The Walking Dead RPG

De tout ce que Maelys pouvait faire à Walla Walla, ce qu’elle préférait était clairement d’aller s’occuper des chiens au chenil, de les nourrir, de les sortir, et de les caresser aussi. Bien sûr, elle ne venait pas pour jouer, mais auprès des chiens, ce n’était pas une corvée, pour elle. Elle avait commencé à y voir Ray, quelques fois, dernièrement. Elle ne comprenait pas trop ce qu’il venait faire là, et pourquoi River l’y avait amené, après tout ce qu’il se disait. Les gens ne se lassaient pas d’en parler : le tueur d’évêque, l’impie qui aimait des hommes et avait manipulé la pauvre Lynn, qui devait être bien cruche pour n’avoir rien vu, le déviant, le rebelle qui avait infiltré une famille honnête, utilisant son beau-père comme couverture, le rejeton des Enfers, et bien d’autres encore. Elle ne comprenait pas. Est-ce qu’il avait vraiment fait semblant, tout ce temps ? De ce que Lynn lui avait dit, ils s’entendaient bien. Alors tout ça dépassait clairement l’adolescente. Elle ne put s’empêcher de le dévisager, en passant devant la cage qu’il nettoyait. « Pourquoi t’es là  ? » Ici, au chenil, mais aussi disgracié, et… tout, en fait. « Lynn était pas assez pour toi ? » Il avait tout gâché, après tout. Même si elle détestait cet endroit, ses obligations depuis qu’elle était à Walla Walla, il avait l’air d’avoir choisi tout ça. Il apprenait un métier intéressant, River le traitait comme un fils, tout le monde l’avait accueilli dans la famille. Il ne souffrait pas de sa situation, si ?

Un genoux au sol, Ray peste tout bas sa haine des canidés tout en ramassant, du bout de ses doigts nus, une crotte qu’il dépose dans un sac plastique déjà à moitié rempli. Il essaie de se convaincre que c’est sans doute plus supportable que ses activités du bordel.

Il tourne subitement la tête quand une voix familière l’interpelle. Le chien présent dans la cage s’agite et remue la queu en approchant des grilles. Celui-ci n’est pas agressif, au moins. Mais Ray s’en éloigne très vite, en sortant de là.

Il est bien plus grand que Maelys mais se fait petit. Impossible d’assumer son apparence actuelle : sale, maigre, bouffé par le stress et la peur qui le fait sursauter à chaque aboiement.

Pourquoi est-ce qu’il est là ? Il lui faut bien quelques secondes pour se reconnecter à la réalité et articuler, “Je travaille.” Comme une évidence. Que veut-elle entendre d’autre ?

Ray la dépasse, n’a pas la patience d’encaisser les reproches qu’il sent arriver. En ouvrant la cage suivante, y entrant avec autant d’appréhension que la première, il percute la question de Maelys et fronce les sourcils, dardant sur elle un regard froid. “Exactement. Elle n’était pas assez. Ma vie est bien meilleure ici, à ramasser la merde de tous ces clébards.” Le sarcasme cinglant, il contient sa nausée en ramassant de nouvelles déjections sous l’œil curieux du chien qui vient le renifler comme s'il était l'un des siens. "Tu as d'autres questions stupides ?"

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Ce n’est que quand il se tourna vers elle qu’elle remarqua son air dépenaillé, le manque d’assurance visible sur ses traits, l’impression qu’en une seconde, il allait disparaître et se fondre dans le sol. Comme s’il voulait passer inaperçu. Une attitude que Maelys ne comprenait pas. Même si elle connaissait la peur, elle louvoyait pour ne pas se faire remarquer, mais elle n’était jamais aussi… abattue. Elle ne laisserait jamais personne la mettre dans cet état ! Tasya… Tasya lui avait semblé plus en forme que lui. Est-ce que c’était question de caractère ? Plus elle le regardait, moins elle parvenait à le comprendre.

