The Walking Dead RPG

Cela ne paraît effectivement pas une idée très sûre de faire s'effondrer les goûts... Un risque que la surface s'effondre également et pouvoir garder un échappatoire est en effet une avantage non négligeable. Jena ne pensait pas qu'un jour River envisagerait de devoir fuir de New Eden. Du moins sérieusement. Mais son époux, aussi fidèle soldat soit-il, était aussi intelligent. Contrairement à ce que beaucoup pensaient, il ne faisait pas que suivre bêtement les ordres. Il avait eu foi en ce système, mais il était en train de s'étioler malheureusement. L'Adonaï commettait de plus en plus d'erreur, se radicalisait... Devenait-il fou ? Se pensait-il réellement une divinité ? Jena aurait payé cher pour explorer la psyché de cet homme, tout en sachant qu'il valait mieux en demeurer éloignée et ne surtout pas attirer son attention.

Seulement, ce qui n'avait été que des discussions abstraites revêt aujourd'hui une réalité plus palpable. Et elle n'est pas certaine d'être à la hauteur... De pouvoir fuir ainsi, en emmenant sa famille avec elle. Jena est une femme forte, une mère louve, mais de là à affronter les rôdeurs et toute la racaille qui peut traîner dehors avec toute sa famille à charge... C'est trop pour elle. Elle ne sait pas se battre, a appris à se servir d'une arme à feu avec Locklan, mais n'a pas exercé depuis bien longtemps et n'en possède de toute façon pas... Heureusement, River capte sa peur et la rassure, lui indiquant que Lynn sait se débrouiller, malgré son éducation de parfaite jeune fille de New Eden... Elle aussi en a bavé au début de la pandémie après tout. Et April... Douce April... C'est un avantage de savoir communiquer sans parler, mais il faudra tout de même garder un œil sur elle alors qu'elle n'entend pas le bruit qu'elle peut faire. Quant à Maelys... Elle hoche lentement la tête... « Elle aussi a appris de son père. » Et Jena n'oublie pas que c'est grâce à sa fille qu'elles ont pu survivre lors de leur fuite. Elle a appris plus longtemps encore que Lynn à survivre en milieu hostile, guidée par Locklan.

Elle relève les yeux vers son époux quand il saisit sa main et lui promet que cela n'arrivera que si aucun autre choix ne se présente à eux. Elle hoche la tête et a un sourire un peu tremblant... Estimer le danger. C'est une lourde responsabilité, mais elle ne peut y échapper, pas en ayant tellement de vies entre les mains. « Je sais que tu le feras. » Elle a une foi aveugle en sa parole et son sens de l'honneur. Même si tout ne dépend pas forcément de sa volonté propre malheureusement.

La suite la paralyse. Les révélations de River lui glacent le sang, mais elle n'en est pas étonnée... Le schéma se répète hélas et l'Adonaï, en tout bon dictateur illuminé qu'il est, pousse le vice jusqu'à vouloir un monde sans défauts. Sans imperfections. Quitte à sacrifier ceux qui ne lui conviennent pas. Et ça, c'est inacceptable. Une partie de Jena se révolte aux concessions qu'est prêt à faire River sur ce point... Tuer les plus faibles, incapables d'aider à la société. Un raisonnement de soldat en temps de guerre malheureusement. Mais sur lequel elle ne souhaite pas débattre, parce qu'il n'est pas question de ça maintenant. Il est question de soldats qui se sont vus diminués suite aux services rendus par exemple... Ou à nos enfants. « Je ne devrais pas dire ça mais... l'Adonaï dérive... Je ne suis pas certaine que ce soient des allégations...» Comme le souligne River, Lynn a été blessée, enceinte, sans que cela ne pose de cas de conscience. Elle se blottit dans ses bras et murmure : « Garde tout cela à l'esprit cependant... Il n'y a pas de fumée sans feu. » Mieux vaut se tenir sur leurs gardes. Ses lèvres viennent trouver celles de River. Chaque retour est une fête pour elle. Caque discussion, chaque moment partagé la fait davantage tomber amoureuse de lui... Ce n'est vraiment pas le moment de lui parler de Locklan maintenant... Mais y aura-t-il seulement un moment un jour.

J’essayais de la rassurer autant que possible. J’avais confiance en Jena pour prendre les bonnes décisions le moment venu. Elle prendrait la pleine mesure du risque encouru, contrairement à nos filles qui se contenteraient d’agir comme l’instinct leur dicterait. Je savais que, même avec des enfants à charge, elles seraient capables de se mettre à l’abri le temps nécessaire à ce que je les rejoigne. Avoir une alternative, en cas de dernier recours, me tranquillisait un peu l’esprit. Mais au-delà de ce plan de repli purement pragmatique, je comprenais également, dans ce que Jena ne disait pas, qu’elle nourrissait la même foi aveugle envers moi. Nous en avions fait du chemin depuis les premiers mois de notre mariage, quand nous en étions encore à nous apprivoiser et tenter de trouver notre rythme.

Mais la suite la figea d’horreur. Je la pris doucement dans mes bras quand elle vint s’y blottir de nouveau, posant mon menton sur le haut de son crâne. Jena partageait mes craintes les plus profondes. Fut un temps où je l’aurais reprise à parler de la sorte de notre Adonaï, mais plus maintenant. Elle avait probablement raison. Son pouvoir, prétendument divin, lui était monté à la tête. L’Adonaï se comportait en parfait despote qui imposait sa volonté à ses fidèles. Le trait était d’autant plus marqué maintenant qu’il ne se contentait plus de viser uniquement le renouveau de l’humanité, mais également à sélectionner le patrimoine génétique. Je pouvais faire bien des compromis au nom de la survie, mais je ne pouvais pas cautionner que des courants de pensée propres au nazisme s’invitent dans l’éden que nous avions eu tant de mal à créer. Il n’était plus un messie à mes yeux. Il se prenait pour Dieu lui-même.

« Je vais rester prudent. Promets-moi d’en faire de même. » Lui murmurai-je doucement avant de l’embrasser en retour. Elle avait encore la tête ailleurs, sans être réellement au moment présent. J’imaginais sans mal que tout ce qu’elle venait d’apprendre devait la travailler. Je m’en voulais un peu de lui ajouter ce poids sur les épaules, mais elle était ma femme, celle qui partageait ma vie et mes doutes. Je lui resterais entièrement dévoué, jusqu’à ce que la mort nous sépare.