The Walking Dead RPG

Je lâchai un souffle ironique sans répondre. Ca m’aurait surtout amusé qu’elle accepte, mais Tasya n’était pas prête de s’abaisser encore à de telles extrémités. Pourtant, ça viendrait. Il lui fallait juste encore un peu de temps pour s’adapter à sa nouvelle place dans la société, tout en bas de l’échelle… là où elle aurait dû rester. « Tu es douée pour te faire passer pour une victime, mais on sait tous que ceux de ton espèce ne sont que des voleurs et des criminels. » Elle s’insurgeait devant cette justice à deux vitesses, mais elle n’en restait pas moins la principale fautive dans l’affaire. C’était elle qui avait assisté Ray pour commettre un meurtre après tout. Je ne l’écoutai que d’une oreille se plaindre de sa situation. « Ah oui ? Je croyais que les conditions de vie au bidonville te rappelleraient tes terres natales… »

Elle vint tout gâcher en me rappelant qu’Alec était encore en liberté, quelque part là dehors. Un grognement irrité lui répondit aussitôt. « Je ne l’ai pas trouvé à Providence. Je verrais à Spokane… » Je pouvais toujours me rapprocher d’Hale, mais est-ce que j’aurais seulement gain de cause ? Peut-être que je commençais à douter aussi de pouvoir obtenir la justice autrement qu’en l’arrachant de mes propres mains. « Son heure viendra aussi. »

Je l’observai essuyer le sol, jusqu’à ce qu’elle se crispe en deux. « Si tu joues juste à la comédie, ça ne prend pas avec moi. » Je finis pourtant par lâcher un soupir et lui demander franchement : « Qu’est-ce que tu as ? »

« Ils te feront la guerre, mais ils ne te vaincront pas; car je suis avec toi pour te délivrer. » dit l'Eternel

Tasya le scrute quelques secondes en silence. Elle a déjà eu à faire face à des gens racistes et c'est quelque chose qu'elle ne comprend pas. Traiter mal une personne à cause de ses origines est incompréhensible à ses yeux. La mexicaine a plutôt tendance à croire tout le monde bon et gentil et cela se retourne souvent contre elle. Elle a un soupir et se détourne. « Tu me fais pitié » murmure-t-elle. Ce ne doit pas être joyeux d'être aussi fermé d'esprit et aussi peu bienveillant envers son prochain. C'est même assez triste à ses yeux. Un bref sourire soulève ses lèvres, loin de se mettre en colère par sa repartie sur son pays.  « Et tu as tort, le Mexique est un pays magnifique. Je me doute que tu es fort pour le critiquer mais que tu n'y as jamais mis les pieds. » Elle lève les yeux au ciel, elle se doute de sa réponse « Et s'il est aussi magnifique que cela, t'aurais dû y rester » chuchote-t-elle sur un ton sarcastique, dans une imitation de River.

La suite, elle a l'impression une fois de plus qu'ils ne se comprennent pas. « Alec ne sera pas jugé River, tu le sais très bien. La seule manière pour qu'il soit punit ça serait que vous fassiez justice vous même Jacob et toi. » Elle le scrute avant de continuer :  « Et si vous le tuez, en quoi est-ce que vous serez différent de moi ? Cet Évêque allait abuser de Ray comme Alec a abusé de moi. » Alors, où est cette soi-disante justice ? Il n'y en a pas.

Qu'est ce qu'elle a ? « Rien... » souffle-t-elle en cherchant à se redresser, la main sur le ventre. Tasya se refuse à montrer sa faiblesse au Texan, mais la douleur est de plus en plus forte, la crampe la paralyse, lui scie le ventre et lui donne des vertiges. « Ramène-moi au bidonville » supplie-t-elle alors. Elle n'a aucun autre endroit où aller de toute manière. Tasya ferme les yeux quand la douleur revient. « J'ai mal » gémit-elle.  « Je suis enceinte » Et elle n'a jamais pu se faire examiner, est ce qu'il y aurait un soucis ?

