The Walking Dead RPG

J’ai un froncement de sourcils avant de souffler, songeuse. « Ca m’arrive souvent. Parfois je descends et j’oublie pourquoi je l’ai fait. » Et j’ajoute, dans un murmure, plus pour moi-même qu’autre chose. « Maman m’avait dit que la grossesse pouvait changer bien des choses. J’aurais aimé pouvoir en parler avec elle. » Mais ce ne sera pas possible. Parce que Dieu a décidé de me la reprendre. Mon regard se voile un instant à cette pensée, alors que des sentiments contradictoires se bousculent dans tous les sens et me font perdre cette distance que j’aurais aimé garder avec Tasya.

Je la fixe, sans trop comprendre ses paroles. « Pourquoi tu es désolée pour moi ? D’après certains, je l’avais bien mérité de toute façon. » Je ne suis pas idiote, j’ai encore en tête les paroles des femmes qui nous ont alpaguées durant cette manifestation. Et je suis sûre qu’une femme comme Tasya ne doit pas en penser moins. Je sens tout de même mes mâchoires qui se contractent alors qu’elle commence à se justifier.

Et j’avoue que, dans l’immédiat, je ne sais pas quoi lui répondre. A part qu’elle est sacrément culottée. Je bats des cils alors que je l’observe, avant de souffler, d’un ton incrédule. « Tu es donc en train de justifier un meurtre ? C’est bien ça que tu es en train de faire ? » Je secoue la tête avant de reprendre, essayant de rester aussi calme et posée que possible. « Est-ce que tu comprends au moins ce que tu as fait ? Qui es-tu pour décider de qui doit vivre ou qui doit mourir ? Ou pour décider de qui est un monstre de qui ne l’est pas ? » Je claque ma langue contre mon palais, alors qu’elle me parle d’avances que lui aurait soi-disant fait l’Evêque. Je me demande ce qu’elle serait prête à inventer pour justifier de ses actes, pour alléger sa conscience. Mais ça ne prend pas avec moi.

Alors j’ajoute, d’une voix plus sèche. « Son sort était scellé à partir du moment où il t’a écoutée. Il aurait eu des gens pour le défendre. Peut-être qu’il aurait pu mieux s’en sortir. Mais non. Tu as décidé d’arrêter de soigner un homme. Volontairement. Et rien ne pourra jamais excuser ça. » Tu ne tueras point. C’est l’un des dix commandements. Mais visiblement, c’est quelque chose qui semble lui passer largement au-dessus de la tête.

Au reste, je laisse filer un rire sans joie. « Tu es en train de minimiser ce que je suis en train de vivre ? Vraiment ? Alors que je n’ai rien fait d’autre que de rester à ma place ? Je ne devrais pas me plaindre, c’est ça l’idée ? » Et mon regard finit par accrocher le sien de nouveau. « Tu n’as pas la moindre idée de ce que j’ai pu perdre ou pas jusque-là. »  Quant à la détester. Je n’en ai même pas envie. Je la méprise surtout et je ne pensais même pas être capable de ressentir ce genre de choses. « Mais sérieusement Tasya… comment tu pensais que les choses allaient se passer à partir du moment où cet homme est mort ? Tu croyais qu’on allait vous sermonner et vous laisser vaquer à vos occupations comme si de rien était ? Vous avez passé des semaines à taire la vérité en espérant que personne ne dirait rien. En plus d’un meurtre, vous avez menti. A votre entourage. » Quand je pense que c’est moi que l’on traite de naïve et d’idiote. Décidément.

Be Brave - Be Kind - Be You

Un bref sourire soulève les lèvres de Tasya quand Lynn évoque sa mère et son absence. Elle ne peut que compatir aux paroles de la jeune femme. « Ma mère ne m'a jamais autant manqué que lorsque j'étais enceinte... » confie-t-elle à son tour. Elle aurait donné chère pour pouvoir avoir ses conseils, lui confier ses doutes, partager ces moments avec elle et lui faire découvrir son petit fils et sa petite fille. Une fois de plus, son ventre se noue en pensant à sa propre grossesse, aux jumeaux qui lui ont été retiré, et à ce futur bébé qui va aussi grandir loin d'elle. Un éclat sombre passe dans son regard tandis qu'elle détourne les yeux.

