The Walking Dead RPG

Je resserre les pans de mon manteau et tends mes mains vers la flamme que j’ai réussi à lancer dans l’âtre de cette maison « relai ». Autrement dit dans ce bâtiment nettoyer qui ne sert que pour les rencontres quand on préfère « ne pas donner son adresse » ou rester discret. Si le chalet de campagne abandonné avait son charme en été, en cet fin d’automne ou la fraicheur se fait mordante et la lumière plus rare, il a des allures plus sinistre, perdu au milieu de la végétation.

Je me redresse, pas mécontent d’avoir réussi a réchauffer le bout de mes doigts avant de vider mon sac sur la table bancale qui est resté dans l’unique pièce du lieu. Bouteille de vin de l’ancien domaine des If et deux verres : léger clin d’œil a la bière tiède qui avait arrosé notre dernière rencontre. Je n’ai plus qu’a patienter. J’ai réussi a contacter Stan et lui demander une rencontre pour parler de « nos bons amis en commun ». J’ai pas mal de choses que je veux voir avec lui. Étrangement, de toutes ces rencontres improbables que j’ai faite depuis que j’ai quitté Portland, c’est peut être le seul en qui je me suis reconnu d’une certaine façon, le seul qui serait capable de comprendre les enjeux et les nuances quand on parle des oblivions.

Je tire un siégé aussi stable que la table près du feu et prend mes aises, osant même ouvrir le vin pour voir si le dicton disant que faire sauter un bouchon est le meilleur moyen de faire venir des invités est vrai. Je reste pensif a faire tourner le liquide a la robe rougeoyante, me perdant dans ces lointains souvenirs, teintés de cette même couleur, qui me ramène toujours à Portland. Mon arme est dans ma poche de manteau, bien cachée, mais toujours prête a servir, pour autant, je ne prends pas la peine de mettre ma main dessus quand j’entends qu’on s’approche. A peine la porte s’ouvre que mon demi sourire vient se peindre sur mon visage :

« Bonjour Stan, content que tu sois venue a cette première réunion des anciens de Portland. »

Je me redresse pour l’accueillir et, sans préambule, je lui sers un verre de vin.

« Il y a eu du nouveau de mon côté, mais peut être veux tu un verre avant qu’on ne commence a s’échanger des nouvelles ? J’ai prévu mieux que de la bière cette fois.»

Those days are over.

ANAPHORE

Les indications de Sebastian s’étaient trouvées plutôt claires et alors qu’une fine volute de fumée s’élevait depuis une maisonnette, Stanley savait qu’il était arrivé à bon port. Il marchait depuis une vingtaine de minutes, depuis que son équipe l’avait déposé. Il avait combiné ce léger détour avec un trajet déjà planifié. Toute dépense de ressources était strictement évaluée.

Il frappa à la porte brièvement pour s’annoncer et ouvrit dans la foulée. Dans la pièce quasi-unique de la bâtisse, l’ancien Oblivion l’attendait, tranquillement assis, un verre de vin à la main, devant la cheminée.

- Sebastian, la salua le Remnant. Je n’aurais pas voulu rater ça, ajouta-t-il, en esquissant un rapide sourire.

Il avait même dû argumenter auprès de Phelbs pour justifier sa présence ici. Il croyait effectivement à l’importance de rester informés sur cette menace qui pouvait surgir du sud. Mais il en faisait également une petite fixette personnelle. Parler de Portland l’été passé lui avait fait un bien fou, qu’il ne pouvait ignorer. Et au travers des quelques mots échangés par radio, il avait très envie de savoir ce que le quadragénaire pouvait avoir à partager.

- J’te l’ai dit, c’est un sujet que j’compte bien continuer suivre. Sinon il finira par nous exploser à la figure. Quand bien même, ce n’était clairement pas la préoccupation principale des siens. Il fit un mouvement de la tête pour remercier Sebastian qui lui tendait le verre de vin. Je n’suis jamais déçu par une bière non plus, avoua-t-il, en prenant le verre à pied. En réalité, il n’avait jamais été un fin connaisseur en vin. Il n’avait jamais reçu l’éducation pour, ni les fréquentations adaptées. J’n’en ai pas bu depuis des années, admit-il même d’ailleurs. Il trempa ses lèvres dedans, en faisant une moue satisfaite. Il n’était pas difficile non plus. J’dois avouer qu’ton appel a titillé ma curiosité. J’n’ai aucune idée de c’qu’il se passe, de là où j’suis. L’ile de Bainbridge. C’est comme s’ils n’existaient pas. Ça m’perturbe un peu, pour dire vrai.

