Une fois de plus, je me contente de hocher la tête, notant les informations qu’elle me donne. « C’était compliqué ces derniers mois de savoir ce qui était dû à ton corps ou à l’environnement avec tout ce qui s’est passé. » Normal qu’elle ait pas spécialement eu envie de s’appesantir sur le sujet, surtout que les conditions étaient tout sauf propices à ce genre de discussion.
A sa question, je souffle, d’un ton calme. « Est-ce que tu as des douleurs ailleurs ? Des nausées ? Troubles de la vision ? » Après, vu notre état général, ça va être compliqué de démêler ce qui pourrait être dû à ça ou juste à une grosse fatigue. Je me frotte la nuque quand elle répond à propos de sa famille, laissant filer un silence. « On fera avec, t’en fais pas. » Ca aurait pu aider mais, en vérité, y a une part de moi qui est soulagée qu’elle me balance pas qu’il y a des cancers du sein dans sa famille depuis 3 générations.
Et, à la question qui fâche, je m’installe à côté d’elle, lui jetant un bref regard. « J’ai une idée oui. Et je pense que toi aussi. » C’est comme si toutes mes pires craintes se cristallisaient en cet instant précis. Tout ce qu’on pourrait pas soigner, tout ce qui était facile avant la chute de notre monde qui est devenu trop compliqué, pour ne pas dire impossible. « J’ai envie d’être optimiste et de me dire que c’est juste une tumeur non cancéreuse. » Même si c’est compliqué de le croire vraiment. Et encore plus compliqué de le confirmer ou non. J’ai une longue inspiration avant de reprendre. « Tu me fais confiance Andrea ? » Parce que les options qui me viennent dans l’immédiat sont pas nombreuses. Et ça me fait flipper comme pas permis.
Non, seulement mal... Ici... Mais c'est difficile d'établir parce que je suis tellement fatiguée, les courbatures sont son quotidien, les plaies, l'épuisement. Tout. Elle ne peut même pas le nier ou s'en cacher, c'est une constante pour elle. Je dors déjà assez mal, il y a tellement à penser pour le campement et ses habitants, soupire-t-elle alors. Elle a toutes les raisons du monde pour ne pas s'occuper d'elle-même... Et voilà maintenant qu'il n'y a plus le choix.
Elle relève les yeux vers Nolan, et sa remarque lui fait l'effet d'une claque : Ok, elle garde contenance. Elle réalise alors qu'elle est en sursis, tout compte fait. Ca fait un choc, admet-elle sans pour autant en montrer quoi que ce soit. Andrea n'est pas du genre à s'épancher de cette manière. Déjà je n'ai pas le choix et ensuite... Bien sûr que je te fais confiance, ajoute-t-elle avec un sourire. Tu m'as suffisamment prouvé ta valeur, qu'il n'en doute pas. Tu as besoin de temps pour mettre un protocole de soin en place ?
Oh, my eyes are seein' red. Double vision from the blood we've shed. The only way I'm leavin' is dead : That's the state of my, state of my, state of my head
J’ai un bref hochement de tête. « Je sais, c’est compliqué de savoir ce qui est lié à ton rythme de vie ou pas. » Et j’ajoute, avec une ombre de sourire. « Tu vas devoir lever un peu le pied et m’écouter par contre. » Je lève une main dans sa direction avant qu’elle commence à protester. « Ce sera non négociable. Je sais que le camp a besoin de toi, mais il a besoin de toi en forme. » Et en vie surtout.
Je vois que le verdict lui fait un coup. C’est normal. Et je souffle, à mi-voix. « Tu veux que je te laisse quelques minutes tranquille ? » Je lui laisse le temps de réfléchir à ce qu’elle voudrait me répondre et je reprends, toujours sur le même ton. « Je vais avoir besoin d’un peu de temps oui. Mais il va falloir qu’on prenne des décisions rapidement. On discutera de tout ça ensemble de toute façon, une fois que j’aurais mis en place les différentes options. » Un temps, alors que je l’observe un instant. « J’imagine que tu veux que tout ça reste le plus confidentiel possible. Mais est-ce que tu m’autorises à travailler dessus avec Quinn ? » A sa place, j’aurais pas envie que Lisandro soit au courant, mais on sait jamais.