La mexicaine secoue la tête. « Tu n'as rien mérité du tout. » rétorque-t-elle. Tasya ne sait pas exactement ce qu'il s'est passé lorsque Lynn a été blessée. « Tu n'es pas du genre à t'attirer les ennuis » continue-t-elle. « Alors, je ne vois pas pourquoi ce serait mérité. » Ses yeux descendent sur le ventre rebondi de Lynn. « Et même si tu avais fait quelque chose, je ne te souhaiterai pas de finir coincée ici, blessée au risque que ton bébé soit touché aussi.. » Elle ne le souhaiterait à personne.

La brune cille légèrement aux paroles de Lynn. Est-elle en train de dissimuler un meurtre ? Théoriquement, elle n'a rien fait, elle n'a tué personne, mais c'est tout comme. Si elle n'avait pas proposé cette alternative à Ray, l'Evêque serait - peut-être - encore en vie. Il avait perdu tellement de sang, que rien n'aurait été certain. « Non, je... » commence-t-elle, légèrement confuse. « Je sais ce que j'ai fait » Est-ce qu'elle pourrira en enfer pour cela ? Peut-être, elle espère avoir suffisamment éponger sa dette dans ce monde pour être épargnée dans l'au-delà. « Je dis seulement que vous n'avez pas cherché bien loin ce qu'il s'est réellement passé. Pourquoi crois-tu que Ray ait poussé l'Eveque ? Pourquoi penses-tu que j'ai proposé d'arrêter les soins ? Tu penses que nous avons fait ça sur un coup de tête ? » Elle secoue la tête, ce n'est pas aussi simple.

« Tu as raison, je n'aurais pas dû proposer cela, et je ne l'aurais pas fait si New Eden avait un système de justice cohérent et non, pourrit jusqu'à la moelle. Je n'aurais jamais souhaité la mort de cet homme si je savais qu'il serait puni pour son crime. » Elle s'arrête, ferme les yeux un bref instant, consciente qu'elle perd patience et parle trop, beaucoup trop. « La vérité c'est que cet Eveque a profité de la faiblesse de Ray et de probablement beaucoup d'autres avant lui. Ray l'a volontairement poussé et suffisamment fort pour qu'il se frappe l'arrière du crâne contre une table, mais c'était de la légitime défense. Hors, s'il était encore vivant, ils auraient opposé sa parole contre celle de Ray. Personne n'aurait cru un homosexuel soi-disant guéri qui s'est défendu d'un homme de Dieu qui voulait lui imposer des relations sexuelles. » Elle s'arrête et regarde Lynn : « Regarde, même toi, tu ne me crois pas » Parce que c'est trop gros pour ce groupe : un Evêque s'attirant les faveurs d'un homosexuel "guéri". Ils pourront le décrier longtemps, c'est inutile : ils seront toujours fautifs parce que ça les arrange bien. Il ne faut surtout pas ternir l'image de leur joli petit groupe.

« Je ne minimise rien du tout Lynn. » souffle-t-elle en gardant son calme. « Je sais que tu as tout perdu : un foyer, un époux, une image » Et bon sang, comme si une image pouvait encore compter face aux horreurs de ce monde. Tasya finit par secouer doucement la tête. Inutile de chercher à discuter avec la jeune femme, elle est beaucoup trop convaincu du bien fondé de ses paroles. « Tu ne devrais pas t'énerver » murmure-t-elle. « Tu as raison, j'ai commis un crime et j'ai été punie en conséquences » souffle-t-elle. « Chaque jour qui passe, je paye pour ce crime et je le paierais jusqu'à la fin de ma vie » Parce que les prochains mois seront tout aussi difficile. « Tu repenseras peut-être à moi le jour où tu ouvriras les yeux sur ce groupe, toi aussi » Parce que ce jour arrivera, tôt ou tard.

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Rescue me before I fall into despair

J’ai un bref soupir, laissant filer, sans même m’en rendre compte. « Elle me manque tous les jours. » J’aurais aimé qu’elle puisse voir son fils grandir. Et ses petits-enfants. Mais elle n’aura pas cette chance. J’ai envie de croire qu’elle nous regarde de là-haut et qu’elle est heureuse de voir que la vie continue malgré tout, même si ça ne change rien à la douleur de devoir vivre sans elle. Douleur qui ne s’est pas vraiment atténuée, même si ça fait un an maintenant. Probablement parce que je vis des moments difficiles ou que je vais être mère moi-même, difficile à dire.

