The Walking Dead RPG

Je porte une main à poitrine, comme si cela allait changer quoi que ce soit quant à ma capacité à respirer. Peinant à reprendre mon souffle, j'esquisse un sourire difficile envers Allie, que je rejoins dans sa baraque au moment où la porte se referme derrière les derniers arrivés. Les temps sont durs, et j'ai insisté auprès des autres pour que l'on se retrouve tous au même endroit. Accompagnée de Tasya, nous avons rameuté notre petit groupe, éparpillé depuis que le feu a réduit en cendres notre précédent foyer. En soupirant, et en manquant de cracher mes poumons, j'entame directement la discussion : « Bonjour. Pour ceux qui ne la connaissent pas encore, je vous présente Allie. Elle et moi, ça remonte à loin, on était dans le même groupe avant de finir ici. On peut lui faire confiance » conclus-je pour la forme, tandis que l'intéressée secoue timidement sa main pour les saluer.

Pour différentes raisons, j'ai fais en sorte qu'on se retrouve chez Allie. Pour plus de discrétion, principalement, pour sonder, surtout, les autres. On ne s'est pas vraiment réuni depuis l'incendie, et je ne peux les blâmer. Et face à leurs traits tirés, aux cernes étalés sous leurs yeux, face à ces mines abattues et déconfites, ma hargne augmente. Serrant les points, je me concentre. La présence de la mexicaine me rassure, et quoi qu'on ait pas reparlé de notre complicité dans l'accident ayant marqué le bidonville, je sais qu'on partage toujours la même envie. Je serre brièvement sa main avant d'entamer en douceur une approche, m'enquérant, forcément, de l'état de mes alliés : « Bon, et si on commençait pas dire comment chacun se sent ? » C'est quelque chose, de se forcer à une certaine docilité, alors que mon corps est toujours autant tremblant de colère. Mais je me vois mal interroger mes copains de galère à coup de 'On fout le feu où maintenant ?' au vu des circonstances. « Comment vous tenez le choc, depuis... depuis l'incendie ? » Je baisse le menton, prétend ne pas croiser le regard de Tasya ou d'Amalia. C'est drôle de parler de cet événement comme si ça ne me touchait pas. Mais je ne suis au courant de rien, officiellement. On s'est mise d'accord là-dessus avec la brune, et on ne compte pas rétropédaler sur le sujet. Ma poitrine se contracte alors que le simple fait d'émettre un son me demande un effort surhumain. Chaque mot est prononcé avec lenteur, la voix rauque, la respiration entrecoupée par chaque bouffée d'air aspirée. J'ai l'impression de perdre du temps rien qu'à ouvrir ma bouche, mais je ne peux pas faire autrement. Alors j'attends, simplement, les premières réactions de chacun.

I'll walk through fire and through rain

Snakes and stone, Skin and bone. Vain and revenge, Betrayed by a friend. Grow cold heart consumed by green, Mesmerize me. Oh, I dare you to try, dare hypnotize me, with medusa's green eyes. ----

 

Tasya est perdue dans ses pensées et la pression de la main d'Hoani dans la sienne la ramène immédiatement à la réalité. Elle adresse un sourire à Allie avec qui elle a eu le temps de faire brièvement connaissance. La jeune femme leur sauve un peu la vie en acceptant de les héberger, au moins de manière temporaire.

Lorsqu'Amalia prend la parole, la mexicaine se tend immédiatement. « Je... Je ne sais pas... » souffle Tasya pour simple réponse. Elle n'a pas cherché à le savoir car si c'est le cas, ce serait beaucoup trop dur à encaisser. Elle évite le regard d'Hoani, consciente comme elle qu'elles sont responsables de cet horrible incendie. Ses yeux se posent alors sur Amalia. La jeune femme semble toujours absente, visiblement, les séances de torture continuent et ça n'est pas pour rassurée la mexicaine.

Ses pupilles se dirigent ensuite vers Phoebe. Elle ressent une étrange sensation à son égard, mélange de soulagement et de peine. Tasya se sent rassurée que sa belle-sœur et amie ne soit plus obligée de se prostituer dans cet horrible endroit. Depuis le début, c'est un déchirement de voir la jolie blonde se soumettre aux désirs des hommes qui viennent au borde. Elle se sent également véritablement peinée aussi que Phoebe ait perdue un endroit où elle était en sécurité depuis le début.

