The Walking Dead RPG

~ Kitsap 1er novembre

Une pluie drue tombait sur Kitsap. L’air était froid et humide et la base entrait dans une nouvelle ère : celle de l’hiver. Il serait plus difficile au cours de ces prochains mois de venir s’établir ici loin du confort de Fort Ward. Sans chauffage. Sans eau courante. Mais Stanley resterait fidèle au poste, autant que nécessaire. Ils devaient en finir avec cet ennemi et cette guerre !

D’un bon pas, il rejoignit le préau du bâtiment réaménagé par les Remnants après la tempête du printemps. Là, au sec, plusieurs caisses étaient déjà entassées après un passage éclair sous l’averse. Le militaire regarda le contenu de l’une d’entre elle, qui contenait des fusils d'assaut. Ils auraient les comptes à faire. Il détachait ses yeux de celle-ci quand un grand gaillard se présenta, trempé, un lance-roquette dans les bras.

- Tu peux l’mettre là, lui lança le garçon, en lui désignant un endroit. On n’a pas eu l’occasion d’se rencontrer. J’suis Stan, tu dois être… Preston, c’est ça ? C’était certainement dans la façon dont il tenait l’engin – assurée - que Stan le situa. Ils ne s’étaient jamais croisés, mais certainement avaient-ils entendu parler de l’un et l’autre. Le plus jeune était au courant du moins, de ce déserteur New Eden. Il ignorait évidemment le reste de son palmarès. Il reste beaucoup d’choses ?

Son cou s’était tendu pour regarder à travers le rideau de pluie le véhicule de The Haven qui était garé non loin et où il restait encore un peu de matériel à décharger. Mais Preston pouvait faire une pause, d’autres types s’assureraient que le chargement complet serait livré. C’était que Phelbs s’était montrée particulièrement généreuse en termes d’armement pour la bataille qui avait fait rage sur Tahlequah. Au passage, le para-militaire observa cet homme au profil si particulier.

- Vous êtes contents ? D’la façon dont ça s’est déroulé ? T’as quelques minutes pour m’en parler ? Il avait passé un doigt sur le lance-roquette – son bébé – et fit un mouvement de la tête pour inviter l’autre homme à passer dans une pièce à côté, davantage à l’abri des intempéries. Il n’y faisait pas chaud chaud, mais au moins n’étaient-ils plus dans le courant d’air. On a une thermos de café, ça t’dit ? Tu pourras dire à tes gars de v’nir se servir.

Fichue pluie. Elle ne rendait pas le voyage et le transfert du matériel particulièrement agréable. Preston a un frisson tandis que l'eau s'insinue dans son cou. Il ne sera pas mécontent lorsqu'il retrouvera l'abri de Gig Harbor même si niveau confort, tout est assez rudimentaire. Il porte un lance-roquettes et rentre dans le grand hangar. Un homme l'interpelle et lui demande de le poser dans un coin. Preston s’exécute. Il se relève lorsqu'il prononce son nom. Stan donc. Un homme de Remnant. « C'est ça, Preston Rogers. » Il observe l'homme, il a entendu vaguement parlé de lui, c'est une figure importante sur Kitsap.

« Quelques caisses. On vous a presque tout rendu, les munitions en moins, évidemment. » Il y avait eu quelques pertes, des fusils perdus sur l'île, par exemple, mais la majorité était bien là. Il avait même pris soin de nettoyer les armes de la boue et du sang de rôdeurs dont les munitions avaient été enduites. Il a le soucis du travail bien fait et du respect. Il est reconnaissant de l'aide apportée, la moindre des choses est de tout rendre le plus parfaitement possible. « Merci encore. Tout ça nous a été bien précieux. » Sans l'aide des Remnants, l'issue de ce combat aurait été différente, c'est certain. Ils n'auraient pas pu avoir le dessus et surtout, l'avion de New Eden aurait pu survoler la zone de Tahlequah et se rendre compte que personne n'y vivait. Preston sait reconnaître aisément l'aide d'un allié et lui en être reconnaissant. Cette bataille n'a été réussite que parce qu'ils ont su s'entraider.