Message In A Bottle

Just a castaway, an island lost at sea,
another lonely day with no one here but me
More loneliness than any man could bear
Rescue me before I fall into despair

Un bref rire m’échappa, presque surpris, pour toute réponse. J’aurais pu lui faire payer cher son arrogance, mais en vérité je ne m’attendais pas à ce que quiconque puisse me prendre en pitié, et encore moins à ce qu’elle s’amuse à faire la discussion toute seule. « Tu commences à bien me connaître. » Elle m’ôtait les mots de la bouche. C’était certainement ce que je lui aurais rétorqué sans tarder effectivement. « Mais tu as tort sur un point : je connais bien le Mexique. C’était juste de l’autre côté de la montagne. J’ai grandi à Terlingua, en plein centre du désert du Chihuahua. » Et celui-ci s’étendait des deux côtés de la frontière, sans distinction. La franchir n’apportait pas grand-chose au demeurant, les paysages étaient les mêmes. « Ca me manque, souvent. » Soufflai-je avec nostalgie. « Se retrouver coincé dans une ville aussi humide et froide est vraiment d’une ironie mordante. » Je détestais Seattle. C’était la ville natale de Willow, mais je n’avais jamais réussi à me faire au climat. C’était source d’amusement parmi mes camarades militaires, parce que j’étais bien le seul toujours engoncé dans un poncho contre les intempéries et le froid en mission.

Parler d’Alec me contrariait bien plus. « On ne le tuera pas. » Je me sentais obligé de le préciser, mais Jacob avait été assez clair sur ses intentions et moi sur les miennes. « Lui couper les couilles, par contre… » Soufflai-je presque avec amusement. Sous prétexte de faire la paix avec lui, je serais parfaitement capable de l’empoisonner avec quelque chose qui le rendrait parfaitement impuissant. Il saurait qui était l’auteur mais ne pourrait pas le prouver, à condition qu’il veuille réellement le faire. Il fallait simplement le dénicher, et trouver quelqu’un capable de confectionner ce type de poison. L’idée faisait déjà son chemin dans mon esprit. La vengeance était un plat qui se mangeait froid.

Mais Tasya arrêta le fil de mes pensées en simulant un malaise. Je commençais à croire que ce n’était pas une simple façon de se faire remarquer quand elle posa une main sur son ventre, m’avouant qu’elle était enceinte. Un grognement irrité lui répondit. « De qui ? » Que ce soit d’Alec serait la meilleure. Je fus bien contraint de me lever de mon canapé. Il n’était pas question que je laisse une femme enceinte dépérir sur le sol de ma cuisine, même disgraciée. Je la pris par le bras pour la relever dans un geste ferme. « Shadow est dehors. Je t’emmène à l’hôpital. » Je n’attendis pas son consentement pour la traîner sans ménagement jusqu’au cheval au pelage noir, en faisant signe à Ashe de rester à l’intérieur. Tasya avait de la chance que son mari m’ait confié l’étalon, ça nous éviterait une attente interminable pour se faire transporter par calèche. « Reste là, ne bouge pas. » Je la déposai dans la paille le temps de le seller à nouveau, prêt pour le départ.

« Ils te feront la guerre, mais ils ne te vaincront pas; car je suis avec toi pour te délivrer. » dit l'Eternel

River affirme bien connaitre le Mexique pour avoir grandi non loin de la frontière. Tasya fronce alors les sourcils.  « Alors, pourquoi cette haine ? » Elle ne peut pas comprendre.  « Tu penses réellement que des personnes nées à seulement quelques kilomètres de toi ont moins de valeurs ? Qu'elles sont mauvaises parce qu'elles sont nées du mauvais côté de la frontière ? Des deux côtés, on trouve de la même chose : de la terre, des arbres, des gens, des familles.. Tu ne trouves pas ça un peu... ridicule ? » La question est légitime. A ses yeux, ce n'est pas une limite inventée par des hommes sur une carte, qui peuvent réellement changer la valeur des personnes.

