- Wa ! Ça commence à taper ! S’exclame Rocco en tapant son verre sur la table. - Mec… sérieux, on boit du jus de pomme. - Comme je le dis depuis le début : avec un peu d’imagination, c’est comme un bon vieux whisky !
Selene rit à ce nouvel échange entre les deux potes qui n’avaient cessé de faussement se chamailler depuis le début de ce jeu. Aujourd’hui encore, après un peu plus de trois semaines dans cette nouvelle communauté, la jeune femme restait fascinée par l’esprit de camaraderie qui régnait dans les rangs – et notamment les partenaires de Stan. Longtemps, la musicienne avait voulu imaginer les survivants de Fort Ward comme des bêtes sanguinaires et violentes. Ensuite, elle les avait vu comme des snobs arrogants et hautains. Finalement, Roza avait eu raison… ils étaient différents une fois vus de l’intérieur, elle l’apprenait tous les jours.
- C’est pas tes shots de soft qui te soûlent, c’est les yeux d’la nouvelle ! Tout le monde te voit la mater tu sais ?
Un sourire espiègle fendit en deux le visage de la femme dénommée Jill, alors que Rocco s’était raidi d’un coup en baragouinant une série de « n’importe quoi » et de « t’as rêvé, c’est Stan qui me fait de l’effet ». Sa tentative pour garder la face n'était que vaguement convaincante. La concernée regarda ailleurs, les joues empourprées par cette pic qu’elle n’avait pas non plus vu venir. Brièvement, elle croisa les yeux de Stan, pour les fuir aussitôt.
Pour continuer de l’intégrer aux multiples process de Fort Ward, Stan l’avait accompagnée pour un shift à l’avant-poste d’Agate. Ils étaient actuellement huit sur place : Sun, Franck, Prince, Melinda, Jill, Rocco, Stan et Selene. Les premiers étaient en postes à l’extérieur et faisaient leur ronde, les autres se détendaient après leur garde diurne. Ils reprendraient dans quelques heures, un peu avant le lever du soleil, mais même la fatigue ne saurait les empêcher de s’amuser un peu avant de se coucher. A la lueur d’un lot de bougies, ils s’adonnaient à un jeu bien connu, pour « briser la glace », avec du jus en guise d’alcool ; rationnement et pénurie oblige…
- Bon, à moi : je n’ai jamais… couché hors de mon couple… pour ensuite rentrer chez moi et baiser avec mon mec ou ma meuf dans la même journée !
Rocco éclata de rire.
- T’as jamais fait ça ? Je te crois pas. - Voyons, j’ai une vie sexuelle épanouie, ça veut pas dire que j’ai aucun principe…, rétorqua Jill en feignant être offusquée, … je couchais avec l’un avant minuit, et l’autre après minuit. C’était donc sur deux jours différents !
Ce fut au tour de Selene d’y aller d’un rire franc, cristallin. Cette femme était d’une irrévérence à toute épreuve et d’un franchise désarmante. Ça la rendait à la fois attachante et intimidante ; elle n’avait pas encore fait son choix. Mais ce qui était sûr, c’était que cette ambiance l’aidait à se libérer un peu. Loin de ses soucis et de ses pensées spectrales, laissées à Fort Ward pour la plupart. Timidement, la musicienne porta alors son verre à ses lèvres et avala son cul-sec de jus de pomme.
- Non… NON, s’écria Rocco, exagérant son désarroi, m’dis pas que tu es comme ELLE ?
Il pointait sa voisine du doigt, qui lui administra un coup de poing sur l’épaule.
- J’étais jeune, répondit mystérieusement Selene, c’était pas… - Tss-tss, te justifie pas de pécho ! C’est la règle numéro 1, elle haussa les épaules, et puis, de ce que je vois… t’es encore « jeune », non ?
Wink wink.
« Dum spiro spero »
Go back and forward, but all is melting like the snow ♪ Taking all from us, all we thought was left to know ♪ On what we treasure falls a dusty snow ♪ taking us backwards, but where we will never know.
Sujet: Re: Détours & virages Ven 6 Jan 2023 - 23:51
Stan riait aussi de bon cœur. Aux vannes de Rocco. Au bagou légendaire de Jill. S’il avait pris la décision de venir quelques jours jusqu’ici, c’était pour relâcher la pression qu’il se mettait depuis l’annonce que lui avait faite Casey récemment. Et il était inutile de dire que ça lui faisait un bien fou. Depuis qu’il était arrivé à Agate, il n’avait pas songé une seconde à l’avenir, pas même au lendemain. Il avait déconnecté son cerveau et profitait simplement de la bonne humeur ambiante. Il ne voyait pas plus loin.