A ses réponses, je lui lance un regard dubitatif. Avant de souffler, mâchoires serrées. « Tes amis rebelles nous ont insultées parce que nous n’avions pas le même avis qu’eux. L’une d’elle a même giflé mon amie parce qu’elle n’était pas d’accord avec ses propos. Une autre a même jeté un cocktail molotov dans ma direction, sans se soucier de savoir si j’allais vivre ou mourir. Alors je te garantis que, d’après eux, j’aurais mérité de ne pas me relever de cette balle. » Mais Dieu a été de notre côté.

Et je fronce les sourcils quand elle reprend. « Nous n’avons pas cherché plus loin ? A quel moment tu aurais voulu que je cherche à savoir ce qui s’est passé ? Pendant les semaines où Ray m’a menti et caché la vérité ? Ou alors depuis qu’il a été disgracié et qu’il ne donne plus le moindre signe de vie, me faisant bien comprendre que tout ça, tout ce qu’il m’avait dit, c’était du vent et qu’il ne se soucie pas le moins du monde de son propre enfant. Vas-y, à quel moment j’aurais dû l’écouter s’il ne m’a jamais parlé de ça ? Je suis toute ouïe. »

Du reste, je reprends, la fixant sans ciller. « Tu as donc bien souhaité la mort d’un homme. Et tu as proposé d’arrêter les soins. Sans même savoir si quelqu’un vous écouterait, parce que vous êtes persuadés que cet endroit est pourri. Je suis là depuis 7 ans Tasya et il ne m’était jamais rien arrivé de mauvais, jusqu’à ce que Ray entre dans ma vie. Ce n’est peut-être pas cet endroit le problème. Mais certaines pommes pourries qu’il faut éloigner du reste du panier. » Je roule des yeux quand elle continue, avant de claquer, plus sèchement. « Tu ne me laisses même pas le temps d’y croire ou non que tu as déjà acté que ce n’était pas le cas. Tu nous reproches de ne pas t’écouter, mais tu ne fais pas mieux. » Après tout, ça aurait expliqué pourquoi Ray était dans cet état. Et tout le monde peut trébucher. Peut-être que je l’aurais écouté, il y a des mois de ça, quand c’est arrivé. Mais là, c’est beaucoup trop tard.

Et j’ai un soupir quand elle continue. « Je me moque de mon image Tasya. Je sais juste que mon fils va grandir privé de père et qu’on parlera de lui derrière son dos. Qu’il ne sera à sa place nulle part, tout ça à cause de ce que vous avez fait. » Quand elle continue, je me demande si elle essaie de m’attendrir ou quelque chose du genre. Mais ça ne prend pas. Pas vraiment. Surtout quand c’est suivi de reproches. « Qu’est-ce que tu entends par ouvrir les yeux ? »

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Tasya a une petite moue triste. Elle peut comprendre que le deuil soit dur à faire, surtout que la mort de la mère de Lynn a été assez brutal. Elle repense forcément à l'épidémie survenu un an plus tôt. Cela lui semble si lointain et en même temps si proche. « Et elle te manquera encore plus dans les prochaines semaines » murmure la mexicaine. Plus le terme avancera et plus Lynn risque de se retrouver dépassée par tous ses doutes, ses questions. Elle l'a vécu il y a quelques mois et elle n'était pas dans la position délicate de la future maman devant elle. Et surtout, elles n'ont pas le même âge. Lynn est si jeune encore. Ce sera encore plus dur, forcément.

La suite est beaucoup plus dure. Tasya écoute et encaisse les accusations de Lynn sur ce qu'il s'est passé. Si elle connaissait les versions de Hoani ou de Mason, elle n'avait pas encore connaissance de celles des civils présents sur place. « Je ne cautionne pas ce type de violence » soupire-t-elle. Quoique puisse croire la fille de River, Tasya n'a jamais touché ou mis en danger une innocente. A ses yeux, elle n'est pas une criminelle. « Ce n'était pas une manière de faire et jamais elles n'auraient dû s'en prendre à toi » Elle secoue doucement la tête. « Et la balle ? » demande-t-elle à propos de la blessure de Lynn. « Qui a tiré ? » La question n'est pas un piège.

Tasya pince ses lèvres. Elle ne peut pas défendre Ray. C'est vrai qu'il ne semble pas particulièrement inquiet du sort de Lynn ou de son enfant. Il en parle très peu et semble surtout regretter l'ancien confort de sa situation plus que la personne avec qui il partageait sa vie. Elle ne trouve même pas la force de répondre ou les mots pour la réconforter à ce niveau-là. « Je.. Je sais que ce n'est pas évident pour tous ceux qui sont restés aussi » commence-t-elle, à propos de Lynn, de Jacob et des autres. Par leurs actes, Ray et Tasya ont précipité leurs proches dans un chaos sans nom et la culpabilité à ce niveau-là, l’étouffe beaucoup.

