The Walking Dead RPG

Ray. Elijah a un soupire. Sa chute est un accident, mais pas le fait de l’avoir laissé mourir. Combien de temps va-t-il rester dans un déni pareil, au juste ? La réalité restera inchangée, qu’importe s’il refuse de l’entendre. Oui, il n’en était pas un. Un homme de Dieu. Et ils sont sûrement très peu à l’être au sein de ses murs… Mais de toute façon, rien de tout ça ne fait sens aux yeux du milicien: les églises, les prêtres et autres rangs, mais aussi les textes soi-disant sacrés… n’ont pas de valeur pour lui. Pas en étant un protestant libéral.

Cela ne change pas les faits. Lequel des deux ne cesse de se justifier ? Lui, ou le disgracié qui essaie de se trouver des excuses ? L’ironie est forte. Dans l’ancien monde, tu aurais été jugé coupable d’homicide involontaire, même avec des circonstances atténuantes. Et si cela n’a désormais plus d’importance, inutile de préciser que les lois de New Eden ne s’éloignent pas de ces dernières… du moins sur ce point. Par contre, personne ne devrait être condamné à se retrouver dans un endroit pareil. Ce n’est pas une forme de justice acceptable.

Si ses propos sont nuancés, son discours est toujours tranchant, dénué de toute hésitation. Je ne comptais pas rester. Et je ne reviendrais pas non plus, ajoute-t-il d’un ton égal. La fin de cette fragile confiance entre eux ne lui fait d’ailleurs ni chaud ni froid. Mais avant ça, tu me dois un service. Il s’éloigne, posant une nouvelle fois son regard sur Ray, plus distant que jamais. Tu vas m’aider à retrouver des disgraciées ayant travaillé à l’imprimerie. La plupart ont été agressées par un employé, et il me faut leurs noms.

C’est les seuls détails qu’il aura à propos de cette enquête. Et tu seras payé pour ça. Après tout, il aura bien besoin de ces tickets pour survivre, non ?

Que cherche au juste le milicien à vouloir lui donner tort ? Le blesser ? Justifier sa misère actuelle, la famine, les mauvais traitements ? Au nom de quoi, de la loi ?

Il lui semble surtout qu’Elijah essaie de se faire passer pour plus moral que lui. Mais le kiné n’aurait jamais été jugé coupable si l’évêque ne l’avait pas agressé. Ou s’il n’avait pas suivi cette thérapie dans un premier lieu. Il serait resté le kiné à la vie tranquille, apprécié de ses pairs et de ses patients. Il aurait encore son cabinet à Sainte Mary, continuerait de se former auprès de Min-Oh.

Sa culpabilité lui apparaissait évidente pendant longtemps. Mais ses certitudes partent en fumée, l’esprit libéré de cette foutue cage dorée.

“Dans l’ancien monde, ça ne serait jamais arrivé.” Regard froid ancré dans le sien, comme si les deux hommes tentaient de faire flancher l’autre. “Dans l’ancien monde, Alec n’aurait pas eu le droit de violer Tasya. D’arracher l’oeil de Phoebe. Et je ne pense pas que ce qu’a subi Harper aurait été bien plus légal. Il n’y a aucune justice, ici. Tu le sais bien.” Elijah fait partie de la milice. Il sait les horreurs commises sur les habitants de Seattle. Qu’il ravale ses contradictions. Tant mieux pour lui si ça ne l’empêche pas de dormir.

Ray est soulagé d’apprendre qu’il ne compte pas rester. Tant mieux, il se passerait bien de ses sermons à deux balles. Il n’en dit rien, mais ne contient pas un soupir quand l’autre évoque le service qu’il lui doit.

Une histoire d’agressions. “La milice devrait s’occuper des agresseurs qui occupent ses rangs avant de traquer tous les tordus de la ville.” grince-t-il plein de rancoeur. Jusqu’au bordel, les hommes en uniformes viennent les humilier.

Cette enquête n’a pas de sens. Mais la coopération de Ray reste monnayable. Après tout, son estomac crie famine, et il a besoin de vêtements plus chauds pour passer l’hiver. Il hésite, frustré de devoir s’y résoudre, souffle, “Combien ?”

Sans blague, répond-t-il d’un ton sarcastique. C’est bien parce que l’ancien monde n’existe plus, que tout ceci peut se produire. Mais l’ex-kiné semble être particulièrement doué pour comprendre uniquement ce qui l’arrange... Rien de tout ça n’aurait dû se produire. Et tu sais pourquoi ce n’est pas le cas ? Parce que ce putain de groupe existe, Ray. Elijah ne cherche même plus à filtrer ses propos: à quoi bon, de toute façon ?

