The Walking Dead RPG

A défaut d’avoir des certitudes de mon côté et de trop savoir à quoi m’en tenir à son propos, au moins puis-je lui fournir quelques vérités… Même si l’évidence concernant la loyauté de Benjamin à l’adonai me déplait autant qu’elle me blesse. Au moins Armand est-il au courant maintenant.

Je continue de le dévisager, un sourire rempli de tristesse et de douceur étirant mes lèvres alors que l’on commence à parler de sujets moins personnels, mais d’autant plus effrayants. Et il n’est visiblement au courant de rien, Dieu merci. Mais sa question suivante me fait pincer les lèvres, effaçant ce sourire sans joie bien rapidement. Lui porter préjudice ? « Si quelqu’un était au courant, c’est possible. » Je secoue la tête. « Mais laissez-moi vous poser une question malgré tout. Les soldats blessés sont-ils dans un avant-poste pour se remettre ? Avec tout ce que vous avez affronté, vous ne vous êtes jamais demandé ce que devenez vos soldats mutilés ou infirmes ? Il y a dû en avoir non ? Je n’ai vu aucun handicapés depuis que je suis ici. » Je fronce un peu les sourcils en hochant la tête. « Plusieurs médecins apparaissent… obéissant aux ordres du général Newman visiblement. » Je relève le regard vers le sien. « Peut-être d’autres. » Plus haut. Lui. Sans aucun doute.

« Les personnes âgées, les personnes trop malades… Toutes les personnes inutiles, invalides ou… dérangeantes, sont… tuées. Simplement tuées… retirées de l’équation car elles ne correspondent plus à ce qui est attendu. » Je pique du nez, ayant toujours du mal – malgré tout ce qui s’est passé –  à me faire à l’idée qu’ils puissent aller si loin sans la moindre trace de honte ou de remords. J’inspire profondément, ravalant les larmes qui me sont montées aux yeux. « Il y a peu, très peu, de personnes au courant. Si vous refusez de la prendre, je comprendrais. » Mon regard se fait plus dur, alors que je le regarde de nouveau. « Mais si cela se passe ici, aux yeux de tous, alors ce doit être pire ailleurs. Et je ne peux rien y faire. Mais si vous vous le pouvez… »

Quand je marche dans la vallée de l’ombre de la mort, je ne crains aucun mal, car tu es avec moi

Hailey étoffa un peu plus le contenu de cette clé USB. Armand l’écouta, ses sourcils froncés. Elle parlait et il faisait tourner ses méninges. Des vieux, des handicapés, des invalides. Il n’arrivait pas non plus à en situer, pourtant il était convaincu qu’ils existaient. Le contraire aurait sauté aux yeux de n’importe qui. Les blessés de Glenwood ? Ils étaient revenus, ils étaient nécessairement quelque part. Il se souvenait de ses blessures lors de l’épidémie de grippe, il avait été soigné. Non décidemment, il n’arrivait pas à entendre ce qu’elle lui disait. Puis il ne voyait pas le rapport avec l’eugénisme, du moins au sens qu’il entendait. En terme de reproduction.

- Ça n’a aucun sens, trancha-t-il, soudainement sur la défensive. Sa réaction était naturelle, ce que lui reportait la jeune femme était simplement… trop. Il n’aimait finalement pas du tout la tournure que prenait cette rencontre. Il devinait la position de Hailey, à la manière dont elle évoquait tout ça. Elle y croyait visiblement et ne pouvait l’accepter.

Le regard du Colonel se posa sur l’objet de nouveau. Le prendre et repartir avec, c’était consentir qu’il pouvait y croire. C’était prendre le risque aussi qu’elle en parle, que d’une façon ou d’une autre, cela se retourne contre lui. Les faits, c’était que ces révélations, qu’elles soient vraies ou fausses, ne changeaient tout bonnement rien pour lui. Cela faisait longtemps qu’il n’avait plus besoin de ce genre de motivations…

- Ces données ont été recueillies par Mason, vous l'avez dit. Un criminel, ajouta-t-il. Même si cela lui faisait mal de le dire. Il s’acharnait pour détruire notre société, incriminer nos dirigeants. Ces données ont très bien pu être créées de toutes pièces. S'il se servait de vous ? Vous devriez la détruire, ajouta-t-il, tranchant. Son regard s’était fait plus noir. Y croyait-il vraiment ? Pour votre sécurité.

