The Walking Dead RPG

Mason s’était retrouvé, du jour au lendemain, privé de l’ensemble de ses privilèges. Après des jours passés en cellule dans l’incertitude concernant son sort, les plateaux repas disparurent subitement. Le lendemain, il fut embarqué dans une autre cellule en sous-sol de la caserne, menotté comme un criminel, et dépouillé de tous ses vêtements avant d’être jeté au cachot. Il ne fallut pas longtemps pour que la rumeur coure concernant sa trahison, et que ses geôliers lui mènent la vie particulièrement difficile. Quand il n’avait le droit qu’à quelques coups ou une bassine d’eau froide pour l’empêcher de s’assoupir plus de quelques minutes, il pouvait encore s’estimer chanceux.

Ce manège dura pendant des jours interminables, avant qu’il ne finisse par, comme les autres avant lui, être traîné de force jusqu’en salle d’interrogatoire. Il passa devant une Ashe grondante aux oreilles plaquées dans son pelage cendré, avant d’être jeté sans ménagement à l’intérieur de la pièce. Bras croisés, appuyé au mur, mon expression était fermée. Les yeux cernés, j’accusai de la fatigue de tous ces jours passés à interroger les rebelles les uns après les autres. Mais elle n’était pas tant physique que psychologique. Le service de nettoyage n’avait pas pris la peine d’éponger tout le sang qui avait coulé sur et entre les dallages humides, c’était peine perdue. Et laisser Mason éponger le sol, de son propre corps mis à nu, devrait le faire réfléchir un peu. J’attendis calmement que les gardes l’attachent à l’anneau qui dépassait du sol. Il n’avait même pas assez de mou pour se mettre autrement qu’à genoux ou assis. « C’est tout le sang des victimes passées avant toi. Toutes celles à qui nous avons arraché de force ton nom. »

Je me décollai du mur pour m’avancer de quelques pas vers lui. Je fis finalement signe aux gardes de nous laisser. « Merci. Ce sera tout. » Je n’aurais besoin de personne pour assister à la scène cette fois. J’avais clairement besoin de régler mes comptes. Ils ne rechignèrent pas longtemps, grâce à mon uniforme de Trône. La suite nous appartenait à tous les deux.

« Ils te feront la guerre, mais ils ne te vaincront pas; car je suis avec toi pour te délivrer. » dit l'Eternel

Inspirer.

Expirer.

J’essaie de calmer mes tremblements, mais ça devient chaque jour un peu plus difficile. J’y ai presque cru, les premiers jours. Que j’arriverais à sortir de là. Et puis, je me suis retrouvé ici. Dans cette cellule. De nouveau seul. Avec mes cauchemars. Avec tout ce qui me terrorise depuis que je me suis retrouvé entre les mains des Scarecrows. Dans le même état. Traité de la même façon.

C’est vous qui avez fait de nous des monstres.

… ils n’avaient pas tort au fond. Nous ne valons pas mieux qu’eux. C’est même tout le contraire.

Je ferme les yeux, alors que je commence doucement à fredonner, me raccrochant à ce que je peux, à ce qui m’empêche de perdre totalement pied.

« Amazing grace how sweet the sound
That saved a wretch like me
I once was lost, but now I'm found
Was blind but now I see… »

J’entends un mouvement derrière la porte. Comme souvent, un des gardes s’arrête et m’écoute chanter. Avant de s’éloigner sans un mot.

Le temps semble avoir perdu tout son sens. Je ne sais pas si je suis là depuis deux jours ou deux semaines quand on me tire enfin de ma cellule pour m’amener en salle d’interrogatoire. J’ai un frisson qui me parcourt l’échine alors que je vois Ashe et que je comprends qui va m’interroger. Je ne devrais même pas être étonné à dire vrai, surtout vu comment les choses se sont goupillées. Et je continue de fredonner ma chanson, alors qu’on me jette au sol. C’est à peine si j’ai un regard vers les hommes qui ont attaché l’anneau de mes chaines, alors que j’écoute River avec attention. Evidemment que j’ai été dénoncé, sinon je ne serais pas là. Et mon cœur se serre à la pensée des filles qui ont dû parler. A qui on a arraché mon nom.

