The Walking Dead RPG

Le départ pour Spokane était prévu pour dans quelques semaines. J’entendais bien emmener une partie de mes chiens avec moi sur place, pour montrer à Cameron les progrès qu’ils avaient fait. L’année passée, nous en avions perdu un certain nombre dans les âpres batailles que nous avions menés sur tous les fronts. Mais la relève était là. De nombreuses portées de bergers malinois et bergers allemands avaient vu le jour, et quelques unes de Rottweiler, Beauceron et Doberman. J’avais aussi récupéré quelques chiens errants à l’ancienne Providence, mais ceux-là étaient plus difficiles à discipliner. Je n’espérais rien en faire de plus que des chiens de chasse, contrairement aux autres qui devraient servir à l’attaque ou à la détection.

Chacun demandait une attention particulière, mais tous avait un fort esprit de meute en vivant constamment ensemble. Je finissais d’apprendre aux plus jeunes, d’à peine quelques mois, des ordres simples, quand certains se mirent subitement à aboyer pour me signaler un potentiel intrus. Déjà, l’entraînement commençait.

Je me levai pour aller accueillir celui qui m’assisterait aujourd’hui à la grille du chenil. Mon regard s’attarda lourdement sur lui, avant que je souffle d’un air mauvais en lui déverrouillant l’accès. « Entre, Ray. » Je ne l’avais pas vu depuis des mois alors que nous nous côtoyons autrefois tous les matins lors des entraînements sur le terrain militaire. Celui qui avait été mon gendre n’était plus qu’une déception de plus. Je lui avais laissé sa chance et il s’était empressé de la gâcher, entraînant ma fille aînée dans la tourmente. Si je n’étais pas prêt de lui pardonner, elle encore moins. Et on pourrait croire que de l’employer au chenil contre quelques tickets de rationnement était de la pitié… mais c’était sans compter sur sa peur des chiens que je connaissais si bien. Je comptais encore en jouer, aujourd’hui.

Je refermai derrière lui. Les chiens se pressaient déjà aux grilles pour aboyer avec force sur lui, nous suivant tout du long jusqu’au bâtiment principal. « Tu vas commencer par nettoyer chaque chenil comme il se doit. » Je fouillai la réserve pour lui tendre quelques sacs en plastique, mais sans prendre la peine de lui remettre un pique pour ramasser les crottes. Il avait des mains, non ? « Ensuite, tu les nourriras avec les restes de boyaux que tu trouveras là-bas. Ils nous proviennent directement des abattoirs chaque jour. » Ca faisait longtemps que nous avions épuisé le stock de croquettes pour se rabattre sur les restes animaliers, ce qui n’était pas directement consommable pour nous. Et puis, de la bonne viande fraiche leur donnait un peu plus de mordant. « Ensuite, reviens ici. Je te donnerais ta tenue pour la suite des hostilités. » Le bref sourire que je lui adressais n’annonçait rien de bon, bien au contraire.

« Ils te feront la guerre, mais ils ne te vaincront pas; car je suis avec toi pour te délivrer. » dit l'Eternel

La sortie du bidonville n’est même pas un soulagement. Ray se sent honteux à remonter les rues dans ses vêtements sales et trop lâches qui flottent sur son corps décharné. Quelques regards se posent sur lui, autant de jugements indiscrets. Il a rapidement fondu, faute de nourriture. Et depuis que le bordel a brûlé… il a bien fallu trouver une autre manière de vivre.

Difficile de savoir ce qui l’effraie le plus entre revoir son ex-beau-père ou s’engager à passer la journée dans le chenil. Escorté jusqu’à l’entrée du bâtiment, on lui ordonne simplement de poursuivre son chemin. Ray sursaute tout entier lorsque les chiens se mettent à aboyer en cascade, vacarme effrayant contre lequel il voûte déjà le dos pour se faire plus petit, invisible s'il le pouvait.

Il avance à reculons. Il ne veut vraiment pas y aller, espère qu’on l'interpelle pour lui dire que son assignation a changé…

Mais son regard croise celui de River, et Ray fait profil bas. Silencieux, il avance pour laisser le militaire refermer derrière eux. Il tente de contrôler sa respiration dans ce boucan infernal, d’occulter toutes ces bêtes prêtes à lui sauter dessus, capables de lui arracher la gorge. Le bout de ses doigts tremblent, le coeur serré d’une phobie qui n’a plus grand chose d’irrationnelle. Son corps garde les marques des morsures de Ashe, de celle d’Onyx.

