Sujet: Délivre-nous du mal Mer 12 Oct 2022 - 19:08
22 septembre
« Notre Père, qui es aux cieux, que ton nom soit sanctifié, que ton règne vienne, que ta volonté soit faite sur la terre comme au ciel. Donne-nous aujourd’hui notre pain de ce jour. Pardonne-nous nos offenses, comme nous pardonnons aussi à ceux qui nous ont offensés. Et ne nous laisse pas entrer en tentation mais délivre-nous du Mal. Amen. »
Je rouvris les yeux et décroisai les mains après cette prière murmurée dans la maison de Dieu. Je l’avais maintes et maintes fois répétée en chœur avec tout le district durant chaque messe, tellement il était courant de la réciter sans raison particulière. Aujourd’hui, c’était différent. J’y mettais une conviction nouvelle, cherchant à m’y raccrocher comme à une bouée de sauvetage.
En dehors des heures de messe, des cérémonies de baptêmes ou des mariages et enterrements, l’église était davantage désertée. Ils n’étaient finalement pas si nombreux à s’y rendre uniquement pour prier ou pour se ressourcer. J’aurais cru qu’ils le seraient davantage au district deux, mais ce n’était qu’une désillusion de plus. J’avais l’impression que ma croix me brûlait entre mes mains, alors que le doute m’assaillait de toute part. L’enquête sur le meurtre de l’évêque Paul Sciortino avait été éprouvante par bien des aspects. Ce que Ray m’avait dit ne cessait de tourner dans ma tête, sans que je ne parvienne à démêler le vrai du faux. C’était impossible, n’est-ce pas ? Un saint homme n’aurait jamais commis un acte pareil. Ce n’était qu’une épreuve de plus que l’on mettait sur mon chemin, pour éprouver ma foi. Je devais m’en persuader. Je devais continuer de me surpasser, ne pas faillir.
Je restais le regard fixe dans le vide, assis sur le banc d’église. Il me fallut de longues minutes avant de me rendre compte que quelqu’un s’était assis non loin de moi, à la chevelure flamboyante reconnaissable entre mille. Elle, ce n’était pas la première fois que je la voyais en dehors des horaires habituels. Hailey Blackbird était une habituée. Je ne lui avais pas si souvent adressé la parole, même si son mari et moi étions amis, mais je la fixai depuis un peu trop longtemps pour que ça passe inaperçu. « Je ne voulais pas vous interrompre. » Je ne savais pas si elle venait à peine d’arriver, ou si elle était déjà là depuis longtemps, trop absorbé que j’avais été dans mes pensées sombres. « Je vous vois seulement souvent, ces derniers temps. » Etait-ce elle qui fréquentait plus souvent l’établissement, ou bien moi ? Peut-être les deux. « Vous allez bien ? »
« Ils te feront la guerre, mais ils ne te vaincront pas; car je suis avec toi pour te délivrer. » dit l'Eternel
Sujet: Re: Délivre-nous du mal Sam 29 Oct 2022 - 13:41
Les mains sagement posées sur ma Bible, je fais tourner mon alliance sans vraiment y songer, me perdant dans mes pensées que j’ai bien du mal à organiser en ce moment. Peut-être est-ce dû à la fatigue, qui ne semble vouloir me quitter. Je vais finir par écouter Benjamin et aller voir Min-Oh, je dois y aller pour tenter de lui mettre un peu de plomb dans le crâne de toute manière, cela me donnera une raison d’y aller… Comme si je devrais avoir besoin d’une raison pour vouloir le voir… Mais il s’échine à nous éviter, et il y arrive fort bien je dois le reconnaître.
La situation évolue ici, nous avons obtenus quelques droits, les choses avancent, même si ce n’est pas aussi rapide ou aussi flagrant que beaucoup aimeraient. Il y a malgré tout des progrès et j’y vois, pour ma part, un signe encourageant et un premier pas pour le reste. J’ai néanmoins cette petite voix, qui s’est mise à ressembler de plus en plus à celle de ma sœur alors que les semaines passaient, qui me souffle encore et toujours que c’est insuffisant, qu’il faut plus, bien plus, qu’il faut les renverser pour espérer pouvoir un jour offrir un avenir à mes enfants.
