The Walking Dead RPG

24 novembre

« Je les hais… Je les hais… Je vais tous les tuer. » Je ne cessais de me murmurer à moi-même, tournée vers le mur qui faisait face à mon lit, recroquevillée en chien de fusil sous mes draps pour protéger mon ventre. Avec la mine d’un crayon, je traçai des formes sans queue ni tête sur le mur, comme si le dessin pouvait m’offrir une échappatoire bienvenue à mes sombres pensées. A bien y regarder, on pourrait deviner des formes presque inhumaines écumant de rage.

La convalescence était horrible. Mes douleurs à la poitrine ne me quittaient jamais vraiment. A chaque fois que Kaycee venait changer mes bandages, je préférais détourner le regard pour ne plus les voir, pour ne plus avoir à les affronter. Si je les entrapercevais encore du coin de l’œil, les mêmes pensées revenaient me hanter. Ca ne pouvait pas être moi. Je ne pouvais pas ressembler à ce monstre hideux que ce miroir avait dépeint. Je ne voulais pas le croire.

Parfois, ça m’arrivait de pleurer à chaudes larmes, en position fœtal. Je le faisais le plus silencieusement possible, de peur que les autres convalescents ne m’entendent. Les savoir tout proche de moi m’oppressait déjà assez. Je ne voulais pas qu’ils me regardent. Je ne voulais pas plus de leur pitié. Une part de moi était soulagée que Joaquin ne soit plus là pour me voir comme ça, parce que son regard clair me hantait plus encore que celui des autres. J’avais l’impression qu’il m’avait transpercé ce jour-là, pendant que ces salopards me mutilaient atrocement. La scène tournait encore et encore dans ma tête. Parfois, je hurlais subitement, sans raison aucune. Je voulais simplement que ça cesse. J’étais épuisée. Je ne dormais pas vraiment, me contentant de sombrer dans l’inconscience à intervalles réguliers.

Parfois, j’étais assez consciente pour établir des plans de mort lente et douloureuse envers mes ennemis. Me raccrocher à ces idées de vengeance m’offrait une bouée de sauvetage appréciable pour me garder la tête hors de l’eau. Ca m’évitait de songer à une autre éventualité qui m’avait bien traversé l’esprit : celle de me tirer une balle en pleine tête pour que ces images cessent de me hanter pour de bon. Je n’aspirais qu’à une délivrance.

Je sursautai en entendant quelqu’un entrer dans l’infirmerie, raturant mon dessin par inadvertance. Je restais le regard rivé sur le mur, jusqu’à entendre les pas se rapprocher jusqu’à ma couche. Je risquai un regard par-dessus mon épaule pour constater qu’il ne s’agissait que de Tiago, et pas de l’un de mes tortionnaires. « Qu’est-ce que tu fais ici ? » Soufflai-je avec méfiance. Je me redressai sur mes mains, les jambes encore repliées, le drap tombant à moitié. « Qu’est-ce que tu regardes comme ça ? » Grognai-je, avec bien plus d’animosité. Je me souvenais très bien de son regard horrifié ce jour-là. Il n’avait pas raté une miette de ce qu’ils m’avaient fait subir. J’avais été comme une bête de foire sous une assistance médusée qui s’était bien rincée l’œil. Et sous son regard, aujourd’hui, j’avais de nouveau l’impression d’être mise à nue. Je rabattis le drap sur moi comme une maigre protection, alors qu’il me semblait que Tiago pouvait voir à travers les blessures hideuses qui faisaient désormais de moi un monstre.

« I hate to see what I've become, I find no peace, no justice done This gravity, it's carving the heart out of me I've got to bleed it out, all my thoughts intoxicated 'Cause the weight on me, it buries me alive »