Il saisit les sacs qu’on lui tend, s’attend à un peu plus de matériel qui ne vient pas. Il peine à contenir une légère grimace de dégoût à l’évocation des boyaux. Pourtant, s’il avait de quoi les faire cuire, il s’en contenterait sûrement lui-même.

“D’accord.” Nettoyer, distribuer la nourriture. “Il n’y a pas de… pelle, ou… ?” Quoique ce soit pour qu'il n'ait pas à utiliser ses mains nues.

Pas besoin de réfléchir bien longtemps pour trouver la réponse.

Il s’affaire à la tâche, sans rechigner. Autant ne pas s’attirer les foudres de River, il a pour lui déjà bien assez de rancoeur.

Ray passe par chaque cage, rencontre chaque chien avec appréhension. Il fait au mieux pour taire sa phobie et s'exécuter. Plus vite il aura fini, plus vite il pourra quitter cet endroit. La plupart sont bien élevés. Gueulent, mais n’attaquent pas. Certains sont plus curieux qu’autre chose, fourrent leurs truffes dans le sac de crottes. D’autres veulent jouer, pincent la peau de Ray qui se secoue de quelques sursauts et que les bêtes ont vite fait de prendre pour un jouet.

Et puis il y a ceux qui ressentent fortement la peur qui l’habite. S’en sentent menacés, probablement. Babines retroussées, dévoilant les crocs menaçants. Lorsqu’il le peut, Ray passe les mains à travers les grilles pour ne pas entrer dans la cage. L’un d’eux ne l’a même pas laissé approcher, bavant de colère contre la porte métallique qui menaçait presque de lâcher. Il lui a laissé sa merde, avec l’espoir que personne n'irait vérifier.

Gestes automatiques, pensées éteintes, Ray commence à se sentir nauséeux dans cette odeur qui lui colle aux mains. Ca l’écoeure, et il se précipite sur le point d’eau une fois le nettoyage terminé. Il frotte, les déjections incrustées sous ses ongles rongés, sous le regard amusé des employés du chenil.

Il est moins que rien. Tellement moins que le plus misérable de ces chiens.

Il a déjà largement puisé dans ce qu’il lui reste de forces, mais Ray sait qu’il n’a pas intérêt à prendre de pause. Alors, débarrassé de ses sacs puants, il s’en va chercher la nourriture des chiens.

Les bacs remplis de boyaux n’arrangent pas sa nausée, bien au contraire. La chair encore sanglante attire déjà quelques mouches qu’il chasse d’un geste de la main, avant de soulever la masse morte pour la distribuer aux différents animaux du chenil.

La chemise qu’il portrait est rapidement maculée de rouge et de brun, l’humidité qui lui colle à la peau exacerbe le froid de cette fin de décembre. Il s’épuise, se traîne sans doute un peu trop, glisse sur un boyau, manque de tomber, se rattrape sur une grille, esquive les crocs qui voudraient se refermer sur sa main.

Bon sang.

Lorsqu’il a fini, Ray n’en peut plus. Il s’attend déjà à ce qu’on lui reproche d’avoir mis trop de temps, se raccroche au fait que River lui a promis d’autres vêtements pour la suite. Il lui tarde de se changer, d’abandonner ces fripes puantes poisseuses.

“J’ai fini.” Souffle-t-il au milicien qu’il rejoint, visage fermé.

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Lire la terreur au fond du regard de Ray me procurait un sentiment de satisfaction intense. Il avait détruit ma famille. Il avait souillé la réputation de ma fille. Il méritait d’être là et de souffrir le martyr pour expier ses crimes. Apprendre sa participation à ce mouvement de résistance n’avait fait qu’alimenter encore davantage le ressentiment que j’éprouvais à son égard. J’avais l’impression qu’il s’était joué de Lynn, et de par extension de moi-même, depuis le début. Au mieux, il s’était assuré un statut qui le mette à l’abri. Au pire… Ray aurait voulu en retirer plus encore et n’était pas vraiment parti de la résistance comme Tasya me l’avait laissé croire.

