The Walking Dead RPG

Les airs menaçants d’Elijah sont comme une trahison de plus. Ray s’imaginait que si le milicien venait l’aider, ça devait être, au moins en partie, par compassion. Mais il lui parle avec presque autant de mépris que les autres. Il veut juste l’utiliser pour sa foutue enquête…

Leur proximité l’effraie. Son corps habitué aux coups les anticipe déjà, se recroqueville légèrement dans un réflexe de protection. Il en a marre d’avoir mal, ne veut plus que ça recommence…

Son dos se heurte à la paroi trop fine, froide et humide qui les sépare d’une chambre de passe.

Acculé, Ray a bien du mal à rester concentré sur les paroles de son vis-à-vis. De toute façon, ils ne se comprennent pas. Comme s’ils ne parlaient pas de la même chose… Il baisse les yeux quand Elijah s’acharne à lui rejeter sa culpabilité à la figure. Comme s’il ne s’en voulait pas déjà assez. Comme s’il n’était pas suffisamment puni…

“Il n’aura rien.” Fait-il plus bas, plus timidement. Cet homme qu’il poursuit n’écopera d’aucune peine. “Ils se fichent bien que des femmes se fassent agresser. A moins que ce ne soit des épouses, des “femmes de”…”

Quand il essaie de le repousser, Ray ne s’attend pas à se faire agripper. L’angoisse grimpe en flèche, rouvre ses yeux de panique. Son coeur bat à tout rompre entre ses côtes, si fort qu’il est convaincu qu’Elijah entend sa détresse.

Il aurait dû se taire. Ray n’ose pas vraiment se débattre, se contente de tirer son bras sans force vers lui. Il veut pourtant s’en libérer. Le plus vite possible. Avant que ça ne dégénère. Qu’il le frappe. Qu’il le mette en sang, encore. Son regard s’échappe pour chercher autour d’eux, une issue ou quelque chose pour se défendre. Il y a le balai dont se sert Tasya pour ses ménages. Peut-être que…

Dans son hésitation, Ray écoute vaguement les justifications d’Elijah. Si Jake avait rejoint ce groupe, cette milice, aurait-il agi de la sorte ? L’idée que son compagnon défunt, policier, se soit retrouvé à la place d’Elijah l’écœure. Il aurait été trop sensible à la détresse des autres pour leur faire du mal aussi injustement.

Ray se tait, mâchoires serrées, relève les yeux vers ceux d’Elijah qui le relâche lentement et lui énonce sa vérité. Ses intentions sont purement égoïstes. "Ce n’est pas vraiment une surprise." souffle-t-il dans un murmure acide.

Sitôt libéré, Ray glisse rapidement contre le mur pour échapper à Elijah et se presser vers le balai. Il tend la main pour le saisir mais n’est pas assez rapide pour surpasser les réflexes aiguisés du milicien.

Dés:

La peur. Elijah la voit, la perçoit, dans l’attitude de Ray, tandis que ce dernier se recroqueville sur lui-même. Et ça perturbe le milicien, l'arrêtant un instant. Merde, il se passe quoi là au juste ? La crainte de l’ex kiné, il ne la reconnait que trop bien: celle des coups, de la maltraitance, comme il l’avait déjà remarqué avec Harper à Providence… Et si la plupart des miliciens s’en délectent sûrement, ce n’est pas son cas. Non, absolument pas.

Peut-être est-ce ce constat qui calme un peu sa colère, la maintient sous contrôle: il écoute de ce fait Ray, avant d’avoir un vague soupir. La plupart s’en fichent oui. Et il serait foutrement naïf de penser le contraire. Mais je ne lâcherai pas. Oh que non: cet homme, tout comme certains avant, tombera lui aussi.

Le pouls de Ray bat à toute allure, entre sa main: sa panique semble plus forte, et il est impossible pour Elijah de ne pas la remarquer, tant c’est évident. Visible. D’où le fait que le milicien ne l'enserre pas plus, avant de rapidement le relâcher: non, il ne souhaite pas lui faire du mal, c’est juste que… satanés réflexes. Si tu avais une famille à protéger, tu ferais la même chose. Qu’il ose prétendre le contraire.

