The Walking Dead RPG

C’était la fin de la matinée et Armand parcourut quelques rues seulement pour rejoindre le domicile de Benjamin. S’il connaissait l’homme depuis longtemps, il ne le fréquentait pas vraiment. Il n’avait jamais mis les pieds ici. Il frappa à la porte.

- Hailey, bonjour. Je n’avais pas beaucoup d’espoir, mais est-ce que Benjamin est ici ? J’ai un ordre de mission pour lui… Déclara-t-il quand la jeune femme lui ouvrit la porte. Son ventre rond se dessinait sous sa tenue et il eut une pensée pour sa conversation avec Ela qui n’allait pas tarder aussi à accoucher.

Pour tout dire, il avait préparé son prétexte, mais en dépit des apparences, il n’était pas venu voir le soldat, mais son épouse. Il voulait des nouvelles de Mason et préférait ne pas se montrer auprès d’Anjali. Inutile d’attirer l’attention en allant dans la demeure d’un traitre. D’ailleurs, on les avait peut-être depuis chassés de la maison…

Armand avait bien entendu appris la trahison de Mason, lors de son retour à Walla Walla. La nouvelle l’avait contrarié, réellement. Il en voulait au milicien de ne pas avoir su rester à sa place. Aider les femmes et ce convoi, ça avait été un travail précis, réellement utile. Et l’ancien flic s’était montré indispensable pour aider à cette tâche. Alors ces manifestations violentes, auxquelles la rébellion avait participé, c’était le retour du grand n’importe quoi. Des gens avaient été blessés, des rebelles emprisonnés. Ça avait accentué l’attention sur eux et l’attaque du Parlour où ils se réunissaient. Résultat des courses, l’homme avait été soupçonné et condamné. A Colville…

- Comment vas-tu ? Demanda-t-il ainsi à la cousine de son ami. J’ai su. Pour Mason. Autant mettre les deux pieds dans le plat et ne pas tergiverser des heures. Je peux entrer ?

Depuis combien de temps ? Depuis combien de temps suis-je perdue dans mes pensées ? Et depuis quand ai-je l’impression d’être totalement déconnectée de ce qui se passe autour de moi ?... ça, je sais depuis quand. Depuis qu’ils ont disgracié… banni Mason. Et que Benjamin a joué un rôle dans son bannissement.

Le monde se dérobe sous mes pieds, et je ne sais pas quoi faire. Est-ce que je peux seulement faire quelque chose ? Ai-je pu faire quoi que ce soit depuis le début ? Je n’ai pas réussi à protéger Mei, ni à la sauver… ni même à la retrouver. Et c’est mon cousin qui a disparu maintenant. Pour s’être battu pour ceux qu’il aime, pour avoir fait ce qui est juste.

J’esquisse un sourire en observant Gabrielle qui rit en collant ses doigts pleins de peinture sur les feuilles, alors que Leo tente de lui faire dessiner ce qui semble être un éléphant. Il continue de me jeter des coups d’œil de temps à autre. Je sais qu’il s’inquiète pour moi, tout comme Lori. Ils n’ont de cesse de vouloir prendre soin de moi, alors que ce n’est pas leur rôle. Eux aussi ont peur, eux aussi s’en font pour Mason, pour Anja et les enfants. Ils leur manquent, tous. Mais c’est à moi de veiller sur eux, de les protéger, pas l’inverse.
Et c’est bien pour eux que je continue de tenir. C’est pour eux que je vais faire ce que je peux pour… Je ne sais même pas. Pour les protéger, les sauver.

Je vais ranger les feuilles et fleurs que je viens de faire pour aller ouvrir la porte. Je hausse les sourcils en voyant Armand face à moi. « Colonel Phillips. Bonjour. Je suis ravie de vous revoir. Benjamin n’est pas là non, il travaille. » Mais il devrait déjà le savoir non ? « Oh. » Ma mâchoire se crispe et je me redresse malgré moi quand il parle de Mason. J’ouvre la bouche pour répondre, avant de me raviser. Mason l’apprécie. Il a confiance en lui. Assez pour me le confier. Mais à quel point a-t-il raison ? Je me décale et fais un signe. « Entrez je vous en prie. » Je le précède pour le conduire au salon, jetant un coup d’œil aux enfants en passant, et le laisse s’installer. « Mason a fait ses choix. Sans certaines de ses décisions, bien des choses se seraient passées différemment. » Felicity et Theodore seraient morts ou pire, lui serait toujours là… Je l’observe en parlant. « Il vous estime beaucoup Colonel. » Je pose une main sur mon ventre. « Mais nous parlons d’un traitre. La réciproque n’a pas lieu d’être, n’est-ce pas ? » Je lui adresse un sourire. « Je peux vous offrir un café ou un thé ? »

Quand je marche dans la vallée de l’ombre de la mort, je ne crains aucun mal, car tu es avec moi

Alors qu’il conversait avec Hailey pendant que son mari travaillait, il se demanda si Tara recevait aussi ce genre de visites chez eux quand il était absent…

Il entra dans la maison tachant de se souvenir de quand datait leur dernière discussion. Ils ne se connaissaient pas beaucoup et cela remontait certainement au mariage de Mason précisément. C’était quasiment un an auparavant. Avaient-ils réellement discuté ce jour-là ? Probablement pas. L’homme jeta un regard vers les enfants présents, qu’il ne connaissait pas. Il se demanda ce qu’elle sous-entendit en affirmant que ses choix avaient eu des répercussions.

