The Walking Dead RPG

J’me pince la langue, très concentré sur le nettoyage minutieux de mon fusil, sous la surveillance de Samson qui fait de même avec sa propre arme. C’est sérieux, faut être à cheval sur l’entretien pour éviter que les coups s’enrayent ou que le fusil se casse à la longue. Et puis, en vrai, faut que j'm'occupe pour pas déprimer.

J’remets délicatement chaque petite pièce en place, reste focalisé dessus quand j’entends quelqu’un entrer derrière nous. C’est Dalida, qui attend que je finisse mon geste pour poser sa grande main sur mon épaule. “T’as de la visite, p’tit.” Il a l’air de sourire.

J’relève le nez, mets bien quelques secondes à reconnecter les points. Le soleil commence déjà à décliner, dehors. Est-ce que…? Non, c’est probablement juste un des Fuckers qui veut me voir, p’t’être pour un tatouage ou un combat.

“J’arrive.” J’souffle en remontant le fusil dans un ultime claquement. J’le passe dans mon dos, m’relève et sors sur le pont. Commence à faire froid. Là, j’jette un oeil plus bas. Y’a plusieurs silhouettes, des gens qui ont l’air en pleine discussion. Mes lèvres s’entrouvrent et mon coeur s’arrête de battre quand j’croise son regard qui se lève vers moi.

“Lu… Luna…?”

Son visage comme un bug dans ma vision, inchangé, vient exploser la bulle dans laquelle j'm'étais enfermé. Me faut un instant pour retrouver l’usage de mon corps. J’m’appuie à la rambarde et me précipite pour franchir la planche, rejoindre le quai, j’cours vers elle, lui saute littéralement dessus en la poussant d’tout mon poids, la plaquant par terre en l'agrippant fort avec mes deux bras.

J’retrouve son odeur. Les battements réguliers de son coeur. J’sens mon souffle trop court, comme un moment de panique injustifié, les larmes qui affluent déjà sous mes paupières et qui débordent sans que j’puisse rien y faire.

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Je ne suis pas mécontente d'arriver enfin à destination. Bon sang, deux heures de vélo, ça fait bien longtemps que je n'avais pas fait un effort aussi intensif. Je n'ai pas voulu faire de pause depuis mon départ, je suis beaucoup trop impatiente de retrouver Ace. J'ai du faire quelques détours à plusieurs reprises pour éviter des rôdeurs. Même si je suis plus rapide qu'eux en vélo, lorsqu'ils sont trop nombreux, je n'ai pas eu le choix que de les contourner. Ce serait bête de mourir par imprudence alors que je vais surement retrouver enfin mon petit frère. J'essaye de ne pas trop m'emballer, mais ma poitrine est comme compressée par l'angoisse. J'ai peur d'arriver trop tard, qu'il soit déjà reparti, ou pire, qu'il lui soit arrivé quelque chose depuis que Ruby les a quitté.

J'arrive enfin à vue du campement des Inglorious Fuckers. Je reconnais quelques têtes que j'ai déjà croisé lorsque je suis venue ici avec les Stars. Je demande si quelqu'un a vu Ace, prenant à peine le temps de les saluer tant mon impatience est grande. Il est peut-être là, à quelques mètres de moi. On me montre la péniche un peu plus loin et je suis assez surprise de ce que je vois. Le navire est plus grand que ce que j'imaginais. Ainsi, mon frangin vit là ? C'est plutôt sympa ! Il est bien retombé sur ses pattes en tout cas.

Un homme m'affirme qu'il va le chercher et ce sont les secondes les plus lentes de toute ma vie. Mon cœur s'emballe, ma respiration est courte. Je commence à faire les 100 pas sur le ponton. Bon sang, c'est long ! Je devrais peut-être monter ? Est-ce que j'ai le droit ? Je me mets à ronger mes ongles déjà trop courts. Et quand mon regard se tourne une nouvelle fois vers le navire, mon cœur loupe un battement quand nos yeux se croisent. « Ace ! » En quelques pas, il est là, il se jette dans mes bras et nous tombons tous les deux à la renverse.