Non effectivement, tout cela n’a aucun sens. C’est le genre d’informations qui révulsent autant qu’elles terrifient. Comment accepter que l’on vive dans un endroit où les dirigeants font disparaître ceux qui ne correspondent pas à leurs idéaux ? Comment entendre que les plus fragiles d’entre nous, les malades, les vieillards, les handicapés, ceux qui devraient être protégés, sont effacés comme de simples erreurs sur un tableau noir, par ceux qui devraient justement veiller sur eux ? Mais est-ce si difficile à croire quand les désaccords, les délations sont punies par glossectomie ? Quand le pilori, la flagellation ou l’excision sont considérés comme des punitions normales ? Quand il n’y a aucune forme de procès quel que soit les infractions ou crimes reprochés ?

Je ne peux pas lui en vouloir de rejeter tout ça aussi brutalement, il m’a fallu du temps et beaucoup de preuves pour y croire moi-même. Malgré tout, j’ai beau le savoir, et j’ai beau savoir qu’il ne le pense sans doute pas réellement, ses remarques suivantes me heurtent quelque peu. Mais encore une fois, c’est compréhensible.

« Vous pensez vraiment qu’il se serait servi de moi, sa propre famille ? » Non bien sur que non, ni lui ni moi ne pourrions y croire un instant. Je laisse filer un soupir désolé. « Vous avez sans doute raison. Je ne peux pas prendre le risque d’être… associée à un criminel. » Je fixe la clef en me mordant la lèvre et je finis par la prendre, la posant au sol pour l’écraser de mon pied plusieurs fois. Ce n’est pas comme si c’était l’unique copie après tout, mais ça, il ne le sait pas. « Ce sera suffisant vous croyez ? »

Je relève mes prunelles vers les siennes, un air contrit sur le visage. « Etre atteint d’une maladie dégénérative ou incurable, de nos jours, est synonyme de douleurs longues et pratiquement inévitables. Je m’étais dit que c’était… envisageable. Que, peut-être, s’agissant de ces malades, il s’agissait de bonté d’âme… Pour abréger leurs souffrances. » Ce qui aurait pu être compréhensible, voire véritablement charitable, si tant est que les personnes en question, et leur famille, eussent été au courant. En quelques sortes. « Si j’y ai cru si aisément, c’est que je n’ai vu aucune personne handicapée ou en difficulté ici, quant aux soldats… Mon époux est Trone et si jamais il venait à être blessé un jour, j’aimerais être certaine qu’il… que ce n’était que les élucubrations d’un traitre. » J’aimerais tant que ce ne soit que ça. Des élucubrations. Mais Mason n’est pas davantage insensé que criminel, et moi non plus. « Est-ce que… C’est beaucoup vous demander, mais pourriez-vous vous renseigner concernant tout ceci ? Pour rassurer une femme enceinte un peu trop émotive ? » J’ai un semblant de sourire désolé, souhaitant presque qu’il réussisse à me démontrer qu’aucune des preuves que nous avons trouvés ne tient la route. Tout en sachant pertinemment que nous avons déjà vérifié et cherché chaque possibilité.

Quand je marche dans la vallée de l’ombre de la mort, je ne crains aucun mal, car tu es avec moi

Hailey le dévisagea quelques instants. Si elle avait affiché ses doutes, elle fit machine arrière, pour entrer dans son jeu, et écrasa la clé USB. Cette dernière s’éventra. Elle n’avait affiché quasiment aucune hésitation et Armand était un homme trop pragmatique pour ne pas deviner que ce n’était certainement qu’une copie. Si elle défendait cette cause, elle n’aurait jamais pris le risque de lui livrer les seules preuves. Il la connaissait peu, mais il la savait intelligente. Et sage. Il pinça les lèvres, restant contrarié.

- Nous avons ramené des dizaines de personnes souffrantes – parfois gravement - de Seattle. Vous devriez oublier tout ça. C'est absurde. Et si vous voulez vous rassurer, jamais un Trône ne serait traité comme ça, lui assura-t-il.

Il s’en voulut peut-être, mais une partie de lui le pensa : le sort d’un vieillard condamné par la maladie ne pouvait se partager avec celui d’un soldat sérieusement blessé au front ! Il roula légèrement son épaule. Celle qui avait gardé quelques séquelles de ses blessures passées.

Il ne lui affirma pas qu’il étudierait la question. Il gardait pourtant cette information dans un coin de sa tête. Pour plus tard, pour après. Car en attendant, il allait passer de Colonel à Grand Général. Et le pouvoir que cela lui offrait le conduirait au-delà de cette enquête. Mais ils y reviendraient.

- FIN –

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