Sans dire un mot, je pose mes deux mains à plat au sol, inspirant longuement pour ne pas me laisser envahir par la panique et pour arrêter de trembler. Autant dire que c’est bien plus facile à dire qu’à faire. Mais je pense à tout ceux qu’il faut encore protéger, qui ont encore une chance de faire tomber cet endroit. Je dois tenir autant que possible, pour eux. Je ne suis plus dans la partie maintenant, mais je peux essayer de les aider.

Et je finis par m’assois par terre, en tailleur, levant les yeux vers River. « Je suis navré qu’on en arrive là tous les deux. Vraiment. » Il ne me croira probablement pas, mais qu’importe, j'aurais aimé que l'histoire se finisse autrement.

I will walk by faith
even if I cannot see.

ANAPHORE

Spoiler:

Prostré au sol, nue comme au premier jour, l’ancien milicien avait perdu de sa superbe. Ses tremblements ne m’échappèrent pas, même si je ne savais pas s’ils devaient être imputés au froid ou… à la peur. Tout homme avisé craindrait ce qui risquait d’arriver entre ces quatre murs, à l’abri des regards indiscrets. Ashe rôdait autour de lui comme un prédateur le ferait, toujours grondante et les oreilles basses. Elle avait retroussé les babines et n’attendait que mon ordre.

Les excuses proférées par Mason sonnèrent creuses à mes oreilles. Loin de m’apaiser, elles ne firent qu’alimenter davantage encore ma colère. Je fondis sur lui en un rien de temps, pour abattre mon poing avec force sur sa pommette qui éclata sous le choc. La douleur irradia jusqu’à mon coude, mais je ne m’arrêtais pas pour autant. Je frappai, encore et encore… Je ne cherchais même pas à me contrôler. Je ne le relevai que pour lui en mettre une à nouveau. Sa lèvre éclatée, puis sa tempe ensuite… Malheureusement pour lui, Mason n’avait aucune échappatoire. Ses liens cliquetaient à chaque coup sans qu’il n’ait une seule fois l’occasion de se mettre à l’abri de mes coups. Je lui fis cracher une molaire et un peu de sang, avant d’achever le tableau d’un coup de pied dans les côtes bien senti qui le laissa à terre avec un craquement sinistre.

J’agitai mon poing droit, le souffle court. Frapper quelqu’un avec autant de force et de hargne m’avait vidé de mes forces momentanément. Mes phalanges étaient écorchées, témoignage sanglant de la correction que je venais de lui infliger. J’étais moi-même un peu sous le choc de ce déchaînement de violence qui m’avait soudainement pris. Je ne lui avais même pas encore posé la moindre question. J’aurais pu accuser le poids des jours à torturer encore et encore chaque rebelle qui passait entre mes mains… mais la vérité était toute autre. « Je n’arrive pas à croire que tu nous aies trahi, Mason. Tu étais là depuis le début ! Tu as vu cet éden naître… Tu devrais connaître mieux que quiconque tous les sacrifices que nous avons dû consentir pour en arriver là. »

Je n’avais pas entendu plus tôt les gémissements plaintifs de ma chienne, qui s’était avancée vers moi pour lécher ma main blessée. Je lui lançai un regard incertain, avant de lui caresser le haut de la tête en signe d’apaisement. Je posai ensuite un genou à terre pour me mettre à la hauteur de Mason, qui n’aurait sans doute pas eu la force de se relever même s’il avait pu le faire. « Tu vas me dire tout ce que tu sais. Et ne me fais pas perdre mon temps en me racontant n’importe quoi… tes alliés ont déjà parlé. Je sais que tu n’es pas seul à agir dans la milice et dans l’armée. Je veux les noms de tes autres complices, sinon ce sera Hailey et Anjali qui seront les prochaines à saigner pour toi sur ce sol. » Lâchai-je d’une voix grondante et basse.