Mais quel merdier… J’ai qu’une envie, de me tirer d’ici, vite et loin. De laisser toute cette horreur derrière moi. Je ne sais même pas ce qui me retient de mettre les voiles… Je ne dois rien à personne après tout. Et pourtant, je songe à Joaquin et Roman qui sont entre les mains de ces tarés, à Ruby qui git dans l’infirmerie, mutilée… Putain de merde, on n’aurait jamais du mettre les pieds ici. Plus jamais je ne viens sur cette foutue péniche. Finalement, fréquenter les autres, ç n’attire que des ennuis, alors qu’ils traînent leurs merdes derrière eux et je pense qu’un a payé un tribu assez lourd là… J’aimerais dire que tout cela ne m’affecte pas, mais ce n’est pas tout à fait vrai. La peur m’a complètement paralysé quand ils s’en sont pris à Ruby… Jamais je n’aurais bondi comme Joaquin l’a fait. La preuve, je n’ai pas bronché quand Kaycee a du dévoiler sa poitrine à leurs regards lubriques, mais je suis honnête avec moi-même et ne me prends pas pour ce que je ne suis pas… Et je ne suis pas un chevalier sur son blanc destrier qui vole au secours des faibles et des opprimés. Je n’en ai pas la carrure, ni les moyens. Et sans armes, c’était du suicide… la preuve.

Je ne suis pourtant pas le seul à être resté stupéfié par la violence environnante. A assister, avec impuissance, au massacre… Mais j’ai aussi réagi assez rapidement, une fois le mal fait, pour… limiter les dégâts ? je ne sais pas trop. Mais je ne suis pas resté paralysé si longtemps que ça… Pourtant, quand Kaycee a eu fini de s’occuper de Ruby, quand la tension est redescendue alors qu’on se savait piégés comme des rats, forcés de verser un tribu à ces fils de pute parce qu’ils ont des otages, j’ai senti mes forces m’abandonner et la lassitude s’emparer de moi. A quoi bon ? heureusement, cela n’a pas duré bien longtemps. J’ai secoué Alice et Kaycee comme je pouvais. Faut qu’on se serre les coudes. Faut qu’on se tire de là.

Et je sais pourquoi je ne me tire pas. Par loyauté pour Joaquin, prisonnier… Moins pour Roman, que je connais moins. Mais surtout pour Ruby. Je l’aime bien cette petite crevure en fait. Et je ne peux pas l’abandonner derrière dans cet état. Comme je n’ai pas pu la laisser ainsi visible par tous après ce qu’ils ont fait. Un peu comme une sœur. Une femme de ma famille à respecter. Je soupire. Fait chier. Et je n’ai plus de tabac. Vraiment une période de merde… Finalement, kaycee vient me tirer de me songes pour venir prendre le relais. Ne pas laisser Ruby sans surveillance... Je me décide à bouger et aller faire un tour à l’infirmerie. Je ne lui ai pas adressé la parole depuis son agression… Elle n’était pas en état, sa santé demeurant précaire, mais Kaycee a fait des miracles et Ruby est une teigne qui s’accroche à la vie. Même si elle vit un moment difficile... Je n'ai pas aimé devoir la contraindre à rester immobile quand elle a vu ses plaies. J'ai vraiment pas aimé assister à ça... J'espère qu'elle dort.

Sauf qu’elle ne dort pas. Je le crois d’abord alors qu’elle me tourne le dos, mais elle fait du bruit et bouge légèrement. Et surtout, elle tourne un peu la tête vers moi, m’accueillant de manière un peu fraîche. « Je viens vérifier que t’es toujours vivante. » Je réplique d’un ton neutre, l’observant avec attention. Et je cille quand elle me demande d’un ton peu amène ce que je regarde comme ça. « Ben toi… » Et la voilà qui se couvre. Hum… Ouais, ses plaies, enfin ses cicatrices sont moches encore... Sa poitrine charcutée, même si j'ai fait au mieux pour ne pas poser mes yeux dessus. J’approche encore et fais le tour du lit, pour juste m’adosser contre le mur, sans m’asseoir près d’elle. Ses blessures sont vilaines d’après Kaycee, et je préfère ne pas approcher et risquer de réveiller des douleurs en m’asseyant sur le lit de fortune. « Mais t’es plus aimable quand t’es dans le coma. » Je réplique, toujours neutre. Je me demande à quel moment elle va exploser et m’envoyer chier.

