The Walking Dead RPG

Slavery and Carrots

nothing in the belly and fear in the eyes

Je suis accroupie dans le champ comme je peux pour travailler. On récolte quelques légumes d’hiver dont on ne se nourrira probablement même pas… Ça ira aux habitants de Colville, certainement pas aux Disgraciés que nous sommes. J’espère qu’ils s’empoisonneront à petit feu avec un minéral quelconque…

J’essaie de tirer sur une carotte, mais c’est un combat que je perds contre le sol gelé. Je termine durement les fesses au sol et je laisse s’échapper un juron entre mes dents serrées.

- Arschloch !

Ma jambe me lance et j’essaie de masser juste au-dessus du plâtre pour me soulager un peu. Rien n’y fait bien évidemment. J’essaie donc de me remettre sur pied le plus rapidement possible, avant qu’on ne me punisse. Je ne veux pas subir le courroux d’un garde trop pourri, pas avec les risques que ça comporte. J’appréhende aussi qu’on décide de me retirer mon plâtre trop tôt, donc il vaut mieux trimer pour que ça n’arrive pas, pour être assez utile qu’on décide de me laisser tranquille.

Je reprends mon combat contre la carotte et après moult difficultés, je réussis enfin à la retirer de la terre. Alors, je reprends mon rythme. Je sors les légumes de la terre un à un, pour ne pas risquer de les briser. Ça doit être vraiment plus facile l’été, puis elles doivent être un peu plus grosses aussi. Elles me font presque pitié ces carottes d’hiver.

Je me perds un peu dans mes pensées, franchement, je préfère laisser mon esprit divaguer sur les carottes que sur toutes les horreurs qui m’entourent, qui me menacent ou que j’ai vécues dernièrement. Je suis donc un peu distraite à ce qui m’entoure, regardant principalement le sol et l’orangé des légumes que je récolte.

Sans m’en rendre compte, je percute les jambes de quelqu’un avec ma tête. Je me fige instantanément, déjà apeurée d’avoir fait une bêtise. J’ai peur de relever le regard à dire vrai.

- Oh, je suis vraiment désolée ! Vraiment ! Mes yeux remontent le long de ces jambes inconnues et les vêtements commencent à me confirmer que ce n’est pas un garde. Le soulagement est immédiat. Oh ? Mason ! C’est presque un sourire qui étire mes lèvres, presque, même si je suis heureuse de le retrouver.

Freedom

IN MY HEAD

A SOUL ON FIRE AND A WILL TO LIVE

Je grimace, alors que j’enfile un deuxième pull par-dessus le mien, pas vraiment convaincu de l’efficacité de la manœuvre. Outre le fait que j’ai toujours froid, quel que soit le nombre de couches de vêtements que je pourrais mettre, le pull est encore humide de ma vague tentative pour le laver. Mais, de toute façon, je n’ai pas vraiment le temps de m’appesantir sur le sujet que déjà, je suis en route pour les champs. « Au moins, tu vas prendre l’air ! Profite ! » Sourcil dubitatif levé en direction d’un Riley désigné pour retourner dans la mine, alors que je récupère un manteau élimé en cours de route.

Un bref regard en direction des gardes qui nous accompagnent aujourd’hui. Ce ne sont ni les plus violents, ni les plus sadiques. En général, ils se contentent de nous ignorer la majorité de la journée et les quelques coups d’œil qu’ils jettent vers nous me laissent passablement dubitatif. Je ne sais pas s’ils ont honte de ce qu’ils voient, de ce qu’ils acceptent de voir. Ou si c’est encore autre chose. Mais je suis prêt à parier qu’ils seraient ravis d’être envoyés ailleurs, loin de cet enfer.

Réprimant un soupir, j’écoute les consignes données et j’attrape un panier pour aller … ramasser des carottes donc. Le sol gelé rend la tâche passablement ardue, mais je m’y attèle aussi bien que possible, réussissant tant bien que mal à sortir quelques carottes rachitiques de sous la terre. Mon attention est finalement captée par une injure lâchée en allemand, quelques mètres plus loin. Mon panier en main, je me rapproche, bien attentif à ne pas donner l’impression que j’ai arrêté de travailler. Et je me rapproche, reconnaissant la silhouette d’Elliot après quelques instants. Mais elle ne m’a pas du tout vu, alors qu’elle se bat avec un de ces fichus légumes. La scène pourrait presque prêter à sourire si nous n’étions pas ici.

