The Walking Dead RPG

Ruby, ils sont sur l'départ pour la majorité, ça m'fait bizarre d'voir ça, et d'pas savoir dans quoi on s'engage concrètement. On a qu'les échos de ce qui a été fait, le pourquoi, l'comment, c'est un peu l'angoisse pour tout le monde j'ai l'impression. Au moins, les gamins sont à l'abri, j'sais pas quand j'vais pouvoir les récupérer et les ramener ici. J'suis pas enthousiaste pour ça, j'compte surtout sur Moon pour veiller sur eux en mon absence, visiblement. Elle s'approche, avec son air des très mauvais jours.

J'vais pas dire qu'ça me fait rien : d'habitude, y'a qu'l'air des mauvais jours avec elle. Ou sa sale face de chipie qui va m'sortir une saloperie. Juste avant d'se barrer la queue entre les jambes si jamais j'éternue trop fort. Salem a planqué certaines des armes en partant, j'lui saisis la sienne et la lui rends : Ton fusil, que j'lui souffle. C'est même pas une consolation. J'lui fais signe d'me suivre : T'es prête à causer ? Que j'lui demande en chemin, pour qu'on ait un peu la paix.

It is not how you hit the mat

it's how you get up

J’étais assise à même le sol, le dos calé contre le bastingage du navire de Tomas. Le vent qui se levait faisait jouer quelques unes de mes mèches blondes, celles qui avaient survécu au massacre que j’en avais fait en voyant mes blessures quelques jours plus tôt. J’avais encore mal, mais rester dans cette position m’aidait un peu. De toute façon, on ne me demandait rien. Dans une heure ou deux, nous aurions mis les voiles. Peut-être que je serais enfin soulagée, et que je cesserais de détailler l’horizon avec angoisse… mais une part de moi savait déjà que ce sentiment-là ne me quitterait plus jamais.

Je relevai un regard vers Lenny quand il m’interpella. Que ne fut pas ma surprise à découvrir entre ses mains le précieux fusil qu’Anton m’avait confié des années en arrière. Je le pris entre mes mains pour l’étreindre presque avec tendresse. Le contact glacial du métal du canon contre ma tempe me rassura. « Merci. » Je me sentais déjà un peu mieux de l’avoir avec moi, armée contre ce qui pouvait encore m’arriver. Je vérifiais s’il était encore chargé quand Lenny me demanda à parler.

Je me relevai tant bien que mal pour le suivre, mais je ne fis même pas quelques pas derrière lui que je lâchai d’une voix difficile : « Je ne peux pas trop marcher… » On ne pourrait pas s’éloigner beaucoup plus que ça sur la plage. Mes blessures me lançaient à chaque mouvement. Il me faudrait encore quelques semaines pour que la douleur me laisse tranquille. Je le fixai longuement, sans bien savoir ce qu’il comptait me dire, mais moi je savais exactement que je devais le mettre en garde : « Tu devrais partir avec nous. Tu n’as aucune raison de t’infliger ça. Tu ne les connais pas plus que ça… et ta famille a besoin de toi. Crois-moi, les pirates vous tueront. » Je rajoutai d’un ton presque suppliant : « Viens. »

M'infliger quoi, Ruby ? J'porte sur elle un regard sombre, elle a le discours de la gosse flippée, le timbre relevé par les traumatismes. Elle m'fait penser à Nina, la soeur d'Emma. Quand elle est venue m'voir un matin en m'expliquant c'qu'on lui avait fait et à quel point elle voulait crever. Je balaie l'image d'ses larmes d'mon esprit. T'oublie que Joaquin a sauvé ma gamine, que j'lui souffle fermement. J'ai remboursé une partie d'ma dette, mais c'est à lui qu'revient ma loyauté, l'temps de finir ça. Après ça, j'lui devrais plus rien.

Et j'aurais plus besoin d'un prétexte pour pas m'bouger le cul. Alors tant qu'il a pas les couilles sorties des ronces, et qu'Roman a pas retrouvé sa liberté, j'suis exactement là où j'dois être, et j'suis prêt à serrer les dents pour encaisser, même si ça lui fait peur. On gardera les détails pour nous. On leur donnera ce qu'ils veulent, à ces pirates. On fera c''qu'il faut, même si ça lui fait mal d'devoir laisser derrière elle tout ça. Qu'c'est aussi sa conscience qui s'tiraille avec son coeur.