Mei.
Le reste n’avance pas le moins du monde. Nous n’avons rien. Pas plus Mason que moi n’avons réussi à obtenir quoi que ce soit. Comme si elle s’était simplement volatilisée. Disparue. Morte. Non, je refuse d’envisager cette possibilité. A quoi bon me servirait-il de prier si elle n’est déjà plus là qui plus est ? Mais il pourrait y avoir pire, bien pire. Mason ne m’a rien dit, mais je ne suis pas idiote. Il aurait peut-être été de mauvais ton de disgracier une Epouse, mais il y a d’autres solutions, n’est-ce pas ? D’autres lieux. A quel moment peut-on préférer se dire qu’il vaudrait qu’une personne que l’on aime soit morte plutôt d’endurer certaines atrocités ? Comment puis-je seulement oser penser cela ? J’ai peur. Je suis terrifiée. Et j’en suis responsable. Si j’en avais parlé plus tôt, si j’avais fait plus, si je l’avais écouté avant… Je l’ai abandonné.
Le reste empire. Dieu est toujours là. Il doit être auprès d’elle. Tout comme Il doit veiller sur nous tous. Même sur ceux qu’ils prétendent disgraciés. Tasya. Phoebe. Ray. Tous les autres. Ce n’est pas Lui qui nous fait défaut, ce sont encore les hommes qui se montrent mesquins, déloyaux et cruels. Ils se fourvoient et nous entraînent à notre perte. Mais Il veille sur nous.
Je ne sais combien de temps je reste ainsi avant de sentir son regard sur moi. Je lui adresse un sourire et secoue la tête. « Il n’y a pas de mal. Je n’ai pas osé vous interrompre non plus en arrivant, mais je trouvais cela impoli de vous ignorer en m’installant de l’autre côté de l’église. » Je hausse les sourcils à sa remarque suivante. « Oh, je… J’allais souvent à la petite église du quatrième district, il y a là-bas un ravissant jardin où j’aime me recueillir. » Et dans lequel je n’ai que de bons souvenirs. « Mais je n’ai plus autant de temps pour m’y rendre, alors… » J’ai une légère moue en regardant autour de moi. « Cette église convient fort bien. » Je me déplace pour me rapprocher un peu de lui après avoir surpris un coup d’œil agacé d’une dame âgée, et je lui adresse un léger sourire. « Le temps me file entre les doigts, mais je me porte bien. » Je n'ai guère le droit de me plaindre en vérité. « Comment va Willan ? » J’ai une hésitation. « Et Lynn ? » Je n’ai pas revu la jeune fille depuis un moment, et je ne sais à quel point ce qui s’est passé à pu la marquer. « Je suppose que la situation ne doit pas être évidente pour elle… Je ne tiens pas à me montrer indiscrète, mais si elle a besoin de soutien, de se promener ou de se changer les idées, n’hésitez pas à lui proposer ma compagnie. » Je penche la tête en l'observant. « Et vous-même, comment vous portez-vous ? » Je sais qu’il avait été à Glenwood, mais j’ignore à quel point il a pu être blessé ou marqué. Même si, évidemment, il ne me dira rien, c’est un soldat après tout.
Quand je marche dans la vallée de l’ombre de la mort, je ne crains aucun mal, car tu es avec moi
Sujet: Re: Délivre-nous du mal Mer 16 Nov 2022 - 19:43
Elle était venue prier, elle aussi. Et loin de murmurer des prières toutes faites, le regard éteint, le sien brûlait d’un reflet ardent. J’y lisais la ferveur des vrais croyants, ceux qui n’avaient pas encore perdu espoir que notre monde soit condamné à tout jamais. « J’ai toujours vu le havre de paix que nous avons bâtis à Walla Walla comme l’Arche de Noé, et vous ? » Peut-être que ça lui paraîtrait affreusement naïf, ou même présomptueux. J’y croyais, pourtant. « Je me disais que les choses finiraient par s’arranger. Que nous étions les rescapés d’une ère que Dieu avait décidée comme révolue, que quelque chose de plus beau encore nous attendrait au bout du chemin. » Je laissai retomber la croix de mes mains, qui se balança subitement dans le vide, avec plus que la chaîne à mon cou pour la retenir. « J’ai l’impression désagréable que nous avons tous pêchés par orgueil. » Soufflai-je d’une voix atone.
