The Walking Dead RPG

La douleur lui scie les bras, les jambes, s’enfonce dans chacune de ses articulations. Leur chute les a complètement coupés dans leur fuite, et Ray peine à reprendre ses esprits. Paralysé par l’angoisse, les voix qui approchent, les pas qui crissent les graviers, le froissement des buissons qu'ils viennent de traverser. Il hésite, ne sait pas quoi faire, comme si les parois de la piscine se rapprochaient à toute vitesse pour le broyer.

Il se laisse tirer en arrière, rejoint avec Tasya l’ombre de cette pauvre bâche qui ne les protègera de rien. Ils sont serrés l’un contre l’autre, les coeurs battants dans un canon frénétique.

Il ne dit rien. Espère qu’ils sont invisibles aux yeux des miliciens qu’il entend descendre lourdement à leur niveau. Leurs bottes écrasent les débris dans lesquels les deux petites souris essaient de se fondre, alors que leurs prédateurs les provoquent.

Tasya lui suggère de s’enfuir à la première occasion. Ray voudrait pouvoir l'envisager, mais se doute qu’ils ne les laisseront pas filer si facilement.

Il inspire lentement alors que les pas se rapprochent. Ils peuvent aisément entendre les soldats dégager bruyamment tout ce qu’il y a sur leur passage, s’amuser de ce petit jeu de cache-cache. La présence de l’un d’eux se fait beaucoup trop pesante. Son ombre se dessine à l’intérieur de la bâche, remue un peu avant de se figer.

Le coeur du kiné s’arrête.

Un cri étranglé lui échappe quand il se sent agrippé et traîné brusquement contre le sol. Son dos râpe les débris et gravillons, et l’ombre est remplacée par le regard moqueur du soldat qui le relâche. C’est celui du bordel. “Ils sont même pas foutus d’se cacher…” Il fait signe à son collègue d’approcher. Il est plus jeune, clairement amusé, ne se fait pas prier pour venir extirper Tasya de leur pitoyable cachette.

La botte du milicien se pose nonchalamment sur le crâne du kiné qui s’écrase contre le sol humide et puant alors que l’autre y bascule doucement plus de poids. “Vous en faites pas. Le plaisir du chat c’est de jouer avec la souris, pas de la tuer…” Ray ferme les yeux, grince un râle souffreteux quand le talon s’enfonce plus fort dans sa tempe. Il sent que sa tête pourrait subitement exploser sous la pression qui grimpe à une vitesse insupportable. Ce serait probablement préférable. “Allez.” Libéré d’un coup, il a à peine le temps de rouvrir les yeux et respirer que le pied lui frappe directement le visage, le fait basculer tout entier vers la mexicaine, que l’autre n’est pas prêt de lâcher.

Le goût du fer s'immisce déjà sur ses lèvres, alors que Ray tente vaguement de se lever, le nez en sang. Il est immédiatement plaqué au sol par le poids du milicien qui marche sur son dos. “Où tu crois aller ? Votre place, c’est la gueule dans la merde, je crois qu'il va falloir vous le rappeler.” Le brun n’ose plus bouger, relève tout juste un regard terrorisé vers Tasya qui lui fait face. La meilleure chose qui pourrait leur arriver, ce serait peut-être de rapidement s’évanouir.

Un cri lui échappe quand un des miliciens parvient à l'attraper et la tire sans ménagement de leur cachette. Tasya tente de se débattre mais l'homme est trop fort et il lui assène une claque qui l'étourdit légèrement. Elle assiste, impuissante à l'échange de coups. Le milicien est impitoyable et semble beaucoup s'amuser à malmener Ray.

« Arrêtez ! » hurle Tasya quand elle croise le regard terrorisé de Ray. « Laissez-le ! » supplie-t-elle en se débattant de plus belle mais l'emprise de l'homme est trop forte. Il se contente de laisser échapper un ricanement. Les yeux de la mexicaine suivent avec appréhension l'échange entre Ray et l'homme. Malgré ce qu'il lui dit, il va le tuer, c'est certain ! Elle-même est complètement terrorisée, à la fois par ce qu'ils peuvent lui faire et par ce qu'il est en train de faire à Ray.

