Je commence à me lasser de ce lit, de cette chambre, de ces examens médicaux. Je hais être coincé ici, je hais être mutilée, je hais être un poids. Je hais ne plus sentir ma jambe gauche. Mais la haine n’est pas la solution je le sais. J’ai déjà subis un crash et j’ai déjà réussi à me relever, je dois avancer. J’ai un aérodrome à gérer, un avion à remplacer, j’ai des problèmes qui s’accumulent et je suis encore coincée là.

Des bruits de pas, une porte qui s’ouvre et je vois May qui entre dans la pièce, elle m’apporte des soins, au lieu d’être en train de s’entrainer. Que fait-elle à perdre son temps ici ? Elle devrait apprendre de mes erreurs et être en train de réparer son appareil : « May. » Je la salut brièvement avant de déchirer une des feuilles que j’ai sur mon bloc note. Au moins, elle pourra me servir de messagère : « J’aurai besoin que tu ailles voir Crownfield pour moi. » Je luis tends la feuille, où mon écriture annonce une longue, très longue liste de tâches et d’objets. Du travail pour tous les membres de l’aérodrome.

« C’est une liste de composant qu’il doit commencer à fabriquer le temps que je sortes de l’hôpital. » Je replonge le nez sur ma liste, sur les schémas, sur mes estimations et mes calculs. Il faut que nous nous relevions le plus rapidement possible de ce contre temps. Quelques secondes plus tard, je reviens vers elle et je lui demande calmement : « Il faudra modifier les commandes du palonnier de mon spitfire. Je pourrai sortir quand ? » Je ne tollèrerai pas de réponse autre que « rapidement »suivit d’une estimation quantifiable de ce « rapidement ». Je repose le stylo en regardant May : « J’ai besoin de retourner travailler. » Besoin. Pas envie. Besoin. Je ne suis pas un poids mort.

Je ne veux pas de la compassion de May, je veux son efficacité, je veux sa détermination, je veux son talent. Je veux qu’elle ne connaisse jamais la situation dans laquelle je suis.

Dans les airs, une machine cesse  d'être un assemblage  mécanique

Elle s'anime et exprime , le tempérament du pilote.

KoalaVolant

« Adrienne. » Une journée de plus à saluer De Castel comme si elle était un robot. C'est tout ce qu'elle accepte, de toute façon. Pas le temps pour les fioritures, les inutilités. La brune ne veut pas de leur pitié, ni de leur compassion. Le personnel du dispensaire au grand complet fait tout en son pouvoir pour l'aider, mais elle ne semble pas prête à accepter le moindre coup de pouce. D'ailleurs, May commence à peine à nettoyer le site de l'amputation que déjà, son aînée lui donne des ordres. Comme si la blessure n'existait pas, que rien de tout ça n'était réel. Goldie se demande même si Adrienne ose simplement regarder sa jambe gauche, depuis l'écrasement.

La petite s'empare donc du morceau de papier - forcée d'arrêter le changement de pansement. Elle parcourt rapidement la longue liste, écoutant la pilote lui demander l'implication de Crownfield. Et elle fronce un peu les sourcils. Est-ce que c'est le moment approprié pour faire une telle demande? Non. Est-ce que de lui imposer une telle chose, là, tout de suite, est idéal? Non plus, principalement parce que la priorité d'Adrienne devrait être son rétablissement, et rien de moins.

« Crownfield bosse déjà sur - » Pas le temps de placer un mot qu'elle lui parle de composants à fabriquer, dans la hâte. Liv pose les billes sur ce qu'elle gribouille, un instant, avant de revenir à ses traits, visiblement contrariée. « Je crois qu'il est bien au courant de l'état de ton bolide et du palonnier. Il est déjà en train de planifier ce changement, en plus de nous aider à réparer les autres avions. Avec Wayne, on est en train de produire du câblage qui servira à rebâtir les circuits électriques des petits monstres. » Les petits monstres, oui. Les avions du WASP, c'est le nom qu'elle leur donne.

Évidemment, elle ignore ses questions par rapport à son possible congé du dispensaire. « Ça avance, mais... C'est un travail de longue haleine. » Le choix de ses mots est judicieux, certes. Puisqu'elle parle autant de son rétablissement que de la réparation des oiseaux de métal. Mais Adrienne n'abandonne pas pour autant, lui affirmant qu'elle doit absolument retourner bosser.