Ray aussitôt relâché, ce dernier se colle au mur, tentant de se rapprocher du balais non loin: et alors qu’il tend à peine le bras vers l’objet en question, Elijah s’en empare déjà. Non, Ray. Ne fais pas ça. Le ton de sa voix est déjà plus calme et mesuré, bien que toujours ferme. Le balais reste dans sa main, sans être utilisé comme un objet de menace: il s’éloigne même avec, le posant contre un autre mur, avant de revenir vers l’ex kiné. Je ne te veux aucun mal. Après tout, si c’était le cas, il aurait déjà reçu bien des coups, non ?

Si tu avais une famille à protéger…

Les images de l’échographie de Lynn s’imposent à lui. Un foetus qui, à mesure que les semaines passent, continue de grandir loin de lui. Il ne verra probablement jamais son fils. Saura-t-il seulement s'il arrivera à terme ? Son prénom ? Lynn pourrait bien le punir en le privant de ses nouvelles. A vrai dire, il n'est même pas certain d'en vouloir. Et son frère - depuis l’acte de défense que son aîné a pris comme une trahison, il ne l’a jamais revu.

Que lui reste-t-il ?
Juste son propre corps qui sature.

Alors Ray se jette sur ce balai dans l’espoir de se défendre contre le milicien qui se fait de plus en plus menaçant. Mais celui-ci est plus rapide, et la panique coule à toute vitesse dans le système fatigué du kiné. Lorsqu’Elijah s’en sépare, Ray devine l’humidité acide qui presse sous ses paupières.

“Ma famille… n’a pas cherché à me protéger.” souffle-t-il douloureusement, la rancœur et la culpabilité emmêlées au creux de sa gorge. Il recule encore quand Elijah revient vers lui, tient à cette maigre mais infiniment précieuse distance entre eux, ignore s’il peut lui faire confiance. “Je suis désolé.” s’efforce-t-il d’articuler, “Je devrais juste... me taire. Mais..." Il inspire profondément, prêt à ravaler tout ce qu'il reproche à son vis-à-vis qu'il n'ose même plus regarder dans les yeux. "Si… si je t’aide… je ne veux pas de tickets. Je veux… une porte de sortie.” Son regard tombe lentement sur l’arme pendue à la ceinture du milicien. Qu’il le fasse passer entre les murs pour le perdre en pleine nature ou lui permette de partir sans plus de souffrances, peu lui importe, pourvu que ça ne tarde pas.

Sa famille ne l’a pas protégé. En voilà une chose insensée, incompréhensible, aux yeux d’Elijah: comment son propre sang a pu l’abandonner à son sort, ainsi, sans même lui apporter du soutien ? Le milicien serait incapable de faire une telle chose. Plutôt mourir que de trahir les siens. Tu n’as pas à l’être. Désolé. Malgré ses propos. Il regarde l’ex kiné attentivement, écoutant sa requête. Alors tu l’auras. Encore faut-il qu’il la trouve cette sortie. Après s’être assuré que Ray soit un minima calmé, l'ancien agent du FBI part du bordel,  non sans de nouveau réfléchir aux propos du plus jeune…

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Décembre 2022.

Et les chiens se sont jetés sur le disgracié ! s’exclame le soldat dans le chenil, face à son petit public. Quelques rires l’accompagnent à travers son récit, dont Elijah est un spectateur indirect: il vient juste récupérer Clover, et ce serait bien passé d’entendre ça. Il couinait comme une souris, et suppliait même le sergent Atkins. Les rires s’amplifient. Non Riveeer, arrête ça je t’en supplie !

L’hilarité atteint son paroxysme, lui arrachant un soupir: c’est en attachant la laisse au collier de Clover, qu’il réfléchit aux propos du soldat non loin. S’il y a bien un disgracié que River utiliserait pour l’entrainement de ses chiens, c’est bien… Ray. Merde, et si c’était réellement le cas ?

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A force de franchir la séparation entre les districts et le bidonville, Elijah savait désormais dissimuler quelques petits objets, qui resteraient sûrement à l’entrée s’ils étaient trouvés. Prenant le chemin opposé au quartier détruit, il ne lui faut pas beaucoup de temps pour retrouver la maison d’Ashton, qui s’apparenterait plus à un taudis qu'autre chose.

