Sujet: Re: L'humour est-il relatif ? Mer 11 Jan 2023 - 0:42
Je la pense trop jeune pour avoir eu un maitre, que je lui souffle en haussant les épaules. Simple déduction, avec le temps, de son parcours de vue. A dire vrai, j'ai aucune idée de comment Baïka a vécu. Quoi qu'il en soit, elle sera pas agressive avec les mômes et c'est tout ce qui compte pour moi. Avec moi par contre, y'a eu quelques fois où j'ai du lui faire comprendre qu'elle était pas la patronne. Maintenant, elle se comporte mieux, elle a saisi qu'elle avait pas besoin de compétition avec moi. Et que, notamment, Elijah et Rosie étaient en sécurité avec moi, et avec elle.
Je soupire : Vu comment elle s'est montrée craintive aussi au début, elle a pas été habitué aux humains avant, du moins, pas vivants, les rôdeurs la font flipper mais moins aujourd'hui qu'avant. Elle fait un bon chien de garde, et d'attaque, notamment parce que je l'ai élevé à ça. Elle a pas été facile à approcher, mais c'est pas mon premier cas désespéré, que j'ajoute en haussant les épaules, loin de m'en formaliser : J'étais soigneur, je sais m'y prendre avec les animaux. J'ai aussi été comportementaliste, je revoyais l'éducation de certains chiens agressifs, que j'explique à Kira, même si ça doit pas trop l'intéresser, les histoires de vie d'un vieux con comme moi.
Et elle parle, et m'confie qu'elle serait sans doute pas contre d'avoir elle aussi son animal. Au moins c'est une bonne manière de voir les choses, que j'lui souffle. C'est limite mature comme manière de faire : Vaudrait mieux t'en trouver un chiot, que j'ajoute simplement. Pour que tu puisses l'éduquer avec toi, et se familiariser à lui. Mais un animal comme ça, ça devient comme une extension de toi : c'est parfois plus important qu'un autre être humain, que je l'avertis. Surtout si elle en a jamais eu dans sa vie : Il te rendra mille fois l'affection que tu lui donneras, que j'ajoute.
Sujet: Re: L'humour est-il relatif ? Mar 24 Jan 2023 - 0:27
Perte de sens, mauvaise habitude...
Kira & Lennox
Au travers de leur affection commune pour ces petites ou grosses boules de poils, si attachante et si fidèle, les deux modifiaient sans le savoir des rapports conflictuels. Au travers de ses connaissances, Lennox paraissait soudain plus humain et moins terne aux yeux de Kira. Il passait d’un quarantenaire n’ayant réussi dans sa vie qu’à être mal-luné à quelqu’un digne d’être écouté. Sacré changement de paradigme qui ne sera sûrement que temporaire. Comme une parenthèse entre deux claques, elle allait probablement se remettre à le titiller sitôt que le souvenir direct de leur discussion allait s’estomper.
En attendant puisque le pont était établi, il fallait en profiter avant que leur relation ne se résume à nouveau plus qu’à des baffes et des menaces jamais mené à leurs termes. Toujours attentive elle continua de caresser la belle chienne, rêvant par intermittence d’avoir elle aussi son propre chien. Malgré son cynisme habituel, cette petite fantaisie n’était pas motivé par des aspects matériels ou pragmatique mais juste par le besoin, l’envie de s’occuper d’un animal. C’étaient probablement les mêmes raisons qui avaient poussé le soigneur à se spécialisé dans un tel domaine avant l’Apocalypse. Qui voudrait risquer au quotidien de se faire mordre par un chien récalcitrant, si ce n’est ceux qui dévoue tel des altruistes leur vie au règne animal ?
- Pourquoi tu as choisi d’être soigneur ? Qu’elle demande tout simplement sachant d’avance que la question ne tombait pas sous les sens. Demande-moi ce qui me pousse à vivre jour après jour, je le saurais en mon sein. Mais demande-moi de le formuler, de l’expliquer et j’en saurais incapable… Tel était les sages paroles de son oncle qui n’avait jamais su expliquer à sa protégée pourquoi il se tuait tant à la tâche. Tu as déjà échoué à éduquer un chien ? Genre il était trop sauvage pour faire quoique ce soit ?