Et je n’ai pas le temps de lui signaler ma présence que sa tête heurte mes tibias. Je baisse les yeux vers elle, avec une ombre de sourire. « Je ne m’attendais pas à ce que tu t’essaies à un nouveau style capillaire ici. J’ai failli ne pas te reconnaitre. » Remarquez, c’est l’occasion ou jamais. Et j’enfonce un peu plus mon bonnet sur mon crâne, peu désireux de subir le froid alors que j’ai dû me raser les cheveux une nouvelle fois hier. Tous les deux mois donc. Au moins, ça me permet de garder le fil du temps qui passe. Je finis par m’agenouiller à côté d’elle et par commencer à fouiner dans la terre pour trouver nos fameuses carottes. « Alors. Comment ça va ? » La fameuse question qui prend un sens totalement différent ici.

Je m’arrête à peine de récolter les carottes, je ne veux surtout pas attirer l’attention sur nous. Mason et moi reprenons donc notre besogne assez rapidement.

- C’est le but. Je veux… être le plus invisible possible. Que j’avoue à mon ami.

Je renifle bien malgré moi, grelottant un peu alors qu’une petite brise hivernale s’engouffre dans les trous de mon manteau élimé. Un autre légume me pose souci et du bout des doigts, j’essaie de retirer un peu de terre gelée pour faciliter la récolte.

- Je… vais. Je ne sais pas quoi dire d’autre en toute honnêteté. Je suppose qu’il faudrait positiver. On m’a retiré un de mes plâtres, mon bras n’est plus infecté et je n’ai plus de fièvre. Je vous ai, Tas’ et toi. On n’a pas abusé de moi… Encore… Et toi ? Je relève un regard inquiet vers Mason, avant de revenir à ces satanées carottes.

Est-ce que je m’en fais pour lui ? Terriblement. Tout comme pour Tasya. L’un était un milicien assez haut placé, je ne peux m’imaginer si l’information fuite ce qu’il pourrait subir de la part de ces psychopathes. L’autre est une femme. Enceinte de surcroit.

- Je suis contente de te voir dans les champs. La mine me semble plus dangereuse. Je ne sais pas si c’est réellement le cas au fond, mais il y a eu des accidents de ce que j’ai entendu.

Mon ventre gargouille de plus belle soudainement. Je pince les lèvres. C’est ma faute, même si les rations sont maigres pour les Disgraciés. J’ai payé ma nouvelle couleur en rations. Et de ce que je comprends, c’est la monnaie d’échange ici sauf si on se prostitue et qu’on réussit à échanger son corps pour des ressources plus intéressantes…

Je suis terrifiée à l’idée d’en arriver là. Je… je ne suis pas du tout à l’aise de… m’offrir comme ça. Je déglutis avec peine et préfère me concentrer sur mon travail forcé, repoussant très loin cette possibilité. Je souffle un peu sur mes mains afin de les réchauffer et je retire une nouvelle carotte du sol dur.

Freedom

IN MY HEAD

A SOUL ON FIRE AND A WILL TO LIVE

J’ai un bref regard dans sa direction, m’attardant de nouveau sur ses cheveux avant de me contenter de souffler, à mi-voix. « Bonne idée. » D’être invisible, de ne pas se faire remarquer. C’est aussi une question de survie ici, surtout en étant une femme. Pour autant, un soupir m’échappe alors que je l’entends renifler. Et ma main va chercher la sienne un instant pour la serrer doucement.

Je reprends aussi sec ma récolte, arquant un sourcil en avisant la terre que j’ai du mal à gratter et attendant sa réponse. Quand elle me dit qu’elle essaie de positiver, j’ai un mince sourire qui ne gagne pas mes yeux. Mais au moins, j’essaie. « Je suis toujours en vie. J’ai encore du mal à comprendre pourquoi, mais je me dis que je ne dois pas gâcher ça. » Même si ça implique de passer des mois dans cet enfer avant de trouver comment en sortir. Parce que j’ai toujours en tête le visage de Sonia pendue ou William décapité suite à ma propre enquête. Et que j’aurais dû subir le même sort. « Mais ça va. Je m’en sors plutôt bien en vérité compte tenu des circonstances. » Essayer aussi de positiver, d’oublier qu’on est en train de nous tuer à petit feu et que je ne suis même pas sûr d’être encore en vie quand mon fils viendra au monde.