« On a fait ce qu'il fallait » bougonne Preston. Et ça a été un véritable massacre. Peut-on s'en réjouir ? Non, tout ça aurait pu être éviter si les décisions prisent en haut auraient été différentes. La seule satisfaction réside dans le fait d'avoir anéanti tous les hommes de Clochette, particulièrement réputés pour leur violence. Au moins, ils ne feront plus de mal à personne. L'appel d'un café est le plus fort et il hoche la tête, le suivant dans un des bâtiments. « Le plan s'est déroulé comme on l'avait préparé. » O'Connell était arrivé sur l'île et il l'avait conduit jusqu'au piège. « Il y a eu quelques couacs, mais même le plan le mieux préparé ne peut pas se dérouler à l'identique sur le terrain » Il y a trop d'imprévus, de scénarios qu'ils n'avaient pas envisagé. C'était prévisible. De part son expérience de militaire, c'est presque toujours ainsi. « Dans l'ensemble, ça a été une réussite et nous comptons seulement quelques pertes quand New Eden a perdu presque 50 soldats. » Et surtout, ils ont perdu leur grand général.

Évidemment, en étant celui qui d’ordinaire fomentait les plans, Stanley était vraiment intéressé par les détails de cette bataille. Surtout si celui-ci s’était déroulé sans trop d’accrocs, c’était qu’il avait été plutôt habilement pensé.

- Y a pas d’doute, commenta le militaire en évoquant les imprévus inévitables. Il y en avait toujours. Par malchance ou par négligence. Il eut une pensée pour Caleb, un collègue qu’ils avaient perdu récemment. De nombreuses fois, il se sentait coupable d’entrainer tout le monde dans ses idées souvent suicidaires. Mais son cerveau était bien fait et il finissait toujours par s’arranger avec sa conscience. Les pertes, c'est toujours l'plus dur, commenta-t-il en pinçant les lèvres.

Peu c'était bien, certainement, mais ça restait toujours trop. Il repensait à tous ces compagnons qu’ils avaient perdus aussi sur le champ de bataille. Bellevue, le musée, Colville. Il brandit le gobelet de café qu’il s’était servi, comme pour trinquer à cette réussite, et aux morts aussi. Il eut une pensée pour les quelques personnes pour lesquelles il pouvait s’inquiéter… Il tâcherait d'éclaircir ce point plus tard.

- Les deux jeunes filles qu’on a récupérées ne sont pas passé loin non plus… Qui avait mis au point l’plan ? C’était toi ? Tu peux m’en dire un peu plus dessus ? Si j’veux y puiser l’inspiration un jour, précisa-t-il, dans un demi-sourire. Il n’était généralement pas en manque d’idées, même si ses approches se montraient de plus en plus frontales dernièrement. Et expéditives. C’était le pouvoir du lance-roquette et de la sulfateuse ça !

Au final, il n’avait entendu que quelques bribes par-ci par-là. Ça l’intéressait, mais il n’avait pas fait l’effort de se rendre au chevet des jeunes filles qu’ils avaient soignées. Elles n’étaient pas encore à cette époque en grande forme, même si elles allaient certainement s’en sortir. Il n’aurait donc manqué ce rendez-vous pour rien au monde !

- Dis-moi, vu qu’tu connais a priori la maison… ils vont réagir comment les New Eden ? On doit s’attendre à quelque chose ? Par « on » il entendait l’alliance. Mais au fond de lui, il espérait aussi que par rage, en devinant le lien entre The Haven et Fort Ward, ce ne serait pas son foyer à lui qui serait de nouveau pris pour cible…

« On a perdu 8 hommes » souffle Preston. Il ne les néglige pas, ce sont des hommes, des frères, des pères, des amis, mais c'est le lot de toute guerre. Aucune bataille ne se gagne sans verser un peu de sang malheureusement. Alors même si certains sont morts là-bas, il considère tout de même que Tahlaquah est une victoire.

« J'y ai participé oui, mais c'était un plan commun. » Il n'avait rien réalisé tout seul, au contraire, Selene et Joachim avaient fait bien plus que lui. S'il s'en tenait surtout à ses connaissances militaires, les deux anciens membres de The Haven avaient proposé un plan bien plus sauvage mais plus adapté à la situation que ce qu'il aurait pu trouver. « Grâce à votre appui aérien, nous avions l'avantage de la surprise » The Remnants a pu abattre l'avion qui a survolé Tahlequah et donc empêcher que New Eden ne se rende compte trop tôt que leur campement n'était pas là. « J'ai seulement attiré le général à l'intérieur des terres où plusieurs combattants les attendaient. Ils avaient contaminé toutes leurs munitions avec du sang de super-rôdeurs. Dès qu'un ennemi tombait, il se réveillait et s'attaquait à ses compagnons. » Il s'arrête avant de continuer : « Notre seule faute a été de vouloir être un peu trop ambitieux, nous avions rassemblé une horde pour finir le ménage et New Eden a trouvé le moyen de se dissimuler parmi eux pour nous prendre à revers. C'est là que certains d'entre nous sont morts. » Le reste s'était déroulé presque comme sur des roulettes. Ils avaient même réussi à prendre le général vivant. « Seuls quelques hommes ont pu s'échapper, ils iront probablement raconter leur amère défaite aux leurs. » Ce n'était pas une mauvaise chose. New Eden devait apprendre que la résistance était là et qu'elle ne lâcherait rien.

