The Walking Dead RPG

- Ça va, assura-t-elle succinctement mais sans hésitation.

Elle en avait vu d’autres des morts, y compris ceux dont elle avait le sang sur les mains. « Kevin » était un intrus, trop près de son foyer, elle ne cherchait pas plus loin. La musicienne leva ses prunelles sur son partenaire, qui avait endossé le mauvais rôle avec aplomb. Ils avaient les mêmes interrogations, les mêmes craintes, les mêmes solutions. Selene savait qu’il savait, et elle savait qu’il savait qu’elle savait. Ils tueraient autant de Kévin que nécessaire pour que leurs proches soient en sécurité.

Le baiser la prit de court. Plongée dans ses pensées, la pianiste réagit avec un temps de retard, encombrée qu’elle était par son fusil automatique. Cette échange fugace embrasa une mèche qui provoqua une déflagration dans tout son corps. L’inattendu, l’instinctif, le passionné, c’était son truc. Elle avait envie de s’emporter, de courir sur le sentier dé traverse qu’ils avaient découvert la veille. Elle voulait le sentir contre sa peau, redécouvrir les bras d’un homme, frissonner à nouveau…

Mais les rôdeurs les rappelèrent à la réalité. Ils s’esquivèrent en vitesse, non sans devoir tuer une demi-douzaine de vorace d’ici qu’ils aient regagné la côte. Selene ne reparla pas du baiser, pas plus qu’elle ne chercha à voler un autre moment d’intimité, mais l’analyse silencieuse était clair : une fois, c’était un dérapage, une anecdote ; deux fois, c’était une véritable attirance.

- On enquête sur les berges avant de rentrer ? Proposa-t-elle.

*

Ils avaient en effet longuement parcouru les plages et les quais, en quête d’indices qu’ils ne trouvèrent pas. Ce n’était pas une surprise : ils n’avaient parcouru qu’une infime partie des terres littorales à cet endroit, mais ça restait frustrant. Ils ne savaient rien sur Kevin, en fin de compte. Même si ce binôme avait des airs de rendez-vous privilégier, ils étaient au travail et se comportaient comme telle. Sérieux, ils évoluèrent avec une synergie naturelle avant de regagner leur zodiac. De retour à Agate, la pianiste laissa Stan faire le rapport. Ce n’était pas la première fois qu’ils étaient approchés – un camp comme celui-ci attirait son lot d’envieux – mais l’information n’était pas à prendre à la légère.

Le lendemain, ils n’avaient pratiquement pas pu se voir. Leur escapade avait désynchronisé les plannings, puisqu’il avait fallu s’adapter en leur absence. Il y eu des regards, des effleurements, des sourires, discrètement semés dans la masse de leurs échanges purement fonctionnels. Selene ne pouvait s’empêcher de repenser à leurs baisers, à cette passion qui dormait. Une bombe à retardement, sans doute. Ce n’est finalement que jour d’après, veille de leur départ, qu’ils se retrouvèrent à nouveau ensemble dans le salon désert. Tout le monde était en poste, sauf eux deux. Plutôt que d’aller raisonnablement se coucher, la musicienne avait rejoint Stan devant le poêle : d’un élan naturel, elle s’était allongée sur le canapé, talons sur l’assise et tête sur la cuisse du militaire.

- C’est quoi nos règles ? Elle entamait le sujet, directement, je veux dire… si on veut que ça fonctionne, il nous faut 2-3 consignes, non ?

Notamment pour éviter que certaines personnes n’apprennent pour leur flirt ; et à part ça… ils improviseront !

« Dum spiro spero »

Go back and forward, but all is melting like the snow ♪ Taking all from us, all we thought was left to know ♪ On what we treasure falls a dusty snow ♪ taking us backwards, but where we will never know.

Récompenses:

- J’suis claqué, j’vais tellement pioncer di-rect, confessa le trentenaire à Lenore qui passait derrière lui dans la cuisine. Il finissait la vaisselle. Elle allait sortir dans quelques minutes, avec Prince et Rocco. De fait, il ne resterait ensuite plus personne dans cette maison. Si ce n’était lui. Et Selene. Pensait-il vraiment dormir ?...

Un peu plus tard, quand la brune le retrouva dans le salon, où il glanait un peu de la chaleur du poêle, ils échangèrent un bref regard. Il était presque impossible qu’ils ne pensent pas à la même chose. Elle aurait honnêtement pu faire de lui n’importe quoi, à cet instant-là. Mais elle choisit de s’allonger sur le canapé pour… parler…

- Nos règles ? Répéta-t-il bêtement. Ses yeux s’étaient baissés pour la regarder. Si elle voulait en faire de même, elle devrait de son côté lever son joli minois vers lui.