- On t’voit arriver des kilomètres à l’avance avec tes phrases à rallonge là, tu sais plus quoi inventer ! Soupira faussement le garçon, alors que Jill jouait les femmes de principe. Il était clair qu’en abordant le jeu sous un angle sexuel, vue son expérience, ses options devenaient… limitées.
Selene eut un éclat de rire communicatif, avant de siffler son verre. Stan ne fit pas de commentaire, mais il haussa aussi les sourcils, surpris, alors que Rocco exprimait son désarroi. Il émit un rire devant l'expression du garçon, ne pouvant s’empêcher toutefois de penser à cette opportunité de pécho que la brune avait choisi de ne pas saisir l’été précédent avec lui.
- Tu verras, y a de quoi faire à Fort Ward, c’est un bon terrain de jeu, ajouta l’ancienne flic à sa voisine dans la confidence, après son clin d’œil. - Bon on enchaine, c’est à qui ? Balança vivement Stan pour couper ces allusions, en y ajoutant un geste de la main.
Non clairement, il n’avait pas très envie d’entendre sa pote énumérer à leur nouvelle recrue toutes les personnes qu’elle pourrait se taper chez eux ! Alors autant poursuivre. Seulement Selene avait un verre vide… et il n’y avait plus de jus ! Il y eut un moment de flottement. C’était la mort assurée de leur soirée, à moins que…
- J’ai une idée… Le trentenaire venait d’esquisser un sourire content de lui. Il se leva. Bougez pas ! - C’est là qu’on commence à flipper… s’amusa l’autre homme, avec une pointe de sérieux néanmoins. Il reçut pour réponse un sourire plus franc de son partenaire, qui rejoignit la cuisine, située tout près.
Il s’en suivit des bruits de placards qui s’ouvrent et se ferment. Il revint pourtant rapidement avec un pichet qui contenait dorénavant un liquide… marronnâtre. Il avait fait en speed un mélange des plus intéressants : sur une base très saine d’eau, il avait ajouté un sirop de menthe, du pseudo tabasco et beaucoup – trop - de sel. C’était de l’impro. Le but, évident, était de concocter une boisson vraiment infâme pour pimenter leurs prochaines répliques.
- Bon j'ai pas fait dans la dentelle, j'vous avoue. Mais c’est délicieux, faites-moi confiance, affirma-t-il, en éxagérant de nouveau son sourire. Il invita ses compagnons à vider leurs verres pour partir sur un pied d’égalité et il les remplit tous de son truc. Lui inclus. Oook vous êtes prêts ? J’prends l’tour, ça m’parait l’plus sage. J’tente le strike… J’n’ai jamais… eu un coup d’un soir.
Sujet: Re: Détours & virages Sam 7 Jan 2023 - 1:30
- A toi, répondit Selene qui avait pu suivre puisqu’elle n’était pas bourrée au jus de pomme, mais mon verre est vide !
Elle leva le dit récipient à hauteur de regard, exagérant une moue triste. Ceci dit, chagrinée, elle l’était vraiment ; car en dépit du bagou déstabilisant de Jill, elle se plaisait bien avec eux. Elle ne voulait pas dormir, car sur son oreiller l’attendait probablement une guirlande de cauchemars, prête à se déployer dans son crâne. C’était souvent le cas quand elle avait la tête si pleine. Stan se leva alors, clamant de PAS BOUGER.
- S’il nous apprend qu’il avant planqué de la gnole depuis le début alors qu’il me force à siffler du jus de pomme…, fit mine de ronchonner la fliquette.
Une fois encore, les répliques des deux acolytes firent rire la musicienne. Elle profita de cette pause pour s’étirer comme un chat et écarter de son regard glacier une longue mèche de cheveux. Pourtant, elle avait tressé sa crinière, c’était toujours plus pratique pour les missions extérieures ; mais comme elle, sa touffe avait des tendances rebelles.
- Bon, bah on va tuer le temps hein ? C’est définitivement fini avec ta meuf, ou…
Évidemment, le sujet avait été abordé très tôt dans la soirée et Selene se sentit bien incapable de répondre à cette question. Oui, c’était terminé au sens où elles ne vivaient plus ensemble et qu’elles ne coucheraient plus ensemble. Mais elles restaient amies et liées par une affection qui transcendait probablement les codes ordinaires. Heureusement, Stan revint, permettant à la pianiste d’éluder totalement la question.
- Waw, fit-elle non sans ironie. - C’est dingue, c’est la première fois que je vois du jus de chaussette en vrai. - C’est le moment d’aller dormir, non ? proposa Rocco, pince-sans-rire.