J’essaie de chasser tout ça de mon esprit ou, plutôt, de ranger tout ça dans une boite que je m’efforce d’ouvrir uniquement la nuit, quand je suis sûr que personne ne sera là pour le voir. « La mine est plus dangereuse, mais il fait plus chaud. A tout prendre, je préfère encore être là-bas. » Je sais que je vais devoir bientôt y retourner vu qu’ils font tourner les disgraciés d’un poste à l’autre. Pour qu’on ne passe pas trop de temps ensemble, qu’on évite probablement de tisser des liens entre nous. Mais ça, ça ne marche pas vraiment. Parce qu’on arrive encore à discuter le soir et que les rencontres que j’ai pu faire ces dernières semaines m’ont déjà profondément marqué. Et j’ai pu le voir avec Jude ou encore Riley, ils m’aident à tenir bon. « Tu as pu voir Riley l’autre jour. J’ai eu de la chance de croiser quelques personnes bienveillantes, qui m’ont aidé à comprendre comment ça marche ici. » Et à survivre. A trouver quelques trucs pour nous rendre la vie un peu plus supportable. « Tu dors toujours à l’infirmerie ? »

Je n’ai pas le temps d’en demander plus que j’entends son ventre gargouiller. Et j’ai une grimace, avant de fouiller dans une de mes poches pour en sortir une des tranches de pain en plus qu’un des gardes m’a donné après m’avoir entendu chanter l’autre soir. « Tiens, prends ça. Et n’essaie même pas de discuter, ça risquerait juste de nous faire remarquer. » Mon ton ne souffre pas la discussion et je reprends ma cueillette, comme si de rien était.

Je me crispe lorsque je sens un contact contre ma main, mais je me détends immédiatement alors que je réalise que Mason prend ma main dans la sienne. Je serre un peu, avant que nous nous remettions au travail. Ça m’offre un peu de réconfort et s’il savait combien je lui suis reconnaissante. Qu’est-ce qu’il serait advenu de moi sans Mason et Tasya ? Je ne préfère même pas y penser…

Lui aussi n’est pas certain du pourquoi il est toujours en vie. Je crois qu’il a encore plus de raison que moi de se poser la question. Vu son rang. Ancien rang… Bref. D’un autre côté, je suis plus jetable que lui, étant qu’une femme… Je préfère balayer tout ça de mon esprit, pour l’instant.

- Ah ? Je n’y suis pas encore allée. C’est vrai que comparer aux champs… Il y a tellement de vent. Nous sommes réellement victimes de la météo…

J’ai un mince sourire quand il parle de Riley et des autres avec qui il passe du temps. Je suis contente qu’il ait trouvé des gens bien, malgré l’endroit où nous sommes. Des gens qui n’ont pas baissé les bras. Peut-être que si les circonstances avaient été un peu différentes, j’aurais encore eu cette flamme en moi, celle qui m’aurait poussé à leur proposer de s’organiser. À trouver un moyen de s’échapper. Je ne sais pas s’il reste quelques braises ou si tout est éteint… si un jour la flamme se rallumera…

- Ça fait deux jours qu’on m’a mise au dortoir. Vu les malades, c’est mieux. Je me sens mieux de toute façon et… Je n’ai pas le temps de terminé que Mason me tend une tranche de pain.

Visiblement, il a entendu mon ventre gargouiller. Pour ne pas se faire voir, je l’attrape rapidement.

- Mason ! Je…

J’ai tellement faim. C’est ma faute. Je ne peux pas prendre sa nourriture… mais j’ai tellement faim… Mon cœur se serre, j’ai honte, je m’en veux, mais… Je mange. Le plus rapidement et subtilement possible. Je meurs de faim. J’ai quelques larmes qui roulent paresseusement sur mes joues et je reprends mon travail forcé.

- Merci. Je vais te repayer. Je vais trouver comment.

Freedom

IN MY HEAD

A SOUL ON FIRE AND A WILL TO LIVE

J’essaie de la rassurer, mais l’exercice est… compliqué. Parce que je n’y crois pas entièrement moi-même, que je suis toujours terrorisé de ce qui peut nous arriver. Et que je sais que nous ne sommes plus que des morts en sursis. Que ce n’est qu’une affaire de semaines, de mois, avant que ce soit nos tombes qu’on creuse. Et si une part de moi a envie de croire qu’on viendra nous sortir de là, je me vois difficilement l’écouter. Surtout au vu de tout ce qui a pu se passer depuis notre arrivée.