Je finis par me redresser pour me poster devant elle, baissant la tête pour être à sa hauteur. « Et un autre point important. Ici, tu n’es ni un membre du Conseil, ni une mère qui essaie de traverser actuellement son deuil. Tu es juste toi. Et tu es là pour toi. Tu as le droit de dire et de faire tout ce que tu veux, y aura que moi pour le voir. Et parait que je suis bloqué par le secret médical. »
Oui bien sûr, mais que ça reste entre nous trois pour l'instant, d'accord ? Souffle-t-elle d'un ton ferme en plongeant ses yeux dans ceux de Nolan. C'est stratégique, explique-t-elle. Si certains me pensent malade ou souffrante, nous pourrions amener de l'instabilité au sein du campement. Nous avons déjà eu Marlon pour essayer de prendre le pouvoir, je sais qu'il ne le retentera plus, mais nous ne connaissons pas encore les natifs et nous ne pouvons-nous permettre de vaciller avec les ennemis qui courent à côté, ajoute-t-elle.
Nolan ne pense sans doute pas à ces questions dans son rôle, mais Andrea sait qu'elle n'a pas le choix que de les envisager pour sa part. Un soupir lui échappe, elle pince les lèvres en tentant de ne pas s'en formaliser. Lorsqu'il y aura un traitement ou une solution viable, j'en parlerais aux autres, pas avant. Même à Corray ou Nihima, elle ne peut pas se le permettre. Lisandro ? Encore moins. C'est entendu... ajoute-t-elle alors avec un presque sourire. Le coeur n'y est pas forcément. J'imagine qu'on se retrouve quand tu as une idée de comment nous y prendre ?
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« Ca restera entre nous, c’est pas un problème. » Et je soutiens son regard alors qu’elle me donne quelques explications en plus. « J’entends parfaitement et je suis d’accord avec toi. Mais tu resteras quand même ma priorité. Et j’insiste sur le fait que je veux que tu suives toutes mes recommandations. » Libre à elle de se débrouiller comme elle veut pour ça, mais elle peut voir que je suis tout autant déterminé qu’elle sur ce coup.
« Je me suis pas mal documenté sur le sujet. On aura un truc à te proposer rapidement. » De toute façon, vu nos peu de moyens, ce sera une course contre la montre. Alors je vais pas pouvoir réfléchir au sujet aussi longtemps que je le voudrais malheureusement. Et si je sens une bouffée d’angoisse, ça doit être que dalle en comparaison de ce qu’elle doit éprouver. Et, au reste, elle a quand même droit à ce qui s’apparente le plus à un rire. « Tu rêves. Je veux te voir ici au moins deux fois par semaine. Je vais te filer un régime de ce que tu peux manger en fonction de ce qu’on a en stock. Des tisanes aussi, et je veux pouvoir vérifier l’évolution de tout ça régulièrement. Vu le bordel ici, je suis à peu près sûr que t’auras des excuses toutes trouvées. Et dans tous les cas, je te filerais mon emploi du temps pour que tu sois sûre de croiser personne. » Ca reste le plus simple.
Et si je suis pas du tout du genre tactile, je tends la main et je la pose un instant sur la sienne, pour serrer ses doigts rapidement. Et j’ai un sourire bien plus assuré que je l’aurais cru. « Je ferais tout ce que je peux pour te trouver une solution. » Hors de question de la perdre elle aussi.
Très bien, je vais obéir, et manger ce qu'il lui dit de manger sans rechigner. Andrea se doute que les temps à venir ne seront pas très amusant pour elle mais... Elle essaie de ne pas s'en formaliser. Peut-être qu'à l'approche de la mort, la donne sera bien différente, bien plus douloureuse aussi. Elle n'en sait rien, elle tente surtout de ne pas s'effondrer. De ne pas se sentir trahi par son corps, en particulier. Merci Nolan, souffle-t-elle simplement alors que l'homme se montre rassurant. Elle finit de remettre sa veste, et le laisse. Le coeur encore plus lourd qu'à son arrivée.
FIN
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