Mais il ne bougea pas, il n’avait pas plus envie que les autres de partir. Il joua donc le jeu, vida son verre et le tendit pour recevoir sa ration. Lorsque l’étrange liquide glissa dans celui de Selene, elle posa sur le militaire l’un de ses regards perçants, crépitant de malice. Elle commençait à le connaître et à son sourire, elle devinait qu’il préparait un sale coup. Mais taquine, elle joua l’ingénue en affirmant :
- Ils sont médisants, moi je te fais confiance, Stan.
Pas du tout. Mais elle allait rapidement pouvoir tester la mixture puisqu’effectivement, après toutes les informations qui avaient été échangées jusque-là, c’était un strike quasiment assuré. D’ailleurs, Rocco ricana à nouveau :
- Mais alleeeer, personne ne te croit ici ! - Si c’est vrai, t’as raté les meilleures relations. - On doit boire si on a couché avec la fille que le matin ? tenta de resquiller Rocco en examinant son verre. - Aller, cul-sec ? Encouragea Selene.
Grave erreur. L’instant suivant, ils se tordaient tous les trois sur la texte, à grogner leur écœurement et promettre les pires souffrance au barman. C’était dégueulasse, il n’y avait pas d’autre mot. Malgré tout, les protestations se transformèrent vite en rire. La pianiste se sentait si bien, à sa place. Le tour ayant été réinitialisé, Selene reprit un tour – non sans prendre l’initiative d’elle-même recharger les munitions, à commencer par son propre verre.
- Donne la recette : un jour, je vais préparer la gourde de Locke avant un entrainement, et je vais remplacer son eau part ça. - Bon, celle-là va peut-être révéler des choses…, elle étudia chacun de ses complices, Je n’ai jamais… menti au « je n’ai jamais ».
L’heure de vérité donc !
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Sujet: Re: Détours & virages Dim 8 Jan 2023 - 13:20
A peine avait-il formulé sa phrase que l’image de la Guêpe se dessina dans son esprit. Une expérience qui ne s’était produite qu’une fois, effectivement, le soir de surcroit. Mais entrait-elle vraiment dans l’équation ? Il ne l’avait absolument pas envisagé l’instant précédent et il était clairement bien trop tard pour faire machine arrière, sans passer pour un con et soulever d’étranges questions. Parce qu’il n’avait pas non plus envie d’y penser plus que ça, il choisit de l’écarter sans scrupule.
- C’est pas faute d’avoir essayé, se défendit-il. De fait, il n’avait effectivement jamais réussi à serrer une nénette à une soirée. Les trois autres se résignèrent à boire et Stan ne fut pas déçu de leurs têtes, quand ils y allèrent cul-sec sur son petit mélange. C’était fen-dard ! Il en rit franchement. Ah ça ajoute du piment ! Se moqua-t-il, alors que la boisson était effectivement sacrément épicée.
Il savait qu’il y passerait aussi, évidemment, mais il était assez maso – ou débile - dans l’âme pour s’en moquer complètement. Les trois verres se reremplirent et la pianiste prit la relève. Sa tirade était futée. Jill lâcha un « oooh » intriguée. Ils se jaugèrent, de courtes secondes, comme dans un western.
- Personne ? C’est b… commença Rocco, pourtant Stanley s’empara finalement de son verre. Il haussa les épaules tout en pinçant les lèvres avec une moue navrée. Il n’avait pas vraiment hésité en réalité. Pour sa remarque d’avant déjà, et pour le fun aussi d’embrouiller les autres… - Ça ne m’étonne pas, t’es le pire des escrocs, glissa Jill en plissant les yeux. - On peut savoir quand tu as menti alors ? Tenta son voisin. - C’est peut-être juste à celle-ci, que j’mens, répliqua le militaire, content finalement de simplement semer le doute. Il haussa deux fois les sourcils, mystérieux. Juste avant de s’envoyer son verre cul-sec tout seul, du coup. Brraaa, lâcha-t-il après avoir avalé, grimaçant la bouche ouverte et la langue dehors. Quelle horreur, qui a concocté ce truc ? Promis, j’tricherai plus jamais au « j’ai jamais », se repentit-il faussement.
Ils continuèrent ainsi sur cette lancée. Rocco enchaina, puis Jill de nouveau etc. L’ambiance restait joyeuse, mais la boisson rendait définitivement la partie plus épineuse. Ils convinrent d’arrêter les cul-sec et après son deuxième verre, il n’était pas mentir que Stan avait vraiment la nausée. L’idée de devoir recoller les lèvres dans cette chose, brrr…
- J’n'ai jamais… vomi après un « j’n'ai jamais »…. avant ce soir probablement…
Sujet: Re: Détours & virages Dim 8 Jan 2023 - 21:59
- Stop, je déclare forfait, rétorqua Selene à la dernière proposition de Stan, impossible que je reboive une gorgée de ce truc.