« Ils te feront la guerre, mais ils ne te vaincront pas; car je suis avec toi pour te délivrer. » dit l'Eternel

Il ne dit pas un mot. Et je crois qu’au final, c’est encore pire que s’il commençait à m’invectiver, à m’insulter ou que sais-je encore. Si je ne suis pas vraiment surpris du premier coup qui tombe, je ne m’attendais pas à un tel déchainement de violence.

Et d’un coup, je me dis qu’il va me tuer. Je n’arrive même plus à reprendre mon souffle alors que le sang commence à m’étouffer. Tout va s’arrêter maintenant, dans cette cellule crasseuse. Des mains d’un homme que, jusqu’à présent, je considérais toujours comme un ami. Chaque coup semble plus fort que le précédent et j’ai l’impression que je vais perdre connaissance.

Mais finalement, tout s’arrête. J’essaie en vain de me recroqueviller sur moi-même alors que mon sang se mêle à celui des victimes qui m’ont précédé et j’ai un gémissement de douleur avant de tenter de reprendre mon souffle tant bien que mal. Je relève la tête vers River qui se décide finalement à parler. Et je souffle, à mi-voix, crachant, toussant. « C’est justement parce que je suis là depuis le début. Que je connais cet endroit. Ce que nous voulions en faire. Nous n’aurions jamais dû en arriver là. Il n’y a rien qui justifie ce qui est en train de se passer. » Et il le saurait s’il acceptait d’ouvrir les yeux. Mais il est déjà tellement au bord du gouffre, je peux le voir dans ses yeux.

Je m’essuie la bouche d’une main tremblante alors qu’il reprend. Et je ferme les yeux un instant, alors que j’essaie de retenir la nausée qui me vient.

Réfléchis Mason. Réfléchis.

Je le sais, tout le monde finit par parler. Juste par espoir que tout ça s’arrête enfin. Et j’ai passé assez de temps à cogiter ces derniers jours pour savoir qui je pouvais me permettre de dénoncer pour que tout ne s’écroule pas totalement. Et surtout, pour que personne ne touche ma famille. « Elles… elles n’ont rien à voir là-dedans. Ca ne t’a pas suffi de torturer une gamine de 23 ans ? Tu veux aussi t’en prendre à des femmes enceintes ? » Pour la première fois depuis que je le connais, le regard que je lui jette n’a plus rien d’amical. Qu’il me menace, qu’il me frappe, me tue même, je m’en moque. Mais l’idée même qu’il puisse les toucher me révulse au plus haut point.

J’ai l’impression d’avoir le crâne qui pulse et je suis tout bonnement incapable de me redresser. « Qu’est-ce que tu veux savoir exactement River ? A quel point nos dirigeants sont corrompus ? A quel point ça a fait réagir des dizaines, des centaines de personnes ? Vous ne pouvez pas être aveugles à ce point-là bon sang… » Je sais que ce n’est pas ce qu’il a envie d’entendre, mais ça m’aide à me remettre – un peu – les idées en place. « Vous avez arrêté le gros de notre cellule ces derniers mois. » Et la descente au Parlour a achevé de faire exploser notre petit groupe. Sans parler de la perte des égouts. Et j’ai presque envie de lui demander. Qui nous a dénoncés. Mais au fond, ça ne changera pas grand-chose, ce n’est pas comme si je pouvais lui demander des comptes. « Je ne fais pas confiance aux militaires. Vous êtes trop… aveuglés par tout ça. Et vous avez trop à y perdre. » Je tousse de nouveau, laissant échapper une gerbe de sang et il me faut de nouveau plusieurs secondes pour arriver à reprendre mon souffle. Je sens toujours son regard peser sur moi, avant de finir par lâcher à contrecœur le nom de Nestor Wright. Puis de Gavin. Si je suis désolé pour eux, c’est aussi pour protéger les noms qui doivent absolument l’être. Coûte que coûte.

I will walk by faith
even if I cannot see.