May relève les cils vers elle, se stoppant à nouveau alors qu'elle tente simplement de nettoyer sa putain de plaie. Elle soupire tristement, un brin agacée. « Je n'ai pas de réponses précises à te donner, et tu le sais. » Liv comprend, le pire. De Castel veut des chiffres, des évidences. C'est ce à quoi elle est habituée, ce qui lui permet de continuer, la plupart du temps. Mais c'est beaucoup plus compliqué que ça - surtout si elle ne cesse pas d'avoir cette attitude négative, par rapport à sa propre santé. Goldenberg retire donc ses mains gantés de son membre amputé, venant planter son regard dans le sien. « Tu veux bien me faire signe, quand tu voudras me laisser prendre soin de ta jambe? » Non parce qu'elle pouvait aussi se barrer et s'occuper de gens qui veulent vraiment être traités. « C'est aussi important que ton avion, sinon plus. »

'You got a million shadows there, dancing in your head, calling out your name. You got the battles, you got the scars. You got the crack in the windshield view and the curse of the full moon but oh babe, you got heart.

Je ne suis pas la patiente la plus amusante a traiter, j’en conviens. Je dois très certainement être difficile et énervante. Je sais bien que May et les autres font des efforts mais j’ai l’impression qu’aucun ne comprend ce que je tente de faire avec eux. Comprennent-ils que je fais en sorte que ce qui m’arrive ne leur arrive jamais ? May a raison, je lui fais signe de continuer, je vais prendre mon mal en patience le temps qu’elle termine ce qu’elle doit faire. Je ne voudrai pas qu’ils coupent encore plus haut. Déjà là, c’est suffisante. Je finis par concéder que May fasse son travail :

« Oui c’est important. » J’imagine que plus vite ma jambe sera soignée, plus vite je pourrai retourner sur les pistes et dans le cockpit de mon appareil. J’ai encore des choses à prouver et plus maintenant que je suis une infirme. May me voit-elle comme une infirme maintenant ? Suis-je moins digne de son respect maintenant que je suis la seule a avoir été abattu ? Je sais que de nombreux as l’ont été mais mon égo ne supporte pas d’être comme ça, faible et à la merci de tous…

Je tente d’apaiser un peu « J’en entendu dire que tu avais eu un kill. » Je n’avais pas eu tous les détails et en fait, j’étais tellement omnubilé par mes propres problèmes que je n’ai pas pu parler avec May de son exploit. Ça lui en faisait deux maintenant, une belle performance pour une pilote aussi jeune qu’elle. Je suis fière d’elle, il n’y a pas de toutes sur le sujet et je suis effroyablement curieuse de son ressenti pour ce qui est littéralement sa première mission en solo sans aucun appuis à part elle-même. L’hélicoptère d’Ashley ne comptait pas, nous parlons d’avions là :

« Raconte-moi comment tu as fait. » Je veux savoir si elle a opté pour une passe frontale, une chasse sur les six heures ou si elle l’a eu suite à un plongeon. Si elle veut que je sois plus facile à soigner, elle va devoir me donner tous les détails de sa performance.

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Bien. Adrienne semble enfin vouloir la laisser faire son boulot - c'est pas trop tôt. Elle semble accepter de baisser les armes, pour une fois. Peut-être qu'avec le temps, elle comprendra que d'accepter sa situation est le chemin le plus rapide vers le retour à la vie normale. Enfin, aussi normale que possible, certes. May hoche de la tête, du coup, quand son aînée est capable d'avouer que sa santé est importante. Elle se penche donc à nouveau sur sa jambe amputée, concentrée et silencieuse. Ses doigts agiles savent quoi faire - même si le processus est plus long qu'à l'habitude, principalement à cause de son poignet fracturé et de sa commotion cérébrale. Elle peut bien vouloir faire la morale à De Castel, mais la blonde aussi ne fait que filer à cent à l'heure.

Elle lève les cils vers la pilote, quand elle parle à nouveau. Difficile de ne pas sourire, d'ailleurs, à la mention de son plus récent succès. « C'était un travail d'équipe. » lâche d'abord la miss, avant de sourire un peu plus grand. « Mais oui, un kill de plus à mon tableau de chasse. » admet-elle ensuite, osant finalement être un peu plus fière de cet exploit.