Comment elle se sent ? Tasya hausse les épaules. « Fatiguée... » murmure-t-elle. Sa grossesse, leur vie ici, tout lui tombe sur les épaules et quand ils pensent tomber bas, quelque chose les tire encore plus vers le fond. Cette fois-ci, elles l'ont malheureusement un peu cherché mais la brune préfère éclipser tout ça et se concentrer sur l'avenir. Au moins, ils sont ensemble. Ray, Harper, Hoani, Phoebe et Amalia, un étrange groupe, tous aussi différent les uns les autres, réunis par la disgrâce.

Oui.

Bien sûr, que des gens étaient morts. Et si elle n'avait pas eu les noms, ses consoeurs avaient eu tôt fait de s'inquiéter de ne pas en voir revenir certaines, parmi les flammes. Son oeil clair avisant Allie à qui elle esquisse un sourire timide, avant de baisser à nouveau le regard à la question d'Hoani. Qui lui paraît profondément stupide, au demeurant, quoi qu'elle n'en dise rien. Si elle haïssait son travail au sein du bordel, il n'empêchait. A nouveau, c'était un lieu sûr ou elle s'était sacrifiée pour le plus grand nombre, qui périssait dans les flammes emportant avec lui son lot d'innocents. Et elle n'avait pour ainsi dire, aucune envie d'en parler. Pas le moins du monde. Préférant plutôt croiser les bras contre sa poitrine et reculer d'un pas pour s'adosser au mur, volontairement éloignée de l'attroupement. Lasse, voilà ce qu'elle était. Abattue. Parce que même dans sa vaine tentative de rédemption, la vie semblait encore vouloir lui donner une bonne raison d'en finir.

Des filles ne répondent pas à l'appel. Certaines dont elles ne connaissaient que le nom. D'autres... Qui étaient ce qui se rapprochait le plus d'amies, ici bas.

Where to, Miss?

To the stars.

Lorsqu’il les a trouvés à grelotter dans la rue, à se bricoler un abri dans les ruines d’un ancien taudis, Ashton les a pris en pitié. Phoebe et Ray se sont ainsi retrouvés à partager sa petite maison, cabane mal isolée au sol tout le temps trempé, avec les quelques enfants qu’il héberge gracieusement. Ceux dont les districts ne veulent pas, car ils sont malades ou infirmes.

Ils ont un toit au-dessus de leurs têtes, mais ils ont perdu leur unique source de revenus. Et leur nouvel hôte ne saura pas nourrir deux bouches de plus, alors que les vivres se font déjà rares.

***

Ils se sont retrouvés, tous, chez cette Allie. Phoebe est totalement abattue. Les autres, il les découvre sans grande surprise dans le même état.

“Certaines sont venues me voir pour des brûlures, et des intoxications aux fumées. Mais il y en a que je n’ai pas revues.” La filleule d’Elijah, notamment. Ray soupire, las, croise les bras en s’appuyant du bas du dos contre un meuble. Il est soulagé, en un sens, de ne plus avoir à se fendre l’esprit de contradictions en se prostituant. Mais que va-t-il advenir de lui, maintenant ?

Comment ils se sentent ? Ray ne prend pas la peine d’y répondre, n’a aucune envie de confier ses états d’âmes. Il demande plutôt, “Vous avez une idée de ce qui a causé l’incendie ?”

Je les regarde tous, en silence, les bras croisés sur ma poitrine. Il faut dire que je fais profil bas, dernièrement. Je me concentre sur le boulot, sur ce qui m'apporte ne serait-ce qu'un tantinet d'espoir. Fabriquer des bombes est un art, et ce n'est pas de tout repos. C'est peut-être d'ailleurs ce qui m'empêche de me tailler les poignets, la plupart du temps. Je ne montre rien de tout ça à personne, évidemment. Je n'ose pas dire le moindre mot, quand je rentre, en vérité. J'ai assez d'avoir à me taper ces cons dans les districts, je n'ai pas besoin de parler d'eux - de ce qu'ils font, et du poison qu'ils veulent répandre - ici aussi. Je pourrais même dire que c'est plus paisible au bidonville. Sans miliciens, et sans leurs yeux constamment posés sur moi. Et ce, même si je peine à ne pas crever dans ma propre merde. Sauf que l'incendie du bordel est un magnifique coup du destin pour me rappeler que je ne possède rien, dans cette vie. Et que tout peut brûler, disparaître et s'envoler en une fraction de secondes.