- Un thé, oui. accepta le quadragénaire, même s’il n’était pas certain de rester longtemps. Il n’avait pas répondu à sa question sur l’estime qu’il éprouvait pour le milicien. Ça lui éviterait de sortir un mensonge. Je n’aurais pas imaginé ça, déclara-t-il, sincère, sans préciser exactement à quoi il faisait référence. Sa contrariété à ce sujet pouvait néanmoins se deviner. Oui, on pouvait le dire : la situation l’emmerdait. J’aurais aimé lui parler, pour comprendre. Tu as pu le voir avant sa déportation, tu connais les explications ?

Dans ses mots, il semblait aborder sa culpabilité en elle-même. Pourtant c’était uniquement sa condamnation qui le questionnait.

C’est curieux de le voir maintenant. Non pas qu’il ait été désagréable ou impoli les quelques rares fois où nous nous sommes vus, mais il n’avait jamais pris la peine de venir jusqu’ici. Pourquoi l’aurait-il fait ?... Pourquoi le fait-il ? S’il dit la vérité, il vient pour Benjamin. Il n’a pourtant pas l’air surpris de ne pas le savoir présent, pas plus qu’il n’a l’air déçu de me tenir compagnie à la place.

Je m’absente quelques instants, le temps de faire chauffer l’eau, revenant rapidement. Imaginé quoi ? Qu’il protégerait des rebelles ? Qu’il faisait partie de la rébellion ? Ou qu’il se ferait attraper de la sorte ? Je l’observe plus attentivement. A chaque fois que nous nous sommes vus, ou ne serait-ce que croisés, c’était avec Mason. Pour Mason. Mason qui l’avait invité à son mariage en très petit comité.

Je déglutis en baissant le regard, véritablement désolée. « Non. Ils ne l’ont même pas laissé rentrer chez lui. Mais j’ai su ce qui s’était passé. » Ne le sait-il pas ? Je relève les yeux vers lui. « Benjamin était là, il a participé à son arrestation. Il m’a expliqué. » Nul besoin d’être très observateur pour constater que ce fait est loin de me réjouir. « Vous savez pour la descente sur le Parlour ? » Evidemment que oui. « Il a voulu les aider les rebelles qui s'y cachaient. » J’ai un infime sourire. « Non, en vérité, il a voulu protéger Felicity. C’est Felicity et Théodore qu’il a aidé, ils se sont échappés grâce à lui. » Et je prie tous les jours pour qu’ils aillent bien. « Je crois qu’il n’y a qu’une poignée de personnes pour lesquelles il aurait risqué sa vie, et celle de sa famille, de la sorte. Je ne pense pas qu’il regrette l’avoir fait…Il n’aurait jamais risqué que Felicity subisse le même sort que tant d’autres. » Je le dévisage. « Et j’espère que le fait de les savoir sains et saufs, à l’extérieur, l’aidera à tenir. » Je me lève. « Excusez-moi. »

Je vais chercher le thé, m’absentant un peu plus longtemps que la première fois. Je ramène un plateau, avec deux tasses de thé, du sucre et une petite assiette de sablés. Et une clef USB. « Comme je vous l’ai dit, Mason vous estime beaucoup. Et rares aussi sont les personnes qui entrent dans cette catégorie. » Je pose une tasse devant lui. « Que puis-je faire pour vous ou plutôt qu’attendez-vous de moi, Colonel Phillips ? Pourquoi être venu ? »

Quand je marche dans la vallée de l’ombre de la mort, je ne crains aucun mal, car tu es avec moi

Armand se sentit étudier par la jeune femme, qui l’observait intensément. Elle devait se demander ce qui l’amenait concrètement. Il choisit de ne pas y faire attention. Porter des œillères, pour filer tout droit dans la bonne direction, il savait y faire ! Hailey commença à lui raconter les faits et le Colonel hocha brièvement la tête. En réalité, il avait eu quelques échos. Mais il ignorait pour Felicity. Il crispa sa mâchoire. Ils avaient tous des points faibles. Des personnes qu’ils protègeraient à n’importe quel prix. L’afro-américain pouvait comprendre, lui aussi.

Quand elle revint, elle choisit d’attaquer à son tour. Il resta impassible. Maintenir le cap, coute que coute ! Il arqua un sourcil.