A sa question, Preston passe une main dans sa barbe. « Je ne sais pas » avoue-t-il. En une année, beaucoup de choses ont pu changer. « Sans leur général, ils vont devoir réorganiser leurs forces, en nommer un nouveau, ça peut prendre du temps. Leur position à Seattle est fortement affaiblie, cela m'étonnerait qu'ils se lancent dans une offensive prochainement. » Il se sert d'une tasse de café. « Et contre qui ? Vous peut-être ? » De mémoire, c'était la seule position sûre que New Eden avait. Ce serait donc logique que New Eden veuille faire un exemple en les éliminant à leur tour. « Vous avez les moyens de vous défendre ? » Il laisse passer quelques secondes. « The Haven est parti s'installer ailleurs, je passe l'hiver non loin. Si vous avez besoin d'aide, n'hésitez pas à me demander » Sa proposition est honnête. Les hommes de Remnants leur ont apporté un soutien précieux, sans eux, ils n'auraient pas été aussi bien équipés et armés, alors ce ne serait qu'un juste retour ds choses de les aider à son tour.

- Ah ouais, vous êtes couillus, réagit le militaire alors que Preston évoquait les munitions contaminées de sang de sprinters. Il n’aurait probablement pas pris ce risque de son côté. C’était un coup à se faire soi-même dévorer ! Car la transformation était rapide, il ne fallait probablement pas prévoir de s’éterniser. Vous n’avez pas eu peur de vous faire déborder ? C’était joueur. Avec une horde en renfort en bonus. Wow. De fait, c’était là qu’ils avaient perdu des compagnons. Stanley n’en était finalement que peu étonné.

Il termina sa tasse de café, et proposa de resservir l’ancien New Eden, alors que celui-ci évoquait la réaction à prévoir du côté de son ancien groupe. Le trentenaire l’observait, le jugeait. Ce n’était pas de la méfiance, mais plus de la curiosité. Preston ne se mouilla pas toutefois.

- Ils s’en sont pris déjà trois fois à nous et on est encore là, t’en penses quoi ? Il força un sourire un brin arrogant. En-dessous, Stanley n’était pourtant pas si confiant. Au contraire, chaque échec de leurs ennemis les rapprochait peut-être de ce jour où ils ne se rateraient plus. Et si on les achève, sur Seattle, maint'nant, ça t’inspire quoi ? Enchaina-t-il. Ça parait pas déconnant, non ?

Son regard se fit plus perçant. La question était légitime. Car autant les New Eden pouvaient leur faire mal, autant ils n’étaient pas en reste. Le garçon pouvait disperser ses équipes au sol ou attaquer par les airs aussi. Les Remnants avaient de la ressource, et beaucoup, vraiment beaucoup, de motivation.

- Tu saurais m’donner quelques infos sur leur avant-poste près d'Providence ? Demanda-t-il alors très clairement. Le dédain s’entendait dans le fond de sa voix alors qu’il prononçait le nom de baptême du No Man’s Land. C’est foutu comment, comment ça s’organise ? Ils ont des défenses anti-aériennes ? Les points stratégiques, si on d’vait attaquer, tu saurais m’les préciser ? Les réserves d’essence, l’armurerie, ce genre de choses… Tout au final. Tout ce que Preston pouvait donner dans le cadre d’une offensive contre Kingstreet l’intéressait. Allait-il se jeter à l'eau cette fois-ci ? Attends.

Il se retourna pour aller attraper un peu plus loin de quoi noter. Parce que les confidences que pourraient lui faire le déserteur, il ne fallait pas qu’il risque de les oublier.

« Oui, j'ai pensé la même chose » confie-t-il à propos des munitions contaminées au sang de rôdeurs. Ce n'était pas son idée. Lui se serait contenté d'un plan de base simple, comme il en avait l'habitude sur le terrain. « Mais ça a bien fonctionné. Les soldats de New Eden ne s'y attendaient pas. Ils ont été pris par surprise. » Et de ce fait, c'était une victoire. La proposition de Joachim et de Selene était judicieuse. Comme quoi, unir ses forces est désormais une nécessité. Ils ont tous des compétences acquises avant ou après le début de l'épidémie et personne n'est à négliger.