Un soupir lui échappe, se souvenant qu'il l'avait traitée de misérable. « Mes parents nous ont élevé de façon humble, c'est vrai. Mon père tenait une petite supérette et à son décès, ma mère a accumulé des dettes avec l'hospitalisation et le cancer de son mari, mais jamais elle n'a agit de manière malhonnête. Jamais. » Un sourire soulève ses lèvres au souvenir de sa mère. « Ils nous ont appris l'amour, la bienveillance et le fait que chacun né humble et bon.. Seul les actes changent les personnes. » Ses yeux se posent sur le rancher. « Mon père n'aurait jamais proposé à quelqu'un de manger dans la gamelle de son chien.. Personne de ma connaissance n'aurait fait ça. » Alors qui est le monstre entre les mexicains et les texans ?

Pour le climat, elle ne peut que lui donner raison. « Ne m'en parle pas. Le climat ici est horrible. » soupire-t-elle avec un frisson. Tasya a l'impression d'avoir constamment froid et que l'humidité s'infiltre dans tous ses vêtements. Quand River évoque Alec et la sentence qu'il lui réserve, elle souffle par le nez et répond de mauvaise foi : « Oui, voilà, au lieu de le pousser par accident sur cette table, Ray aurait donc dû couper les couilles de l'Evêque. » Ah, elle est belle la justice New Edenienne !

Lorsqu'elle a un malaise, River s'empresse de lui demander de qui elle est enceinte. « Je... Je ne sais pas » confie la mexicaine. Elle se laisse soulever et entrainer à l'extérieur en tentant vainement de lui résister : « Non, Ray va pouvoir m'examiner » La panique peut se lire dans son regard mais une nouvelle douleur la force à abandonner toute résistance et l'inquiétude prend le pas sur tout le reste. A cheval, elle perd connaissance, trop affaiblie.

A son réveil, Tasya est allongée dans un lit, à ses oreilles, résonnent un battement cardiaque qui bat plus vite que la moyenne, celui de son bébé identifie-t-elle tandis que des capteurs sont positionnés sur son ventre. Elle tente de se redresser mais elle constate qu'elle est attachée aux barreaux du lit et perfusée. Ses yeux se posent alors sur River. « Le bébé ? » s'inquiète-t-elle aussitôt. A vrai dire, rien d'autre n'a d'importance : même si elle ne souhaitait pas tomber enceinte, même si Alec peut être le père, ce futur bébé n'a rien demandé.

Message In A Bottle

Just a castaway, an island lost at sea,
another lonely day with no one here but me
More loneliness than any man could bear
Rescue me before I fall into despair

« Ce sont des voleurs, des profiteurs, juste des nuisibles. Ils entraient de façon illégale sur notre territoire, dépouillaient les honnêtes gens et appauvrissaient le territoire, et en plus ils vendaient leurs drogues à nos enfants pour les corrompre. Ce n’est pas la terre qui définit les gens, mais leurs valeurs… et eux n’en ont pas. Tout aurait été bien mieux s’ils s’étaient contentés de rester chez eux, et j’étais aux premières loges pour le voir. » J’ouvris les mains, comme si c’était l’évidence même. « Alors on les chassait, on interrompait leurs trafics, on ne voulait pas de mexicains chez nous. » En bref, nous avions longtemps joués les cowboys à la frontière pour les empêcher de passer illégalement.

Je décochai une œillade à Tasya qui défendait les propres valeurs de sa famille. « Tu veux me faire croire que tu es l’exception qui confirme la règle parce que tes parents n’ont jamais commis un vol ? » J’eus une moue dubitative. « Je n’ai rien contre les mexicains, tant qu’ils savent rester à leur place. » Un souffle ironique franchit la barrière de mes lèvres. Elle n’avait pas goûté à la blague de la gamelle du chien, s’offusquait du manque de respect que je lui accordais. « N’oublie pas que tu es une disgraciée, une reprise de justice, une moins-que-rien. » Je me relevai pour la surplomber de ma hauteur, plantant un regard dur sur elle. « Tu as assassiné un saint-homme. On sait tous maintenant que ce n’était pas un accident : vous faisiez partie d’une cellule de rebelles qui vendait des produits illégaux entre nos murs, qui ne reculait devant rien pour répandre le chaos et la mort dans nos terres sacrées. Je ne vois vraiment pas en quoi tu es différente des autres mexicains. »