- Je vous l’ai dit, je viens pour Benjamin. J’en profite pour prendre des nouvelles, après ce qui s’est passé, ajouta-t-il. En réalité, il ne mentait pas complètement. Car il voulait en savoir un peu plus sur la position de la cousine de son ami, certes, mais aussi sur celle de son mari. Surtout peut-être. Mais je ne veux pas vous mettre mal à l’aise. Si c’est le cas, n’hésitez pas…

Il avait appris, cette dernière année surtout, à jouer le faux-culs comme personne. Il avait fait des courbettes à toutes les hautes sphères de New Eden, côtoyant le bon comme le pire. Il s’était trouvé finalement assez fin à ce jeu-là. Parvenant à convaincre sans trop tricher, sans trop en dire.

- Ça n'a pas du être une position facile pour Benjamin... de participer à ça, en connaissant votre lien. Il choisit de reprendre là où elle s'était arrêtée juste avant. Il lui tendait une perche pour qu'elle en dise plus sur l'état d'esprit du militaire. Qu’est-ce que c’est ? Enchaina-t-il, direct lui aussi, en faisant un mouvement du menton vers la clé usb posée sur le plateau. Il l’avait tout de suite remarquée et elle l’intriguait.

Je veux bien croire qu’il ne sait pas, ou pas dans les détails du moins. Il ignorait que l’ex-femme de Mason y était en tout cas. Je regrette de ne pas en savoir davantage sur le fonctionnement et l’organisation des militaires. Je pourrais demander à Benjamin comment il reçoit ses ordres en général, si c’est déjà arrivé qu’il reçoive, lui, des ordres directement… Je pourrais si je ne continuais d’être aussi indifférente que possible avec lui.

J’ai un léger sourire en fixant l’homme qui me fait face. Je crois que je ferais une exception avec mon époux pour lui demander s’il a déjà eu à faire au colonel. Je me contente de secouer la tête. « Non ne vous en faites pas. Je ne devrais pas m’étonner que l’on me demande après tout, c’est de mon cousin qu’il s’agit. Mais si vous voulez de plus amples renseignements sur l’affaire, il faudra effectivement demander à mon époux. River Atkins et Elijah Hawksley étaient également présents si cela peut vous aider. Les trois ont participés à l’arrestation des rebelles… Mason compris. »

J’inspire et reprends d’une voix neutre. « S’ils étaient surpris de son implication, ils ont visiblement été ravis de réussir à le coincer. C’est une belle prise après tout, un traitre de cet acabit. » De quoi se faire bien voir sans doute. J’ai une légère moue. « Ça n’a visiblement guère dérangé Benjamin. Il a eu plus de mal à me l’annoncer qu’à affronter et dénoncer Mason. Sans doute craignait-il que ma réaction ne soit trop virulente et ne mette le bébé en danger. » Après tout, un homme n’a pas à s’inquiéter de ce que sa femme pense, elle n’a pas à faire de scène, ni même à donner son avis. Et je n’ai aucun intérêt à érafler l’image de mâle viril et chef de famille qu’il peut avoir. « Son devoir et sa loyauté à l’Adonai passent avant tout. » Comme tout bon soldat idiot et aveugle. Hum. Mais je ne peux être plus clair à son sujet.

Mon regard se pose sur la clef USB. « Il y a quelques temps, suite à un décès brutal de la mère d’une connaissance, Mason a cherché à en savoir plus, davantage pour que la jeune femme puisse faire son deuil qu’autre chose. Mais il s’est avéré que ce n’était pas la seule mortquelque peu… étrange. » J’ancre mon regard dans le sien. « Ce sont les informations récoltées suite à ces recherches. Des noms, des dates, quelques détails. » Je pousse la clef USB vers lui. « Je pense qu’il aurait voulu que vous l’ayez, que vous la gardiez en sécurité. Traitre ou pas, il ne devait pas vouloir semer la peur et le chaos en parlant d’eugénisme. »

Quand je marche dans la vallée de l’ombre de la mort, je ne crains aucun mal, car tu es avec moi

En quelques mots la jeune femme lui apprenait que son mari ne s’apitoyait pas une seconde sur la condition de Mason. Quand bien même il était le cousin de sa femme. C’était de bonne guerre. Sa loyauté à l’Adonaï passe avant tout. Ces mots en disaient beaucoup. C’était ainsi qu’il connaissait effectivement Benjamin. Il fit un simple hochement de tête. Il s’en rappellerait.

La conversation dévia toutefois vers la clef usb. Hailey donna quelques explications et le Colonel fronça les sourcils. Ce n’était pas un sujet qu’il avait eu l’occasion d’aborder avec Mason la dernière fois qu’ils s’étaient vus – en septembre, seulement brièvement – et il n’était pas au courant. La jeune femme pouvait deviner que sa surprise était sincère.

- Eugénisme ? Et sur quels critères ? Non il ne comprenait pas. C’était une notion dont il n’avait pas conscience entre leurs murs. Une de plus… Me trouver en possession de ces documents peut me porter préjudice, je me trompe ? Demanda-t-il en avisant de nouveau le petit objet. Lui, comme elle. Est-ce que ça incrimine… des gens importants ?

Sa curiosité était exacerbée.