ANAPHORE

Spoiler:

« Et en arriver où ? Dis-moi. » Soufflai-je avec un ton chargé d’ironie. « La violence répond à la violence, Mason. Ne fais pas semblant de ne pas comprendre. Nous avons dû resserrer la vis à chaque révolte, pour que l’ordre perdure entre ces murs. Si nous en sommes là, c’est à force d’être poussé dans nos retranchements, parce que les gens comme toi sont incapables de se satisfaire de ce qu’ils ont. Vous voulez toujours plus. Vous oubliez que nous vous protégeons de la menace de l’extérieur. La famine, la maladie, les rôdeurs… mais également la guerre. » Je le fixai intensément. « Est-ce que vous vous êtes alliés à ces terroristes, ces Scarecrows ? Ou encore aux Remnants ou aux Oblivions ? Est-ce que vous leur avez dit où attaquer et comment pour nous affaiblir et mettre tout le camp aux abois ? » A mes yeux, c’était impardonnable. « Combien d’entre nous ont succombé pour tes manigances crasses ? Dis-le moi ! » Hurlai-je subitement.

Je m’étais relevé pour le repousser au sol du pied, le forçant à me montrer son ventre. Ma botte s’enfonça douloureusement à l’endroit où j’avais senti la fracture se former plus tôt, pour lui faire volontairement mal. Je relâchai la pression uniquement pour qu’il ne tourne pas de l’œil trop vite, lâchant d’une voix froide : « Tu veux me faire croire que ta cousine est blanche comme neige alors qu’elle était entourée de rebelles comme Mei-Lin ou toi ? Ou encore qu’Anjali n’a rien à se reprocher avec l’implication de sa propre cousine dans un attentat à la bombe et en t’hébergeant sous son toit ? » Il me prenait vraiment pour un idiot. « Il suffirait d’un mot pour les incriminer et les faire tomber à ta suite, enceinte ou non. » Je savais déjà qu’il se battrait davantage pour elles que pour lui. Si Mason prenait la pleine mesure de ce qui risquait de leur arriver, peut-être y réfléchirait-il à deux fois avant de me mentir… et peut-être, surtout, penserait-il à en faire tomber d’autres à leur place.

Il essayait pourtant de noyer le poisson en rejetant la faute à tous ses actes sur nos dirigeants. « Tu veux faire tomber le régime ? Très bien. Et après quoi ? Tu as pensé aux conséquences de tes actes sur ceux qui n’ont rien demandé d’autres que de mener une vie paisible ? Newman et McCoy sont déjà tombés… que te faut-il d’autres ? » J’écartai les bras en signe de reddition, avant de me reculer vers la table. Je me servis un verre d’eau pour siroter celui-ci devant lui. J’avais personnellement soif, mais rien de comparable à la souffrance qu’il devrait ressentir après trois jours sans pouvoir s’abreuver…

Apprendre que nous avions arrêté le plus gros de leur cellule en quelques mois à peine était rassurant, mais je ne me laissais pas endormir. Il m’avoua finalement ne pas faire confiance aux militaires. Son discours se tenait, d’autant plus qu’il me ressortait les mêmes noms qu’Elliot plus tôt. Ironiquement, la gamine avait tenu bien plus longtemps que lui avant de m’en dire autant. N’étaient-ils vraiment que tous les trois ? « Qu’est-ce que tu as vraiment appris sur cette autre cellule lors de ton enquête ? Celle des empoisonneurs… » Je me demandais à quel point son rapport était faux. Je remplis un autre verre, avant de le poser à côté de moi. « Quelles étaient vos prochaines actions prévues ? »

« Ils te feront la guerre, mais ils ne te vaincront pas; car je suis avec toi pour te délivrer. » dit l'Eternel