Parce qu’elle avait déjà vomi au « je n’ai jamais », quand elle était ado, et elle était à deux doigts de recommencer. Visiblement, elle n’était pas la seule à avoir l’estomac au bord des lèvres. Cela faisait bien longtemps que Rocco était palot – et bien plus silencieux que d’habitude – et quant à Jill, elle était avachie sur sa chaise, une main sur son ventre.
- Gerber d’avoir trop bu mais sans avoir été bourrée… avec vous, je découvre sans cesse des concepts absolument nul à chier.
Mais contrairement à ce que ses mots laissaient entendre, un sourire amusé illumina son visage. D’un commun accord, ils acceptèrent donc d’ajourner la séance de torture. De toute façon, ils n’avaient pas vue l’heure tourner à force de se marrer, et il était grand temps d’aller dormir. Dehors, la nuit était noire. Les bougies vivaient leurs derniers instant, plongeant toute la baraque dans une obscurité qu’ils avaient tous appris à apprivoiser. Le monde de la lumière permanente n’existait plus…
*
- Aller, debout la belle.
Selene émergeait lentement. Elle avait eu du mal à s’endormir et désormais, son cerveau refusait de se rallumer. Au final, elle ne s’était assoupie que très peu d’heures, la reprise était salée. Le pire ? Elle était encore barbouillée et avait mal au crâne. C’était comme une gueule de bois, mais sans l’alcool, Jill avait raison. Dans la pénombre, la musicienne entendait la flic qui zippait ses rangers. Non sans grogner, elle rejeta ses couvertures et quitta le lit. Elle s’était couchée toute habillée, alors il ne lui restait qu’à mettre ses chaussures de marche, son blouson, à faire un pipi et à prendre son sac – bouteille d’eau, encas, médicament. Moins de cinq minutes après, elle était dehors pour relever l’autre équipe, fusil automatique dans les mains et couteau à la ceinture. Ça piquait méchamment. La bouche encore pâteuse et les yeux gonflés, elle fit un effort pour paraître plus fraîche qu’elle ne l’était en vérité.
- On vous laisse la ronde sur la plage ? Proposa Jill à Stan et Selene, on fait la vigie au pont. On peut se relayer dans trois heures. - Comme vous voulez.
La pianiste était là pour découvrir leur fonctionnement, ce n’était clairement pas à elle de discuter les directives. Son regard se posa sur le militaire, attendant de découvrir son approbation ou son refus.
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Sujet: Re: Détours & virages Mar 10 Jan 2023 - 19:38
Il s’était fait vomir. Comme un véritable expert, Stanley n’avait pas pris le risque de laisser ce subtil mélange se glisser jusqu’à ses intestins et il s’était arrangé pour en évacuer une partie avant de retrouver son lit. Ça lui brûla la gorge sur l’instant, mais le lendemain, du moins quelques heures plus tard, il était finalement plutôt frais. La nuit avait été courte, mais ça restait une habitude. Il avait croisé l’autre équipe, qui lui fit un topo minimaliste : R.A.S. au revoir merci.
- Allez, répondit le militaire à la proposition de Jill. D’un mouvement de tête, il invita Selene à le suivre. Elle a été sympa, au moins on va marcher. Parce que rester statiques, dans c’froid… Il mima un frisson. Réel. Le peu de sommeil n’arrangeait rien. Car il faisait encore nuit et les températures étaient à cette heure au plus bas. Sans parler de l’humidité ambiante qui les saisissait. A c’t endroit, on a souvent du brouillard. Ça n’rend pas la surveillance facile, commenta-t-il, alors qu’ils s’éloignaient maintenant de leur point de chute, pour prendre la direction de la plage. Ça va, tu vas t’nir le coup ? Ajouta-t-il dans un rictus. J’ai cru qu’Rocco n’arriverait pas à sortir du lit… ajouta-t-il. C’est comme ça qu’on r’connait les forces de la nature, s’amusa-t-il.
Il était de bonne humeur. Il avait passé une bonne soirée et ça l’avait requinqué. Il aimait bien cette bande. S’il se plaisait globalement dans sa nouvelle colocation, on ne pouvait pas dire que l’ambiance était véritablement à son top. Sauf quand il ramenait personnellement du monde… En réalité, il était aussi peu présent. Ou bien il n’avait pas Esther et bossait tard ou squattait ailleurs, ou alors la fillette était là et animait elle-même la maison.