Puis quelques instants après, elle se mit à dire spontanément qu’elle aussi voulait avoir un animal de compagnie. C’était peut-être ses premières paroles depuis qu’elle discutait avec le soigneur qui ne comportait ni mauvaise foi, ni une réflexion ultérieur. En un sens elle se livrait à lui, dangereuse manœuvre face à un homme qui redeviendrait bientôt son sac de frappe.
- Et sa perte sera milles fois plus douloureuse qu’une connaissance. J’suis persuadé qu’il y a un lien très spécial, unique en un animal et son maître. Tu sais toujours au premier regard qui est le maître d’un chiot parmi une foule d’gens. Il n’a même pas b’soin de le dire, c’est juste que ça coule sous le sens tu vois ?
Sujet: Re: L'humour est-il relatif ? Jeu 26 Jan 2023 - 23:50
Mes yeux se relèvent vers elle à sa question, quittant un instant Baika du regard qui fait pas preuve d'une grande méfiance pour sa part. Elle est en confiance, satisfaite du traitement qu'on lui offre, c'est sans doute pour le mieux. Mais un soupir m'échappe. Rien qu'à penser au passé, je me sens soudainement extrêmement vieux. Pas faute d'avoir eu le temps d'une vie pour me souvenir d'ce que j'ai merdé, tout du long. Parce qu'une personne m'a appris ce métier, que j'lui souffle en réponse d'un ton égal. Et j'me verrais pas faire autre chose, c'était juste une évidence sur le coup, ça en reste une aujourd'hui.
J'étais un jeune... Qu'on appelle difficile, je suis tombé dans un système particulier qui aurait pu me broyer, que j'ajoute, en explication. Ok, c'est pas hyper engageant, cependant c'est une histoire parmi beaucoup d'autres qui ont pas la chance d'avoir une fin enviable. Mais quelqu'un m'a tendu la main et a fait en sorte de me sortir de là, et de me "réhabiliter", si on peut le dire comme ça. Et ça m'a pas empêché de déconner à plein tube quand même. Y'a des fois où cette violence fait juste parti d'nous de toute façon, faut pas se tromper sur qui on est tout au fond, et c'que ça peut nous amener à faire.
Il m'a enseigné ce qu'il savait, lui travaillait avec les animaux dans un refuge, j'ai suivi tout ça, et j'ai compris ce qui était vraiment important, la proximité des animaux a quelque chose d'apaisant en effet, mais c'est un secret pour personne d'toute façon. Je hausse les épaules : Non, j'ai pas été confronté à ça, en fait, je suis du genre à penser, d'ma propre expérience, qu'il y a pas d'causes totalement désespérées. Donc, on fait juste c'qu'il faut pour elles et, on avance. Tu aurais fait quoi, si t'en avais eu l'occasion ? que j'demande, par curiosité. Elle est encore jeune, mais aujourd'hui, les rêves de gosses ont encore d'l'importance.
Les deux individus véhiculaient deux expériences si opposées qu’elle s’en perdait de vu, rien ne rapprochait les deux survivants si ce n’est leur condition actuel et leur lutte permanente pour la vie. Si l’Homme n’avait pas jouer avec la Nature, les deux seraient resté des parfaits inconnus. Encore plus indifférent aux destins de chacun qu’ils ne le sont aujourd’hui. C’est pour ça que ce moment est encore une fois si spécial, si unique. Comme une bulle, un pont dans deux existences différentes. Devenant successivement les Scythes ou Darius, les deux survivants se cherchent et se trouvent parfois quand l’autre se laisse rattraper.
Sa réponse transpirait l’évidence, il était devenu soigneur car on avait cru en lui. Quoi de plus logique et compréhensible ? Lorsqu’il lui expliqua vaguement son passé difficile, la jeune fille réprima un « Je le savais » qui n’aurait comme effet que de couper instantanément le frêle pont. Cela lui coûtait de réprimer ces réflexions qui faisait tout le sel de son verbe. Mais elle se devait parfois de faire cet effort ne serait-ce que pour partager ces moments si précieux.