Stanley sentit sa fréquence cardiaque s’accélérer. Jusqu’ici, il s’était contenté d’agir. Répondre à son baiser, aller chercher ses lèvres à elle. Sans calcul. Mettre des mots dessus, c’était passer à un niveau bien supérieur. D’une manière plus officielle encore qu’en imbriquant simplement leurs corps. Pour que ça fonctionne. S’il devait être totalement honnête, le militaire n’avait aucune idée de là où il allait. Il naviguait purement à vue. Il savait que toute cette histoire allait à l’opposé de ce qu’il attendait de lui-même. Si Casey l’apprenait… même dans le contexte de cette parenthèse qu’ils s’étaient octroyée, il n’imaginait pas comment elle pourrait l’accepter. Il ne voulait pas imaginer comment elle pourrait réagir. Pourtant il avait cette conviction qu’il devait vivre cette histoire pour pouvoir lui revenir pleinement. Après l’année qui s’était écoulée, les problèmes liés à sa sexualité. C’était ce qu’ils s’étaient promis d’essayer…

- Casey est enceinte, lâcha-t-il, ses prunelles se posant sur le feu. Il s’arrêta une seconde de respirer. Il ne savait pas bien ce qui l’amenait à se confier sur ça maintenant. Il allait certainement tout gâcher. Mais parce qu’elle parlait de règles, il se devait de ne rien lui cacher. Elle devait savoir exactement où elle mettait les pieds. Ma femme. Ce n’était pas prévu, poursuivit-il. Du tout. J'ai appris ça y a une dizaine de jours.

Il pinça les lèvres, se taisant quelques secondes, laissant à la jeune femme le temps d’enregistrer l’information. Il reporta son regard de nouveau sur elle. Elle pouvait lire dans ses yeux un peu de la détresse qui émanait de lui lors de leurs toutes premières rencontres.

- Je l’aime. Mais… y a toi. Et tu… me plais beaucoup. Qu’elle n’en doute pas une seconde. Au delà de cette attirance évidente, elle lui donnait cette impression de pouvoir le comprendre. Mieux que quiconque. Je n’ai rien à te promettre, Selene.

C'etait peut-être ça sa condition à lui : qu'elle n'attende rien de lui. Du moins s'il ne venait pas de tout bonnement la refroidir !

Selene leva les yeux sur lui. De grandes orbes étincelantes, qui ne se débinaient pas. Elle lisait son hésitation, sa confusion, puis sa détresse aussi, lorsque la confidence tomba. Sa femme était enceinte. Elle ne s’y attendait pas mais parvint à rester imperturbable, laissant le militaire aller au bout. La situation n’était pas simple, surtout connaissant l’épreuve qu’il avait déjà traversé. La musicienne compatit en silence, plus qu’elle ne se sentit l’envie de lui glisser un de ces traditionnels « félicitation ». Non, ce n’était pas une bonne nouvelle.

Oui, ici, maintenant, elle aurait pu faire n’importe quoi. Ils avaient la maison pour eux, pour encore quelques temps. Mais même si le sexe devait se mêler à tout ça, Stan était son ami avant tout. Si elle devait être une bombe dans sa vie malmenée, elle voudrait au moins en réduire la déflagration… alors elle avait eu, à tort ou à raison, la sensation qu’ils devaient en parler. Au moins un peu. Son cœur se pinça, trop empathique qu’elle était. Néanmoins, un sourit timidement flatté fleurit sur ses lèvres abîmées par le froid. Elle lui plaisait. Son rythme cardiaque s’accéléra un peu et un frisson galopa sur sa peau.

- Je n’ai rien à te promettre non plus, répondit-elle calmement, étrangement sereine, je suis… encore amoureuse de Juliet, même si c’est terminé. J’essaye encore de me retrouver, je suis malade ; je serais un moins bon choix que ta femme, sincèrement.

Il y avait dans son timbre une amertume réaliste mêlée à de la malice. Selene avait conscience de ce qu’elle était et de ce qu’elle était pas. De ce qu’elle pouvait donner et de ce qu’elle n’était plus capable d’offrir. Il était bien trop tôt pour s’imaginer liée à quelqu’un. L’une de ses mains s’éleva, caressa doucement la joue de Stan avec une tendresse pudique. Elle savait ce qu’il ressentait. Elle savait que comme elle, il serait capable de plonger dans cette fracture, comme une évasion vers un autre monde.