Freedom in my veins

« Seul le présent nous appartient. Les beaux rêves sont écrits sur le sable. Le vent souffle... Il n'en reste rien.» by Wiise

Spoiler:

Un souffle ironique franchit la barrière de mes lèvres pour toute réponse. Depuis mon coup d’éclat, ce fameux jour où Tiago avait dû intervenir, ils se relayaient tous les trois en permanence à mon chevet. « Je ne me suis toujours pas tirée une balle depuis hier, si c’est ce qui t’inquiètes. Je n’ai pas de pistolet pour ça. » Lâchai-je d’un ton amer. Il y avait bien d’autres façons de se tuer. J’aurais pu me pendre au plafond avec mes draps ou lui voler un de ses couteaux pour m’entailler les veines. J’y avais bien évidemment songé, sans jamais passer à l’acte. Avoir un pistolet à portée de main aurait été plus simple. Il m’aurait suffi d’appuyer sur la détente pour faire taire subitement toutes ces pensées parasites. C’était plus propre, plus facile…

Je m’égarais encore. Ce fut son regard sombre qui me ramena à l’instant présent, planté sur moi. Je rabattis encore davantage le drap sur ma poitrine, comme si ce simple geste était capable de lui retirer de l’esprit ce qu’il avait vu. Je vivais mal le fait que Tiago partage ce secret avec Kaycee et moi. Il m’avait vue la poitrine à nue, couturée de partout. Est-ce que c’était finalement pire que lorsqu’il avait simplement profité du spectacle quand ces salopards s’en étaient pris à moi ? Pas vraiment. « Arrête de me regarder ! » Feulai-je presque comme un chat sauvage. Je ramenais mes genoux contre ma poitrine, même si le mouvement m’arracha un grognement douloureux.

Je dardai un regard sévère sur lui quand il reprit la parole pour se fendre d’une réplique bien sentie à mon sujet. J’avais envie de le tuer, là de suite. Je l’aurais bien étouffé avec mes draps. « Ca t’arrangerait bien que je sois morte, surtout. Tu pourrais prendre Kaycee sous ton bras et partir discrètement pour ne plus jamais remettre les pieds ici. » A sa place, je l’aurais fait sans réfléchir. « Je me demande même pourquoi tu es encore là. » A cause de Kaycee, sûrement. « Elle refuse de me laisser livrer à mon sort, je suppose ? Toi, ça ne te gênerait pas. Tu t’es bien contenté de regarder sans rien faire ce jour-là. » Lui assénai-je, la voix chargée de reproches. « J’espère que la vue t’a plue. »

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Je rends à Ruby son sourire. Il n’y a rien de joyeux là dedans. Et ses cris déchirants d’animal blessé me hantent encore. Entre ceux poussés quand elle a été agressée et ceux quand on a du la contraindre alors qu’elle se faisait du mal… Je me demande comment elle fait pour ne pas avoir la voix éraillée. Mais si il y a bien une chose que je n’offre jamais aux autres, c’est de la pitié. Même de la compassion, c’est déjà trop. Et si je comprends qu’elle a été humiliée, blessée, qu’elle puisse souffrir et souhaite en finir, je ne vais certainement pas alimenter son pathos. “Aussi bizarre que cela puisse sembler, on n’a pas spécialement envie que tu te flingues.” Kaycee, Alice ou même moi…. On se préoccupe d’elle et de sa survie. Et je doute que Kaycee se soit donnée tant de mal pour que tout soit foutu en l’air par une hystérique.

Et elle insiste pour que je détourne le regard. Ce que je ne fais pas. Une lueur d’inquiétude passe dans mon regard quand elle grogne après avoir bougé, mais je n’approche pas. “Essaie de demander gentiment.” Je la nargue. Ce n’est probablement pas la bonne approche, j’en ai bien conscience. “C’est quoi qui te défrise ? J’ai toujours pas des rayons X à la place des yeux. Et je ne vais pas parler au mur pour te parler.” Le pire, c’est que c’est son visage que je regarde. Ce sont ses yeux que j’accroche. Je n’aime pas vraiment ce que j’y lis. Ce n’est pas la Ruby à laquelle je suis habitué. La petite teigne qui a toujours un plan de secours, qui évite de prendre des risques, la petite futée prête à se tirer dés que ça dégénère. Mais cette fois, elle n’a pas pu se sauver. Et cela lui a coûté cher. Je lis la douleur dans ses yeux, l’incertitude, un peu de sauvagerie… Kaycee m’a bien expliquée deux trois trucs la concernant, concernant ses blessures et son état mental après ça, mais je ne suis pas très empathique, désolé.