J’aurais pu continuer sur ma lancée, à décharger toute mon amertume sur elle… mais je n’en étais pas au point de la laisser agoniser sur le carrelage de ma cuisine alors qu’elle se tordait de douleur, à cause de contractions. Un soupir excédé acheva notre joute verbale. J’hissai la mexicaine sur l’étalon avant d’en attraper les rênes. Je n’avais même pas parcouru la moitié de la distance qui me séparait de l’hôpital qu’elle s’évanouit, me forçant à pousser ma monture qui peinait avec nos deux poids conjugués. Je la maintenais tant bien que mal contre moi en bifurquant plutôt vers la clinique du District 2 qui était plus proche. Les médecins firent une drôle de tête en me voyant débarquer avec une disgraciée dans les bras, sans bien savoir s’ils devaient s’en charger ou non. « Elle est enceinte. » Leur signalai-je. Ça suffit à les convaincre de se préoccuper un peu de son cas.

Je restais dans la salle d’attente jusqu’à ce qu’ils finissent les vérifications d’usage. Le médecin revint ensuite vers moi pour m’avertir : « La mère et le bébé ne sont pas en danger. Ils vont bien, tous les deux. » Il hésita un instant. « Cet enfant est le vôtre… ? » Je relevai un regard offusqué vers lui, comme s’il venait de m’insulter ouvertement. « Certainement pas. » Gêné, il reprit : « Il faudra qu’elle reparte par ses propres moyens à son réveil si vous ne la ramenez pas chez elle, nous ne pourrons pas la garder ici. » Evidemment, même enceinte, Tasya ne pourrait pas bénéficier gratuitement des soins du District 2 indéfiniment. Elle avait déjà eu de la chance qu’ils acceptent de la prendre en charge, sans frais supplémentaires. C’était un privilège auquel elle n’aurait pas eu le droit sans son bébé à naître. « Je m’en charge. » Elle restait la mère des enfants de Jacob. Je ne pouvais pas la laisser livrée à son sort alors qu’elle était sous ma garde.

J’avais fini par m’endormir sur la chaise à côté de son lit, bras croisés et la tête penchée sur le côté. Les journées avaient été particulièrement éreintantes, ces derniers temps, et il me fallait récupérer dès que je le pouvais. Je me serais bien passé d’un passage en urgence à l’hôpital, surtout que je me rappelais avec un temps de retard que je n’avais prévenu personne. J’espérais ne pas avoir inquiété Jena. Avec un peu de chance, elle me croirait encore au travail à faire des heures supplémentaires.

La voix de Tasya m’extirpa de ma léthargie. J’ouvris un œil, encore un peu dans les brumes du sommeil. « Hm… il va bien. Toi aussi. » Je me redressai un peu. « Je vais devoir chercher le médecin, il te donnera les recommandations à prendre. Ensuite, il faudra que je te ramène chez toi. » Où que ça puisse être.

« Ils te feront la guerre, mais ils ne te vaincront pas; car je suis avec toi pour te délivrer. » dit l'Eternel

Tasya secoue doucement la tête. « Tu sais bien que ce n'est pas aussi simple.. » Elle ne nie pas l'existence des migrants, de la drogue, des cartels, mais le problème est bien plus profond qu'une simple "nationalité". Son regard scrute un instant l'homme devant elle. Inutile de parler avec lui, sa haine des mexicains semble bien trop ancrée pour lui faire voir une autre possibilité. Il n'est pas le seul et plutôt que de s'en agacer, elle trouve cela triste pour lui. Il est tellement fermé d'esprit. Elle sait ce qu'elle vaut et ce que valait son peuple et ça lui suffit amplement. Ce n'est pas la vision négative de River qui changera la sienne.

