The Walking Dead RPG

“On en discute, oui. Il n’est pas question de les abandonner.” Fais-je d’un air concerné. “Quand Ruby, Valerian et Thaïs seront en état, il faudra qu’on décide d’un plan, tous ensemble.” resserrant légèrement ma prise sur sa main glacée. Je ne compte pas prendre de risques inconsidérés dans ces recherches. Mais le chagrin de Billie me pousse à lui rendre sa soeur. Elle ne me laissera de toute façon pas d’autre choix que d’essayer.

Lorsqu’elle me remercie, j’esquisse un sourire. “Je t’en prie.” En espérant que sa reconnaissance ne s’arrête pas là.

On se relève et je surveille sa démarche fatiguée, maladroite. Alice est petite, menue, ses cheveux clairs ébouriffés par sa sieste improvisée à même le sol. Mon regard glisse une seconde sur sa taille, ses hanches, remonte vers le sien lorsqu’elle se retourne vers moi. Je l’aide à se maintenir, un bras en travers de son dos. Le chemin jusqu’au dortoir est assez laborieux, surtout lorsqu’il faut grimper les marches pour sortir de la cale.

Je referme la porte derrière nous, me penche pour accompagner sa descente jusqu’à l’un des lits inférieurs. Ils sont plus d’une dizaine superposés, entassés dans cette petite pièce. Beaucoup sont en désordre, jonchés de vêtements, de livres et d’autres bazars personnels. A part nous, je n’entends pas un bruit.

Je n’ai rien d’important à faire, du moins pour le moment. Mais il vaut mieux qu’elle se sente un peu plus redevable en pensant le contraire, “Tu devrais plutôt te reposer.” en scrutant son regard expressif, plein des mystères qui lui bousculent l’esprit. Ces réactions m’intriguent. “Mais… Je peux rester ici avec toi un instant. Si tu veux, le temps que ça aille mieux.” En m’asseyant sur le matelas à ses côtés, la débarrassant de ma veste pour tirer une épaisse couverture jusqu’à ses épaules. Je souffle, “A vrai dire, je crois qu’un peu de calme me fera du bien, à moi aussi.” Ces mots-là sont sincères. L’agitation m’éreinte, d’autant plus lorsqu’il faut que j’y prenne part.

Alors, doucement, je recule un peu plus sur le lit, tout près d’elle, me laisse tomber en arrière, le crâne contre le moelleux tout relatif de l’oreiller. Le bras légèrement écarté, comme une invitation à venir se blottir, en toute innocence. On se tiendra chaud plus qu’avec une simple couverture, indéniablement. “Si tu veux bien partager.” En lui désignant la couverture d’un signe du menton, un doux sourire aux lèvres.

Elle le dévisagea pendant de longues secondes, probablement plus d’une minute, alors qu’il lui affirmait qu’ils ne comptaient pas les abandonner. Kaycee, Tiago et elle avaient conclu qu’il leur faudrait repartir le plus vite possible, malgré les demandes – les ordres – des pirates. Mais s’il y avait la moindre possibilité que Joaquin et Roman aient survécu… Le pouvaient-ils vraiment ? Comment se passeraient leurs retrouvailles, si ça devait arriver ? Alice n’était pas prête à réellement réfléchir à tout ça, à l’anticiper. Surtout si elle considérait la façon dont sa relation avec Roman avait évolué. Secouant vivement la tête, elle essaya de chasser tout ça de sa tête, de reprendre la discussion. « Tu les connais, tous ceux qu’ils ont emportés ? » Est-ce qu’il les connaissait personnellement, est-ce qu’il était proche d’eux ? Combien souffrait-il, lui aussi, de tout ça ? Elle n’avait pas particulièrement envie de l’enfoncer, de le faire ressasser comme elle le faisait, mais… elle avait eu besoin de le demander. Pour ne pas se sentir seule dans sa détresse, peut-être, même si elle savait qu’ils étaient nombreux à en souffrir. Même si la présence de Lee chassait pour le moment toutes ses terreurs, tout l’effroi qui la submergeait depuis cette fameuse soirée. Pour combien de temps ? Elle ne le savait pas.