Et les voilà enfin. Les reproches. Je la laisse déverser sa colère sur moi. Patiemment. “T’as fini ? Tu te sens mieux ?” Je croise les bras. "Bien évidemment que je préférerais que tu sois morte. J’aurais du empêcher Kaycee de te soigner, ça aurait été un peu plus efficace…” Je roule des yeux, soulignant combien c’est débile comme raisonnement. "Alors figure-toi que c’est dans mes projets de me tirer d’ici. Et tu vas venir avec nous.” Je marque une pause, avant de reprendre : “Tu sais que j’aime que tu ai une dette envers moi, alors je ne te laisse pas derrière.” Cela me rappelle une autre discussion… Suite à Fox Island. Pourquoi j’étais revenu l’aider ? Parce que la laisser derrière m’aurait attiré des ennuis et là, elle m’en devait une. Mais en réalité, je ne pense pas pouvoir la laisser sans rien faire, si je peux évidemment. Comme elle le souligne, quand elle a été charcutée, je n’ai pas bougé. Je me demande si Ruby se doute que je puisse être un peu attaché à elle, ou pas du tout. Si c’est le cas d’ordinaire, je doute que ce le soit aujourd’hui, elle a laissé sa lucidité sur la péniche… “Tu sais très bien pourquoi je ne suis pas intervenu. Qu’est-ce que j’aurais fait de plus ? A mains nues ? Contre des types armés ? Je me serais fait descendre au mieux. Et cela n’aurait rien changé. T’es gonflée de me reprocher ça, t’es la première à sauver ton cul.” Mais là, alors qu’elle avait besoin d’aise, que ce soit rationnel ou pas, elle s’était sentie abandonnée… Et la seule personne qui avait tenté… On savait comment ça avait fini et elle le savait aussi. “C’est pas trop ma came la violence et le sang tu vois. Tu me dois une veste d’ailleurs.” Celle qui a servi à la couvrir ce jour là, imbibée de son sang… De sa souffrance. De son humiliation.

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Spoiler:

Je grognai comme un animal blessé, quand Tiago me nargua. J’aurais eu envie de lui enfoncer une de ses propres lames dans les deux yeux, mais la force me manquait pour ne serait-ce que me tenir debout face à lui. J’étais prostrée dans ce lit, considérablement affaiblie… à la merci du premier venu. Chaque jour, je craignais qu’un de ces salopards ne viennent à leur place, pour s’amuser de mon sort ou terminer ce qu’ils avaient entamé. Leurs rires me hantaient constamment, tout autant que ces regards horrifiés qu’ils aient tous posés sur moi ce jour-là. « Tu sais très bien ce qui me pose problème, Tiago. » Et je ne pouvais rien y faire. J’étais condamnée à les voir jour après jour. Chacun d’entre eux, dès qu’ils posaient de nouveau leur regard sur moi, me faisaient revivre davantage encore cette même scène de violence qui tournait en boucle dans ma tête dès que je venais à fermer les yeux. J’avais été gravé au fer rouge dans ma chair, mais aussi dans mon esprit. « Je n’arrive pas à penser à autre chose… je n’y arrive pas. » Avouai-je finalement.

Et est-ce que je me sentais seulement mieux à déverser toute ma colère et ma frustration sur lui ? « Non, pas vraiment. » Mais il me prenait complètement à contrepied, à balayer ma colère d’une main pour reprendre d’un ton égal sur la suite des événements. Je sentis les larmes me monter aux yeux, simplement soulagée par la perspective de pouvoir m’en aller d’ici bientôt avec eux. J’étouffai pourtant dans l’œuf cet espoir fou. J’étais encore incapable d’aligner un pied devant l’autre et les pirates n’étaient pas prêts de partir. Ils avaient encore le temps de se rendre à l’évidence, surtout s’ils venaient à s’en prendre à nouveau à l’un d’entre nous. Peut-être que je ne compterais plus tellement dans l’équation, s’ils choisissaient subitement de se servir parmi les femmes du camp comme en terre conquise…