Et on récupèrera c'qu'ils nous ont pris, qu'j'lui assure. J'peux pas lui en faire la promesse mais j'ai qu'une parole : Si ça m'fait tuer, tu m'pleureras pas d'toute façon, ou p't'être qu'elle a commencé à s'habituer à c'que je l'emmerde. T'as besoin d'temps pour guérir, Kaycee va pas t'lâcher d'une semelle ? Ouais ça serait pas l'bon plan de la laisser de toute façon, surtout dans son état. Ensuite, tu m'aides à mettre un grand coup d'pied là-dedans ?

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Mais qu’est-ce qu’il me chantait ? Ce père de famille me parlait de loyauté, de dettes à régler… c’était un non-sens complet pour moi. « Tu ne comprends pas, ce n’est pas une question de loyauté, mais seulement de survie. Et qui tu aideras en mourant ici ? Tu peux les aider d’une autre manière, en partant d’ici. » Mais il n’avait pas l’air de vouloir réfléchir à cette alternative pourtant toute trouvée. C’était sans doute parce qu’il ne réalisait pas. « Joaquin a tué un de ces connards parce qu’il s’en prenait à moi et… il s’est pris une balle dans la tête à bout portant en représailles, c’est déjà un miracle qu’il ne soit pas mort sur le coup. » Je détournai le regard, confuse. J’aurais voulu lui en dire davantage sur ce qu’il s’était passé là-bas, mais les mots refusaient de sortir. Je ne voulais pas que le regard qu’il me porte change à lui aussi. « S’il a survécu, ils se chargeront de le briser. » Je baissai le regard. Je songeais vaguement à Roman qui n’avait pas mérité ça non plus.

Lenny avait l’air tellement convaincu que tout allait s’arranger, que nous allions réussir à reprendre le dessus à un moment donné. « Tu ne comprends pas… rester ici, c’est juste se soumettre à leur bon vouloir. Ils vont prétendre vouloir quelque chose, mais tout ce qui les intéresse, ce sera de vous voir souffrir pour les amuser un peu. » Ils n’en avaient eu que faire de ce que je pouvais leur apprendre sur ceux qu’ils recherchaient, tout ce qui les intéressait avait été de me mutiler si atrocement que je ne pourrais plus jamais me regarder en face, que plus personne ne voudrait jamais poser la main sur moi. « Ils te prendront tout ce que tu as de plus cher, et tes enfants ne méritent pas de perdre leur père. »

Je lui lançai un regard horrifié alors que tout lui paraissait si simple, si convenu. Pour lui, risquer sa vie pour de parfaits inconnus était normale. Pour lui, il suffirait d’une bonne sieste pour que je sois requinquée et que je revienne à la charge. « Je vais localiser leur planque, mais ce sera tout. Je ne m’approche plus d’eux à moins de mille deux cent mètres. » Lui répondis-je avec conviction, en serrant doucement mon fusil de sniper contre moi. « Sinon, autant me tirer une balle dans la tête, ce sera moins douloureux. S'ils me remettent la main dessus, je préfère encore me tuer. » C’était tentant d’entrer dans leur base en parfaits conquérants, pour leur faire bouffer leurs couilles en représailles… mais Kaycee avait raison. On avait déjà trop perdu. Est-ce que ça valait vraiment la peine que d’autres meurent pour un espoir déjà éteint ?

Alors quoi Ruby ? Je fronce les sourcils en la regardant, je suis pas surpris de son état, tout le monde aurait du mal à encaisser de voir quelqu'un qu'on apprécie s'prendre une balle dans la tête. En plus de ce qu'elle a subi, même si j'ai aucune idée de ce que c'est concrètement. Vous l'avez dit. Vous savez ce qu'ils vont vous demander. Y'a une part du contrat où on va devoir bosser pour eux. Pas qu'en récupérant des ressources. Si c'est la seule chance de maintenir Joaquin et Roman en vie, on fait ce qui doit être fait, je cherche pas plus loin que ça.

Mais ces évidences là en sont pas pour la blonde, qui pense avec un autre prisme que le mien. J'ai jamais eu plus de facilité à aller d'un point A à un point B sans faire de détour. Pour elle, la donne est différente. T'as pas à t'salir les mains, c'est pas ton rôle. Et ça l'est pas non plus d'être sur le front, on le sait toi comme moi, pour ça notamment qu'elle semble pété d'trouille à l'idée d'provoquer une autre rencontre. J'vais te faire gagner du temps, pour que tu puisses trouver l'endroit où ils sont, que j'ajoute en haussant les épaules. Mais toi, tu vas pas les laisser t'pourrir la vie sans rien faire, que j'lui annonce froidement. T'as le potentiel d'une formidable emmerdeuse, t'vas quand même pas les laisser s'en tirer à bon compte après c'qu'ils t'ont fait ?