Ça ne lui ressemblait pourtant pas, de s’appuyer comme ça sur quelqu’un qu’elle ne connaissait pas tant que ça, mais elle ne pouvait négliger ces miettes de répit qu’il lui offrait. Son soutien pour se rendre au dortoir l’aidait aussi bien physiquement, même si elle n’appréciait pas d’être aussi faible et ne le comprenait pas vraiment, que mentalement. Elle puisait un peu de réconfort dans ses gestes et ses paroles. Grimaçant, elle finit par hocher la tête. « Oui, tu… Tu as sûrement raison. » Elle se sentait épuisée, comme si on avait drainé toute l’énergie dont elle disposait. Mais ça n’avait rien de surprenant : elle n’avait pas vraiment dormi, alors que les pirates étaient, craignant de nouveau sévices ou pire, qu’il l’agresse dans son sommeil. Frémissant, elle l’implorait du regard de ne pas partir, malgré elle. Si elle avait de nouveau les mêmes visions… « Je, j’aimerai bien, oui. » Elle serrait fermement la couverture autour d’elle, comme une protection dérisoire contre le reste du monde. « C’est éprouvant… » Elle avait conscience d’énoncer une platitude, mais elle se sentait écrasée par la tension due aux pirates mais aussi auprès de Kaycee qui s’efforçait de faire de son mieux pour soigner ce qui pouvait l’être, Alice l’ayant assistée.

Regardant Lee, près d’elle, alors qu’elle était appuyée contre la paroi métallique et froide de la péniche, elle hésita un instant à s’allonger à ses côtés. Est-ce qu’elle ne paniquerait pas, si elle finissait par s’endormir là, lasse comme elle l’était ? Est-ce que… Non, les pirates étaient partis, ils ne pourraient plus rien leur faire. Ils ne reviendraient pas, pas de suite. Elle devait ne pas l’oublier. Et il ne lui ferait pas de mal, il venait de l’aider, et ils pouvaient se tenir compagnie. Hochant doucement la tête, elle se laissa aller à ses côtés, prenant un bout de l’oreiller pour elle, sa tête appuyée à moitié sur lui et sur Lee, rabattant la couverture sur eux. « Tu vas rester ici ? » Avec elle, pour le moment, mais sa question était plus large. Est-ce qu’il resterait sur la péniche ? Est-ce qu’elle resterait à Crescent bay ? Elle ne savait pas du tout ce qu’elle ferait, quand est-ce qu’ils partiraient, tous les quatre, avec Ruby, Kaycee et Tiago. Est-ce qu’ils reviendraient ? Elle ne le souhaitait pas mais est-ce que c’était si simple ?

Si je connais celles et ceux qui ont été fait prisonniers par nos ravisseurs ? ”Plus ou moins. Surtout Sam, la soeur de Billie. J’étais dans leur faction, avant d’arriver ici.” Les autres, je n’en ai strictement rien à faire. Mais l’état de la rousse, privée de sa jumelle, me contrarie, même si je suis bien incapable de comprendre exactement ce qu'elle ressent. Je sais qu’elle compte sur moi pour l’aider à s’en sortir, et je ne peux pas me résoudre à la décevoir.

On se déplace laborieusement, remontant les escaliers, les couloirs. Le froid me mord doucement la nuque, les bras, un courant d’air désagréable qui me fait regretter d’avoir cédé mon manteau à la blonde.

Au moins, on rejoint rapidement un lit, dans le dortoir désert, pour partager une couverture ainsi que l’étroite couchette. Je croise son regard, alors qu’elle semble hésiter à se rapprocher. Alice se laisse finalement convaincre, se détache de la paroi glacée pour se blottir contre moi.

“Oui. Je me sens bien ici.” Double sens pseudo-romantique volontaire, qui pourra peut-être me faire passer pour plus attentionné que je ne le suis.

Le confort du lit est tout relatif, mais j’apprécie la chaleur timide qu’elle dégage contre moi alors que son sang circule à nouveau, le poids de la couverture qui nous isole des courants d’air, le parfum naturel qui se dégage de sa chevelure. A vrai dire, mon corps se détend déjà, le menton effleuré par quelques-unes de ses mèches blondes, et une proximité qui comble le mal d’affection, surtout en l'absence de James.

Regard rivé sur le sommier du lit qui nous surplombe, je glisse distraitement la main sur son épaule, le long de son bras, caresse le creux de son coude du bout des doigts. Peut-être dans l’espoir de réveiller quelque chose - mais le désir semble rester éteint, étouffé par la fatigue.

Je dois bien admettre que pour le moment, moi aussi, je saurais me contenter de repos bien au chaud. Ce sera toujours mille fois mieux que travailler, peu importe les tâches qu’on a à me confier.

Mon buste s'affaisse dans un soupir, et je ferme les yeux en serrant doucement la blonde contre moi, en attendant que le sommeil nous emporte. Je ne doute pas qu’on trouvera l’occasion d’un rapprochement plus intime, la prochaine fois.