La suite, par contre, elle ne peut s'empêcher de se défendre : « Et j'ai assumé toutes mes paroles Lynn. Je ne l'ai pas caché à ton père lorsqu'il m'a interrogé. » Elle en avait assumé toutes les conséquences et n'avait pas cherché à faire reposer la faute sur un autre. Est-ce que ça l'innocente pour autant ? Oh non, elle saut que ce n'est rien. « Certaines... pommes pourries » reprend-elle, totalement consciente que c'est de Ray et d'elle dont il s'agit. Elle ferme les yeux, sentant la colère monter. La mexicaine s'emporte rarement et elle sait qu'elle ne doit pas le faire là, devant Lynn. Elle est la fille de River et elle a besoin de continuer à faire du ménage ici. Elle a besoin de ces tickets de rationnement. Elle pince ses lèvres à nouveau et ne prend pas la peine de répondre.


Ouvrir les yeux ? Tasya secoue la tête : « Je demande juste de la justice. Tu sais ce qu'ils font des pommes pourries ? Ils ont torturé ma belle-sœur Phoebe, et ils lui ont arraché un œil alors qu'elle n'avait rien fait. Et moi, ils m'ont battu tellement fort que j'ai eu plusieurs fractures, puis l'un d'entre eux m'a violé. » Ses poings se serrent « Un médecin m'a examiné, a constaté le viol puis ils ont brûlé le dossier et mon violeur se promène encore librement; Et maintenant, on est enfermé là-bas, avec à peine de quoi se nourrir.  » Sa main se pose instinctivement sur son propre ventre. Elle fixe Lynn d'un regard froid : « Tu as été protégée pendant 7 ans, tu as de la chance. River est un excellent père » Elle ne peut pas lui retirer ça. Il fera tout pour sa famille, mais il ne peut pas les garder sous cloche indéfiniment. La balle qu'a reçu Lynn en est la preuve. « Mais songe à ta sœur, à Maelys, dans quelques années, elles seront forcées à être mariée, peut-être à quelqu'un de beaucoup plus âgées qu'elles. Elles seront peut-être violées comme le sont beaucoup de filles ici. Tu le sais ça ? C'est ça la réalité sur ton monde parfait » soupire-t-elle. Et déjà, elle regrette ses paroles. Elle aurait mieux fait de garder le silence et de laisser couler sans risquer à nouveau des représailles.

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J’ai un soupir, mon regard se perdant dans le vide quelques instants. Elle me manque à chaque instant et j’ai le sentiment qu’aucun des moments importants que je pourrais vivre n’aura jamais autant de saveur que si elle avait été là. Mais je ne peux pas en vouloir à Dieu de l’avoir ramenée près de lui. J’ai envie de croire qu’elle continue de veiller sur moi et qu’elle est heureuse de voir cet enfant arriver.

Et j’aurais aimé que les choses restent aussi simples. Que Tasya ne me fasse pas sortir de mes gonds. Je prends une grande inspiration à ses propos, laissant filer un silence. « On dirait que tout le monde ne pense pas comme toi. » Je fronce les sourcils à sa question. « A ton avis ? Les seules personnes armées étaient les Trônes. Ils devaient protéger l’Adonaï et les rebelles avaient généré le chaos avec leur explosion. Une balle perdue, voilà ce que c’était. » Je sais que j’ai manqué de chance en me retrouvant au milieu, prise entre deux feux. Que jamais l’Adonaï n’aurait voulu tuer une de ses brebis, enceinte qui plus est.

Du reste, je sens mes mâchoires qui se contractent. « Au moins toi, tu as l’air de t’en soucier. Ce n’est pas le cas de Ray. » Je ne peux pas dire que j’ai le cœur brisé, n’ayant jamais développé de réel sentiment amoureux pour lui. Mais je ne peux pas nier que je ne suis pas triste ou blessée par son silence. S’il avait voulu, il aurait pu donner des nouvelles. Ou en prendre. C’est peut-être pour ça que je souffle, un peu plus sèchement que je le voudrais. « De toute façon, tu pourras lui dire que cet enfant ne sera jamais le sien. Il a perdu ce droit en décidant que sa propre existence était plus importante que celle de ce bébé. Enfin, si tant est que ça l’intéresse, ce dont je doute. » De toute façon, il n’a même pas essayé de me contacter dans la foulée pour se justifier, s’excuser ou que sais-je encore. Je suis tellement idiote d’avoir pu croire, même un instant, que je pouvais compter pour lui. Je me sens bien plus amère que je le voudrais, alors que, sur ce point tout du moins, elle n’y est pour rien.