Les larmes coulent elles aussi, je ne peux pas m'empêcher de rire et de pleurer en même temps. « T'es là ! T'es bien là ! » C'est irréaliste et je le serre encore plus fort en laissant échapper un nouvel éclat de rire qui résonne tout autour de nous. « Je t'ai tellement cherché ! » Et depuis que Wyatt m'avait annoncé qu'il était vivant, c'était comme une renaissance. Et là, je l'étouffe surement mais bon sang, je crois que je n'ai jamais été aussi heureuse de toute ma vie. Ces quelques secondes ont effacé tout ce qui a pu arriver ces derniers mois.

Truth

Qui que l’on soit au fond de nous, nous ne sommes jugés que d’après nos actes.

J’me sens enfin là où j’devrais être. Dans ses bras, écoutant le son de sa voix. Pourtant j’arrive pas encore à la regarder, préfère fermer les yeux alors qu’elle me serre contre elle, la vue de toute façon noyée dans les larmes. Impossible de me retenir, y’a toute l’angoisse de ces derniers mois qui s’engouffre dans la brèche.

Faut quelques minutes, j’sais pas vraiment combien, pour que j’me calme enfin un petit peu. J’m’écarte doucement, à peine, me redresse à genoux avec elle. Autour de nous, y’a quelques personnes interloquées par la scène qui nous regardent. J’les ignore, du moins pour l’instant. J’veux pas qu’on m’dise que c’est déjà fini, qu’il faut repartir, qu’elle ne peut pas rester.

J’hésite avant de relever la tête pour planter mes yeux dans les siens, reflet familier. “Je-j’sais, on-on m’a dit qu’tu m’cherchais…” J’essuie mes joues d’un revers de manches. “J’ai pas réussi… avec tes peintures, j’ai essayé d’les suivre mais… j’ai pas… trouvé…” Les mots emmêlés, confus par le déluge d’émotions. “C’est… les gens de la péniche, ils m’ont aidé… Ils m’ont sauvé quand… quand j’me suis fait tirer dessus.” Quand Peter et John sont morts et qu’elle a été enlevée. Le souvenir me remue les tripes, ravive les sanglots.

“J’ai… j’ai le fusil de Pete,” En remontant légèrement la hanse sur mon épaule. “Ils sont morts, tous les deux…” J'baisse les yeux, j'crois qu'il fallait que je la retrouve pour commencer à faire le deuil. J’sais même pas si elle repassée par là. Si elle a vu leurs cadavres étendus sur le sol de notre abri.

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Le temps semble s'être suspendue tandis que je serre Ace contre moi. Bon sang, je suis tellement soulagée de le retrouver. Lorsqu'on se redresse enfin et que nos yeux se croisent, j'esquisse un grand sourire. S'il semble ne pas avoir changé, je remarque aussi quelques changements. Ses traits semblent plus durs malgré les larmes qui perlent aux coins de ses yeux. Je l'écoute tandis qu'il me parle de mes peintures. Ainsi, il les a vu. « C'était dur de donner une adresse précise. » Alors s'il ne les a pas compris, ce n'est pas grave. « Je suis tellement contente de te retrouver » Je le tire à nouveau vers moi pour le serrer dans mes bras.

Mon cœur se serre quand j'entends ce qu'il lui est arrivé. « Ils t'ont tiré dessus ? » J'ai vu les cadavres dans la cabane, j'ai vu le sang, mais je ne pensais pas que ça venait de lui. Mes poings se serrent eux aussi. Bon sang, je les déteste ! Ceux qui nous ont séparé, qui ont tiré sur Ace et qui m'ont emmené loin de lui. J'hoche doucement la tête quand il parle de John et de Pete. « Je sais » Je souffle. Mes yeux se posent sur le fusil à son épaule. Si depuis le suicide de notre voisine, je n'ai pas pu porter une arme à feu, je sais que ce n'est pas le cas de Ace et ce n'est pas plus mal qu'il sache se défendre avec.

