- Chase, lâche-moi la grappe. L'homme tente une nouvelle fois de me dissuader de m'éloigner mais je m'arrache à sa main posée sur mon épaule. Lâche-moi bordel, t'es pas mon daron, merde ! Depuis la mission dans la forêt, j'ai une dent contre lui. Il avait beau être sous drogue, je digère toujours pas qu'il ait jeté Alex au sol avant de lui arracher ses fringues. Alors qu'il tente de se la jouer protecteur, ça me fait sortir de mes gonds. Sale con opportuniste.
De toute façon j'ai fini mes tâches de la journée, j'ai bien le droit de sortir faire un tour, nan ? Et puis j'ai capté qu'il y avait des habitations au nord du camp, j'ai bien envie d'y jeter un oeil. Je me doute qu'elles ont été visitées et vidées de leurs réserves déjà, pour celles qui n'ont pas carrément été rénovées, mais on sait jamais. Des fringues, du maquillage ? Ou je sais pas, des machins ou des trucs sympas. Une planque de réserve de cornichons. Ou des babioles à offrir au groupe, même si Noël est déjà passé.
En tout cas je me mets en marche, enfoui dans mon grand manteau d'hiver. Jean épais, bottes offertes à Noël par Connor, écharpe remontée jusqu'aux oreilles. Mes couteaux à portée de main comme toujours, évidemment. Bref, je suis prêt à tout ou presque, quoi qu'en dise ce relou de Chase. Traverser les chemins de campagne a le don de m'apaiser un peu. Pas tant parce que la nature, blablabla, mais plutôt de marcher rapidement vers mon but. Il me faut quelques minutes pour atteindre les baraques. Les alentours ont l'air déserts, ça doit encore travailler à cette heure-ci. J'erre entre les habitations, laissant mon regard osciller dessus. J'ai une folle envie de visiter l'une de celles qui ont été remises en état, mais j'ai pas le droit de foutre le bordel entre les factions... Alors je me dirige vers une maison en sale état, à la porte inaccessible. En faisant le tour, j'aperçois une fenêtre ouverte par laquelle je me glisse agilement. Un salon défraichi aux meubles moisis et imbibés d'eau, ça s'annonce mal.
- Ok.. Sur un malentendu y'a des trucs à trouver ! On sait jamais.
Je commence à évoluer dans la pièce aux allures vieillottes, assiettes en déco aux murs pour celles qui ne sont pas brisées au sol, meubles en bois sombre. J'imagine sans mal un couple de petits vieux habiter ici. Je passe derrière un rocking-chair qui grince sous ma main, avant de tourner rapidement les yeux vers la fenêtre. Une ombre. Humaine, inhumaine ou végétale ? Dans le doute, j'attrape mon couteau que je planque, main dans le dos.
Tu as besoin d'aide pour récupérer tout ça ? Elle se raidit et se tourne vers Markus avant de lui offrir un sourire : Non, ça devrait aller, signe-t-elle simplement en saisissant la brouette dans ses mains. Quelques rondins de bois séchés qu'ils stockent dans l'une des maisons abandonnées, plus loin, ça devrait faire l'affaire pour la semaine. D'autant qu'avec la brouette, Tori sait déjà prendre ses dispositions pour être au mieux efficace. Un soupir lui échappe, elle n'a pas le temps d'aller très loin. Tu sais que je ne comprends rien avec tes signes ?! Il faudrait que tu m'apprennes ! Bon ok, je t'accompagne, mais vraiment parce que tu insistes ! Ajoute-t-il.
Elle fronce les sourcils. Ce n'est pas vraiment ce qu'elle attendait de lui mais soit, elle s'y accommodera de toute façon. Tori n'étant pas du genre à relever les erreurs d'interprétations des autres, et encore moins de Markus qui n'est pas forcément le plus simple à suivre dans le lot. Un soupir lui échappe, c'est l'homme qui prend le relai avec la brouette. Elle lui offre un nouveau sourire de remerciement, en posant une main protectrice sur son ventre déjà bien arrondi. Certes, ne pas porter de poids la soulage, c'est mieux qu'il s'occupe de la partie lourde. Elle pourra charger la brouette sans problème avec du bois.