Et si je pensais en avoir fini, voilà qu’elle s’emballe et commence à me raconter en détails ce qui leur serait – soi-disant – arrivé. Ce qu’elle me dit me donne tout de même la nausée, mais je refuse de montrer le moindre signe de faiblesse devant elle. « Pourquoi ils auraient fait ça ? Qu’est-ce que ces gens auraient à y gagner ? » J’avoue, je ne comprends pas pourquoi tant de monde s’acharnerait à faire disparaitre les preuves si elles étaient vraiment des victimes. Il y a quelque chose qui ne colle pas, que je n’arrive pas à comprendre. « J’ai peut-être de la chance. Mais j’ai aussi su rester à ma place. » Contrairement à elle. Et ça, visiblement, elle ne semble pas prête à l’admettre. Je finis par la fixer longuement quand elle continue. « Parce que ça a été ton cas ? Ton mariage était forcé ? Ou le mien ? Ou celui de Jena ? » Je pourrais continuer longtemps comme ça. « On dirait que toutes les femmes de cet endroit sont mariées contre leur gré et violées tous les jours à t’entendre. » Peut-être qu’il y a des failles, des personnes qui se plaignent, mais rien n’est parfait après tout. « Ma sœur et Maelys feront des bons mariages, je sais que papa va s’en assurer. » Je ne vois même pas pourquoi je douterais de la question.

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« Une balle perdue » répète-t-elle, un peu septique. Hoani lui a prétendu le contraire, Mason aussi. Les soldats ont-ils réellement tiré à l'aveugle dans la foule sous les ordres de l'Adonaï ? Cela semble tellement cruel, même pour elle qui ne porte déjà plus l'Adonaï dans son cœur depuis un moment. Ses yeux se posent sur le ventre rebondi de la jeune femme puis, elle relève le regard vers elle. « Tu en es certaine ? » demande-t-elle finalement. Même Tasya a quelques doutes. La cruauté de cet homme, de ces trônes n'a pas de limite ? « On m'a dit qu'ils se fichaient bien de faire des victimes... » souffle-t-elle, prudemment, guettant une réaction de la part de la jeune femme.

Tasya pince ses lèvres et ne sait pas vraiment que dire à la jeune femme à propos de Ray. Elle garde le silence tandis que Lynn parle du bébé et du fait que son père ait perdu son droit dessus. A-t-elle raison ? Ray s'en fiche-t-il à ce point ? Elle n'en a aucune idée malheureusement. Elle hoche la tête, mal à l'aise à l'idée de transmettre un tel message. « Tu peux aussi... lui écrire une lettre si tu veux, je lui transmettrais. » Lui a-t-elle précisé qu'elle vivait avec lui ? Non, pas vraiment et elle n'est pas certaine que ça joue en sa faveur. « Peut-être que ça peut te soulager.... de lui écrire directement » propose-t-elle plus prudemment cette fois. Elle n'est pas dans la tête de Lynn et n'a aucune idée de ce qui lui ferait du bien, en réalité, mais si Tasya était en colère, en parler directement serait plus simple pour elle, même par le biais de l'écriture. « Je suis désolée, pour ce que tu vis » souffle-t-elle. Tasya ne se sent pas l'unique responsable, elle est plutôt attristée par le sort de Lynn et par son malaise.

Tasya secoue la tête. « Mon mariage n'a pas été forcé, non. Je sais que j'étais très chanceuse de rencontrer Jacob et de pouvoir l'épouser par amour, mais j'ai travaillé à la clinique, j'ai vu des tas de femmes, de filles même, persécutées par leurs maris, forcées de les épouser, de se soumettre à eux, d'avoir des enfants alors qu'elles n'étaient pas prêtes à être maman et qu'elles ne le voulaient pas. Je les ai vu, elles sont nombreuses, elles souffrent en silence... Elles sont violées, battues... » Elle s'arrête, tente de lui donner un exemple plus concret : « Lynn, tu as forcément lu leur manuel, tu ne trouves pas ça aberrant ? » Le manuel de la petite femme soumise qui doit attendre sagement son mari avec une maison propre, un plat au chaud dans le four, être parfaite et se soumettre aux exigences de son mari. Bien vite, Tasya réalise alors que Lynn a grandi avec tout ça, pour elle, c'est sa normalité. Et elle trouve cela vraiment triste. « Je t'assure que ce n'est pas normal tout ça. Un mariage devrait être uniquement un choix guidé par un amour sincère et profond, pas des lois. » Elle hausse les épaules et se recule, préférant mettre un terme à la discussion, craignant plus que tout des répercussions de la part de River.