J’ai du mal à garder le fil de mes pensées. En d’autres circonstances, j’aurais pu lui donner des arguments posés et construits. Mais là, avec ma respiration sifflante et ma tête qui tambourine c’est bien plus compliqué que je l’aurais cru. « Vos réactions ont toujours été disproportionnées. Ne va pas me faire croire que c’est normal de mettre des gens dans cet état pour un interrogatoire. De violer des suspectes. Ou de leur arracher un œil. » Son ironie ne m’échappe pas et, malgré ma grimace, j’essaie de me redresser un peu pour le fixer dans les yeux. « Alors répond à une seule question River. Pourquoi vous ne nous avez pas laissé partir quand on l’a demandé ? Si nous sommes des insatisfaits, pourquoi ne pas nous chasser au lieu de verrouiller la porte à double tour ? » Je brandis ma main devant lui, celle que la lionne a parsemée de clous. « Crois-le ou non. Mais jamais je ne m’associerais à ces gens-là. »

J’ai un sursaut quand il se met à hurler et j’essaie, en vain de me protéger quand il se relève. Cette fois, je n’arrive pas à me retenir et je vomis de la bile ou du sang, je ne sais pas, alors que ma vision se voile quelques instants. Et il me faut plusieurs minutes avant de réussir à parler. « Je ne suis pas en situation de te faire croire que ce soit. » Soufflé entre mes dents, alors que j’essaie tant bien que mal de rester conscient. « Et Anjali n’a RIEN à se reprocher. Elle a juste épousé la mauvaise personne. » Je ne me suis même pas rendu compte que ma voix s’est brisée à ces quelques mots, alors que l’idée même qu’elle se retrouve face à River me terrorise. Je ne connais pas cet homme et j’aurais préféré ne jamais avoir à le rencontrer.

Pourtant, je ne peux pas m’empêcher de froncer les sourcils à ses paroles. « … tu me poses vraiment la question ? Sur ce qu’il me faut ? » Et je ne sais même pas si c’est un rire ou un sanglot qui m’échappe, alors que mon regard se perd sur ce fichu verre d’eau. Je suis incapable de détourner les yeux et il me faut toute la volonté du monde pour les fermer, murmurant pour moi-même. « Je ne crains aucun mal. » Et j’inspire longuement, ouvrant et fermant mes mains, avant de finir par souffler, un ton plus haut. « Ce que j’attends ? L’Eden que nous nous étions engagés à construire. Un endroit où on n’obligera pas une gamine de 18 ans à épouser un type qui pourrait être son père. Où nos enfants pourront être ce qu’ils veulent. Etre avec qui ils veulent. Où ils pourront construire un endroit où ils sont en sécurité. Pas cet endroit où ils ne font que renforcer les barreaux d’une prison et où les personnes qui ont le malheur de ne pas entrer dans vos fichues cases finissent lobotomisées, disgraciées ou au bout d'une corde. » Je reprends mon souffle difficilement et j’ajoute, rouvrant les yeux. « Et le fait que ces hommes soient tombés… pourquoi ils sont tombés… ça ne te fait rien ? Rien du tout ? » Je le fixe, incrédule, avant de reporter de nouveau mon attention sur le verre, incapable de ne pas passer la langue sur mes lèvres.

« J’avais des soupçons. Sur le fait qu’ils étaient bien plus nombreux que prévu. Mais ça je l’avais dit dans mon rapport. » J’ai une hésitation, avant de reprendre. « Je pense qu’Evan avait été approché par l’un d’eux. Il devait… me tenir au courant. Mais c’était juste avant qu’on parte à Seattle. » Quant aux prochaines actions, j’ai un silence, mon regard se perdant un instant dans le vide. « Je te l’ai dit, vous aviez décimé presque tout notre groupe. Notre champ d’action était de plus en plus limité. » Ce qui n’est pas totalement vrai. Mais ça, inutile de lui préciser. Je déglutis une nouvelle fois, essayant sans succès d’ignorer la brûlure dans ma gorge. Et je finis par me redresser tant bien que mal, posant la tête qui me tourne contre le mur. « L’eugénisme, tu sais ce que c’est River ? Quand des gens ne sont pas en assez bonne santé. Ou qu’ils ont un handicap qui fait d’eux un poids pour la société. » Cette fois, j’arrive à le fixer de nouveau dans les yeux.