Je pose les billes sur cette Allie, donc. Je ne sais pas qui elle est, et je n'ai certainement pas fait d'efforts pour apprendre à la connaître. Il faut dire que je passe le plus clair de mon temps avec Joe, sans grande surprise. Or, je plisse les yeux en réalisant à quel point Hoani semble galérer pour respirer. Elle veut qu'on parle de nos états d'âme. Je pourrais presque rire si je n'étais pas si frustrée de la situation. « On pourrait certainement te renvoyer la question. » que je marmonne en soutenant son regard - ne ratant pas son piètre état.

Autour de moi, les gens s'animent. Amalia demande si des gens sont morts alors qu'elle ne semble même pas se rappeler de son propre prénom. Tasya essaie d'enchaîner quelques mots mais ne parvient qu'à aligner quelques syllabes, tandis que Phoebe semble particulièrement en rogne, affirmant ce que personne ne veut dire tout haut. On dirait qu'elle est cassée. Et Ray, lui, demande plus d'explications - dans cette espèce de nonchalance qui le caractérise le plus souvent. Je soupire, alors que je relève les cils vers Hoani dans l'espoir de l'entendre répondre à la question de mon copain.

« Et qu'est-ce qui va se passer, maintenant, quand les miliciens vont descendre au bordel? » Non parce que je n'ai vraiment pas envie de prendre encore plus de coups simplement parce que les filles ne peuvent pas satisfaire leurs petites queues d'illuminés.

And I roam again, I ain't got no home. On my own again, but I never felt so close to them. My only feeling. A lonely feeling. L o n e l y f e e l i n g s.

Ok. C'est pas la joie donc, et je soupire en grimaçant, mes poumons toujours en feu à mes yeux. J'ignore la question d'Harper sur mon état. Amalia, Tasya et moi avons pu nous tirer du bordel de justesse, malheureusement pas sans séquelles. C'est comme ça, et ma santé ne compte pas. Allie y va de son commentaire, complétant Phoebe et Ray : « Il n'y a pas que des filles du Bordel. L'incendie a tout ravagé, même les barraques autour... » Je coule un regard avec elle, pinçant les lèvres. Jusqu'à la fameuse question. Et j'évite Tasya alors que je croise les bras, énervée par la situation : « Est-ce qu'on le saura seulement un jour ? Les autorités se foutent tellement de nous qu'ils ont laissé tout un quartier brûler avant d'éteindre le feu. On aurait pu tous crever ce jour-là. » De toute façon, c'est évident non ? Nous ne sommes rien. «  La ville ne cherchera pas à savoir ce qu'il s'est passé, parce qu'on est rien de plus que du bétail bon à jeter. »  Je suis sûre que les districts ne sont au courant de rien.

J'aspire de l'air pollué pour soulager ma cage thoracique enflammée, jetant ma tête en arrière. Harper pose une bonne question, et j'adresse un coup d'œil songeur à Phoebe, subtil, ayant déjà une ombre de réflexion à ce sujet. Mais ce n'est pas le propos du jour qui m'intéresse, personnellement : «  Les miliciens continueront ce qu'ils font si bien : tout saccager sur leur passage. »  Dardant mes iris sur chaque membre présent, je me redresse :  «  Et si ça continue comme ça, on sera les prochains à y passer. Il serait peut-être temps de renverser la tendance, vous ne croyez pas ? » Allez, lançons les hostilités.

I'll walk through fire and through rain

Snakes and stone, Skin and bone. Vain and revenge, Betrayed by a friend. Grow cold heart consumed by green, Mesmerize me. Oh, I dare you to try, dare hypnotize me, with medusa's green eyes. ----