C’est sûrement pour ça qu’elle ne retint pas sa question, surprise qu’elle était de le voir. Surprise que River l’accueille ici, même s’il semblait clairement ne pas apprécier la faveur de son beau-père. Encore une différence : elle, elle s’était réjouie de pouvoir passer du temps au chenil. Elle croisa les bras, méprisante malgré elle, alors qu’elle posait ses yeux sur Ray qui était au sol, quand il parla de clébards. « Ils ne demandent qu’à t’aimer. » Preuve en était, le chien, encore jeune, qui s’approcha de lui. S’agenouillant, prenant garde à ne pas écraser les déjections, elle posa sa main sur lui pour lui offrir une caresse. « Elles sont pas plus stupides que tes actions ! Pourquoi t’as fait ça ?! » Elle avait haussé le ton, malgré elle, en lui demandant ça, et elle sentit le chien s’agiter sous sa main, alors qu’il lâchait un aboiement. Baissant la voix, elle essaya de le rassurer. « Chut, tout va bien, mon beau. » Elle n’avait quand même pas quitté Ray des yeux. C’était… Il savait ce qu’il risquait, pourquoi n’était-il pas resté dans son coin ? Ne s’était-il pas tenu tranquille ? L’Adonaï et les siens tiraient sur les gens, ils étaient dangereux, alors pourquoi ?

Les chiens ne demandent qu’à l’aimer ? Ray roule brièvement les yeux dans ses orbites creusées. ”Ils me détestent et c’est réciproque.” Souffle-t-il. Son corps en a gardé les cicatrices, autant que son esprit. Maelys, elle, ne semble nullement impressionnée quand elle va jusqu’à offrir sa main au molosse. La famille Atkins a de toute évidence les faveurs des canidés.

Il ramasse une nouvelle crotte du bout des doigts, dans une grimace dégoûtée et agacée. Ray sursaute brusquement quand le chien aboie derrière lui alors que l'adolescente monte le ton. Il laisse retomber la déjection et a un mouvement de recul, le teint blême en surveillant la bête qui se laisse rassurer par cette même voix qui vient de l’énerver.

Ray soupire, fébrile, énervé. “Pourquoi j’ai fait quoi ?” On lui reproche beaucoup de choses. Le kiné se relève, avance vers la cage suivante en espérant que cette petite conne arrête de lui coller au cul. “Pourquoi j’ai repoussé Sciortino quand il m’a mis la main sur son paquet et m’a exigé une pipe ?” Fait-il froidement, sans détour ; et tant pis si c’est trop cru pour ses chastes oreilles. Il réussira peut-être à la faire fuir. “Tu vas me soutenir que tu te serais mise à genoux pour le gober comme une brave petite fille ?”

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Maelys croisa les bras, alors qu’il accusaient les chiens de l’aimer. « N’importe quoi. J’ai eu un chien quand j’avais cinq ans, il m’a jamais fait de mal ! Parce que je l’ai jamais maltraité. Même à mon petit frère, il a jamais fait de mal ! » S’ils se comportaient comme ça envers lui, c’est parce qu’il les aimait pas. « Si tu te montres gentil envers eux, eux aussi le seront. T’as qu’à les caresser et les encourager. » L’adolescente parlait d’un ton catégorique. S’il lui disait le contraire, elle ne le croirait pas. Elle se figea pourtant quand le chien aboya, le regardant, pour s’assurer qu’il ne risquait pas de s’en prendre à elle par erreur – il devait encore apprendre.

Elle ne put cacher un instant sa stupéfaction, avant de refermer sa bouche, l’air assuré. « Non ! Je lui aurai dit que Dieu le verrait, et qu’il allait le punir pour ça ! Et que si mon beau-père, le trône River Atkins, en entendait parler, il en subirait les conséquences, alors qu’il pense que j’ai toutes les qualités pour devenir Epouse. » Elle le défia du regard un bref instant, avant de poursuivre. « Ils n’écoutent que ceux qu’ils veulent écouter, mais ils ont peur de ceux qui leur sont supérieurs. Tu aurais dû faire ça ! » River l’aurait cru et l’aurait aidé.

Ray roule des yeux, n’a même plus la force de le cacher. S’il appréciait l’adolescente lorsqu’il faisait encore partie de sa famille, elle l’insupporte dorénavant. Comme un rappel à la vie qu’il a lâché malgré lui - à toute cette hypocrisie.