Il tombe d’ailleurs nez à nez avec ce dernier, à peine arrivé près de la porte. Ashton. Ray est là ? L’homme reste un instant silencieux, sans savoir quoi répondre, l’air soucieux. Oui, souffle-t-il finalement. Il est… enfin vous verrez ça de vous-même, je suppose. Il laisse entrer Elijah et sort à son tour, lançant un regard entendu au milicien.

Ce dernier se dirige vers la pièce occupée par l’ex kiné, et rentre après s'être manifesté. Ray… Difficile de ne pas constater son mauvais état: oui, celui servant de cible aux chiens était bel et bien Ray.

Dans l'entrebâillement de l'épaisse couverture se devine l'épaule taillée trop près des os, la clavicule saillante à en déchirer sa peau. Sous la nuque mordue par une cicatrice encore fraiche commencent les stries blanches qui lui lacèrent le dos depuis plus d'un an. Ses vertèbres se compteraient du bout des doigts, l’angle de sa mâchoire est tranchant.

Ray voit sa chair fondre de jour en jour. Il est en train de disparaître et ne fait plus rien pour retarder cette fatalité.

Sur la table de chevet, un bol de soupe intact et aussi froid que l'air qui s’infiltre par les fissures des carreaux. Les murs tiennent debout par un espèce de miracle absurde alors que le papier peint s’en décolle au fil des intempéries. C’est peut-être un peu plus confortable que la piaule minable qu’ils occupaient au bordel. Mais ici, ils sont bien plus nombreux. Et si plusieurs matelas sont disposés au sol, Ray se retrouve obligé de partager le sien avec Phoebe.

Mais pour le moment, ils sont partis.

Il y a bien les chahutages des enfants qui traversent la paroi depuis la pièce d’à côté. De temps en temps, le claquement d’une porte qui le fait sursauter. La voix de l’un ou l’autre des adultes qui l’angoisse plus qu’elle ne le rassure.

Depuis cette chambre, Ray entend toute l’activité de la rue. Le passage tout près de la fenêtre, les quelques roulottes qui s’aventurent sur les chemins boueux, les gémissements de famine et de douleur, les cris des femmes que l’on agresse. Il ya bien une paire de rideaux qui coupe leurs regards, mais elle ne l’isole pas des grognements. Des aboiements. A chaque clébard qui passe, Ray voit les crocs, les gencives rouges et brillantes, les regards noirs, acérés, le poids de leurs pattes sur son buste, le chemin imprévisible et inarrêtable des crocs qui le transpercent de part en part, le déchiquètent et l'écartèlent.

Il ferme les yeux. Pris dans un étau de douleur, de honte et de ces sons qui lui saturent l’esprit, incapable de bouger, son oreille se tend lorsque la porte d’entrée grince. Des voix incompréhensibles. Un sursaut quand la chambre s’ouvre dans la foulée.

Il reste face au mur, dos à Elijah. Le reconnaît instantanément à sa voix.

Lui ne parle plus beaucoup.

Il remonte la couverture sur ses épaules dans un geste fébrile, refuse de se retourner. La morsure l’a défiguré, liant sa nature de monstre à son apparence. Il aimerait que personne ne le voit si laid, en particulier ceux qui l’ont connu avant.

“Je n’ai rien de nouveau.” Souffle-t-il tout bas, peut-être trop pour que le milicien le comprenne, l'articulation des mots contrainte par la douleur qui irradie tout son visage. Depuis qu’il lui a confié cette mission, celle de retrouver des femmes agressées pour son enquête, Ray lui a déjà donné quelques informations. Mais voilà quelques jours qu’il est immobilisé. “Tu peux partir.” Souffle-t-il, sans doute un peu à contre coeur. En réalité, il aurait probablement bien besoin d'un ami.

Impossible de savoir à quel point Ray est dans un mauvais état, tant que ce dernier tournera le dos à Elijah. Néanmoins, il y a une chose dont le milicien est certain: l’épaisse couverture miteuse a beau l’emmitoufler en grande partie, le peu qu’elle laisse apparaitre donne un aperçu suffisant… L’ex kiné perd du poids à vue d’oeil, bien trop rapidement pour que ça ne puisse être uniquement dû aux conditions de vie du bidonville. Après tout, le bol encore rempli de son contenant le confirme plutôt bien, n’est-ce pas ?