- J’aimerais juste profiter de ce qu’on a, tant qu’on peut l’avoir. Ça peut être notre seule règle, conclut-elle sur un sourire.

Qu’ils ne se jurent rien, qu’ils n’en attendent rien d’autre que des moments volés. La liberté absolue d’amants sans lendemain, qui empruntaient ce chemin sans casque et cheveux au vent. S’ils étaient d’accord, alors ça lui allait d’être celle dont on ne parlait pas. Selene le dévorait de ses prunelles bleues, comme une permission silencieuse. Ainsi installée, arrière de la tête sur sa cuisse, durait une proximité qui n’avait rien d’ingénue.

- Tu me plais beaucoup aussi, affirma-t-elle en reprenant ses termes.

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Selene accueillit sa révélation avec une certaine sérénité, pleine d'assurance. Il ne sentit aucune panique s'emparer d'elle et elle lui exposa à son tour sa situation très factuellement. Ses sentiments pour Juliette, la reconstruction qui l'attendait. Sans parler de ce mal qui la rongeait. Ils étaient sur la même longueur d'onde. Encore et toujours. Sa réaction et son discours finirent de soulager le militaire. L'emballement de son coeur se calma même rapidement, alors qu'elle effleurait sa joue. C'était une bonne chose certainement qu'ils parviennent à mettre les choses au clair. Stanley ne voulait pas sciemment avoir deux femmes dans sa vie auxquelles il mentirait. Il n'était pas assez stratège pour ça. Il acquiesça, les lèvres légèrement pincées.

- J't'avoue, j'en ai pas toujours été complèt'ment convaincu, répondit-il alors que la jeune femme lui confiait la réciprocité de leur attirance. Un sourire se dessina sur son visage. J'ai même cru c't été qu't'étais bel et bien définitivement lesbienne. Qu'j'avais fait une grossière erreur d'jugement !

Il émit un rire. C'était la première fois qu'ils évoquaient le beau râteau de cette soirée là. Vue l'évolution des choses, ils pouvaient dorénavant s'en amuser franchement, sans gêne. L'intention d'humour n'était pas anodine, Stan avait conscience qu'il venait de casser quelque peu l'ambiance. Il voulait réinviter la légèreté dans cet instant encore un peu hors du temps.

- Tu sais qu'Rocco a vraiment un faible pour toi, ajouta-t-il, taquin, par la suite, alors qu'ils continuaient à discuter. C'était ainsi, les nouvelles faisaient toujours tourner les têtes des anciens...

Ils rigolèrent ensemble un moment, parce qu'ils n'étaient finalement pas si pressés. Et ça restait véritablement ce qu'ils faisaient de mieux, tous les deux. Le poêle réchauffait l'atmosphère, sa chaleur remontant à l'étage, dans les chambres laissées ouvertes. Les états d'âme s'envolaient, comme les tourments, pour ne laisser place qu'au plaisir de passer un agréable moment ensemble. L'issue, ils la connaissaient pourtant. Ce fut ainsi que Stan se leva finalement, ouvrant sa main vers elle.

- Viens, glissa-t-il pour l'inviter avec lui à rejoindre l'étage.

- Oh non, pas du tout, répondit Selene en riant, je crois que les lesbiennes me caractériseraient de… « bicurieuse », c’est ça le terme ? Je sais pas si elles nous apprécient beaucoup.

Honnêtement, la musicienne ne s’était jamais vraiment demandé ce qu’elle était. Elle aimait Juliet, point. Certes, depuis l’adolescence, elle n’avait pas toujours été insensible aux charmes de certaines filles, mais… ça n’avait jamais été concrétisé et ça ne lui avait jamais manqué. Elle se sentait bien plus naturellement attirée par les hommes, son ex était une heureuse exception. La plus belle de toute. Ce n’était pas dit qu’il n’y en aurait pas d’autres, mais c’était aussi possible qu’il n’y en ait plus jamais. Bref, elle était ravie que son ami ait ramené la légèreté dans leur échange. C’était ce qu’elle voulait.

- Aïe, et c’est un problème pour toi ? taquina-t-elle à son tour, concernant Rocco.