Je restais le regard dans le vide, plongé dans mes pensées. Je ne me rendis compte qu’avec un temps de retard que l’épouse de Benjamin s’était rapprochée de moi, relevant la tête quand elle me demanda d’une voix douce des nouvelles de ma famille. Je la détaillai longuement, comme si elle était un ange. Elle avait les mêmes intonations, la même manière de faire, que Willow. Je devais commencer à perdre la tête, à vouloir la voir encore partout. « Wilan est souvent malade, mais Dieu soit loué, il va bien. » C’était un petit miracle, même s’il aurait des problèmes respiratoires toute sa vie. Ses difficultés ne me faisaient pas vraiment peur. J’avais déjà dû en affronter d’autres avec April. Lynn, par contre, aurait dû avoir un chemin tout tracé, et bien plus facilité que ses frères et sœurs. Il en était tout le contraire, à cause de ses mauvais choix. « Je n’aurais pas dû la laisser épouser cet homme. Je savais que Ray était instable, peu fiable. » J’avais eu le temps de m’en rendre compte à force de l’entraîner. « Je pensais avoir réussi à le changer pour que le doute ne soit plus permis. » C’était encore une erreur d’estimation de ma part. J’avais, très exactement, pensé pouvoir le contrôler.
Je lui offris un sourire qui eut du mal à percer. « Merci pour votre soutien, Hailey. Si vous pouvez l’accompagner à l’église, malgré son état, elle en sera certainement heureuse. » Et je serais sans doute également moins soucieux de la savoir accompagné. Quant à savoir si j’allais bien… « Je me posais la question. J’avais besoin d’un peu de temps pour réfléchir. » J’étais fatigué, éprouvé par des jours, des semaines, voire des mois de lutte acharnée contre nos ennemis, qu’ils viennent de l’extérieur… ou même de l’intérieur. De toute part. Je ne savais même plus contre qui je devais me battre exactement, et qui valait encore la peine d’être défendu. Mais je ne pouvais pas lui dire ouvertement. J’avais déjà la sensation d’en avoir beaucoup dit.
« Ils te feront la guerre, mais ils ne te vaincront pas; car je suis avec toi pour te délivrer. » dit l'Eternel
Sujet: Re: Délivre-nous du mal Jeu 1 Déc 2022 - 23:23
Je me suis toujours sentie plus sereine dans les temples et autres lieux de cultes que j’ai plus fréquenter. Peut-être parce qu’Il y est plus présent, de part les différentes prières qui y ont lieu. Peut-être parce que j’ai depuis longtemps associé ces endroits aux moments de partage et de joie en famille. Sans doute un peu des deux. Mais il faut croire que tout cela ne suffit pas pour le moment… ce qui ne m’empêche nullement d’écouter et de m’adresser à Lui comme je le fais à chaque fois.
Et je ne suis pas la seule. Je ne dirai pas que je suis surprise, à défaut de le connaître lui, je connais suffisamment sa fille pour savoir qu’ils sont de fervents pratiquants. Je lui retourne un mince sourire alors qu’il compare cette ville à l’Arche salvatrice. Pour un peu, j’aurais l’impression d’entendre Benjamin. Mais il semble un peu plus désabusé que mon époux. « ça l’est effectivement. C’est un travail extraordinaire que vous avez réalisé ici. D’innombrables personnes ont pu être sauvées et mises à l’abri en se réfugiant dans ce havre, c’est indéniable. » J’ai une légère moue. « Mais les eaux n’ont pas recouverts l’entièreté des terres à l’extérieur, il reste de nombreuses lumières qui brillent encore dans l’obscurité. Il est heureux je trouve que nous ne soyons pas les seuls à vouloir sauver ce qui doit et peut l’être. » Je suis la croix qui se balance du regard avant de le relever vers lui. « Vous pensez toujours que c’est l’œuvre de Dieu ? Je l’ai pensé pendant longtemps aussi, mais… Des personnes de bien ont disparues alors que tant d’autres restaient debout… Je ne peux m’empêcher de me dire qu’Il n’aurait pas emporté tant de Justes. » J’ai un sourire contrit. « Mais comme le dites si bien, je pêche par orgueil. » Mes lèvres se pincent et je reprends dans un souffle. « Néanmoins je reste persuadée que les choses iront mieux. Si nous faisons ce qui est juste et bon, si nous prenons soin les uns des autres, si nous restons tournés vers Lui. Il nous guidera comme Il l’a toujours fait. Il nous faut garder la Foi et l’Espoir. » Comment pourrais-je penser autrement ? Quand bien même tout semble parfois insoluble ou inacceptable.