Quand Lynn évoque les futurs mariages de sa soeur et la fille de Jena, des mariages probablement choisis par River, Tasya hoche tristement la tête. « Je l'espère pour elles, vraiment. Je le leur souhaite de tout mon cœur de trouver un mari bon et aimant et pas un violeur. » Lynn réalisera alors peut-être que River ne pourra pas tout le temps les protéger.

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J’ai un bref froncement de sourcils à son attention. « Je ne comprends pas ta question. Bien sûr que je suis certaine. » Et, quand elle reprend, je lève les yeux au ciel. « Evidemment. C’est bien plus facile de faire passer les soldats pour les méchants de l’histoire. Ce on t’a parlé aussi du cocktail molotov lancé vers nous ? J’aurais pu brûler vive. Mais ce n’est pas aussi grave qu’une balle perdue en effet. » Il y a toujours deux poids, deux mesures avec eux. Et ça m’agace.

A l’évocation de Ray, je sens mon estomac se nouer. Et je secoue la tête à sa question. « A quoi ça servirait ? Je dois juste accepter le fait qu’il m’a prise pour une idiote et qu’il se fiche totalement de l’enfant qui aurait dû être le sien. » Tout en parlant, je pose mes deux mains sur mon ventre, comme pour rappeler à ce bébé que moi, je serais toujours là pour le protéger. J’ai tout de même une œillade un peu interloquée quand elle me dit qu’elle est désolée pour ce que je vis, sans trop comprendre pourquoi elle est aussi gentille. « Ce n’est pas ce que veulent tous les rebelles ? Détruire les vies de ces maudits fanatiques aveugles qui ne comprennent rien de ce qui se passe ? » Soufflé avec plus d’agacement que je le voudrai, alors qu’elle en vient à parler des mariages forcés ou des viols.

Et je me retiens de soupirer quand elle me parle de ce qu’elle a vu. « Etre une mère ou une épouse n’est pas forcément une envie. C’est un devoir. C’est le nôtre, c’est que nous avons à faire pour aider à reconstruire l’humanité. Nous pouvons enfanter et ce serait égoïste de ne pas le faire. » Du reste, j’ai un froncement de sourcils. « Une femme ne peut pas être violée par son mari. C’est … normal, qu’elle accomplisse son devoir conjugal. Je ne vois pas pourquoi elle serait forcée de quoi que ce soit. » Ce n’est pas comme si c’était une surprise. Il faut se donner à son époux, même quand nous n’en avons pas envie. C’est ce que j’ai fait avec Ray après tout. Je n’ai jamais attendu nos étreintes avec impatience ou avec envie. Je l’ai fait parce que c’était nécessaire. Pour avoir ce bébé.

A sa question sur le manuel, je hausse une épaule. « Je préfère avoir à apprendre celui-là que de devoir me battre tous les jours contre des rôdeurs ou me faire violer par des pillards. Les choix que nous avons en tant que femme sont limités Tasya. Ici, si tu te tiens bien, si tu suis les règles de Dieu, tu as un toit et des gens qui veillent sur toi. Tu as tout à y gagner. » Ou à y perdre quand on dérape, comme elle a pu le faire. « Tu étais heureuse non ? Quand tu as eu tes enfants. Que tu t’occupais de ta maison pour eux et pour ton époux. Tu suivais juste ces règles, ce manuel, que tu trouves si aberrant. Si on trouve le bonheur et l’épanouissement à faire tout ça, en quoi est-ce un problème ? »

Et, au reste, je la fixe longuement. Avant de souffler, d’une voix plus douce. « C’était peut-être normal avant. Mais tu ne peux pas continuer de juger le monde qui t’entoure avec tes anciennes règles Tasya. Regarde où ça t’a menée ? » Et encore, il y a quelques dizaines d’années, c’était ainsi que ça fonctionnait. L’idée d’un amour profond et sincère envers un potentiel époux me laisse de toute façon dubitative. Et j’ai un silence quand elle parle de mes sœurs. « Elles auront le mari qu’elles méritent. Je sais que papa saura faire au mieux. »

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