Parfois je me demande. Comment les gens à Walla-Walla réagiraient en voyant cet endroit. Et je me dis que certains souffleraient qu’on a eu ce qu’on méritait. J’essaie tant bien que mal d’ignorer cette pointe d’amertume qui essaie de s’insinuer par toutes les failles, préférant me focaliser sur Elliot. Si je dois mourir ici, autant essayer de tout faire pour qu’elle, avec Tasya, survive. « Ici ils sont moins… attentifs. Les gardiens n’ont pas envie de se balader dans le froid toute la journée, alors ils se contentent de nous observer de loin. Chaque endroit à ses avantages. » Si l’on peut dire.

« Essaie de te trouver des alliées. Dans ton dortoir. Ici, c’est le meilleur moyen de survivre. Des gens avec qui tu t’entends bien. Qui pourront t’aider si besoin. Et n’hésite pas à leur rendre service, ça jouera toujours en ta faveur. » Ca peut paraitre intéressé, mais ça ne l’est pas vraiment. Si nous sommes traités comme des animaux, il y a cette espèce de solidarité ambiante qui n’a pas totalement disparu. Mais qui n’est pas totalement gratuite non plus. Si on veut être aidé, il faut aussi faire le premier pas.

J’arque un sourcil quand je la vois réagir devant une simple tranche de pain. « Ne sois pas ridicule. Tu n’as pas à me payer quoi que ce soit. » Je tends la main pour attraper son menton et le relever. Avant de sécher une larme du bout du pouce. « Mais si tu veux vraiment me payer, je veux que tu redresses la tête. Et que tu continues d’avancer. De te lever chaque matin. Même les jours où tu n’en as pas envie. Parce qu’on sera là, avec Tasya. Tu crois que tu pourras faire ça ? » Je sais, je lui en demande beaucoup, surtout pour une simple tranche de pain. Mais je crois qu’on a tous autant besoin les uns que les autres.

Je lance un petit coup d’œil aux alentours et c’est vrai qu’ici, dans les champs gelés, les gardes sont moins sur notre cas. Je reviens cependant rapidement à mes carottes.

- Oui, je vois. Je découvrirai sans doute assez rapidement tout ça moi aussi.

J’ai juste passé un peu trop de temps au dispensaire, alors tout est… inconnu encore pour moi. Enfin presque. Je relève momentanément les yeux quand Mason me parle d’alliés, avant de ramener mes mains à ma bouche pour souffler un peu sur mes doigts endoloris par le froid.

Des alliés… Je l’ai lui et Tasya ! Mais bien sûr je comprends où il veut en venir. Il a Riley et d’autres gens de son dortoir. Je sais que Tasya semble avoir les siennes aussi… Moi ? Je me sens comme un petit chat sauvage et effrayé, méfiante de tout un chacun.

- J’essaierai. C’est juste… Je me sens tellement… vide. Aucune idée si ça a du sens dit comme ça. Je ne me sens pas la force d’aller vers les autres, juste de m’accrocher à ceux de mon ancienne vie. Ceux en qui j’ai totalement confiance. J’ai peur. De faire les mauvais choix, de m’attacher, d’être trahis…

Ma gorge se serre d’un coup et j’essaie de ravaler cette boule de peine, d’anxiété, de me concentrer sur ces carottes de merde pour éviter des coups de fouet, ou pire encore…

J’ai du mal à croire la chance que j’ai en fait. Autant de les avoir avec moi que pour cette simple tranche de pain que Mason m’offre. Je la dévore rapidement, par crainte, mais aussi par faim. Je me sens ridicule. Désespérée. Quand il attrape mon menton pour le relever, afin de planter ses yeux dans les miens, quelques larmes coulent paresseusement sur mes joues rougies par le froid.

Encore une fois, ma gorge se serre et je sens mon visage prêt à se déformer de peine. J’essaie de contrôler ma respiration pour ne surtout pas me mettre à pleure. Pour reprendre un peu mon sang-froid. J’hoche maladroitement de la tête néanmoins.

- M-merci. D’être l-là. Pas ici à Colville bien sûr, mais il comprendra.

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