Parvenu au bon endroit, elle remarque la fenêtre ouverte et fronce les sourcils, et une ombre à l'intérieur de la maison. Pas normal. Cependant, Tori ne prend pas forcément ses dispositions, elle ne voit pas qui pourrait s'aventurer jusqu'ici, et sans doute par un inconnu... N'est-ce pas ? Alors elle rentre, en trouvant la clé dans un pot de fleurs, puis tombe nez à nez avec Derek : Qu'est-ce que tu fais ici ? Signe-t-elle en fronçant les sourcils. Et Markus la suit, les bras sur les hanches : Elle demande si... Regard troublé : Qu'est-ce que tu demandes ? Questionne-t-il. Je ne comprends rien du tout à ce qu'elle raconte mais cesse tout de suite ce que tu fais ! Indique-t-elle : Tu n'es pas chez ta mère ici ! Tori pince les lèvres : Désolée...
Le mouvement se déplace vers l'entrée. Trop rapide pour être un rôdeur, trop lent pour être un super rôdeur. Bon, ça semble humain en somme.. Je me souviens d'un coup qu'on est quand même chez une autre faction, et que je suis sur leur terrain. Y'a effectivement plus de chance de tomber sur l'un d'eux que sur un mort vivant. Dans le doute je garde quand même ma lame planquée derrière moi. Et si c'était des intrus ? Bordel, ce serait bien ma veine. Et en même temps avec la poisse que je me suis tapé toute l'année passée, j'en serais pas foncièrement surpris.
Une clef tourne dans la serrure et la porte s'ouvre finalement. Sur la jolie Tori et heu... un autre. Je m'empresse de ranger mon couteau dans son étui avec une grimace contrite. Je veux pas qu'ils croient que je les menace, ce serait pas bon pour les relations diplomatiques. J'esquisse un sourire. Ho. Salut ?
La jeune femme signe quelque chose en fronçant les sourcils, et je perds aussitôt mon sourire pour me décomposer un peu. Putain, elle a pas l'air contente. Mais c'est le pitbull à son côté qui se met à aboyer. Je croise les bras sur une mine revêche, et le fusille des yeux quand il termine sur une pique bien humiliante.
- Et tu crois que je fais quoi exactement, Einstein ? J'ai l'air d'être en train de vous faire une merde dans le dos p't'être ? C'est vrai quoi, pour une fois que je ne suis pas en train de faire une connerie volontairement, c'est vexant. Je supporte pas qu'on me parle comme à un gosse, encore moins qu'on me prenne de haut. Comment je pouvais savoir que c'était interdit de venir ici. La fenêtre était même pas verrouillée !
J'oscille du nez entre les deux, un peu moins rogue quand je me tourne vers l'asiatique. Désolé Tori. J'te jure, je voulais pas faire de crasse. Mais c'est l'autre là, aussi ! Y m'saute à la gorge, j'ai même pas le temps de parler. J'en reviens à l'homme, que je regarde de haut en bas avec un mépris évident.
C'est justement toute la question ! Rétorque Markus en soupirant, avec un air de papa pas content en fixant Derek. L'ancien acteur est vraiment doué pour jouer des émotions, ou les sur-jouer en tout cas. Tori en est à le fixer d'un air dubitatif quand même, c'est un petit peu exagéré pour trois rondins de bois. Oh parce que rentrer par une fenêtre, ça te parait normal !? Ajoute-t-il simplement en plantant les poings sur ses hanches, en sermonnant l'androgyne.
Mais ça n'est pas grave, il n'y a que du bois ici en train de sécher, il n'a rien fait de mal, plaide doucement Tori en essayant d'apaiser la situation. Markus la fixe et secoue la tête en soupirant de plus belle : Tori, je sais que tu es très énervée mais je ne comprends toujours pas tes signes ! La voilà qui a un mouvement de recul, mais que dit-il ? Je ne suis pas énervée ! S'excuse-t-elle au plus tôt : C'est inadmissible, oui, ça, j'ai compris !Je n'ai pas du tout signé ça !
