The Walking Dead RPG

Je suis sans doute plus tendue, plus nerveuse que la dernière fois que je suis venue, alors même que je ne l’avais jamais rencontré. Mais ce n’est pas parce que je vais la voir que je le suis. Il faut dire que je n’ai jamais réellement rencontré quelqu’un qui m’ait impressionnée au point de me mettre mal à l’aise. Non, c’est davantage le manque de sommeil, l’inquiétude et une certaine anxiété qui me tendent quelque peu. J’ai le sens de l’euphémisme oui. Je déteste cette impression – qui n’en est pas une – de dépendance, de servitude, d’être suspendue au bon vouloir d’autres personnes, sur lesquelles je n’ai aucune prise. C’est le cas pour tout le monde, je sais bien, seulement… Seulement, toute cette situation me rappelle beaucoup trop des épisodes que je me suis efforcée d’encaisser et de dépasser. J’y suis arrivée, tant bien que mal, mais c’est difficile, compliqué.
Prendre des risques, me mettre en danger, si je l’ai décidé, ne me pose aucun souci, mais de ne pas avoir le choix me hérisse au plus au point. Je déteste cette sensation de ne rien contrôler, de ne rien maîtriser. Ce qui me rend quelque peu nerveuse donc. Mais rien que je ne puisse gérer jusqu’à présent.

Un sourire poli étire mes lèvres alors que j’incline la tête à son intention alors que j’entre dans le bureau de mon hôte. « Madame Phelbs.  Je vous remercie de me recevoir. » Étrangement, ma demande avait été assez rapidement acceptée, il ne m’aura fallu que quelques jours d’attente pour arriver ici. Il ne me semblait pourtant pas que ce soit dans les habitudes de Madame Phelbs d’accéder aisément à la requête de personnes extérieures à son groupe… ou même de son groupe d’ailleurs. Sans doute Ruby avait-elle fait bonne impression, sans doute avions-nous eu de bons contacts et elle de bonnes remontées nous concernant. Mais, encore une fois, je doute fortement que ce genre de considérations ait pu percer la carapace dont elle s’entoure. Si elle a fait accélérer ma venue, peut-être cela signifie-t-il qu’elle a quelque chose à nous demander… ce qui m’arrangerait grandement. Et si elle a pu entendre parler des dernières péripéties, je doute tout autant que cela puisse la toucher. Même si je suis curieuse de voir si elle s’essaie de temps à autre à paraître compatissante, ou si son armure de glace ne cille jamais. Je mise sur la seconde solution.

Je m’installe face à elle et reprends rapidement. « Je vais tâcher de faire simple et court pour ne pas vous faire perdre de temps. Je suis en contact avec le général Armand Phillips, que vous connaissez déjà. » Sans doute comprendra-t-elle que j’étais sur Providence peu de temps auparavant. « Il m’a embauché, personnellement, il y a quelques temps de cela, pour diverses raisons. Dernièrement, je suis entre autre chargée de lui transmettre tout ce que je pourrais apprendre vous concernant. Votre matériel, vos armes, votre flotte, vos effectifs, etc. » Je fais un vague signe de la main, avant de sagement la reposer sur mes jambes croisées. Je lui adresse un nouveau sourire, plus mince. « Etant donné que nous travaillons avec vous, je me suis dit que cela pourrait vous intéresser de le savoir. Et que vous auriez éventuellement des informations que vous souhaiteriez que je lui transmette. » Ce que je ferais avec plaisir. Mais pas gratuitement.

- Le « General »… il était passé « Colonel » la dernière fois que je l’ai vu, souligna-t-elle avec ironie – plus pour elle-même qu’autre chose, que je comprenne bien…

June s’était assise face à sa cadette informatrice, croisa les jambes et s’adossa à son fauteuil. Ses prunelles perçantes dardées sur Moon décortiquaient la moindre de ses expressions, pour essayer de lire ce que les mots ne lui disaient pas. Machinalement, elle attrapa un stylo, qui ne servait pour l’instant qu’à occuper ses doigts ; mais elle n’avait qu’un geste à faire pour saisir de quoi noter.

- Vous voudriez que je vous dicte quoi transmettre à Phillips, la rouquine venait donc d’apprendre son prénom, « Armand » donc…, cette proposition soulève beaucoup de questions…, elle parlait lentement, mesurant chacun de ses mots et réfléchissant en temps réel, pourquoi vous a-t-il mandatée vous ? Connait-il déjà nos relations ?

Si c’était le cas, ce serait évidemment une entorse au principe de discrétion que vantait Ruby à propos de son groupe.

- Et pourquoi ce choix de trahir votre accord ?