Comme les dernières épreuves que lui et sa famille ont dû surmonter. Il semble d’ailleurs quelque peu perdu et incertain, ce qui ne semble pourtant pas être habituel du peu que je sais de lui. « J’en suis heureuse. Les médecins prennent soin de lui, c’est tout ce qui compte. » Je fronce les sourcils malgré moi alors qu’il continue en parlant de Lynn et de Ray. Ah. Je vois. Je ne pense guère que le doute eut été permis, tout comme je suis persuadée que l’on ne peut changer ce genre de choses, surtout par de telles thérapies, mais nous éviterons d’en parler donc. « Quand je l’ai rencontré, Ray était quelqu’un de bien, de gentil. » J’esquisse un sourire qui disparait quand je poursuis, avec plus d’hésitation, baissant encore la voix. « Ce qu’ils ont fait reste impardonnable, je ne le discute nullement. Mais aucun d’eux ne m’a jamais semblé… cruel. Je veux bien ne pas savoir reconnaître un meurtrier, mais… Mais parfois, les situations ou les événements entraînent des conséquences qui nous dépassent, que l’on ne parvient pas à gérer. Peut-être était-ce le cas. » J’essaie de le croire en tout cas, je refuse de penser qu’ils aient pu volontairement tuer un homme.
Mais pour en revenir à Lynn, je lui adresse un nouveau sourire. « J’en serais ravie. J’irai lui rendre visite pour lui proposer si vous me le permettez. » Quant à son état à lui, pour être franche, je ne pensais pas qu’il me dirait quoi que ce soit. Pourtant, cette petite phrase veut dire énormément. « Je comprends. » Je me mords la lèvre en lui jetant un coup d’œil. « Benjamin a eu du mal à faire le point également. Il a accepté de me parler un peu, à défaut de le faire avec quelqu’un d’autre. » J’ai un léger sourire attendri. « Il m’avait dit qu’être en famille lui ferait du bien, mais je crois qu’il ne se rendait pas compte que cela impliquait de se retrouver avec plusieurs enfants… » Il n’avait pas vraiment eu le temps de s’y habituer en même temps. Je secoue la tête et l’observe à nouveau. « Votre famille aussi doit être heureuse de vous avoir à leur côté. Votre femme a probablement déjà dû vous proposer son aide, mais si jamais vous préfériez en parler à un inconnu… je connais un prêtre adorable. » Un sourire amusé éclaire mes traits. « Ou je sais être une oreille attentive, si vous le désirez. »
Quand je marche dans la vallée de l’ombre de la mort, je ne crains aucun mal, car tu es avec moi
Sujet: Re: Délivre-nous du mal Ven 23 Déc 2022 - 22:44
J’hochai lentement la tête alors qu’elle me confirmait ce que nous savions déjà, mais peut-être avais-je besoin d’entendre quelqu’un me le dire encore. Nous étions partis de rien, chassés de nos terres par les hordes, pour bâtir à Walla Walla un petit paradis sur Terre. Ce que nous avions réussi à accomplir n’était pas rien, de la petite centaine que nous étions à l’époque, nous étions désormais des milliers. Nous avions un véritable système de santé, des institutions, des lois… mais tout ce que nous avions si chèrement acquis ne nous avaient-ils pas rendus orgueilleux avec le temps ?