Ils approchèrent alors de la carcasse du ferry qui s’était échoué là des années plus tôt et Stanley en profita pour raconter à la brunette cet épisode. La marée de morts qui avaient envahi l’endroit. Un tournant dans l’Histoire, puisque c’était précisément ici, ce jour-là, que Clayton avait été mordu. S’il avait déjà évoqué à la jeune femme l’immunité de son ami, il n’était pas entré dans les détails.
- A vivre, c’était un truc… dingue. J’lui ai littéralement dis adieu alors qu’il était infecté, fiévreux… et… le mec survit. On est clairement dans l'top cinq des trucs les plus marquants qu'j'ai vécu ici. T’as pu l’croiser ? En même temps, il agrippa un peu plus le fusil qu’il tenait. Reste attentive, cette zone est la plus délicate. C’est pour ça qu’on fait des rondes par-là.
Sujet: Re: Détours & virages Mar 10 Jan 2023 - 21:55
- J’ai jamais été aussi fraîche ! Mentit-elle à Stan qui lui demandait si elle tiendrait le choc.
C’était faux, mais Selene avait aussi vu bien pire. Un estomac en vrac et du manque de sommeil ? Pareil qu’un matin ordinaire quand on vadrouillait longtemps dehors. A force de manger des trucs périmés ou mal conservés et des fruits douteux, la pianiste avait connu son lot de déboires intestinaux. Mais bref, ce n’était pas le sujet. La bonne humeur de Stan était communicative, et lui soutira un grand sourire qui fendit en deux son visage ivoirin. Sa tresse était un chaos sans nom duquel jaillissait un enchevêtrement de cheveux sombres, tels une multitude de pattes d’araignées. Clairement, son apparence reflétait son intérieur : en bordel.
Tout en longeant la plage caressée par les vaguelettes les plus matinales, la musicienne écoutait le récit de son aîné. Elle buvait même littéralement ses paroles, parce qu’il avait ce truc pour rendre l’histoire véritablement passionnante – plus qu’elle ne le serait normalement. Admirative, elle observa longuement l’épave, dressée comme un monument antique échoué à jamais. Elle pouvait sans mal imaginer les flots de morts qui se déversaient de là, dégueulant des hordes sur l’île…
- C’est incroyable…, souffla-t-elle, les yeux ronds, je l’ai pas croisé non, je crois pas… mais je suis vaccinée aussi, tu le savais ? Selene ne savait plus si elle l’avait précisé au fil de leurs nombreuses discussion, je me sentais déjà un peu spéciale, mais c’est dingue de découvrir où la légende a commencé, plaisanta-t-elle.
Elle riait, mais en vérité, elle se sentait… chamboulée. Cette maladie avait littéralement ravagé leur société et renvoyé leur civilisation à l’ère préindustrielle – ou presque. Un vaccin avait été conçu pourtant, il pouvait tout changer. Une guerre durait depuis des années à cause de lui, tant il divisait les passions. Et elle se trouvait là où s’était produit l’impensable.
- Ok, fit-elle pour signaler qu’elle avait entendu la mise en garde.
Et justement, quelques mètres plus loin, la lumière de la torche fixée à son fusil révéla une forme mouvante dans le sable. Une demi-charogne dégarni part la décomposition, la peau qui se décollait à cause de l’eau. Il avait visiblement passé un long moment en mer avant d’échouer ici, telle une méduse cadavérique, à peine capable de tendre les bras vers les survivants. Selene supposa qu’elle devait s’en débarrasser – la précaution avant tout ! Son couteau militaire fit l’affaire, coupant momentanément la bulle qu’elle partageait avec Stan. Reprenant la marche à ses côtés, elle ouvrit la bouche plusieurs secondes avant de prononcer le moindre mot – elle hésitait.
- Dis… y’a une autre personne que je n’ai pas encore croisée, souleva-t-elle avec un brin de malice, s’efforçant de paraître détachée, ta femme, tu ne me l’as pas présentée.
Elle ne sait pas. Est-ce que c’est la nuit qui les enveloppe qui la pousse à vouloir avoir ce genre de discussion ? Ou c’est l’envie inconsciente de mieux comprendre ce qu’ils étaient ? Il n’y avait rien eu de spécial depuis son arrivée à Fort Ward, mais ils s’étaient toujours vu en l’absence de la compagne de Stan et il en parlait le moins possible. La pianiste l’avait remarqué, elle n’avait juste rien dit jusque-là.
- C’est toujours difficile ? Demanda-t-elle d’une petite voix qui l’invitait à parler s’il le voulait.
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