Il était effectivement facile d’oublier l’existence des Oblivions depuis Fort Ward. Ça pouvait être une chance, mais ça rendait son vécu presque irréel aussi. Et alors qu’il avait encore du chemin à parcourir pour parfaitement tout digérer, il ressentait au contraire ce besoin d’en parler. De ne surtout pas oublier.

- Attaquons tout d’suite, ok ? Stan approcha une seconde chaise du foyer pour s’y installer. Dis moi déjà si la menace s’est accentuée ?

Je lui retourne son sourire même si les nouvelles ne vont pas être bonnes, j’ai un sincère plaisir a revoir cet homme. Je pense qu’avoir trouver une personne avec qui pouvoir vraiment parler des Oblivions, sans avoir besoin d’expliquer ou ménager, a pris une importance étrange pour moi. Personne ne se rends compte, pas même moi, a quel point je suis épuisé de porter seul trop de choses sur mes épaules. Je ne connais pas encore assez Stan et j’ai une défiance légitime pour son groupe, pour autant, je sais que lui comprendra mieux que personne la situation et j’ai envie de lui faire confiance à lui. J’essaye de garder un ton léger malgré le pli soucieux qui se dessine au-dessus de mon front quand je lui réponds :

« J’ai peur que cela soit plus le sujet qui risque de nous suivre plus que nous le faisons. »

Je prends le temps de prendre une petite gorgée de mon verre, savourant ce vin que les IF n’auront pas la joie de pérenniser. C’est bien dommage. Je rebondis avec amusement sur sa confidence. Evidemment, de part mon métier, j’ai été amené à trinquer avec tout ce qui était possible pour tirer la sympathie de mes clients ou mes salariés. Néanmoins, le vin reste mon domaine de prédilection, même si je ne crache pas sur une bonne bière fraiche lors des fortes chaleurs. Des petits luxes qui me semblent de plus en plus compromis avec la menace Oblivions qui se profile.

« Certaines bières valaient de bons crus mais je me suis dit qu’il fallait varier les plaisirs. A la prochaine réunion, je te laisse le choix des boissons. »

Je soupire a sa remarque et m’adosse contre le mur, cette fois, je ne tente pas de cacher mon air grave. J’ai eu le temps de penser et repenser a trop de choses depuis ma rencontre avec Ana Lucia et mes prognostiques ne sont pas optimistes. Pour autant, j'ai besoin de certains elements pour être sur que je ne suis pas en train de partir dans une trame plus sombre qu'elle ne l'est.

« Il n’y a rien de plus sournois que ce qu’on ne voit pas et qui œuvre dans l’ombre. Les oblivions sont un cancer et quand on les verra, j’ai peur que cela soit trop tard. Il s’est passé des choses, il y a eu des signes qui me laissent a présager un scenario inquiétant. Mais avant, j’ai deux questions a te poser, ou plutôt une confirmation et une question. »

Je plonge mes yeux dans les siens en espérant avant de demander :

« Déjà, j’ai besoin d’être sur que c’est bien les tiens qui ont rasé Providence et que nous n’avons pas une autre puissance qui vient d’entrer dans la partie. Ensuite, et là, il faut vraiment que tu sois sûr de toi… qu’est ce que les Oblivions savent sur les Remants ? »

Those days are over.

ANAPHORE

Stanley ressentait une certaine appréhension dans ce que Sebastian avait à lui confier aujourd’hui. Il ne connaissait que peu le bonhomme, mais il lui avait donné l’impression d’être de ceux qui ne tirait par de sonnette d’alarme par zèle ou par accident. Il connaissait les Oblivions mieux que quiconque et ainsi avait-il certainement bien plus conscience aussi de ce que leurs actions, même discrètes, pouvaient annoncer. Il l’écouta répondre à sa question, en trempant ses lèvres dans le vin rouge. Comme la dernière fois, le quadragénaire éluda finalement la plus grande partie de ses interrogations pour lui poser de nouvelles questions.

- C’est nous, confirma le Remnant, avec assurance, à propos de Providence. Et il en était fier ! A priori, l’information n’avait rien de secret, June s’était déplacée pour rencontrer ce Colonel à visage découvert. Mais qui savait comment les New Eden avaient réellement communiqué sur le sujet ? Comment l’information de c’qui s’est passé là-bas est r’monté jusqu’à toi ? Enchaina-t-il, curieux. Peut-être obtiendrait-il au passage des informations sur la situation actuelle dans Seattle par ce biais, qui savait ? Il ne coutait rien de se renseigner. Tu sais si les New Eden ont complètement quitté la ville ?