A son insistance, Tasya finit tout de même par souffler par le nez, il devient agaçant. « Ce n'est pas une règle. Aucun des mexicains que je connaissais n'a volé ou trafiqué de la drogue » affirme-t-elle. Quant à son statut, elle soutient son regard. « Je ne l'oublie pas » souffle-t-elle. Comment l'oublier alors qu'elle a tout perdu et que sa vie est un enfer depuis deux mois ? Ses yeux le suivent et se lèvent tandis qu'il la surplombe. Elle soutient son regard sans ciller. Elle ne se laisse pas intimidée. Il lui en faudrait plus.

Pourtant, la suite des paroles de River la prend de court et la surprise peut se lire sur son visage. « Quoi... ? » Elle met de longues secondes à comprendre. Ainsi, il est persuadé qu'elle a volontairement assassiné l'Eveque parce qu'elle était dans la rébellion. « J'en faisais partie oui » souffle-t-elle. « Mais je l'ai quitté quand Jacob me l'a demandé. » Et maintenant ? C'est différent bien sûre, mais à l'époque, quand son mari lui a demandé de prendre ses distances, Tasya l'a immédiatement fait. En réalité, elle n'a pas fait grand chose au sein de la résistance. Sa dernière action remonte à la visite de la maison du beau-père de Louise, là où ils avaient trouvé des dossiers incriminants sur les généraux, et encore, ce n'était pas relié à la rébellion, seulement à une intuition de Phoebe. Par la suite, ils leur avaient simplement transmis les dossiers.

« C'est sûre que c'est plus facile de croire qu'on a assassiné cet homme plutôt qu'il ait tenté de violer Ray. » Elle se sent lasse de toujours devoir se défendre. « Mais tu te trompes. Je n'aurais jamais organisé l'assassinat de quelqu'un même pour faire tomber cet endroit. Je suis persuadée qu'il y a des moyens pacifiques pour changer les choses. Puis, réfléchis, Ray avait quitté la résistance après sa thérapie et Phoebe... Je ne suis même pas sûre qu'elle en ait réellement fait partie un jour » Qu'il réfléchisse un peu et il verra bien qu'aucun des trois n'a le profit idéal pour commettre impunément un meurtre, encore moins pour l'organiser. « Mon crime est d'avoir proposé d'arrêter les soins sur ce criminel, c'est tout. » Et ça, elle n'a jamais cherché à le nier. « Je ne sais pas qui sont tes sources, mais elles ne sont plus à jour... » Et c'est un peu facile de tout leur faire reposer sur les épaules. « Le chaos et la mort.. Mais River, ce n'est pas la rébellion qui a tiré sur Lynn... » Et elle soutient son regard une fois de plus. « Je ne cautionne pas toutes leurs actions, mais ceux que je connais n'auraient jamais fait du mal à des innocents comparés à ceux que tu vénères. Et à ma connaissance, la Bible ne conseille pas les décapitations, les viols, les pendaisons, les bidonvilles... » A nouveau, elle souffle par le nez « Elle est belle ta terre sacrée, c'est vrai... » Foutaises.

***

A son réveil, les paroles de River la soulagent immédiatement sur la santé de son bébé. Elle acquiesse doucement avant de reposer la tête sur l'oreiller. Le médecin ne tarde pas à arriver. Ses propos sont rassurant, il s'agit probablement d'un peu de surmenage, d'une hypoglycémie, mais le bébé va bien. Il soulève son t-shirt pour faire passer une sonde sur son ventre et l'image de son bébé apparait à l'écran. Tasya n'en perd pas une miette et occulte la présence de River de son esprit. « Est-ce que vous pouvez savoir de quand date la grossesse ? » demande-t-elle alors d'une petite voix. « Difficile à dire, je dirais début septembre » Elle hoche la tête. Elle se sent soulagée même s'il peut encore y avoir un doute sur la paternité.