Ce n’était pas une position neutre. Et la neutralité, n’était-ce pas leur cheval de bataille ? Moon avait intérêt d’avoir une excellente excuse, car au-delà des apparences qui semblaient fortement en faveur de Fort Ward, June voyait une personne capable de bafouer un contrat. Aujourd’hui, la victime serait New Eden, mais demain, et si c’était elle ? Et si ça n’avait pas déjà été elle, et sa cadette jouait sur deux tableaux ? Ce n’était pas une image idéale, sachant que les « S.T.A.R.S » venaient à peine de reprendre grâce à ses yeux…

- Pour finir : comment comptiez-vous lui transmettre vos informations ? Providence n’existe plus, et je compte faire en sorte de conserver cet état de fait.

Voilà maintenant une vingtaine de jours que les bombes de Fort Ward avaient rasé les points stratégiques de Seattle – ceux qui étaient connus en tout cas. L’hélicoptère qui avait ensuite survolé les lieux avait ensuite confirmé les dégâts et l’absence d’activité visible. Néanmoins, rien ne serait absolument certain avant d’avoir pu organiser une opération chargée d’aller dans le détail.

« Vraiment ? » Je fronce un instant les sourcils. « J’ai peut-être mal compris, les noms des grades américains ne sont pas ma spécialité. » J’ai un sourire contrit. > « Ou peut-être ai-je pris un peu d’avance sur une nomination qui ne tardera sans doute pas à venir. » Je peux me tromper, mais je pense que le colonel est bien assez intelligent pour retourner n’importe quelle situation à son avantage, même ce bombardement.

Evidemment qu’elle m’observe et me détaille, tout comme je le fais avec elle. A essayer de deviner ce qui se cache derrière les apparences, à vouloir trouver une faille, à vouloir découvrir la vérité. Etant donné la raison de ma venue et mon discours, le contraire serait étonnant.  Je croise les jambes et m’adosse à la chaise en parfait reflet, posant sagement mes mains sur mon giron.

« Avant de rejoindre les STARS, je travaillais souvent au No Man’s Land. Les recherches de personnes disparues, d’informations, les différentes missions… Il faut croire que je commençais à être suffisamment connue. Le Colonel a entendu parler de moi et m’a fait mander. » J’ai un mince sourire. « Il ne sait absolument pas que nous sommes en contact. Pour tout vous dire, il ne sait pas davantage mes liens avec les STARS. C’est moi qu’il a engagé, pas eux. Jusqu’à présent, il semble plutôt satisfait de mon travail. » Ce n’est pas grand-chose, mais cet aveu peut mettre fin à ma collaboration avec New Eden, si jamais il l’apprenait.

Je la fixe. « Les STARS travaillent avec vous. » Ce qui pourrait être une raison en soi à mes yeux. J’ai un sourire en coin. « La dernière fois que nos informations étaient incomplètes et vous ont mis en danger, j’ai failli perdre un œil.  Même si j’aurais réagi de la même manière que vos hommes, je n’ai pas envie de renouveler l’expérience. » Mon sourire disparait. « Philipps m’a semblé être un homme plutôt droit et intègre. Malheureusement, un homme seul ne suffit pas à rendre tout un groupe décent. Je n’adhère pas vraiment aux préceptes de New Eden, mais cela ne doit guère vous surprendre. » J’inspire lentement et secoue la tête. « Si un camp doit prendre le dessus sur l’autre, j’aimerais autant que ce soit le vôtre. »

Quoi qu’elle en pense, je pourrais difficilement être plus franche. Entre eux et New Eden, je ne suis pas certaine de réellement savoir qui peut être le pire, pas après avoir creusé un peu et avoir passé du temps avec tout le monde. Mais au moins, a-t-elle l’intelligence de prendre soin des siens et de ne pas les cacher à la vue de tous. Je continue de l’observer, sans me départir de mon calme. Aucune raison de m’en faire ou ne pas être honnête.

« Oh, aux dernières nouvelles, Providence est belle et bien rayée de la carte. Le colonel Philipps et ses hommes sont partis. Néanmoins, il semble évident qu’il ait laissé plusieurs hommes éparpillés dans la nature, chargés de surveiller les alentours. » J’écarte légèrement les mains. « C’est un de ses hommes que je dois rencontrer. Ailleurs donc. »

Je me penche légèrement en avant. « Mes réponses vous satisfont-elles Madame Phelbs ? »

June réfléchissait. Cette femme parlait bien, calmement, à croire qu’elle avait préparé son argumentaire. Dans tous les cas, elle était maligne et vive d’esprit, ce qui était autant une qualité qu’un danger. En effet, si ses manigances nuisaient encore à Fort Ward, cette fois elle risquerait plus qu’un œil, mais l’avocate ne le dit pas à haute voix. La menace facile et barbare n’avait jamais fait partie de son arsenal, sauf il s’agissait de la seule langue que comprenait son interlocuteur. Et au final, Moon lâcha un ultime argument qui sut capter toute l’attention de la rouquine. Elle n’était pas sensible aux belles paroles, fussent-elles sincères ; par contre, elle était friandes d’informations concrètes.