C’était juste un intermède, au sujet qui les réunissait aujourd’hui. Que Sebastian ne s’y trompe pourtant pas : les New Eden restaient la préoccupation principale de Stan. Mais s’il savait ouvrir son cœur à plusieurs personnes, il n’avait aucun problème non plus pour partager sa haine. Et sa rancœur. Il prit le temps de réfléchir au deuxième point soulevé.

- Il y a un an, ils savaient qu’on s’opposait aux New Eden, du moins à Glenwood. Ils savaient qu’on avait des hélicos, et pas mal d’armes… intéressantes. Ils ont su aussi qu’on avait subi une grosse attaque. On n’savait pas nous-mêmes c’qu’il en était sorti. Y avait la possibilité alors qu’tout ait été rasé. Maint’nant… Il haussa les épaules. Une année s’était passée. Et quelle année ! Pour Stan, ça avait certainement été la pire de sa vie, ex aequo avec celle qui avait vu le monde s’effondrer. S’ils ont pas entendu parler d’nous d’puis, le fait qu’on a liquidé Providence leur remont’ra sûrement aux oreilles…

Le Grand Maître repenserait peut-être alors à lui et à Logan – le Fistoyeur – aussi ? Il n’avait simplement aucune idée de quelle manière. Ils n’avaient jamais été foncièrement ennemis. Il ne demanda rien d’autre, laissant Sebastian rebondir sur ses mots.

Je reste a scruter l’homme lorsque le sujet de la chute du NML est abordée. Il y a déjà trop de gros poissons dans le petit bassin qu’est Seattle pour ne pas s’inquiéter de l’éventuel arriver d’un autre. Qu’il confirme que c’est bien les Remants m’arrache un nouveau demi sourire et je lève mon verre :

« Je serais curieux de savoir ce qui vous a décidé a agir mais je tiens a lever mon verre a cette victoire écrasante, pour ne pas dire plus. »

La force de frappe des Remants est édifiante, le problème est que cela n’est surement pas passé inaperçu auprès du GM. Je bois une gorgée et la question de Stan m’arrache a mes pensées. C’est avec une lueur amusée que je lui reponds :

« Disons que mon seul moyen pour lutter contre les Oblivions est de ne pas attendre que les informations remontent a moi mais plus de descendre a elles. C’est presque devenu mon nouveau métier… et pour ce que j’en sais, il n’y a plus que des morts décrépis qui hantent les ruines de Providence. Ceux qui ont survécu ont surement quitter rapidement la zone. Rester là-bas c’est la mort assurée vue le cortège de zombie qui ont envahie les lieux. »

Même moi j’avais du rapidement renoncer tant le bain de foule morte devenait ingérable. C’est avec un sérieux grave et un intérêt non dissimulé que j’écoute la réponse de l’ancien détenu des Oblivions, cherchant à chaque mot un indice pour faire basculer mes doutes d’un coté ou d’un autre. Ma question tombe avec un calme qui en dit long sur son importance :

« Est-ce qu’ils savent que vous vivez sur une ile ? »

J’ai l’impression que ces quelques mots claquent comme un sinistre présage et j’espère me tromper, pour autant, le schéma me semble des plus pertinents a chaque fois que je prends le temps d’y penser. Le GM a besoin de matériel, a besoin de conquête et aussi de donner des os a ronger a ses hommes. Je reste les yeux dans ceux de Stan pour lui expliquer :

« Les Oblivions ont changé de stratégie. Ils ont délibérément choisi des cibles pour leur recrutement et pris des risques pour prendre un artisan reconnu dans la construction de bateau. Jusqu’à maintenant, à part pour des personnes « couronnés » cela restait des opportunistes. D’où ma question, savent t’ils ou vous trouver ou ont il moyen de le savoir d’après toi ? »

Those days are over.

ANAPHORE

- On a simplement saisi une opportunité quand ils étaient diminué… mais oui, c’est une bonne chose de faite, admit le militaire à la mention du sort de Providence. Ils étaient puissants, grâce à leurs flotte aérienne, c’était vrai. Stan était surtout fier de l’opération qu’ils avaient effectuée début septembre sur les barrages hydro-électriques des ennemis. Le second avait dû rompre depuis tout ce temps et le QG des New Eden à Walla Walla devaient en être aussi sérieusement fragilisé. Il n’aborda toutefois pas le sujet avec Sebastian. Il acquiesça. J’imagine, précisa-t-il, alors que ce dernier évoquait les rôdeurs en nombre qui avaient maintenant envahi les environs de l’entrepôt et de Kingstreet.