Elle en avait conscience, oui. Peut-être que dans d’autres circonstances, si elle ne partageait pas autant de points communs avec Stan, s’ils ne se connaissaient pas depuis quelques mois, ça aurait pu être avec lui qu’elle flirtait ce soir. Il était marrant, simple, un de ces livres ouverts rafraîchissant d’authenticité. Mais elle se trouvait déjà entre le militaire et sa femme, elle n’allait pas non plus se mettre entre lui et ses frères d’armes…

La légèreté fut de mise un moment, comme s’ils s’étaient libérés d’un poids. Au fil de la discussion, les œillades, les effleurements, étaient assumées. Il n’y avait plus de ce trouble ambiant, comme deux adolescents qui se cherchaient mais n’osaient pas totalement se trouver. Maintenant, ils savaient : pas de promesse, pas d’engagement, pas de demain. Seul aujourd’hui comptait. Lorsque Stan l’invita à le suivre vers la finalité naturelle de cette soirée, elle n’hésita pas un instant.

Elle lui prit la main, rit encore avec lui d’une bêtise dans les escaliers, et se laissa bien vite tomber sur un lit. Le sien, celui de son partenaire, Selene n’avait même pas fait attention. A l’image de leur passion si raisonnablement contenue ces derniers jours, l’effeuillage s’expédia sans langueurs romantiques. L’appétit était ailleurs. Dans la pénombre, ses yeux bleus pétillaient. Et, peut-être du fait de leur complicité, ou du caractère grisant de leur relation, la pianiste se sentait étonnement à l’aise dans son plus simple appareil. Ce corps abimé, mutilé, ciselé par les dernières années d’une survie rude. Des lèvres et du bout des doigts, elle s’aventura en terrain inconnu…

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Elle se laissa tomber sur le lit alors qu’il refermait la porte. Il la regarda un instant. Elle lui était tellement désirable en cet instant. Il n’y avait plus de retour en arrière possible. Il n’en avait pas envie. L’instant suivant, il retirait son pull et son T-shirt, toujours debout, alors qu’elle l’imitait dans sa position allongée. Il révéla la large cicatrice chirurgicale qui lui coupait le thorax en deux, ses tatouages. Mais l’heure n’était pas à la contemplation du corps de l’autre. Ils se rejoignirent sur le matelas, pour terminer de se déshabiller, mutuellement tout en mêlant leurs langues et jouant de caresses. Leur désir, contenu depuis des jours, des semaines, ne les invita pas à prolonger les préliminaires. C’était comme s’ils n’avaient plus de temps à perdre. Couché sur elle, les premières secondes entre ses hanches se trouvèrent délicieuses. Son corps bouillonnait, grisé par la nouveauté. Puis ils changèrent de position pour calmer le jeu et elle se retrouva à califourchon sur lui. Il lui laissa les commandes, ferma un instant les yeux, savourant l’instant, les rouvrit… et…

Son sang ne fit qu’un tour. C’était peut-être l’éclairage de la pièce. La chevelure longue et brune de sa partenaire. Sa position. Quelque chose dans son attitude ou son expression. Mais pendant une fraction de seconde, le jeune homme se retrouva projeter à Portland, au cœur de la ruche. Et ce n’était plus Selene qui le chevauchait. Il sentit son extase se faire la malle. Il ne contrôla pas sa réaction, quand il lui agrippa les hanches pour imposer de nouveau son rythme afin de redresser la barre. Merde, il n’allait pas y arriver. Cela réveilla cette insécurité qu’il pensait derrière lui et ses mouvements se firent plus brusques. Notamment quand il la souleva pour la retourner sur le ventre. Quand il poursuivit ses à-coups, ses mains fermées autour de ses poignets, concentré sur son plaisir à lui.

L’instant suivant, il avait le cœur tambourinant, allongé à ses côtés. Il était allé jusqu’au bout, mais une partie de lui n’avait pas su l’apprécier. Il ne comprenait pas. Il s’était naïvement cru complètement guéri. Est-ce que ça le poursuivrait toute sa vie ? Son regard se détacha du plafond pour regarder Selene.

Attention aux lecteurs et lectrices sensibles, passez votre chemin !

lls ne perdirent pas de temps, poussés par une urgence lascive. L’envie brûlante et coupable de consommer cette complicité ambigüe. Allongée sur le dos, Stan au-dessus d’elle, Selene laissa échapper un soupir d’aise mal contenu lorsqu’il s’introduisit en elle. Ses pensées, ses possibles remords, s’envolèrent en une fraction de seconde. Le plaisir dynamita son cerveau, débranchant toutes ses fonctions pour s’oublier dans l’instant. Ça faisait longtemps. Les bras d’un homme, le feu de de la chair. Ces à-coups qui l’ébranlaient de la tête aux pieds, ces frissons qui la bouffaient, ses ongles qui s’enfonçaient dans le dos de son amant. Cambrée sur le matelas, la musicienne vivait bruyamment la communion crapuleuse, le souffle coupé par la chaleur qui l’embrasait.