Le laisser mariner dans la merde de mes chiens n’était pas une punition suffisante à mes yeux. C’était à peine un avant-goût de ce qui l’attendait ensuite. Je lui lançai un regard lourd de sens lorsqu’il réclama une pelle, ou n’importe quel outil, pour se charger de sa sale besogne. « Tu as tes mains, non ? Ca suffira. » Assénai-je sans la moindre once de compassion.

Je ne me préoccupais pas davantage de lui dans les heures qui suivirent. A peine lui adressai-je un regard de temps à autres, alors qu’il déambulait dans les couloirs, que le personnel s’amusait à ses dépends… J’avais, pour ma part, bien plus important à m’occuper. Les chiens devaient être prêts pour le grand départ. Je m’assurais qu’ils me répondaient au doigt et à l’œil, suffisamment bien pour exécuter toutes les missions qu’on leur confierait une fois sur place.

Je m’interrompis uniquement dans ma besogne quand Maelys courut me rejoindre, le visage crasseux. « Calme-toi. Qu’est-ce qu’il y a ? » Elle m’expliqua aussitôt d’un ton offusqué que Ray s’en était pris physiquement à elle en lui faisant avaler de la merde de chien. L’odeur qui se dégageait d’elle tendait à l’attester. Mon visage se ferma, peu amène. « Rentre te laver, Maelys. » Je fis signe à un des membres du personnel de la raccompagner, parce que je n’en avais personnellement pas fini.

La journée était déjà bien avancée quand Ray finit par me rejoindre. « Tu en as mis du temps. » Il était à bout. Je lui rendis un regard de bas en haut, avant de lui intimer : « Va te changer. Dans le local, tu trouveras une tenue appropriée pour la suite. » Il fila bien rapidement, pressé de s’exécuter. Est-ce qu’il avait la moindre idée de ce qui l’attendait ? Evidemment que non. Le disgracié prit étrangement bien plus de temps à revenir, mais me dispensa d’aller le chercher dans sa nouvelle tenue rembourrée qui avait tout du costume pour faire une mauvaise blague lors d’un enterrement de vie de garçon. Le personnel s’esclaffa sur son chemin, imitant le cri d’un poulet, avant de le pousser dans l’arène où se trouvaient les jeunes bergers malinois avec qui je travaillais plus tôt. A sa simple vue, les chiens se raidirent et grondèrent. Je fermis la porte derrière lui pour ne lui laisser aucune échappatoire, sauf s’il lui poussait subitement des ailes pour gravir les six mètres de grillage qui cernaient l’enclos…

« On dirait que tu prends un malin plaisir à t’en prendre à mes filles et que tu n’as toujours pas compris la leçon, Ray. » Je sifflai pour attirer l’attention des chiens, qui pointèrent leurs oreilles dans ma direction. « Attaque ! » Ordonnai-je aussitôt en leur désignant le disgracié. Ni une ni deux, les plus obéissants se ruèrent sur leur cible, bien vite suivis par les autres dans un bel esprit de meute…

« Ils te feront la guerre, mais ils ne te vaincront pas; car je suis avec toi pour te délivrer. » dit l'Eternel

Ce serait peu dire que son interaction avec Maelys l’a agacé. Quand il a vu l’adolescente filer en direction du bâtiment où il avait laissé River, Ray a immédiatement compris qu’elle n’allait pas lui faire de cadeau. Mais aurait-il dû se taire face à ses sermons insupportables ?

Alors il le rejoint avec appréhension. Presque à reculons. Sonde vaguement le regard du militaire sans oser s’y attarder. Ray ne s’excuse pas d’avoir été trop long à son goût, conscient que tout ce qu’il dira jouera probablement contre lui. Il est épuisé de toute façon, et ne se fait pas prier pour passer dans la pièce d’à côté pour se changer.

Les vestiaires lui offrent un instant de répit, au calme. Personne pour l’insulter ou le malmener. Mais sur l’un des bancs… Un costume ?

Ray s’en approche, regarde autour de lui sans trouver d’autres vêtements à passer. De ses mains tremblantes de fatigue, il déplie l’accoutrement devant lui pour comprendre qu’il s’agit d’une espèce de mascotte ridicule en forme de poulet…

Il aurait bien envie de pleurer. Mais ses yeux sont secs. Ses traits pèsent une tonne.