« Il n'y avait plus mon violon aussi, c'est toi qui l'as récupéré ? » Je n'y crois pas trop, mais qui sait ? C'est surtout symbolique, c'est un des premiers cadeaux de Violet. « Ils te traitent bien ? » Je lui demande en montrant d'un regard la péniche. Il a l'air d'aller bien... Mais j'ai encore les mots de Wyatt à l'esprit, cette histoire de combat, de paris... Et ça m'inquiète toujours un peu.

Truth

Qui que l’on soit au fond de nous, nous ne sommes jugés que d’après nos actes.

« Je suis tellement contente de te retrouver »
J'aimerais lui dire à quel point c’est réciproque mais les mots restent coincés dans ma gorge, sous une tonne de larmes que je m’efforce de contenir à peu près. J’profite de son étreinte, glisse les bras dans son dos pour la lui rendre, le front contre son épaule, visage lové dans une chaleur au parfum réconfortant.

On se sépare, à peine. J’acquiesce timidement ; ouais, ils m’ont tiré dessus. Dans le feu de l’action, alors qu’elle se faisait enlever, elle a pas du tout capter de ce qui s’était passé. J’me détache doucement d’elle et baisse les yeux, remonte mon T-shirt pour dévoiler la cicatrice encore largement visible au-dessus de ma hanche. “J’ai failli y rester. Les coups d’feu ont attiré plein d’rôdeurs… Si Thaïs et les autres m’avaient pas trouvé, je…” J’grimace, faute de trouver les mots. J’me serais fait dévorer vivant, probablement avant que l’hémorragie n’ait raison de moi. Et cette idée me glace toujours autant le sang, revient encore régulièrement me hanter en cauchemars.

J’laisse retomber mon vêtement sur ma blessure. Hoche à peine la tête quand elle me confirme qu’elle connaît déjà le sort de nos deux amis. C’est d’autant plus réel maintenant qu’on peut partager ce deuil ; il ne reste plus rien de notre ancien groupe, ceux qui ont survécu aux flammes ont été tués par des vivants.

“Je l’ai.” son violon, d’un air un peu plus lumineux, esquissant même un sourire maladroit. “Viens.” En lui prenant la main, serrant sa paume contre la mienne, avec la ferme intention de ne plus jamais la lâcher.

J’me détourne pour l’attirer vers le ponton qui mène à la péniche, le monter avec elle. “Oui… j’me sens bien ici.” C’est assez peu dire. J’me suis fait des amis, j’suis devenu plus fort, plus épanoui. J’essuie mes joues humides du bout de ma manche, l’attire avec moi sur le pont, puis à l’intérieur. “Tu vas les kiffer. C’est sûr.” Et j’ai hâte de leur présenter ma soeur.

Avant les présentations, j’l’entraîne jusque dans le dortoir. On m’tuerait probablement d’amener une étrangère au groupe jusque dans nos quartiers privés, mais là, j’en ai vraiment rien à foutre. “Attends.” J’lui lâche la main quand on passe entre la dizaine de lits superposés, m’mets à genoux pour chercher sous le premier sommier. J’en tire la malette contenant le violon, la tends à Luna en me relevant devant elle. “J’l’ai pas rouvert. J’espère qu’il est en bon état.” En reniflant, espérant lui faire plaisir avec ça.

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En apprenant ce qu'il s'est passé, je le serre à nouveau dans mes bras, essayant de cacher la peine qui me serre le ventre. « Je suis désolée » Je chuchote. Je m'en suis toujours voulu de ne pas avoir été là pour le protéger. J'aurais dû me défendre encore plus. La vision de sa cicatrice m'arrache un frisson et me renvoie à ma propre incapacité à le protéger comme je me l'étais promis. « Wow, ils t'ont pas loupé » Je me mords la lèvre, au moins, dans son malheur, il a eu de la chance.