Mais il alimenta bien vite de nouveau ma colère, à se dédouaner de tout. « Tu aurais pu le retenir ! Tu étais juste à côté de lui ! » Lui criai-je subitement. Je ne lui demandais pas de se jeter dans la mêlée pour en découdre. On savait tous les deux très bien que la réaction de Joaquin avait été aussi idiote qu’irréfléchie, et qu’elle m’avait coûtée bien cher. « Et les envoyer vers Crescent Bay, l’idée ne t’est pas venue à l’esprit non plus ? » Je ne répondis que par un grognement frustré et rageur quand il démonta chacun de mes arguments en prétendant que je n’aurais pas non plus bougé le petit doigt à sa place. Peut-être, mais je n’étais pas prête de le reconnaître. Mon regard se chargea davantage d’incompréhension à l’entendre prétendre que je lui devais une veste. « Quoi ? »

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Je ne suis pas certain que mon approche soit la plus pertinente, mais je ne vois pas comment procéder autrement. Je ne vais pas m’apitoyer sur son sort. Je détesterais qu’on le fasse pour moi et qu’on me rappelle sans cesse mon humiliation. Je pars du principe que c’est la même chose pour Ruby. Et je préfère aussi oublier ce que j’ai pu voir. Laisser ça derrière moi et avancer. Plus facile pour moi que pour elle, n’en conviens. Je n’ai pas été blessé, ni affiché. Je n’ai pas perdu un être cher… Ca fait chier que Joaquin et Roman soient prisonniers, je les aime bien, mais cela n’a aucune commune mesure avec ce que je ressentirais si c’était Rafaël. Ou Kaycee. Elle se radoucit un peu en avouant qu’elle n’arrive pas à penser à autre chose. « C’est récent aussi… Tu es encore convalescente. » Sous-entendu que le temps fera son œuvre. Ou pas… J’ignore les capacités de résilience de Ruby. Elle a toujours eu l’air de savoir rebondir sur ses pattes, de s’entourer des personnes qui lui permettront de s’en sortir, même si elle doit s’en servir comme de bouclier. Mais elle a perdu son plus grand soutien, son bouclier…

Je ne jouerais pas ce rôle auprès d’elle. Je ne suis pas protecteur ni prêt à me sacrifier pour quelqu’un. Ruby déverse sa colère sur moi et je l’encaisse sans broncher. Pas comme ci cela me touchait vraiment. Et si ça lui fait du bien… sauf que non même pas en fait. Quand j’objecte que je n’aurais rien pu faire de toute façon, hormis le faire buter pour ses beaux yeux et qu’au final, le résultat soit le même, elle me balance au visage que j’aurais pu essayer de retenir Joaquin… Ah… Touché… J’aurais pu. J’y ai songé. Mais il a bondit trop vite et je n’ai pas été assez rapide. Ni assez motivé probablement. « C’est vrai. J’aurais pu. Mais je n’en ai pas vraiment eu le temps. » Tout s’est joué si vite…

Je pince les lèvres quand elle ajoute que j’aurais pu les aiguiller ailleurs. Ouais… « J’ai pas eu l’impression qu’ils en avaient vraiment quelque chose à foutre de ce qu’on savait. » Ils voulaient juste s’amuser un peu, tout étant prétexte à nous terroriser et rappeler qu’ils avaient le pouvoir. Et je n’avais pas non plus eu envie d’attirer l’attention sur moi. « Tu leur as dit ? » Je n’ai pas tout entendu ni suivi de ce qu’il s’est passé quand ils se sont jetés sur elle et ont commencé à la torturer… « T’es pas la seule à avoir eu peur, Ruby… » Faudrait qu’elle se mette en tête qu’on étais tous terrifiés. Et elle sait que je ne suis pas un héros. Elle non plus. Elle est gonflée de me reprocher ce qu’il s’est passé. C’est arrivé, c’est terrible, mais on n’y peut rien, ça ne sert à rien de vouloir refaire le cours des évènements… Juste ruminer et faire enfler la colère en elle. C’est mieux que la dépression cela dit. Si elle a envie de jouer à ça OK, je peux au moins tenir ce rôle.