« Allez viens ma belle, on va s'amuser un peu » lâche alors l'homme qui la tient. « Non, non, non » supplie Tasya tandis qu'il la tire sans ménagement vers une des maisons abandonnées. L'habitation est vide de ses occupants, partis probablement à cause des cris des miliciens. Le soldat la pousse et elle tombe au sol. Apeurée, elle tente de s'enfuir en rampant, mais il la tire par les pieds. Ses doigts tentent de s'accrocher au sol mais elle ne fait que s'écorcher un peu plus. Il se positionne sur elle et Tasya hurle, complètement paniquée. Son visage est noyé sous les larmes. Elle ne veut pas revivre ça. Elle le supplie tandis qu'il déchire ses vêtements avant de brutalement s'arrêter. Il place un doigt sur ses lèvres et lui donne l'ordre de se taire.

Lentement, il se redresse, et s'éloigne vers la fenêtre. Tasya est confuse par ce revirement de situation et elle ramène ses jambes contre elle. Le milicien lui murmure : « N'ayez crainte, je ne vous ferais rien » Elle sanglote, sans comprendre. « Si ce n'était pas moi, ça aurait été lui » souffle-t-il. Une ou deux minutes passent et quand elle comprend qu'il ne la touchera pas, la mexicaine chuchote : « Aidez-nous » L'homme secoue doucement la tête. « C'est la seule chose que je peux faire. Ce n'est pas la première fois qu'il fait ça » confie-t-il à propos de son collègue. « Il ne tuera pas votre ami. » Tasya hoche doucement la tête, à moitié rassurée.

Au bout d'une dizaine de minutes, il l'aide à se relever et au moment de passer la porte, il chuchote « Désolée » Une nouvelle claque retentit et elle sent sa lèvre inférieure saigner. En feignant de se rhabiller, il la tire alors dehors pour rejoindre le petit regroupement où il la laisse retomber au sol, dans la boue. Tasya se recroqueville pour échapper à de nouveaux coups et cherche, paniquée, le regard de Ray.

Les hurlements de Tasya lui vrillent l’esprit. Ray est plaqué face contre le sol, terrifié par ce qui attend son amie. Par ce qui l’attend, lui. Les cris s’éloignent. Il ne la voit plus.

Et puis vient le silence, pire que tout.

Il ne dit rien. Les autres discutent dans une légèreté déconcertante. Tasya est-elle morte ? Le poids de l’homme le maintient à terre. Il aimerait disparaître. S’il se fait discret, peut-être qu’ils l’oublieront ?

Un cri de surprise lui échappe et s’étrangle quand un voile noir tombe sur ses yeux et s’enroule autour de sa gorge. Ray sent la moiteur sale de la bâche lui coller au visage, l’odeur de renfermé, la poussière qui dégringole jusque contre ses paupières fermées.

Il se débat comme il le peut, s’agite. Les secondes s'égrènent alors qu'on relève sa tête en étirant son cou, qu'on lui donne l'impression de se pendre. Il est terrifié. Ray réalise qu’il manquera bientôt d’air, qu’ils vont juste le tuer. Ils laisseront son cadavre au fond de cette piscine désaffectée, ne prendront peut-être même pas la peine de le trépaner.

Putain.

La voix coupée, le buste plaqué au sol par le poids de son tortionnaire, Ray tente tant bien que mal de glisser les doigts entre son cou et la bâche qui s’y resserre. Par moment, un relâchement lui donne droit à une nouvelle bouffée d’air, un espoir rapidement anéanti quand sa prison de plastique se referme.

Il entend leurs voix, ne distingue pas grand chose. “T’étais rapide. T’avais pas baiser d’puis combien d’temps ?” Des rires, et la présence de Tasya qu’il devine plus ou moins. L’échange lui donne droit à un court répit. Mais ils n’en ont pas fini.

Alors qu’il tente encore vaguement de se dégager la gorge, l’un de ses bras est plaqué contre le sol, le poids d’un homme écrasant son coude et sa maigre musculature. Il gémit, suppliant, confus et à moitié asphyxié. Qu’ils le fassent enfin crever…

Mais ils veulent juste s'amuser. Alors on lui redonne un peu d’air, libérant son cri à l’impact de la botte sur son coude. Il le replie contre lui, prend un coup à l’épaule, se recroqueville un peu plus, impact dans le crâne, il a le goût de fer plein la bouche, sent ses côtes s’enfoncer, sa hanche poussée, et ses poumons toujours plus comprimés.

Son corps est secoué à chaque coup, sans qu’il ne puisse jamais prédire où frappera le prochain. Il lui semble de toute façon qu’aucune parcelle de son corps n’échappe à cette pluie de violence qui le réduit en miettes. Et son esprit s’embrume de plus en plus, alors que le peu d’air qu’on lui accorde s’échauffe. Tout devient bouillie de douleur et de peur ; un dernier coup au crâne lui fait perdre connaissance.