Mais la conversation avait dévié sur les Oblivions et les deux hommes se mirent à aborder sérieusement le sujet qui les invitait à se réunir dans cette bicoque aujourd’hui. Stan avait répondu à ses premières questions et il laissa par un silence son voisin évoquer le fond de sa pensée. Sa question arracha un frisson au plus jeune. Il avait approché son verre de ses lèvres mais stoppa son mouvement, avant de baisser son bras, comme au ralenti. Il ne répondit pas immédiatement, laissant Sebastian poursuivre et étoffer. Et Stanley n’aimait pas vraiment ce qu’il entendait. Il humecta ses lèvres.

- L’année dernière, non. On n’a jamais donné notre emplac’ment. Il n’a jamais vraiment cherché à l’demander non plus. Après tout, le Grand Maître aurait certainement eu le loisir de les torturer comme il se devait si ça l’intéressait alors. En réalité, Stan et Logan avaient même tenté de négocier pour s’y rendre… Mais c’était alors certainement une ruine. En tout cas, l’homme au masque blanc n’avait pas insisté quand leur négociation avait capoté. En un an, y a eu pas mal de trafic. Notre emplacement s’est fait davantage connaitre, au sein d’l’Alliance notamment. The Haven ont été les premiers j’crois. Alors… ouais, s’ils sont pas trop cons, il ont p’t-être moyen d’avoir eu l’information…

Il l’avait dit à June quelques jours auparavant : le nombre de personnes au courant pour Bainbridge avait explosé. Et c’était un risque pour les Oblivions évidemment. Certes leur île les protégeait. Certes leurs premiers ennemis connaissaient leur position depuis des années aussi. Mais ils avaient peut-être été négligents de partager cette information avec tant de gens. Ils étaient nombreux à pouvoir les vendre. De gré ou de force.

- Tu crois qu’ils cherchent à s’mettre bien sur les mers alors… t'en es sûr ? Raconte moi cette histoire avec cet artisan. Comment t’as su ça ? Peut-être que Sebastian ne voulait pas partager ses sources, mais ça n’empêchait pas à Stanley de tenter.

Providence était tombée, le message devait être clair pour NE qui avaient été trop gourmands, certes, mais cela faisait, aussi, un joueur de moins sur l’échiquier convoité par les Oblivions.  Pour autant, je tiens a saluer le fait d’arme du groupe de Stan. A eux seuls, ils avaient fait mieux que toutes l’alliance réunis. J’ai bien des questions qui demeurent comme de savoir l’intérêt d’avoir pris autant de moyen pour Kistap pour finalement faire cette démonstration de force solo, mais il y avait un sujet bien plus brulant qui nous réunissait pour cette petite soirée improvisée. Je lis son malaise sur ses traits et dans sa gestuelle. Ma question inquiète et je continue de penser qu’il y a matière de l’être.

« Je crois que les tiens ont éveillé un peu trop d’intérêt pour le Grand Maitre. Il a envoyé des hommes a lui infiltré plusieurs endroits, comme the store. Autant dire qu’il glane patiemment des informations pour mieux préparer la suite. »

Je quitte mon mur et vers la table pour me resservir ; c’est avec une pointe d’amusement que je lui réponds quand il me demande comment j’ai su cela :

« Comme je te l’ai dit, c’est devenu la clé de ma survie de tenter d’en savoir le plus. Mais si tu veux toutes l’histoire, j’ai échangé avec la compagne de la cible des Oblivions. Il a été suivi en sortant du Store, ou, pour chercher des clients, il n’avait rien caché de son métier. Il a été pris avec des artisans qui était avec lui. L’attaque a été presque signée de par son exécution. »

Je bouge mon verre pour faire décanter le liquide vermeil avant de m’offrir le luxe de prendre le temps d’en boire une gorgée. On sent une note fruitée en bouche qui aurait surement gagnée a ce que ce vin murisse un peu plus.

« C’est très rare que les Oblivions sélectionnent ainsi leur cible. Au regard de sa fonction et de ce que je sais du Grand Maitre, je me suis dit que ce petit détail était loin d’être anodin et qu’il fallait t’en parler.»

Je redresse mon visage vers celui de Stan.

« J’espère me tromper, mais a la place des tiens, je m’attendrais a une visite et je serais très vigilant sur vos prochaines recrues. J’imagine que tes dirigeant savent que ce groupe existe et qu’il peut être une menace ? »

Those days are over.

ANAPHORE