Ah elle n’a pas saisi de quoi je voulais parler avec ma veste. Hum… « Après… Quand tu étais dans les vapes, je t’ai couverte avec… » C’était bien la seule chose que j’avais pu faire. Et secouer Kaycee pour s’occuper d’elle. « Puis Kaycee t’a prise en charge, t’étais si froide... » Presque morte. Ma voix est moins détachée, mon regard plus troublé, alors que je ne la regarde plus. Pas en parlant de ça. Elle va probablement repartir en vrille après ça. Tant pis.

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Spoiler:

Le temps ferait son œuvre. C’était toujours cette phrase bateau que vos proches prononçaient quand il était question de faire son deuil. Pourtant, ça n’en était pas moins vrai. Tout comme Tiago sûrement, j’avais déjà eu à affronter de nombreuses difficultés, de nombreuses pertes… sauf que jusqu’à maintenant, j’avais toujours trouvé une porte de sortie, ou quelqu’un derrière qui me réfugier, quand on avait cherché à s’en prendre directement à moi. Warren, Wyatt, Hayden… Joaquin. La liste de mes protecteurs tombés au champ d’honneur se rallongeait toujours plus. Mais, cette fois, je n’avais pas pu leur échapper. Et ils avaient laissé une marque indélébile sur moi. « Le temps ne m’aidera pas à retrouver ce que j’ai perdu, ou à oublier ce qu’ils m’ont fait. » Lâchai-je finalement avec amertume.

Je me retins de pleurer devant lui, parce que je ne l’avais déjà que trop fait, et qu’il était l’une des dernières personnes devant qui je serais prête à le faire. Je me contentais de détourner le regard, cherchant tant bien que mal à maîtriser ma respiration alors que mes blessures continuaient de me lancer. Les genoux remontés contre moi, je me sentais à l’abri de son regard de manière illusoire.

Je relevai un regard noir vers lui à l’entendre tenter de justifier son inaction. Je ne pouvais pourtant pas lui donner tort concernant ce que ces pirates attendaient de nous. « Ils voulaient seulement un prétexte tout trouvé pour s’amuser un peu… et Joaquin leur a servi sur un plateau d’argent. » Tout était arrivé par sa faute. Je n’étais pas prête de l’oublier. Sous prétexte de vouloir me protéger, il n’avait encore une fois pas pris la pleine mesure des conséquences de ses actes. Et j’en avais fait les frais autant que lui. « J’ai… J’ai essayé de leur dire, oui… Je leur ai demandé d’arrêter. Je savais qu’ils cherchaient Yulia. Je savais où elle était mais… » Ma voix se brisa un peu. « Ils n’en avaient rien à faire, tu as raison. Ils voulaient seulement… » Faire payer Joaquin. Faire de nous un exemple.

Je détournai le regard, laissant quelques larmes silencieuses venir d’elles-mêmes. J’étouffai un sanglot quand Tiago me confia que je n’avais pas été la seule à avoir eu peur. J’avais seulement été une bête de foire pour les inciter à ne pas riposter comme Joaquin, pour leur faire comprendre qu’ils étaient capables de faire bien pire s’ils le souhaitaient. Un frisson désagréable me remonta l’échine, alors que la scène bouclait de nouveau dans ma tête. « Je veux juste oublier… seulement oublier… » Je me souvenais très nettement du passage de la lame froide sur ma poitrine mise à nue, de leurs regards médusés, des rires goguenards des pirates… mais la suite était floue. J’avais fini par tourner de l’œil à cause de tout ce sang. Je m’étais réveillée plusieurs jours après, attachée à ce lit. Je relevai un regard un rien surpris vers Tiago qui me racontait ce qu’il s’était passé ensuite. Il m’avait couvert de sa veste pour me dissimuler ensuite à leurs regards ? Je pleurais subitement à chaudes larmes, sans plus parvenir à me retenir. « Il aurait mieux valu que je sois morte. » Lâchai-je entre deux sanglots. « Personne n’aurait dû voir ça, personne… » J’essuyai rageusement le sillage de mes larmes, avant de rester dissimuler derrière les manches de mon ample sweat. « Je suis plus rien, juste un monstre, une bête de foire… »

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