I will walk by faith
even if I cannot see.

ANAPHORE

Spoiler:

« Bien sûr que si. » Soufflai-je avec conviction. Nos réactions étaient disproportionnées, à ses yeux ? Et que penser de leurs attentats à la bombe ? Des empoisonnements ? Des meurtres ? Rien ne me prouvait qu’ils n’aient pas sciemment communiqué des informations à nos ennemis à l’extérieur également. Mason en aurait eu les moyens. « Tu n’as pas connu la guerre, Mason. Tu n’as jamais eu besoin d’en arriver à ces extrémités pour arrêter des terroristes et faire cesser les attentats. Et c’est tout que vous êtes à mes yeux : un ramassis de terroristes. » Déjà, en Afghanistan, j’en avais bien trop vu à mon goût dans les forces spéciales. « Tu es plutôt chanceux d’avoir pu conserver ton innocence aussi longtemps par les temps qui courent. Et tu ne le dois qu’à ces hauts murs qui te protégeaient jusqu’à maintenant… et à ces militaires, que tu exècres tant, mais qui font le nécessaire pour vous éviter de vous salir les mains vous-mêmes. » Nous étions fidèles au poste depuis le début de la pandémie. Je ne m’attendais pas à ce qu’il nous remercie pour nos sacrifices, ni même seulement à ce qu’il comprenne. J’avais perdu déjà trop des miens. J’étais amer de voir la trahison s’immiscer dans les rangs de ceux qui avaient été les plus fidèles quand nous avions quitté Seattle. Nous n’étions plus si nombreux présents depuis le début.

Je poussai un soupir excédé, à l’entendre exiger des réponses. Un nouveau coup de pied partit directement dans son visage. Je brisai le verre à côté de lui, laissant son contenu se déverser et se mêler avec le sang séché au sol. Sans attendre une seconde qu’il se remette du coup porté, je lui attrapai le visage pour l’appuyer dans les débris de verre, l’étranglant à moitié au passage. « C’est moi qui pose les questions ici, compris ? » Il était apparemment nécessaire de lui rappeler qu’il était à ma merci. Le milicien parlait trop pour ne rien dire. Il profitait de chaque instant laissé pour chercher à m’embobiner, mais ça ne prenait plus. Mon regard froid ne le lâchait pas une seule seconde. Même s’il tentait de se débattre, sans rien avoir bu et mangé depuis des jours, enchaîné au sol, Mason n’arrivait pas à grand-chose.

La seule information pertinente qui sortit de sa bouche concernait les Scarecrows. « Je veux savoir exactement ce que vous vous êtes dits. Pourquoi le Docteur Yeo-Jeong et toi étiez les seuls à survivre… » Je martelai sa tête avec force contre le sol. « Que leur as-tu vendu pour te sauver la vie ? Réponds ! » La colère m’incita à recommencer deux fois, trois fois… « Ce qui me ferait quelque chose, Mason, c’est de savoir combien de mes frères d’armes tu as sacrifié pour ta foutue cause… » Lâchai-je d’une voix grondante avant de m’arrêter subitement. Ca ne devrait pas m’atteindre autant, que ce soit McCoy, Newman ou… lui.

Je finis par le relâcher, plus par lassitude qu’autre chose. « Evan… ? Ce type est mort ou vendu aux Scarecrows. » Au fond, peu importait. J’avais plutôt besoin de savoir ce qu’ils prévoyaient ensuite de faire. Mason bottait en touche, bien entendu. « Comme c’est facile… Je vais devoir te rafraîchir la mémoire. » Je m’apprêtai à faire signe à Ashe, restée tranquille jusque là, mais le rebelle évoqua subitement quelque chose d’un peu plus inattendu. « Pourquoi tu me parles des nazis, subitement ? Quel rapport ? »

« Ils te feront la guerre, mais ils ne te vaincront pas; car je suis avec toi pour te délivrer. » dit l'Eternel