Comme si le concerné avait senti son regard sur lui, et plus précisément sur cette blessure présente sur sa nuque, il remonte sa couverture. Ce qu’il dit est presque inaudible, mis à part deux mots: rien et nouveau. Peut-être fait-il référence à la mission que le milicien lui a confié ? Après tout, le milicien venait principalement pour ça les dernières fois. Ce dernier s’approche, doucement, avant de venir à la hauteur du plus jeune: il s’assoit à même le sol, gardant une légère distance, sans non plus chercher à rentrer dans son champ de vision.

Non. Je ne partirai pas, répond-t-il finalement. Peu importe, si tu n’as rien de nouveau. Il lui a déjà donné quelques informations, certes minimes, mais qui lui seront sûrement utiles par la suite: et c’est déjà ça de pris. Je ne suis pas venu pour ça. Autant être honnête à ce propos. J’ai été informé de… ce qui s’est passé. Au chenil. Du type de corvées données par River, et surtout, les attaques répétées des chiens.

Ray… Il a un soupir. Il faut que tu manges, ne serait-ce qu’un peu. Sinon il ne tiendra pas bien longtemps, et ce n’est pas une agonie à laquelle il a envie de goûter. Oh que non… Et que quelqu’un s’occupe de tes blessures, dit-il, tout en sortant le peu de matériel médical qu’il a pu emporter avec lui.

Ray le sent, tout près de lui. Une présence dans son dos, rassurante mais presque trop intrusive. Quoiqu’il est, au fond, soulagé qu’il reste à ses côtés. Elijah lui rappelle, dans cette façon si propre sur lui qu’il a de présenter, qu’il y a une vie au delà de la crasse de celle-ci.

Le kiné ne bouge pas, l’écoute seulement. L’évocation du chenil lui tord le ventre. Il aurait préféré que l’humiliation ne s’ébruite pas.

Les larmes lui montent aux yeux, entrouverts face au mur jauni. La crispation réveille ses douleurs en cascade. Il se recroqueville sous sa couverture. “Tu n’es pas médecin.” Souffle-t-il de sa voix souffreteuse. Luther ne prendra jamais le temps de venir s’occuper de son ancien élève. Et Min-Oh… Sans doute est-il accaparé par ses nouvelles responsabilités.

Ils l’ont juste effacé de leurs vies. Le coréen aura eu le culot de le faire après l'avoir forcé à subir la sienne.

Il devine le son discret du matériel que le milicien déballe dans son dos. Impossible de savoir ce qu’il a ramené. Mais ce sera certainement plus efficace que l’alcool de contrebande utilisé pour désinfecter ses plaies.

Après une longue hésitation, comprenant qu’Elijah ne partira pas, Ray se redresse péniblement. La couverture glisse jusqu’à sa taille, dévoile ce qui lui reste de corps, les quelques muscles amaigris qui luttent pour le maintenir dans un équilibre fragile comme une marionnette suspendue au bout de ses fils. Le froid l’agresse instantanément, crible sa peau d’une désagréable chair de poule.

Il ne regarde pas le milicien, préfère fixer le lit. Ashton et Phoebe ont pansé ses blessures avec les moyens du bord. Des tissus à peu près propres écrasent des plantes médicinales aux vertus antiseptiques sur ses plaies les plus profondes. Celui plaqué sur sa joue tient dans une tension fragile par un lien qui lui traverse le visage pour se nouer derrière sa tête. Il a eu l’occasion d’apercevoir brièvement son reflet avant qu’on ne lui mette ce pansement. La chair est déchirée en profondeur, les muscles probablement atteints. L'infection est quasi inévitable, la cicatrice sera laide, le défigurera pour toujours. Au moins, la douleur le rassure quant à l’état général de ses nerfs…

“Montre moi ce que tu as apporté.” Soupire-t-il faiblement en appuyant le bas du dos contre son oreiller, regard tombant sur le sac de son ami, avec un vague espoir d’y trouver de quoi le soulager. Pas une remarque sur la nourriture qui continue de refroidir près de lui, rien que l’odeur lui donne la nausée..