Le corps inerte n’intéresse plus beaucoup les prédateurs qui le libèrent de sa bâche pour constater avec satisfaction le rouge qui s'échappe de sa bouche, de son nez. La botte quitte son dos et le milicien s’accroupit aux côtés du kiné pour glisser deux doigts contre son cou marqué, “Il est encore vivant.” Il se relève, approche de Tasya comme si ce passage à tabac l’avais mis en appétit. Il la reluque, de haut en bas, attrape un pan de ses vêtements déchirés pour jeter un oeil à la chair découverte.

Mais son attention est détournée. De l’agitation résonne depuis le centre du bidonville, et les soldats s’échangent un regard agacé. Reposant son attention sur la mexicaine, il replace ce qui lui reste de fripes et se permet un sourire narquois. “Vivement qu’on remette ça.”

Il la lâche pour de bon, fait signe à ses hommes de le suivre. Ils remontent les marches de la piscine et se fraient un passage dans la végétation alors qu'il commence à pleuvoir.

Même si l'homme ne l'a pas touchée, Tasya reste prostrée au sol, tentant de cacher son corps dénudé par ses vêtements déchirés. Elle aimerait disparaitre, s'enfuir loin de leurs regards mauvais. Elle est terrifiée à l'idée qu'un autre homme n'ait envie d'abuser d'elle et que cette fois, elle n'ait pas la chance de tomber sur un bon milicien. C'est un enfer. La cruauté de ces hommes ne semble pas avoir de limites. L'homme qui l'a entrainée dans la maison la maintient fermement, faisant presque un rempart de son corps. Elle essuie le sang qui macule son visage et qui lui donne un goût métallique dans la bouche.

Si elle pensait que leur calvaire était fini, elle se trompait. Ce n'est que le début pour Ray. Lorsqu'ils s'en prennent à son ami et qu'elle voit la bâche autour de son visage, elle laisse échapper un gémissement. « Arrêtez, je vous en supplie » gémit-elle sans pouvoir bouger de sa position. Le milicien  ressert son emprise. Il voudrait probablement qu'elle se taise mais elle en est incapable. Quitte à attirer l'attention sur elle à nouveau, tant pis, ils ne peuvent pas tuer Ray ! Non, ils ne peuvent pas ! Elle supplie encore, vainement et assiste impuissante à la torture de son ami. Lorsqu'il tombe dans les pommes, elle laisse échapper un nouveau sanglot.

Lorsque leur tortionnaire se détourne de Ray pour s'avancer vers elle, le milicien est contraint de se décaler et elle tente de reculer en laissant échapper un nouveau gémissement plaintif. Acculée contre le rebord de la piscine, elle tente de se débattre mais elle sent ses mains calleuses saisir ses vêtements déchirés et les yeux de la brune s'écarquillent d'effroi. Heureusement, il la relâche assez vite quand leur attention est détournée par de l'agitation un peu plus loin. Ses dernières paroles lui font froid dans le dos et heureusement, le petit groupe d'hommes commence déjà à s'éloigner.

« Brian, tu te ramènes ? » Le milicien hésite, leur lance un dernier regard avant de les suivre. Dès qu'ils ont disparu de son champ de vision, la mexicaine se traine jusqu'à Ray. En sanglotant, elle se penche vers lui : « Ray... » La pluie tombe de plus en plus fort sur eux. Ses mains s'affairent, examinent s'il n'a pas de blessure grave. Elle ne repère pas de plaie, seulement des coups, des marques de strangulation, ça et là, la peau du kiné prend déjà des teintes violacées. « Ray... » répète-t-elle, le suppliant de revenir à lui. Il faut qu'ils partent d'ici, et vite mais elle est bien incapable de le soutenir, de le porter. Il doit se réveiller, il le faut !

C'est finalement de longues minutes plus tard qu'il revient totalement à lui. Avec peine, Tasya l'aide à se remettre sur ses pieds et ils prennent le chemin du bordel, jetant de petits coups d’œil nerveux autour d'eux, de peur de voir apparaitre à nouveau le groupe d'hommes. « Il ne m'a rien fait » chuchote-t-elle tandis que leurs pas les amènent enfin sur le perron du bordel. « Le milicien ne m'a rien fait » répète-t-elle. Il y a en au moins un qui n'est pas mauvais. C'est la seule petite note positive de la journée....