Je relevai un regard perplexe vers la fervente à côté de moi, qui se satisfaisait que nous ne soyons pas les seuls à nous battre pour construire un havre de paix. « Ils nous menacent tous. Ils sont convaincus que nous sommes le mal absolu. Ils nous ont crashé dessus quand nous avons cherché à leur venir en aide lors de l’épidémie, ils ont refusé notre justice… et que dire sur les Oblivions ? Ils sont de véritables démons sortis tout droit de l’enfer pour nous mettre à l’épreuve. » Je ne partageais pas son avis. « Vous n’êtes pas sortis d’entre ces murs depuis des années. Visiblement Benjamin, ou encore votre cousin, se sont bien gardés de vous raconter toutes les horreurs dont ils ont été témoins à l’extérieur. » Sinon son regard serait bien différent sur la question.
Mon regard glissa sur la croix au-dessus de l’autel face à nous. « Les voies de Dieu sont impénétrables. Peut-être avait-il une excellente raison de les rappeler plus tôt. Le doute nous avait assaillis aussi le 11 septembre 2001, quand tant d’innocents étaient morts également… » Nous nous posions constamment les mêmes questions. « La foi n’est pas que conviction, elle est aussi pleine de doutes. » Et, à chaque fois, elle s’était raffermie au fil des épreuves. Je parvins à lui sourire un peu. Nous devions rester justes et bons, même au cœur de la tourmente. Il saura nous guider. « Je l’espère. »
L’écouter me parler de Ray ne m’aida pas à relativiser les choses, bien au contraire. « Vous semblez tous persuadés qu’il n’aurait jamais attenté à la vie d’un saint homme, pourtant c’est arrivé. Il a pris la décision d’entraîner sa mort, en espérant que ça ne passe que pour un simple accident. Ray n’est pas quelqu’un de bien et de gentil. C’est quelqu’un d’égoïste et de manipulateur. Il n’a pensé qu’à sauver sa peau, alors même que ces deux femmes cherchaient à couvrir son crime. Lui n’a pas hésité à les trahir à la première occasion. » Voilà ce qu’il était, au fond. « Il s’était pourtant contenté de suivre les règles jusqu’à maintenant. » C’était le plus étrange là-dedans. Ray ne voulait pas faire de vagues. Il m’était apparu très amoureux de ma fille également, quand j’avais fait semblant de le noyer pour lui faire une bonne leçon. Pourquoi faire preuve d’autant de courage à ce moment-là pour se débiner ensuite ? Parce que ce meurtre lui avait paru justifié ? « Il a… prétendu que l’évêque lui avait réclamé quelques faveurs et qu’il l’a repoussé violemment. » Je relevai un regard incertain vers Hailey, me demandant ce qu’une fervente comme elle pourrait bien en penser. Me confier à un prêtre là-dessus me paraissait complètement déplacé. Quant à Jena, elle n’était pas aussi croyante que nous pouvions l’être. Elle ne m’apporterait pas les réponses que je cherchais réellement. J’avais encore du mal à imaginer qu’une chose pareille ait pu réellement se produire. On parlait d’un saint-homme… « Sommes-nous… corrompus, Hailey ? » Lui demandai-je avec honnêteté.
« Ils te feront la guerre, mais ils ne te vaincront pas; car je suis avec toi pour te délivrer. » dit l'Eternel
Sujet: Re: Délivre-nous du mal Mer 4 Jan 2023 - 21:38
« Oh non, je suis au courant. L’un comme l’autre m’ont parlé de leurs sorties et de ce qu’ils ont affronté, et même s’ils ne sont pas rentrés dans les détails, je n’ai aucun mal à combler les parties manquantes. Les hommes peuvent être cruels et effroyables, cela a toujours été. » Je lui adresse un regard désolé et rempli de compassion. « Et je ne doute aucunement que vous avez également pu voir le pire. Il doit être diffcile de continuer à se battre quand tout le monde semble contre nous… Difficile de garder la Foi quand tout semble s’obscurcir... » Je déglutis et reprends plus lentement. « Néanmoins, c’est précisément dans ces moments de doutes, de solitude, de souffrances, qu’il est primordial de continuer de croire. En Lui, mais également en l’être humain. Parce qu’il y a autant de bon que de mauvais, autant de merveilleux que d’horreur. Seulement, le Mal prend toujours plus de place, et il est aisé d’oublier les lumières et leur espoir. Alors, je ne peux, ni ne veux il est vrai, imaginer que les êtres vivants ici soient les seuls à désirer construire un avenir digne de ce nom. Je refuse de me dire que nous sommes les seuls à vouloir vivre en harmonie et en paix. Il me paraît inconcevable que tous les êtres encore doués de raison et de bonté soient regroupés ici, tout autant qu’il me paraît inconcevable que tous les monstres soient à l’extérieur. » Et si cela peut paraître naïf, il n’en est rien. Il s’agit aussi de logique et d’honnêteté avec ce que nous sommes.