« C'était particulier de voler sans le WASP dans mes oreilles, et sans filet de sécurité. » souffle-t-elle en riant un peu en terminant de recouvrir la plaie avec un pansement stérile. Et quand la brune demande à savoir tous les détails de la manoeuvre, Liv retire ses gants, les jetant dans la poubelle avant de la fixer de son regard bleu. Non parce qu'elle aussi doit obtenir des réponses, elle ne va quand même lui donner tout ce qu'elle veut sans rien obtenir en retour. « Je te raconte tout si tu réponds à mes questions d'abord. » Nouveau sourire - beaucoup plus faux que le premier, évidemment.

« Je veux que tu me répondes honnêtement. J'ai vu que tu ne faisais pas toujours les exercices de physiothérapie. » Elle consulte quelques pages de son dossier, avant de retourner son attention à la principale concernée. Semble-t-il qu'Adrienne s'embrouille avec le personnel du dispensaire, parfois, selon ce qu'elle peut lire ici. « Ta guérison semble être en bonne voie, et pourtant, tu ne sembles pas être à fond dans le projet, tu vois. » Elle pose les fesses à côté d'elle, sur le petit lit du dispensaire. « Qu'est-ce qui se passe, Adrienne? » Aussi bien crever l'abcès tout de suite.

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C’est vrai que je passe plus de temps à rédiger des notes et à écrire, à faire des plans, à réfléchir qu’à me battre pour me relever en ce moment. Je ne fais l’effort de prendre mes béquilles que pour me rendre aux toilettes en ce moment. C’est vrai, j’ai autre chose à faire que de réapprendre à marcher avec des gens qui ne comprennent pas ma situation. J’ai des centaines de choses à faire avant de reprendre la marche et encore une fois, je n’ai pas besoin de savoir marcher pour savoir piloter.

Je regarde May pendant plusieurs secondes en silence avant de lui répondre : « Je suis la pilote la plus expérimentée de notre groupe, de très loin. » J’ai tellement d’heures de vol que ça deviendrait presque risible, j’ai passé plusieurs milliers d’heures dans un cockpit durant plus de 25 ans. J’ai volé par tous les temps, sur des dizaines de machines différentes, j’ai même appris à piloter un hélicoptère. Le ciel est mon empire, j’en suis la maitresse : « Je suis une as, littéralement. » Et je ne souffre que de peu de rival en l’air, je l’ai assez montré durant nos combats. Mais ce n’est pas suffisant : « Et je suis aussi la seule à m’être fait descendre. Quelle légitimité je peux encore avoir, comment je peux envisager d’aller au feu en étant handicapée ? »

Qui me dit que June ne va pas demander à William de prendre ma place ? Qui me dit que William ou May accepteraient encore de suivre mes instructions au combat ? Ils pourraient très bien juger mes manœuvres dangereuses ou inefficaces et refuser de les suivre. Je ne pourrai même pas leur en vouloir car ce serait presque logique. Personne ne suit les perdants. Un leader doit montrer l’exemple : « Et je dois revoir totalement la façon dont nous volons. Pour que ça n’arrive plus, même si je venais à disparaitre. » Oui… en un sens, je suis aussi, parmi tous mes écris à faire une sorte de testament, un lègue pour mes pilotes.

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La pilote la plus expérimentée du groupe? Absolument. Une as, littéralement? Oui. Et la seule. Adrienne est une dame fière, oui. Mais pourquoi diable semble-t-elle ressentir le besoin de lui répéter tout ça? May le sait déjà, au même titre que le reste du WASP. Elle l'observe en silence, les yeux plissés en se demandant où elle voulait en venir. Personne n'ose douter de la brune, après tout - De Castel ne deviendra pas moins que ce qu'elle est déjà avec un morceau de jambe en moins. Enfin, c'est ce que Liv pense, peut-être que les choses sont bien différentes dans le crâne de son aînée. Et ce qu'elle affirme ensuite confirme ce dont elle doute. Certes, Adrienne est aussi la seule qui n'a pas eu le choix de vivre une expérience particulièrement traumatisante - le crash de son avion.