Je le suis dans le bateau avec une petite pointe d'appréhension. Mon regard balaye les environs, ainsi, c'est là qu'Ace a passé les derniers mois. Je n'arrive pas à me faire une idée précise des choses pour le moment, c'est trop précipité. « T'es en sécurité ici ? » Je lui demande, prise d'un doute. « On m'a dit qu'ils faisaient des combats, c'est vrai ? » Ace a l'air heureux en tout cas, il a l'air d'avoir pris de l'assurance. Survivre seul l'a probablement poussé dans ses derniers retranchements et l'a forcé à se surpasser.

Je me tourne vers lui. « J'ai fait quelques rencontres moi aussi. » Il ne me questionne pas sur ce qu'il m'est arrivé et c'est pas plus mal. Je préfère lui épargner le maximum de détails. « Je fréquente plusieurs groupes, ils sont cools aussi » Ce qui est certain aussi c'est que je me sens un peu plus à ma place au sein des Stars, The Haven est un groupe trop grand, même si la présence de Wyatt change beaucoup les choses, c'est vrai.

Je passe mon doigt sur l'étui du violon, fermant un bref instant les yeux. J'en connais tous les détails, les moindres aspérités. Je finis par l'ouvrir. Le violon est là, à sa place. Je l'attrape, le sors et le glisse sous mon menton. De ma main libre, j'attrape l'archer et je le fais coulisser le long des cordes. Le son vibre dans le dortoir. Je joue quelques notes avant de m'arrêter. « Il est comme je l'avais laissé, merci Ace. » Mon regard est pétillant, je me sens heureuse. « C'est ton lit ? » Je m'y assois et l'attrape par le ventre pour venir le jeter à côté de moi avec un petit rire.

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Qui que l’on soit au fond de nous, nous ne sommes jugés que d’après nos actes.

Moi aussi, j’suis désolé, de pas avoir réussi à la protéger, à l’arracher aux mains de ces bandits. Trop d’fois j’me suis demandé si les choses auraient pu tourner autrement si j’avais mieux agi. J’ai peur de lui demander ce qui lui est arrivé après qu’elle ait franchi la porte de notre abri.

“Ouais. On a pas eu d’problème jusque là. Enfin, sur la péniche en tout cas. Notre ancien refuge a cramé, mais c’était un accident.” A cause des expériences de chimie de Lucy. J’relève les yeux vers elle quand elle parle des combats, esquisse un sourire enthousiaste. “Ouais. J’en fais souvent. D’ailleurs j’ai gagné mes trois derniers.” Que j’fais en gonflant le torse, sans cacher ma fierté. C’est sûr que si elle cherche bien, elle me trouvera plein de bleus et de petits bobos. Mais ça en vaut carrément la peine…

“Les Stars, c’est ça ? C’est un nom marrant.” Paraît que c’est celui qu’elle fréquente le plus, du moins.

J’lui sors son violon, et j’observe avec attention son regard qui se pose dessus. Les doigts qui effleurent le bois de l’étui. C’est bizarre, comme sensation. Quand elle le prend contre son menton pour en jouer quelques notes, j’reste planté là à l’écouter, toujours aussi subjugué par sa musique. Déjà, quand j’étais petit, ça m’apaisait. De quoi oublier, un instant, que la mort rôde partout.

Et puis, il n’y a rien de plus précieux que voir cette lueur de bonheur dans ses yeux.

C’est communicatif. J’me laisse tomber sur le lit avec elle en riant, m’débats un peu, m’retourne face à elle, à l’horizontale sur le matelas. On peut s’regarder de près, et j’détaille ses traits. Elle a pas changé. J’suis content qu’elle soit pas blessée, mais… Plus bas, je souffle, l’appréhension qui me comprime le coeur, “Qu’est-ce qu’il t’est arrivé…?”

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