J’ai beau continuer de m’interroger à ce sujet, je ne peux malgré tout qu’acquiescer lorsqu’il me répond. Un mince sourire étire mes lèvres. « Mon oncle disait qu’il n’y a pas de Foi sans questionnement ou sans doute. Les fragilités, les doutes, les blessures font avancer et permettent de la renforcer. » Mon pouce passe sur la couverture de la Bible usée. Et j’espère aussi de tout mon coeur que les choses s’amélioreront.
Mais ce n’est nullement le cas pour le moment, et j’ai bien conscience d’avancer sur un sujet épineux, d’autant plus avec River. Je fronce les sourcils en l’entendant, mettant quelques secondes à assimiler ce qu’il me confie. Il aurait délibérément tué l’homme ? Et trahi Tasya et Phoebe ? Je le dévisage quand il reprend, mes yeux s’écarquillant à sa confession. « Oh. » Ce n’est guère constructif, j’en ai conscience, et mes mains serrent un peu plus le livre sacré. C’est à la fois terriblement plus clair et terriblement plus triste et horrible. Ces thérapies sont finalement aussi efficaces que malsaines. « Je... » Je prends quelques secondes supplémentaires pour chercher mes mots, le regard fixé sur mes mains. « Je suis protestante, et non catholique. Pour nous, les pasteurs, ou prêtres, sont des conseillers, des soutiens. Ils ne sont pas davantage touchés par Dieu que le reste de la congrégation, il n’y a pas vraiment de… hiérarchie. Chaque homme et chaque femme ont la même valeur. Ils ne sont qu’humains. » Je relève les yeux vers lui. « Les Hommes sont des créatures faillibles et imparfaites. Se mettre au service de la communauté, sous le regard de Dieu, ne modifie en rien qui nous sommes. » Je me passe la langue sur les lèvres. « Il est possible que Ray ait dit la vérité. Peut-être a-t-il simplement cherché à… repousser l’évêque. » Quand bien même cela puisse paraître difficile à accepter pour lui, pour eux. Il n’était qu’un homme. « Ils auraient dû le sauver et appeler des secours. » C’est un fait indéniable. « Mais peut-être était-ce à l’origine un accident et ils ont eu peur, de ce qui se passerait ensuite. Ils n’ont sans doute pas réfléchi réellement aux conséquences. Les gens deviennent idiots quand ils sont effrayés. » De là à laisser un homme mourir ? Sont-ils aussi croyants que je le suis ? Non, sans aucun doute que non. Si Ray est aussi couard qu’il le dit… Tasya et Phoebe n’ont dû songer qu’à le protéger, en dépit de tout bon sens.
Je cligne des yeux pour chasser les larmes qui s’y trouvent et j’inspire profondément. Un moment de flottement suit sa question, avant que je ne darde mes prunelles sur lui. Doute-t-il réellement ?