Bon sang, c'est un dialogue de sourd. Mais elle ne devrait pas s'étonner à l'égard de Markus, qui est très doué pour tout faire et tout comprendre de travers. Les yeux de la japonaise reviennent à Derek, qui présente ses excuses auprès d'elle : Ce n'est vraiment pas grave... Elle lui lance un regard presque tendre, en temporisant de sa main : Voilà, tu l'as contrarié, tu es content ? Bon sang mais il le fait exprès ! Elle soupire, se pince l'arête du nez.
Elle l'aime bien, hein. Mais des fois, elle aimerait qu'il soit un peu moins lui-même pour lui faciliter la vie. Je m'appelle Markus, je suis venue l'aider parce qu'on a besoin de bois sec pour le domaine, il faut qu'on en amène sur chacun des cottages pour la nuit, répond-t-il d'ailleurs rapidement, pas peu fier de son entrée et des présentations. Pourquoi tu es là, toi ? Qu'est-ce que tu cherches finalement ? Il n'y a rien ici, ils ont vidé les maisons en débarquant, ils ne se servent de certains que pour stocker des meubles ou des biens qu'on ne peut pas consommer ou leur voler, explique-t-il.
C'est qu'il est relou, lui. Et il se prend pour mon daron en plus. Le second en une demi-heure, c'est un peu trop à mon goût. "Ho, hé, la présomption d'innocence ça t'parle ? Surtout entre alliés, merde quoi." Ce qui me rassure c'est que la jeune femme a pas l'air en colère, et honnêtement son avis compte plus à mes yeux que celui de l'autre énergumène. Je l'ai déjà vu évidemment, mais je ne me suis jamais intéressé à lui. Il est.. négligeable à mes yeux, en somme.
- Ben dans une maison que j'croyais abandonnée et en ruine, ouais ça me choque pas tellement de passer par la fenêtre, ouais. Allez fais un effort, t'as promis de pas foutre la merde entre les factions. Pourquoi faut toujours que ça tombe sur moi d'ailleurs ? J'essaye vainement de décrypter ses gestes, avant de murmurer du bout des lèvres. J'ai jamais appris les signes, j'suis désolé. Puis pour l'homme qui s'énerve tout seul, passant de l'un à l'autre. Ho, ouvre les yeux, je peux me tromper mais contrairement à toi elle a pas l'air vénère. Je fronce les sourcils à mes propres mots. Pis arrête de parler comme si elle était pas là, on t'a pas appris la politesse ? Il est pile tout ce que j'aime pas, en fait. Je suis ravi de pas avoir eu à faire à lui jusque là en fait.
Finalement il se présente, il était temps. Markus.. ok. Pas un nom que je vais retenir, probablement. Mais il a la bonne idée de me dire ce qu'ils font ici, c'est déjà pas mal. Je pensais pas que les baraques abandonnées avaient une utilité. Je hausse les épaules avec désinvolture. Quelle idée d'investir des maisons qui pourraient s'écrouler sur eux à tout moment. Je me retourne pour aviser le salon vieillot, clairement c'est pas ici que je trouverai mon bonheur, toute façon.
- Je cherchais des babioles, pour être honnête. Des trucs à offrir aux Expendables vu que j'ai pas eu le temps de le faire pour Noël. Main passée dans mes cheveux, je finis par soupirer. Mais t'as raison sur un point, il reste effectivement plus rien ici. Une fois de plus c'est vers Tori que je me tourne. Tu veux de l'aide pour le bois, tant que je suis là ? Si ça peut prouver ma bonne foi.
La dispute entre les deux semblent prendre de l'ampleur et pour sa part, Tori se sent surtout dépassée par les évènements. Elle ne sait plus quoi dire ou quoi faire pour que ça se calme. D'autant que "dire" est un bien grand mot au milieu de deux personnes qui ne comprennent rien quand elle essaie de communiquer. Il y a quelquefois où elle regrette de ne pas être "normale". De ne pas réussir à parler comme les autres. De ne pas parvenir à se faire comprendre. Ou d'avoir peur du propre son de sa voix.
Luke a réussi l'exploit de la rendre muette définitivement de toute façon. Elle préfère ne pas en rajouter, ni l'un ni l'autre ici n'a besoin d'entendre parler de ça encore. Ou de la voir se résigner à être une incapable. Tori pince les lèvres, hausse les épaules : Derek n'a pas à s'excuser pour tout ça, il n'y est pour rien. Et Markus ? Il est seulement maladroit dans son emportement et sa manière d'être, mais elle ne peut pas non plus le juger pour ça. Un soupir lui échappe tandis que les questions se posent.