« Mais tu rigoles, j'espère? » Cendrillon la regarde en penchant la tête, le regard sombre. Non, elle ne rigole pas, de toute évidence. « Enfin, tu es surtout la seule à t'être jetée dans la gueule du loup. » En terrain ennemi, et pas qu'un peu. « Ta légitimité, c'est vraiment ce qui t'inquiète? » demande May en insistant, pourtant. La princesse ne se moque pas, loin de là, elle cherche simplement à comprendre ce qui hante à ce point les pensées de sa patiente. Elle dépose le dossier qui était dans ses mains, avant de croiser les bras sur sa poitrine.

« Adrienne. » Elle inspire un bon coup, avant de se redresser pour lui faire face - comme pour qu'elle comprenne bien ce qu'elle allait lui dire, là, tout de suite. « Personne ne pense que tu es moins légitime à cause d'un accident. Tu es la même grande pilote qu'avant. » Pas de blague, pas de conneries - même le sarcasme habituel de la blonde est absent. « Tu es même mieux placée pour affronter la merde maintenant que tu as cette horrible expérience derrière la cravate. » Mais Liv n'aime pas le mot qu'elle utilise pour se décrire. « Handicapée du cerveau, peut-être, oui. » Le retour des idioties - la petite ne perd pas de temps. Sauf que son air sérieux s'imprime à nouveau sur ses traits avant d'enchaîner.

« Nous ne pouvons que te respecter encore plus. Tu es en vie alors que tu devrais être morte. » Elle est sincère, le pire. May lève les cils sur son amie, lui demandant silencieusement de s'avouer cette vérité une fois pour toute, de réaliser qu'elle est une putain de miraculée. Mais elle affirme vouloir revoir leur façon de voler, vouloir prévenir un nouvel incident du genre, et réduire les risques. C'est ce que fait tout bon leader, après un tel événement. Sauf qu'elle semble parler comme si elle allait crever demain matin, quoi.

« Disparaître? » Goldie fronce les sourcils. « Personne ne va disparaître. Mais ta jambe va certainement s'atrophier si tu t'entêtes à ne pas faire ce qu'on te demande. » Petite pique, juste pour la faire chier un peu. C'est comme ça qu'elle fonctionne, la pilote, non? Faut la menacer un peu pour qu'elle se réveille. Liv la pousse, comme Adrienne a su la pousser elle aussi, jadis.

« Allez, debout. »

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Je suis à peine capable de me lever, je n’ai pas vraiment le temps de protester que May me sort presque du lit : « Doucement, j’ai encore du mal à trouver mon équilibre. » Sans aller jusqu’à dire que j’ai le vertige, j’ai un peu de mal avec la position debout. Je me repose alors largement sur May pour ne pas basculer et me ridiculiser en tombant comme une enfant : « Merci. » Je lui lâche un petit sourire alors que je prends une des béquilles pour m’aider à me tenir.

C’est vrai qu’avec tout ce que j’ai subi lors du crash, avoir simplement une jambe en moins, sans trop de séquelles, aucune en réalité si j’en juge mes mains. Un miracle, une jambe pour une vie. Je réponds alors à May : « J’étais trop occupé pour avoir le temps de mourir. D’ailleurs le pire… ce n’est même pas à cause du crash que j’ai perdu ma jambe. » Et j’ose même dire que je n’ai pas eu le temps d’avoir peur, jusqu’à la dernière seconde j’ai tout fait pour réduire les dommages du crash et après j’étais trop occupé par l’idée de survivre que je n’ai même pas eu le temps d’avoir peur.

Mais la détermination avait ses limites malheureusement et j’en avais fait les frais : « Je me suis faite attaquer par des rôdeurs… des rôdeurs carbonisés. Mais l’un d’eux m’a attrapé à la jambe. » Et la suite on la connait. J’ai perdu connaissance et je me suis réveillé sur les épaules de Zelda, qui avait trouvé le moyen de perdre son binôme face à quelques rôdeurs et qui avait négligé de détruire des informations sensibles.

J’étais assez heureuse qu’elle ne soit pas là, à se pavaner dans une fierté mal placée. Je crois que je n’aurai pas supporté de voir son air niai venir me réclamer quoi que ce soit : « On va faire quoi comme exercice de renforcement ? » J’en ai déjà une vague idée mais ce n’est pas moi la spécialiste de la médecine après tourt.

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