- Et vous connaissez les emplacements de ces planques, demanda-t-elle finalement.

June supposait que non : s’il s’agissait d’une redistribution secrète des troupes, elle n’imaginait pas qu’Armand soit suffisamment idiot pour en discuter des rouages avec une inconnue. Néanmoins, si elle avait un rendez-vous, c’était qu’elle avait au moins un lieu en tête.

- La personne que vous devez voir, ça doit se passer où et quand ?

C’était déjà un bon test de loyauté, si l’information était correcte. Ensuite, l’avocate devrait évaluer quoi en faire. L’envie première, instinctive, ce serait d’envoyer un autre avion pulvériser le point de rendez-vous. Simple, efficace, pour distiller un sentiment de déroute dans l’esprit des soldats ennemis : s’ils pointaient leur nez dehors, ils seraient vus et abattus ». Mais… dans le même temps, cette manœuvre grillerait Moon si le lieu était un spot désigné spécialement pour elle ; et une fois encore, la rouquine imaginait le colonel assez malin pour un tel stratagème.

- Toutes les informations que vous aurez sur cette réorganisation de New Eden sont les bienvenues. Et ça nous ferait un bon point de départ pour envisager d’autres choses.

Truquer des nouvelles par exemple, instiller un poison dans les galeries pour forcer les taupes à sortir de terre. Le plan se dessinait déjà dans son cerveau. Une fausse campagne de guerre, une fausse opportunité de piéger les troupes… pour finalement prendre les New Eden dans un get apen. Une nouvelle défaite, qui ferait du mal – encore.

Elle est encore plus avare de paroles et de réactions que Phillips, ce qui n’est pas peu dire. Ce n’est pas un souci, ça ne me dérange pas vraiment, je parle beaucoup, aisément, et si j’essaie d’être quelque peu concise, je prends malgré tout le temps de m’expliquer et d’étayer mon point de vue. D’autant que son silence est aussi parlant que mon laius, non ? Elle m’écoute, tient peut-être compte de mes paroles, mais ce n’est pas ce qui va la convaincre de faire plus que ça justement. Elle ne réagit qu’à mes dernières remarques, qui lui amènent de réelles informations. Le pragmatisme poussé à l’extrême. Comme dénuée d’émotions. Je suis admirative quelque part. Admirative et… circonspecte.

Une ombre de sourire vient relever le coin de mes lèvres alors que je secoue la tête. « Ce n’est pas si facile que cela. Le colonel Phillips est quelqu’un de réfléchi et de prudent, tout comme vous. » Je hausse un sourcil. « Vous savez que je ne peux pas vous laisser me suivre, détruire le lieu de rendez-vous ou vous en prendre à mon contact. Cela me mettrait définitivement hors-jeu vis-à-vis de New Eden, alors que je suis actuellement la seule à être encore en contact direct avec eux. C’est un atout que je ne peux pas perdre. Que nous ne pouvons pas perdre. » Quand bien même ce contact semble-t-il futile, c’est un outil pouvant se révéler plus qu’efficace. Je l’observe quelques secondes et me laisse aller en arrière. « Nous pourrons nous renseigner sur ce qu’ils ont laissés réellement derrière eux à Seattle et dans les environs. Je rencontrerai son homme et j’en tirerai ce que je peux, sur lui, sur eux, sur leur état. Nous vous rapporterons ce que nous apprendrons. » Mes prunelles sombres sondent la clarté des siennes. « Les données que je pourrais transmettre à cette personne concernant vos forces et moyens sont tout aussi importantes que celles que je pourrais vous donner les concernant. La désinformation est une arme redoutable quand on sait s’en servir. »

Je reprends après un léger silence. « Vous doutez de moi, des STARS peut-être, je le conçois. C’est pourquoi je vais en venir à la seconde raison de ma visite. » J’inspire profondément, toujours aussi sérieuse. « Il y a quelques jours, des pirates, puisque c’est le terme le plus adapté, ont pris d’assaut un navire sur lequel plusieurs petits groupes. Petits groupes qui s’étaient retrouvés dans l’optique de discuter justement de plusieurs attaques qui avaient eu lieu en mer récemment. Ces pirates s’en sont pris à ceux sur place. Ils les ont torturés, menacés, violentés, pris en otages, en exigeant obéissance et servilité… Certains des nôtres étaient présents. » J’ai un sourire qui n’atteint pas mes yeux. « Je n’ai aucun intérêt à vous porter préjudice, loin de là. Nous avons besoin de votre aide pour les retrouver. »

Ils ne pouvaient pas perdre cet atout pour l’instant. Car une fois les rats totalement délogés, l’avocate ne voyait plus aucun inconvénient à « griller » son interlocutrice. Son enjeu à court terme était de s’assurer que New Eden avait déserté Seattle et à moyen terme, c’était de faire en sorte qu’il n’y revienne pas. A ce moment-là, June n’aura plus besoin d’un indic’.