Je tourne mon regard vers la croix. « Tendre la main à son prochain, partager son pain et son toit. Prendre soin des indigents, des enfants, des malades. Etre bienveillant, compatissant et équitable. » Je baisse le regard et fais tourner mon alliance. « C’est ce qu’on m’a toujours répété, ce que je me suis toujours efforcée de faire. » Ou la plupart du temps tout du moins. Et même en le sachant déjà, c’est douloureux de se rendre compte qu’ici, il n’y a plus rien de tout cela. Je le fixe de nouveau, continuant à voix basse, avec douceur. « Je pense que cet endroit à réellement été créé tel un sanctuaire, pour devenir une Arche comme vous l’avez si joliment dit. Mais je pense également qu’aucun homme ne peut demeurer le même dans le monde d’aujourd’hui, et que personne n’est à l’abri de se détourner du droit chemin. Je pense que le pouvoir corrompt et qu’il faut plus que de bonnes intentions pour ne pas se perdre. » J’ai une ombre de sourire, rempli de plus de douleur que de joie. « Et je pense que nos enfants méritent un monde plus juste, plus libre et plus charitable, fait de bienveillance et d’amour. » Mon sourire s’agrandit à peine, alors que ma main effleure mon ventre. « Ou de ce que nous pouvons leur offrir de meilleur. »
Quand je marche dans la vallée de l’ombre de la mort, je ne crains aucun mal, car tu es avec moi
Sujet: Re: Délivre-nous du mal Sam 11 Fév 2023 - 17:40
Hailey prenait les choses avec un détachement qui restait propre aux personnes qui n’avaient ni vues ni vécues grand-chose à l’extérieur de ces murs à mon sens. J’imaginais sans mal que l’épouse de Benjamin s’était faite attentive à ses récits de guerre, notamment lorsqu’il était remonté du front depuis Glenwood. Il s’en était fallu de peu pour que le soldat passe l’arme à gauche, comme bien d’autres avant lui. A force de luttes acharnées, nous nous épuisions. Vaincre ou mourir, il n’existait aucune alternative, aucun repos. « La Foi est justement ce qui nous permet encore de tenir et de retourner nous battre, sans nous poser de questions. » Je lui rendis un long regard, en l’écoutant attentivement. « Je voudrais croire aussi que la lumière continue de briller hors de ces murs, mais je n’ai vu que la guerre, la désolation, la mort… comme si nous étions cette arche de Noé perdue en pleine apocalypse. »
Je parvins à lui sourire un peu. « Ayez pitié de ceux qui hésitent. Votre oncle était un homme sage. » Je croyais aussi, dur comme fer, que la Foi ne pouvait s’accompagner que de moments de doutes et de remises en question. C’était ici que je venais me réfugier lorsque le poids sur mes épaules devenait trop lourd à porter, car je ne pouvais pas demander à ma famille d’en prendre une partie. Je ne l’avais jamais fait auparavant. C’était une habitude solidement ancrée en moi, après plus de vingt ans dans l’armée, et notamment dans les forces spéciales. Je n’avais jamais pu leur dire un dixième de ce qu’il se passait durant mes missions en Afghanistan.
Je finis par me confier à elle, parce qu’Hailey incitait à le faire sans même s’en rendre compte. Si mon récit la choqua, elle garda une certaine réserve. L’entendre me répondre qu’elle était protestante et non catholique fit naître entre nous une certaine distance, mais sans être réellement gênante. Les catholiques étaient en bien plus faible nombre ici qu’au Texas. Je m’étais déjà fait à cette idée. « Peut-être que c’est vous qui avez raison alors… » Finis-je par lui avouer. « Mais ça n’en resterait pas moins un crime pour lequel il aurait dû être jugé. » Hailey était pleine de bon sens, contrairement à eux. « Je n’ai pas cessé de leur dire qu’ils auraient dû appeler les secours. » Ils avaient pris les pires décisions possibles. Est-ce qu’ils avaient eu seulement peur ? C’était possible. J’en étais à l’espérer. A écouter Hailey, elle aurait été capable de racheter les crimes des pires d’entre nous.
Son regard était brillant quand il croisa à nouveau le mien. Je m’en voulais un peu de faire peser tous ces doutes sur ses épaules frêles. « Vous êtes une bonne croyante. » Lui soufflai-je d’un ton qui se voulait rassurant. « S’ils étaient plus nombreux à vous écouter, peut-être que cet éden que nous avons créé ne serait pas au bord de la rupture. » Je lui offris l’ombre d’un sourire en retour. « Je vous promets de tout faire pour combattre la corruption et la perversion. Je maintiendrais l’ordre dans notre foyer et personne n’échappera à la Loi. » La Sienne.
« Ils te feront la guerre, mais ils ne te vaincront pas; car je suis avec toi pour te délivrer. » dit l'Eternel