Le barbu accepte le café que lui repropose Stanley. Il n'a plus l'habitude d'en boire régulièrement et ça lui manque. « J'en pense que vous êtes suffisamment malins pour vous en tirer, oui. » Malins, armés... Il comprend la motivation de New Eden à vouloir les attaquer. « Mais New Eden peut se montrer particulièrement rancunier » souffle-t-il en haussant les épaules. Ce n'est pas une menace, juste un conseil de prudence. Il ne faut pas qu'ils crient victoire trop vite. Les autorités de New Eden ont plus d'un tour dans leur sac. La suite ? Il relève le regard vers Stanley. « Ce que j'en pense ? Ce serait une belle connerie » Il secoue la tête. « Il y a beaucoup de civils là-bas. Des femmes, des enfants, si vous attaquez Seattle, ils ne s'en sortiront pas. » Il ne peut encourager cela. « A Tahlequah, nous étions sûre qu'il n'y aurait que des soldats et des Trônes, des salauds prêts à crucifier des enfants, des innocents, à les brûler vifs. » Preston ne fait que se positionner dans cette guerre. Il est prêt à combattre oui, mais pas de n'importe quelle manière. « Vous en avez les moyens ? » demande-t-il, curieux.

Stanley veut qu'il lui parle de l'avant-poste de Providence. « Cela fait plus d'un an que je n'y suis pas retournée » Alors depuis, les choses avaient forcément changé. « Il s'agit principalement du grand entrepôt. Il y a un dispensaire où les civils peuvent s'y faire soigner. Il y a énormément de matériel, des ressources, de la nourriture, des médicaments... » Tout ce qui peut être utile pour la population. « Tout est gardé par des soldats, des trônes... » Il serait bien incapable de dire combien ils sont par contre. Le nombre a dû bien changer depuis. « A ma connaissance, ils n'ont pas de défenses anti-aériennes. Les points stratégiques seront les entrées pour les civiles, c'est uniquement par là qu'on peut pénétrer dans l'entrepôt. » Stanley va chercher de quoi écrire et il le met en garde une nouvelle fois. « Mes informations sont trop anciennes pour être vraiment fiables, tu sais ? » En plus d'une année, tout avait forcément changé.

Stanley ne dit rien quand Preston évoqua des monstres capables de s’en prendre à des familles. Il ne lui dirait pas qu’ils avaient eux-mêmes jadis décimé des groupes entiers sans distinction. Le militaire avait conscience que cela faisait tache sur son CV, ça ne lui avait jamais fait plaisir et pourtant… il restait persuadé qu’il n’y avait pas toujours d’autres options réalistes. Du moins qui ne mettent pas en péril la sécurité des siens. Il acquiesça aux propos du quadragénaire, qui parlait de moyens, en montrant les caisses de leur arsenal.

- Ça s’peut.

Il était lui-même partisan de cette option. C’était l’occasion rêvée, les effectifs de leurs ennemis étaient fortement diminués. Il était tellement convaincu d’être dans son bon droit qu’il n’envisageait pas une seconde que les civils puissent prendre les armes pour leurs protecteurs. Puis sans défense anti-aérienne, cela laissait le champ libre à une autre forme d’attaque…

- J’pensais aussi surtout à la base des New Eden là-bas. A la gare, non ? L’information n’avait depuis longtemps plus rien de secret. Mais l’organisation interne des bâtiments davantage, personne n’avait réellement pu y entrer. Il n’avait en tout cas jamais eu vent des détails.

Il prit quelques notes à ce sujet et à propos de Providence aussi. La dernière fois qu’il avait mis les pieds là-bas, c’était pour exécuter sans scrupule des émissaires ennemis. Juste avant la grande attaque du musée. Il se souvenait parfaitement de la configuration des lieux : l’entrepôt, le dispensaire… Des discussions devaient encore avoir lieu pour définir complètement leur stratégie. Mais une chose était certaine : ils ne resteraient pas passifs.

- Sinon, j’voulais savoir aussi… par rapport à la bataille là, quels groupes vous ont prêté main forte, déjà ? J’les ai rencontrés ici pour la plupart, on est sensé collaborer, mais c’est pas forcément évident. T’en as pensé quoi toi ? Objectivement ?

Il reprit une gorgée de café en repensant aux différentes rencontres qu’il avait faites à Kitsap cette année. Connor, Alex, Valerian, Elena… Il n’était pas nécessairement objectif de son côté dans tous les cas, mais peu de ces alliés lui avaient réellement paru dignes de confiance. Du moins pas à pouvoir compter sur leur soutien infaillible en cas de nécessité sur le terrain. Certes ils avaient collaboré dernièrement avec les Expendables, mais séparément. Aujourd'hui, il était prêt à entendre que son avis était peut-être biaisé… hum mouais, non il n’était pas prêt !