L’esquisse d’un sourire sans joie fit frémir ses lèvres quand sa cadette affirmer une évidence sur la désinformation. La rouquine laissa d’abord passer un silence, et ce ne fut pas infructueux, car Moon en venait à sa véritable demande. Enfin, la quadragénaire allait savoir pourquoi son invitée se montrait si généreuse en proposition – en plus des raisons déjà évoquées, qui n’engageaient qu’elle. Et la teneur de la requête fut… surprenante.

- Pourtant, c’est votre spécialité de trouver des choses, pas la mienne, rétorqua June sans avoir sourcillé.

C’était ironique que ces « STARS » aient aujourd’hui besoin d’elle pour un travail d’investigation. Et malheureusement, si la journaliste avait fait tout ce chemin pour ça, elle risquait d’être déçue.

- Je n’engagerai pas de ressources dans un conflit qui ne me concerne pas, je suis navrée. Quoiqu’en dise votre beau discours, enchaina-t-elle, faisait référence aux paroles précédente de sa cadette, qui l’avaient brossée dans le sens du poil, nos liens sont uniquement « commerciaux », si je puis dire. Vos informations contre des biens. Si vous êtes dans une situation qui vous empêche d’exercer, je ne peux que vous dire bonne chance et me tourner vers d’autres options.

Ce n’était même pas cynique, c’était simplement d’un cruel pragmatisme. June estimait avoir beaucoup donné pour combattre New Eden, sur tous les plans. Au final, les victoires de Fort Ward bénéficiait à tous. Mais ils ne pouvaient pas non plus être le justifier de l’état – pas encore en tout cas. La stratégie l’obligeait à remobiliser ses efforts, à ne plus éclater ses focus.

- Mais si vous pouvez encore produire des résultats, alors travaillez pour moi – encore – et je verrai ce que je peux vous fournir, elle marqua une pause et précisa : je veux connaître toutes les planques actives de New Eden à Seattle. Leurs emplacements et combien de personnes y vivent, voilà son prix, non négociable, évidemment.

« Je ne vous demande aucunement de prendre part à ce conflit, il ne vous concerne en rien. » Pour l’instant tout du moins. Et si les pirates ne sont pas assez stupides pour s’attaquer à eux, il se peut néanmoins que même les Remnants finissent pénalisés par leurs incessants pillages. Un nouveau sourire répond à son absence totale de réaction. « Mais s’il est vrai que les recherches sont notre spécialité, vous avez néanmoins des moyens que nous n’avons pas, pour le moment. J’ai cru comprendre que vous aviez un radar maritime en état de marche, peut-être serait-il assez puissant pour trouver une base située en mer ? » Je fronce un peu les sourcils, comme vexée qu’elle puisse me penser si naïve. « Je ne vous demande pas de nous rendre service par pure bonté d’âme.  Comme vous l’avez dit, nos liens sont purement commerciaux. Nous en sommes tous conscients. »

Je reprends après une pause. « Cependant, nous avons également de notre côté une excellente ingénieure aéronautique. Ingénieure qui serait tout à fait apte et capable de vous prêter main forte pour remettre en état vos avions… Ou pour en construire un si c’est encore votre objectif. » N’est-ce pas l’un de leur but ? De remettre sur pied une flotte conséquente ? « Avion qui pourrait également servir au survol d’une zone maritime, si jamais… Un genre d’échange services-biens qui entre totalement dans le cadre de nos liens après tout. » J’en demande un peu trop ? Sans doute, mais nous avons autant besoin de ces indications que d’elle des informations sur New Eden. « Qui plus est, je n’ai jamais indiqué que nous n’étions pas en mesure d’exercer et de vous apporter ce que vous demandez. Nous vous procurerons les informations désirées, comme nous l’avons toujours fait. Je donnerai les informations que vous souhaitez à mon contact en attendant. En échange d’armes. Et de l’utilisation dudit radar. »

Je la dévisage. « Le nombre et l’emplacement des abris, ainsi que les forces restantes de New Eden aux alentours de Seattle, contre des armes et votre aide pour localiser leur base en mer. » Je hausse un sourcil. « Cela vous conviendrait-il ? »