C'est injuste. Elle ne devrait pas mourir.

Aux paroles de Mason, elle hausse la tête. « Je suis là aussi » souffle-t-elle en venant s'agenouiller auprès de la jeune malade. D'une main, elle vient attraper celle d'Alba et l'autre vient chercher celle de Mason. Ils sont ainsi réunis pour accompagner la jeune femme jusqu'au bout. Elle garde le silence tandis qu'il s'exprime, les paroles justes, réconfortantes.

Quand il commence à chanter, elle hésite et ne tarde pas à reconnaitre les paroles de sa chanson. Sa voix se mêle à la sienne doucement tandis que dans le petit dortoir, le silence se fait, et le temps semble se suspendre.

Message In A Bottle

Just a castaway, an island lost at sea,
another lonely day with no one here but me
More loneliness than any man could bear
Rescue me before I fall into despair

A la remarque de Mason, un sourire apparaît sur mon visage, bien plus franc que le précédent. En temps normal, je l’aurais certainement envoyé chier, je n’aurais pas voulu de son aide. Mais à cet instant, je réalise la chance d’être entourée, l’idée de vivre ces derniers moments seule me terrifie. Le réconfort de ces mains qui serrent la mienne, les regards bienveillants, leurs sourires ; leur présence est rassurante.

Puis lorsque l’homme prend la parole, je m’accroche à ses mots, silencieuse. Doucement, mes doigts pressent un peu plus sa main et je lui accorde un regard reconnaissant pour le remercier d’être là. Il trouve les mots justes, de quoi rendre l’instant moins douloureux, moins effrayant. Une de ses mains vient se poser sur le haut de mon crâne, l’autre serre la mienne. Je ferme brièvement les paupières alors que ma respiration se fait de plus en plus difficile. Je reconnais la voix de Tasya. La brune attrape ma main et j’ouvre à nouveau les yeux. Son visage me paraît plus flou subitement mais sa présence est tout aussi réconfortante. Elle aussi restera près de moi. Je lui offre un sourire…

La voix de Mason résonne à nouveau. Il se met à chanter et je me laisse doucement bercer par ses notes douces et justes. J’aimerais pouvoir l’accompagner mais c’est impossible. Je grimace légèrement alors que l’air vient à me manquer. Je m’accroche pourtant, jusqu’au bout, profitant au maximum de cet instant. Peu à peu, mes forces m’abandonnent, ils doivent sûrement le sentir, la pression de mes doigts sur leurs mains se fait de moins en moins forte. Et Mason poursuit sa chanson, je ne l’entends plus, sombrant peu à peu. Mes paupières se ferment, définitivement cette fois.