“Je ne les toucherai pas.” siffle-t-il avec un mélange de colère et de mépris dans la voix. Pas question de tenter quoi que ce soit pour sympathiser avec les bêtes qui le terrorisent. La jeune fille devrait se mêler de ce qui la regarde.

Debout, les yeux baissés vers l’emmerdeuse, il la dévisage avec une esquisse de sourire jaune alors qu’elle lui expose la manière dont elle se serait défendue.

“Bien sûr. Je suis certain que l’évêque ignorait que ce qu’il faisait était mal.” Le sarcasme vibrant dans sa voix alors que sa colère grimpe. Ray s’approche un peu, pas mécontent de la surplomber largement. Comme pour lui prouver qu’elle n’est rien face à un homme, en bonne petite Épouse en devenir. “Si seulement tu avais été là pour le rappeler à l’ordre…” Son rictus se tord de dégoût, il secoue brièvement la tête.

Ses conseils l’énervent. Énormément.

Alors sa main pleine de merde s’accroche à la mâchoire de l’adolescente, ses doigts abimés s'enfoncent dans ses joues, qu’elle en inspire toute la puanteur, que ça la pénètre par les narines jusqu’à sa petite cervelle, que le goût lui reste sur les lèvres. “À ton âge, c’est pitoyable d’être aussi conne.”

Il la repousse, ne sourit plus, la toise un instant avant de se détourner vers le travail qu’il lui reste à abattre. Il souffle, éreinté, “Fous moi la paix.”

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Maelys le fixa de ses yeux, alors qu’il levait les siens au ciel, refusant de céder face à son mépris évident. Elle comprenait la peur, mais à quoi bon se laisser gouverner par elle ? Il choisissait d’y succomber, alors qu’il pouvait la combattre, la vaincre, apprécier ces animaux qui n’avaient rien demandé. « Tant pis pour toi. » Elle posa à nouveau sa main sur le chien, le caressant distraitement.

« Je n’ai jamais dit qu’il l’ignorait. Ce n’est pas parce que je n’ai que quinze ans que je suis idiote. » Bras croisés, l’air sûr d’elle, elle le mettait au défi de dire l’inverse. « Mais les gens comme ça se croient fort. Ils ont peur de plus fort qu’eux. » Et si on les menaçait, si on ne cédait pas… Alors ils perdaient leur contenance. Elle en était sûre. Le pouvoir qu’ils avaient, la peur qu’ils avaient de le perdre… Ça comptait bien plus à leurs yeux que tout le reste.

Elle se sentait mal à l’aise, malgré tout, alors qu’il la surplombait comme ça, malgré sa maigreur. Il pourrait l’attaquer, même si elle ne se laisserait pas faire. Et le chien à leurs côtés, la paume de Mae toujours sur son dos, s’était mis à grogner. L’adolescente se retourna vers lui, feignant qu’elle n’avait rien à craindre de Ray. « Tout doux. Rentre dans la cage. » Elle n’en avait rien à faire  s’il mordait Ray – quoi que – mais elle voulait surtout éviter qu’il la morde elle, dans la confusion. Malgré tous les moyens à Walla Walla, elle n’avait aucune envie d’aller à l’hôpital pour se faire soigner. Refermant la grille derrière le chien, elle laissa échapper un petit rire méprisant, alors que Ray évoquait le fait qu’elle aurait dû être là pour le rappeler à l’ordre.

S'apprêtant à rétorquer, elle ne remarqua pas directement qu’il réduisait la distance entre eux, la forçant à ingérer de la merde malgré elle. Trébuchant légèrement, fermant la bouche un peu trop tard, elle eut l’impression d’étouffer, avant de cracher sur le disgracié. Un paquet de petits sablés qu’elle avait dans sa poche était tombé au sol, mais elle n’y prêta pas attention, alors qu’elle se jetait sur Ray pour se venger, bien déterminée à le faire tomber la tête la première dans la merde, en guise de vengeance. « T’aurais besoin de te réfugier derrière une adolescente, t’es si faible que ça ? Connard ! » Elle se ferait sûrement reprendre pour les blessures, pour son vocabulaire aussi si on l’entendait, mais elle s’en foutait.