- Donc pour toi le plus important c’est de t’occuper des animaux ? Genre c’était ton but dans la vie ? L’truc qui te faisait lever le matin et tout ? s’interrogea-t-elle ayant déjà lu ici et là que tout un chacun poursuivait un but dans la vie. Un objectif qui éloignait un temps l’absurdité de l’existence, le manque de sens dans la vie et la mort. Cette réflexion courte mais déjà pertinente la plongea dans une torpeur qui lui fit négliger la seconde réponse dans laquelle il se « targuait » de n’avoir jamais échoué.
Mais est-ce qu’elle avait un but dans la vie ? Un autre objectif que de se lever le lendemain sans s’être fait mordre, tué, violé, sans avoir été affamé ou à bout de force ? Elle avait beau creuser les strates de sa conscience rien n’en ressortait clairement. Embêter son monde n’était pas un but, sans quoi son existence serait bien triste, kafkaïenne presque.
La question du soigneur d’apparence banale, inoffensive, commune et prévisible lui fit l’effet d’une épée de Damoclès. Lennox lui posait une colle, un problème quasi existentiel. La fin des Temps l’avait cueilli dans son enfance lorsqu’elle n’était qu’un bambin. Un petit être à peine conscient de soi dont tous les vices et problèmes de ce pauvre monde ne semblait pas existé. Avant d’en être arraché, son monde se partageait entre les cours de recrées et les sorties avec son oncle et son père…
- Si j’avais pu l’faire, commença-t-elle pour se laisser du temps de réponse, j’aurais bien aimé être écrivaine tu vois ? J’aimais bien raconter des histoires, bon la plupart du temps je reprenais une énorme partie de ce que j’lisais mais mon père et mon oncle était impressionné. Quand on était sur son voilier c’est moi qui racontait des histoires le soir quand il faisait très froid, dit-elle dans un demi-sourire nostalgique, maintenant j’ai plus personne à qui les raconter mais… de temps en temps j’écris des trucs pour me calmer.
Bien sûr, j'vois pas ce qui t'étonne là-dedans, je hausse les épaules en la regardant, l'air d'pas bien comprendre ce qu'il y a de surprenant. En fait, quand on vient d'nulle part, y'a des choses qui sont juste évidentes pour tout le monde. J'insiste pas, parce que finalement, c'est aussi un truc hyper perso et sans traverser c'que j'ai moi-même traversé, ça lui parlera pas. Moi, j'ai plus l'allure du vieux con qui a vu pas mal de merde dans sa vie, qui en a enchainé aussi, qui en a provoqué surtout. C'est pas facile à porter mais c'est comme ça.
Les animaux rendent tout ça très simple : avec eux, c'est évident. C'est presque binaire. Et putain, dans un monde compliqué, tu réalises pas à quel point c'est bien d'être aimé sincèrement et simplement, par eux surtout. Y'a une forme de pureté dans ce qu'ils sont, d'instinct sauvage qui est terriblement évident à comprendre, et du fait qu'tu peux pas vraiment leur en vouloir de leurs actions ensuite, que j'ajoute en haussant les épaules, ma voix vibre d'la sincérité d'mes propos. Ils sont des bêtes, voilà tout. C'est nous qui sommes autre chose, et qui leur avons volé leurs terres, leurs habitats, tout ça...
Enfin, qu'importe. On continue paradoxalement à discuter et j'l'écoute. Jusqu'à ce qu'elle commence à piquer un peu du nez sur la table devant nous. Les caresses à Baïka sont suffisantes pour l'apaiser selon toute vraisemblance, et j'imagine qu'c'est normal. D'autant qu'le chien est venu se poser contre ses genoux, qu'elle lui tient un peu chaud d'cette manière, que c'est pas désagréable du tout. Tu devrais aller te coucher, que j'lui souffle alors en la secouant un peu par l'épaule. Elle baille. Tu pourras faire lire ce que tu écris aux gamins, j'suis sûr qu'ils apprécieront, que j'ajoute en détournant les yeux, avant d'me relever pour reprendre mon tour de garde.
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