Il lui faut un moment pour se décider à ôter ses fripes couvertes de sang et de merde, puant la mort. Et un de plus pour entrer dans ce putain de costume…

Lorsqu’il sort accoutré de la sorte dans le couloir, l’humiliation attendue lui tombe dessus en une pluie de moqueries et de rires qu’il tente vainement d’ignorer. Il est pire que ridicule. Mais au moins, l’épaisseur du rembourrage lui tient un chaud, et le costume ne sent que la poussière et le renfermé.

Ils approchent. Le personnel du chenil, des dresseurs aux soigneurs jusqu’aux agents d’entretien dont il a pris la part la plus écoeurante pour la journée - et peut-être celles à venir. Ils le poussent et Ray est bien incapable de lutter contre ces mains qui le jettent dans un espace qu’il ne connait pas.

Beaucoup de chiens. Qui l'entourent et qui grognent. Quelques éléments de parcours en bois et en plastique, une terre battue toute entourée de grilles. Il sursaute et se retourne brusquement lorsqu’elles se referment derrière lui. Son regard paniqué s’accroche désespérément à celui de River lorsque Ray comprend qu’il est enfermé face à sa plus grande peur.

“Je suis désolé… s’il te plaît…” La voix presque éteinte, comme si elle n’avait de toute façon aucune chance de l’atteindre.

L’ordre tombe et les chiens ne se contentent plus de montrer les crocs.

Ray se précipite dans le sens opposé, les fuit sur quelques mètres avant de sentir une mâchoire se refermer sur son mollet à peine soigné. Il trébuche mais se relève en laissant derrière lui un morceau du costume dans la gueule du chien bientôt dépassé par ses semblables.

Sa vision est mauvaise dans l’accoutrement qui lui entoure le visage, et si Ray parvient à passer quelques obstacles, la meute n’a aucun problème à s’accrocher à lui. A ses jambes, à ses bras. Le rembourrage en mousse le sauve temporairement des crocs qui s’y enfoncent, mais il est mis à terre.

Comme s’il était leur jouet, les chiens s’acharnent sur lui et déchirent le tissu, libèrent la mousse blanche qui virevolte tout autour de lui. Les grognements, les aboiements lui vrillent l’esprit alors qu’il se débat, les frappe du pied, du coude, se fait mordre de plus en plus profondément à mesure que ses protections s’envolent.

Un cri lui échappe quand la douleur lui fend le bras, que l’un des chiens jette ses mâchoires en direction de son visage, se plante dans le costume, l’arrache en lui laissant la trace de sa salive sur la joue, l’odeur de son haleine plein les narines.

Ray ramène son bras libre devant lui pour se protéger, se fait attraper et secouer le poignet, un autre l’attaque à l’aine, son cou est pincé, son pied tiré et, après quelques secondes d’effort, l’un des malinois parvient à arracher la tête du costume.

Le hurlement est plus fort quand il sent la morsure s’enfoncer dans sa joue, les crocs lui semblent pénétrer sa maigreur jusqu’à ses os et il lui faut pousser la gueule furieuse d’une main désespérée pour qu’il lâche et y préfère la paume dénudée.

La mort semble s’ouvrir à lui alors que la mousse qui s’élève encore autour de lui prend des teintes cramoisies.

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« Tu m’as déçu, Ray. Je plaçai de grands espoirs en toi. Tes excuses ne suffiront pas. » Mon ton était sans appel. Il était trop tard pour espérer rattraper les choses, le retour en arrière n’était plus possible. Une colère froide me faisait vibrer tout entier. « Je sais que tu étais de la résistance, ton nom est sorti presque dans les premiers. » Ray s’était complu dans de nombreuses formes de perversion. S’il avait tenté de redresser la barre, il n’avait finalement réussi qu’à entraîner ma fille dans sa chute. « A cause de toi, ils surveillent Lynn. Elle est obligée de justifier le moindre de ses faits et gestes auprès de la milice, alors que sa seule faute a été de te tendre la main et de croire en toi. Tu m’avais dit que tu veillerais sur elle, que tu la protégerais, mais tu t’es juste servie d’elle. Et maintenant tu t’en prends à Maelys… » Ma voix grondante appelait à la vengeance. Les chiens réagirent à mon ordre avec un entrain incroyable, comprenant que le sang devait couler pour que justice soit faite.