Ah oui bonne idée, il y a une brouette dehors, il faudra transporter le bois jusqu'aux différentes maisons, explique-t-il à Derek, tout de suite bien moins énervé. A l'intérieur hein, que le bois ne soit pas de nouveau humide avant qu'on puisse les mettre dans les cheminées sinon ça ne servirait à rien ! précise-t-il rapidement alors qu'il pose les mains sur les épaules de Tori soudainement : Et tu fais attention à elle, ok ? Demande-t-il : Madame est enceinte, elle ne doit pas soulever trop de poids, tranche l'homme fermement.
Elle n'a même pas le temps d'en rajouter qu'il va pour s'en aller : Bon, ce n'est pas tout ça mais je vous laisse, et les plante tous les deux-là. Elle écarquille les yeux en le regardant faire avant de secouer la tête. Pourquoi est-elle étonnée ? Markus n'est pas le pire hurluberlu du groupe. Désolée ! Signe-t-elle : Il est gentil mais un peu bizarre, bon, Derek n'a pas l'air de trop comprendre ce qu'elle signe. Elle temporise, de la poche de son pantalon, sort un petit crayon de bois : J'ai un crayon, tu pourrais me trouver de quoi écrire ?
Le ton monte entre moi et l'autre imbécile. Il m'insupporte et visiblement c'est relativement réciproque, pour l'instant. Le tout sous le regard indéchiffrable de Tori. Mon attention dévie régulièrement vers elle, comme pour m'assurer qu'elle ne 'dit' réellement plus rien mais, non. Manifestement elle a décidé de nous laisser régler nos comptes entre nous, et franchement c'est certainement le mieux qu'elle ait à faire en l'occurrence.
Sans l'expliquer, elle m'a toujours intrigué. Bien sur, elle ne parle pas. Ça pose forcément des questions. Depuis quand, de naissance, d'accident, de maladie, de traumatisme ? S'il y a bien quelque chose dont je suis plutôt sur, c'est que je le saurai probablement jamais. Même pour moi, c'est compliqué à mettre sur le tapis... J'ai appris à avoir un minimum de respect pour mes interlocuteurs. Enfin, pour la majorité d'entre eux. Et puis, je sais pas. Elle a quelque chose qui me rappelle un peu Alex. Une douceur particulière que je retrouve chez l'Expendable, et qui naturellement, m'inspire confiance. Enfin quoi qu'il en soit, elle ne dit rien, ne signe rien, ne fait rien non plus, et je suis pas peu fier de dire que c'est grâce à moi que le ton redescend finalement. Pour une fois.
Marco.. Markon.. Markus, voilà ! Markus a l'air soudain ravi que je propose mon aide pour le bois. Tellement ravi que j'ai pas le temps de dire "maquillage" qu'il est déjà parti, me laissant tout aussi sur le cul que Tori, a priori.
- O-Ok.. Ben on va se débrouiller alors. Il avait un train à prendre ? C'est évidemment par les mains qu'elle répond, sous mon regard désolé de ne rien comprendre. Bordel, je suis tellement navré. Mais t'inquiète ! On va se débr- Je coupe ma phrase en la voyant chercher dans ses poches, pour en sortir un crayon de papier. Oh putain parfait ! Bouge pas je cherche un truc pour écrire ! Et de m'exécuter aussitôt, en allant farfouiller rapidement dans le meuble décrépi le plus proche. La porte grince et coince un peu, mais elle ne résiste pas bien longtemps et je me plonge dans placard. Oula.. ils étaient bordéliques ! Je sors un tas de babioles, du trousseau de clefs au plateau de fromage, en passant par des pailles en plastique, des cure-dents, des couverts en bambou à moitié moisis et un décapsuleur. Dans une expression de victoire, je me redresse avec un vieux livre de cuisine aussi défraichi qu'il puisse l'être.
En revenant vers l'asiatique, je le feuillette pour trouver une page relativement vide, et la lui tend fièrement. Et voilà m'dame !
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