Sans se concerter, ils ralentirent la cadence. Ne pas griller toutes les cartouches, lui permettre de prendre les commandes. La pianiste se redressa au-dessus de Stan, drapée par sa crinière qui cascadait sur son corps nu, Mains sur le torse de son partenaire. Ses hanches ondulaient doucement, leurs souffles résonnaient à l’unisson ; et soudain… un grain de sable enrailla la machine. Selene eut l’impression qu’ils se désynchronisaient, que son amant se crispait, luttait.

- Ça va pas ? Questionna-t-elle dans un souffle, paupières closes, droguée au plaisir.  

Pas de réponse, sinon les paluches de Stan qui empoignèrent brusquement son bassin pour lui imposer « sa » cadence. Bien que troublée par ce drôle de changement de ton, la musicienne crut qu’il s’agissait simplement de sa manière de lâcher-prise, alors elle voulut l’accompagner. Répondant à la fermeté par la fermeté, elle agrippa les bras du militaire, les ongles plantés avec une férocité gourmande, et accentua ses propres mouvements.

Alors, le train dérailla.

Il la repoussa, la souleva et la plaqua ventre au matelas. Ce n’était plus un jeu – ou si c’en était un, Selene n’avait plus envie de jouer. Nez dans les draps froissés, noyée dans ses propres cheveux, elle manquait d’air. Elle tenta de résister, peut-être pas encore assez farouchement, car elle n’arrivait pas à croire que ça puisse être autre chose qu’un peu trop d’engagement.

- S-Stan, at-attends, demanda la jeune femme, arrachée à son extase par une douche glacée, arr-

Il n’écoutait plus. Ses mains avaient emprisonné ses deux poignets et il pesait sur son dos de tout son poids. Son cœur pulsait contre ses côtes, mais ça n’avait plus rien à avoir avec le plaisir. Que se passait-il ? La musicienne était tellement choquée, tellement prise de court, qu’elle cessa simplement de bouger. Elle avait froid, la chair de Stan la brûlait, mais son cerveau ne savait plus comment se recâbler. Les yeux grands ouverts, elle était prisonnière d’un corps catatonique. Elle ne sentait même plus vraiment ses va-et-vient en elle, ni la douleur qui lui sabrait les entrailles. Sa conscience venait de sombrer dans un vieux cauchemar qu’elle pensait oublié, enterré et dépassé. Par moment, comme une impulsion électrique instinctive, elle tentait de libérer ses bras. Sans succès.

Selene ne saurait dire combien de temps dura son état second. Elle était libre depuis un moment, le poids de son amant s’enfonçait dans le lit à ses côtés. Ses paupières clignaient lentement, ses yeux fixaient le néant. Ses méninges n’arrivaient toujours pas à assimiler ce qu’il venait de se passer. Cette montée au ciel, pour dégringoler des nuages et s’écraser violemment.

Il la regardait. Elle s’en rendit compte en même temps qu’elle reprenait conscience des sensations qui la tiraillaient. La douleur de ses bras, la présence fantomatique qui s’éternisait en elle, le froid, la nausée. Il y a quelque chose qu’elle n’a pas compris ? Avec des membres d’une lourdeur atroce, la pianiste s’était redressée, puis relevée, sans croiser les yeux de Stan.

- Je… j’y vais. A demain, s’entendit-elle souffler, comme depuis l’extérieur de son corps.

Et elle sentit comme un goût amer sur sa langue. Aurait-elle dû dire autre chose ? Si seulement elle arrivait à mettre le doigt sur ce qui avait déconné, mais ça bloquait. Au terme de pénibles secondes qui lui servirent à rassembler ses fringues, Selene était dehors. Elle tituba jusqu’à une autre pièce, n’importe laquelle. Elle se sentait mal, et pas parce qu’elle avait bafoué une femme mariée. En vitesse, elle se rhabilla, noua ses cheveux et ravala les larmes qui menaçaient de poindre. Elle ne saurait dire si Stan la poursuivait ou si elle rêvait, mais elle se dépêcha de descendre, récupéra une arme et quitta la maison. L’air lui griffa le visage et l’ancra à la réalité. Rejoindre le duo en station devant le pont, prétendre ne pas réussir à dormir pour rester leur prêter main forte. Tout pour ne pas rentrer.

- Ça va ? Tu tires une de ces tronches…, commenta Rocco avec son naturel ordinaire.

Elle lui promit que oui. Alors l’instant suivant, elle eut droit à l’une de ses blagues et elle se força à rire. Son cerveau, lui, était resté avec Stan. Elle ne comprenait toujours pas.

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