TW:Violence, mutilation:

« Stop ! » Comme m’extirpant d’une torpeur étrange, je claquai dans mes mains pour rappeler les chiens à l’ordre. Certains réagirent promptement, oreilles dressées dans ma direction. D’autres eurent besoin de ce claquement dans l’air ou que j’avance sur eux pour leur rappeler mon existence… mais certains ne voulurent rien entendre, pris d’une certaine frénésie après avoir goûté le sang de leur victime. Il y avait encore du travail pour ceux-là. « Law ! » Je le poussai sans ménagement, avant d’en attraper un autre par l’arrière, évitant de mettre mes mains là où se trouvaient leurs crocs. Les chiens me grondèrent dessus mais furent recadrer d’un simple regard incisif couplé à une posture droite. Ils rentrèrent rapidement dans le rang avec les autres, après s’être souvenus de qui était leur maître.

J’avais malheureusement trop tardé à réagir, Ray était dans un plus sale état encore que je ne l’aurais cru. Recroquevillé au sol, des traces de sang partout sur le corps là où les crocs avaient percé la tenue rembourrée, il faisait peine à voir. Le pire était son visage qui conserverait certainement à vie la marque des crocs de Law. Je m’accroupis à sa hauteur, sans être pour autant rebuté. J’avais vu des blessures bien plus sales sur le champ de bataille en vingt ans de carrière. « Tu ne toucheras plus un seul cheveu de mes filles, compris ? » J’attendis un signe d’assentiment de sa part, avant d’hocher la tête à mon tour. « Tu aurais pu réellement faire partie de cette famille, tu sais. » Lâchai-je à demi-mots, presque à regret. Je finis par lui faire signe. « Relève-toi. Je te ramène chez toi. » Je me redressai en l’attrapant sous le bras pour qu’il suive mon mouvement, le faisant ensuite passer devant les chiens qui se tenaient presque au garde-à-vous sur notre chemin, assis et attentifs désormais. Je gratifiai d’une caresse en passant ceux qui avaient lâché prise les premiers, avant de m’éloigner d’eux pour raccompagner Ray que je continuais de soutenir pour qu’il marche jusqu’à la sortie.

« Ils te feront la guerre, mais ils ne te vaincront pas; car je suis avec toi pour te délivrer. » dit l'Eternel

Qui a donné son nom ? Qui l’a affilié à la résistance qu’il a quittée il y a plus d’un an, dès son entrée en thérapie ? Alors qu’il voulait clairement prendre ses distances. Qu’il s’était pratiquement brouillés avec ses anciens alliés pour ce choix… Arthur ? Elliot ?  Mei-Lin ? L’amer sentiment de trahison le poursuit dans son long supplice, achève de refermer cette petite lueur d’espoir de concert avec les mâchoires sur sa face.

Ray passe une éternité au sol avant de capter la voix de River. Les crocs s’arrachent vivement de sa chair en en délestant une part de peau et de sang. Celui-ci coule sans s’arrêter sur le visage blême du kiné. L’un des chiens ne lâche pas. Il s’acharne sur sa jambe, traverse l’épaisseur du costume avec la détermination sauvage de lui arracher le membre quand le militaire approche enfin pour le stopper dans sa folie meurtrière. Ray n’y voit plus les animaux, que les démons qui habitent cette foule de regards assoiffés de sang.

Il se recroqueville douloureusement comme pour se protéger d’une nouvelle vague. Mais elle ne vient pas. Les mots de River sonnent comme un écho lointain dans le brouillard qui l’accable. Ne plus toucher… à ses filles. Ray hoche faiblement la tête, regard écarquillé figé dans le vide. Il pourrait lui rétorquer qu’il aurait voulu ne jamais les approcher. Mais il n’y a que quelques fines larmes de douleur qui s’extirpent de son corps tremblotant.

Il se surprend à se relever dans un seul morceau. Soutenu par River sans y opposer la moindre résistance, il se contente de suivre le mouvement en regardant la trace de sang sur le sol, en encaissant la brûlure qui lui prend tout le visage. Il semble fondre. Se détacher de son crâne, au point de lui engourdir ses lèvres pleines du goût ferreux, le rendre incapable d’articuler quoi que ce soit d’autre que ces quelques gémissements souffreteux quand il boitille jusqu’à la sortie.

Les regards se posent sur lui, amusés, curieux ou horrifiés, il n’y en a pas un qui semble encore le voir comme un être humain. Toujours dans son costume de poulet, bien qu’il ne ressemble plus qu’à un vague amas de tissu et mousse, mélange de jaune, blanc et rouge, Ray n’est plus rien pour ce monde.

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