ça serait une putain d'blague là.

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Alors quoi ? « J’aurais au moins essayé… » De le convaincre de renoncer à cette folie, de repartir avec nous. Mais Lennox avait déjà fait son choix, et dans le genre buté, on ne faisait pas mieux que lui. Je baissai les yeux, éprouvée. J’avais l’impression que mon univers tout entier était sur le point de se briser en mille morceaux, comme ce miroir qui avait déformé mon reflet. A mes yeux, il ne restait plus grand-chose à sauver. « Tu crois vraiment qu’ils sont encore en vie ? Qu’on peut encore les sortir de ce faux pas ? » Je voudrais avoir la même conviction que lui, mais les paroles de Kaycee me revenaient avec force en mémoire. Que Joaquin était probablement mort. Que ce serait même préférable pour lui, vu ce qu’ils ont dû lui infliger dans le cas contraire… « Je suis pas sûre qu’il restera quoi que ce soit à sauver encore, même si on y arrive… »

Les larmes embuèrent encore mon regard, quand il me déchargea un peu de ce poids qui pesait sur mes épaules. Il ne me demandait pas de partir au front contre eux. J’aurais voulu que tout me paraisse aussi simple que lui, que toutes ces pensées noires cessent de me tourmenter… mais nous n’étions pas faits du même bois, lui et moi. J’avais déjà du mal à garder la tête hors de l’eau, de ne pas me laisser submerger totalement. « Tu ne sais rien de ce qu’ils m’ont fait, Lenny. » Je relevai la tête vers lui. « Je veux vraiment leur faire bouffer leurs couilles pour leur faire payer. » Lâchai-je d’une voix aussi brisée que résolue. « Mais Kaycee a raison, la vengeance ne nous apportera que la mort. Et je ne peux pas leur demander de me suivre là-dedans. On a déjà payé le prix fort contre les Sinners… et je leur ai demandé de se battre à mes côtés, selon mes propres règles, pour récupérer Nova. On sait tous comment ça s’est fini. » Ils avaient de bonnes raisons de ne plus vouloir y croire, et encore moins de vouloir me suivre dans une nouvelle folie. Même moi, je n’y croyais plus vraiment. « Ca n’en finira jamais, Lenny… » Et ça allait finir par nous briser. « Peut-être qu’on devrait simplement reconnaître qu’on ne peut plus continuer comme ça. »

Tant que j'ai pas vu leurs corps de toute façon, j'arrêterais pas, c'est assumé. Elle en fait c'qu'elle veut, mais je crois que ce que j'vois personnellement et il est pas question que j'les laisse ramer sans être sûr qu'ils ont pas vraiment arrêté d'en chier. Pour c'que ça vaut, je compte pas lâcher le morceau. Et à sa remarque, alors qu'ses yeux ont rougi à cause d'l'émotion, j'ai un soupir : Je sais rien en effet, mais tu peux m'en parler si tu veux, je hausse les épaules. J'minimise pas la chose : Ils t'ont fait du mal, ok, c'est un fait : T'as vu ma gueule ?

J'ai un soupir d'circonstances : Si y'en a un qui est mal placé pour juger, c'est moi, évidemment qu'l'histoire pourrait qu'm'énerver. Mais probablement aussi m'donner la haine suffisante pour avancer, un peu comme un carburant. Cependant, j'pense que c'est encore trop difficile pour Ruby d'en parler, et j'peux comprendre. Y'a des plaies qui arrêtent jamais d's'infecter d'toute façon, c'est pénible mais c'est comme ça. Pour Nova... J'étais pas ami avec elle, mais on s'entendait bien et... On fonctionnait bien ensemble. Dehors surtout.

Tu pouvais pas tout prévoir, pas sans avoir le jeu de l'ennemi sous les yeux, c'est factuel, j'lui cherche pas des excuses : C'est un truc de con, la stratégie. C'est comme une partie d'échec, t'es la plus maline du lot et t'essaies de sacrifier aucun pion, c'est louable hein, j'dis pas. Sauf que c'est pas possible, parce qu'aux échecs, tu gagnes pas une partie sans devoir lâcher du leste. Sa remarque sonne un peu comme le glas de quelque chose. Probablement, pour beaucoup d'entre nous, on a atteint un point d'non retour. Comment tu veux continuer, alors ?

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