« Il faut absolument vous nourrir davantage et prendre du repos. » conseille-t-il. Tasya baisse le regard. Ce n'est malheureusement pas possible. Ils crèvent tous de faim dans le bidonville et elle a déjà la chance de pouvoir faire un vrai repas quand elle va faire du ménage chez certains comme John ou Hailey, mais c'est rare.  « Je vais faire mon possible » souffle-t-elle. Le médecin enlève la perfusion et prend congé. La mexicaine se tourne vers River. « Merci » murmure-t-elle. River aurait bien pu la laisser se tordre sur le sol ou la renvoyer dans le bidonville. « Tu peux me raccompagner à l'entrée du bidonville, je me débrouillerais » Même si elle tient à peine debout, elle préfère épargner à River d'entrer à l'intérieur du bordel. Il prendrait probablement feu immédiatement.

Message In A Bottle

Just a castaway, an island lost at sea,
another lonely day with no one here but me
More loneliness than any man could bear
Rescue me before I fall into despair

Un souffle ironique m’échappa, face à sa défense pitoyable. « Parce que c’était légitime à tes yeux de tuer l’évêque s’il était sur le point de commettre un crime ? Vous la « résistance », vous vous élevez en tant que juges et bourreaux tandis que nous nous efforçons de combattre le chaos. Il aurait dû être jugé pour ça. Vous auriez dû prévenir la milice et chercher un médecin, ce que tu as refusé de faire déjà à trois reprises, en te réservant le droit de vie ou de mort. » J’apprenais de sa bouche que Phoebe n’aurait pas mis un pied à la résistance tandis que Ray l’avait quitté à sa thérapie. J’émettais des réserves concernant sa première déclaration, mais la seconde était assez logique. Comment aurait-il pu continuer d’agir dans la résistance après un reformatage total ?

Elle m’avait demandé des nouvelles concernant les récentes manifestations en sachant pourtant parfaitement ce qui s’y était passé. La claque partit sans prévenir, alors que Tasya faisait preuve d’une insolence crasse. « Ma fille était uniquement venue voir l’Adonaï qui était de sortie. Ca ne serait jamais arrivé sans les actes répréhensibles de tes chers amis. Vous citez les passages de la Bible qui vous chantent, et ensuite vous la déchirez à la première occasion en piétinant nos valeurs, nos croyances… voilà ce que vous êtes : des anarchistes, des criminels sans foi ni loi. Et vous ne gagnerez pas. » Mon regard froid resta braqué sur elle, lui intimant le silence. « Tu ferais mieux de te taire avant que je ne décide de te traîner en salle d’interrogatoire pour m’expliquer plus en détail ton implication exacte dans la résistance… estime-toi heureuse d’être enceinte. » Parce que ça ne durerait pas. Tôt ou tard, elle aurait des comptes à régler.

~~~

Sa question au médecin ne m’échappa pas. Tasya tentait de déterminer qui était le père, en déduisant sa date de conception. Je ne fis aucun commentaire tout au long de leur échange. « Je te ramène. » Lui confirmai-je après le départ du médecin. La remettre en selle, dans son état, n’était pas chose aisée… mais c’était toujours moins pire que d’avoir à marcher ou attendre une bonne heure la prochaine calèche qui pourrait la ramener au bidonville. Je fis avancer ma monture à un pas calme, tout en tâchant de la maintenir en selle. Parvenu aux portes du bidonville, il ne fut effectivement pas question pour moi de faire un pas à l’intérieur. Ma main s’était posée sur mon arme de service, tout en l’aidant à descendre de ma monture. Je ne pouvais pas m’empêcher de fixer l’intérieur, m’attendant à tout moment à ce que les choses s’enveniment encore. « Ca ira, jusque là ? » J’allais pour me détourner, avant de me rappeler subitement d’un détail qui avait son importance. Je récupérai quelques tickets de rationnement dans la poche intérieure de ma veste pour lui tendre depuis ma selle. « Tiens. Pour ta peine. » Ce n’était pas grand-chose, mais déjà plus que ce qu’elle aurait eu en temps normal. Si cet enfant était celui de mon meilleur ami, c’était le moins que je puisse faire, même si Tasya ne le méritait pas.

« Ils te feront la guerre, mais ils ne te vaincront pas; car je suis avec toi pour te délivrer. » dit l'Eternel