Oui, torturer Harper aurait été complètement illégal. C’est ça que tu veux entendre ? Elijah ne s’est jamais voilé la face à ce propos: au contraire, il sait terriblement bien ce qu’il a commis. Et à quel point ses mains sont couvertes de sang, aujourd’hui. Son regard reste fixé sur celui de Ray, imperturbable, quoique sa colère est désormais évidente à ses mots. Et si tu penses que ce genre d’acte est réservé à New Eden, alors tu es foutrement naïf. Si ce n’est complètement aveugle. Le milicien, lui, a suffisamment vécu sur les routes pour savoir que bien des survivants s’y adonnaient déjà. Je me serais bien passé de le faire. Mais il fallait que quelqu’un s’y colle, pour éviter qu’elle subisse un de ces tarés de soldats. Ou un énième Alec, justement.

Qu’importe, Ray ne fera certainement pas l’effort de comprendre, lui qui se permet d’émettre des jugements à deux balles. Elijah sait qu’il ne devrait pas se fatiguer inutilement… mais peut-être que d’une certaine façon, tout ceci le déçoit, notamment le fait d’avoir perdu autant de temps pour l’ex kiné. Et ça l’agace. Si c’était possible, ce serait déjà fait, lâche-t-il aussitôt, presque avec mépris. Mais à t’écouter, il faudrait laisser ces putains d’agresseurs faire ce qu’ils veulent, c’est ça ? Impossible de faire plus contradictoire là.

Le double de ce que tu as reçu jusque là. Tel est le prix à payer, pour l’inciter à accepter. De toute façon, seul le fait d’avoir ces noms lui importe. Le reste, concernant le disgracié, il n’en a plus grand chose à faire… vu ce qu’il récolte en s’en préoccupant.

Ray n’apprécie pas - du tout - le sarcasme qu’il devine dans la voix d’Elijah. Ne se rend-t-il pas compte de la mauvaise foi dont il est en train de faire preuve ? Et le kiné se trouve légèrement confus, même s’il tente de le contenir, lorsque le milicien se positionne clairement contre New Eden. C’est à ne plus rien comprendre.

Froncement de sourcils, Ray scrute le regard de son interlocuteur qui se fait plus coléreux, quoique toujours mesuré. Lui, naïf ? Le terme lui arrache un brusque rire jaune. “Bien sûr. Je suis naïf.” Il balaie la pièce miséreuse d’un regard, “Je suis complètement hors des dures réalités.” continue-t-il, avec autant d'ironie que le milicien. “Je crois vraiment que le monde est fondamentalement bon et juste !” Quelle blague !

Ray soupire lourdement alors que son rictus l’abandonne, il se détourne vers le lit, passe une main nerveuse sur sa nuque. Il aurait envie de tout mettre à feu et à sang, si seulement il en avait le courage. “C’est ce que vous faites, Elijah.” Laissez ces agresseurs s’en sortir. Ne jamais croire les victimes. “Tu vas t’occuper d’un cas pour te donner bonne conscience, mais il y en a des centaines d’autres qui courent uniquement parce que ce système est pourri jusqu’à la moelle. Et ça, personne n'aura jamais les couilles de s'en occuper.” Plus aucun filtre, et tant pis. Son regard se raccroche à celui d’Elijah quand il lui propose de doubler les paiements qu’il a déjà reçus. Le kiné hésite un instant avant de débiter rapidement, “Je veux sortir d’ici.” Le voilà, son prix…

Oui, naïf. Qu’importe à quel point le rire de Ray puisse-t-il être jaune à cet instant précis, cela ne fait aucunement ciller Elijah. Il n’est nullement impressionné et n’a pas de réactions particulières hormis un certain agacement. Et l’ex kiné ne s’arrête pas en si bon chemin, loin de là: il continue, usant de la même ironie que lui, à présent. Tu fais exprès de ne pas comprendre, c’est pas possible, réplique-t-il dans un soupir évocateur. Le disgracié commence à lui courir sur le haricot. Pour ne pas dire autre chose. Non, pas bon et juste. Par contre pour te sentir moralement supérieur aux autres, là tu es présent.

Le plus jeune se détourne vers le lit, et le milicien ne le lâche pas du regard, alors qu’il se remet à parler. Si le début n’est pas non plus faux, le reste… Pardon ? Sa réaction ne se fait pas attendre, tandis qu’il hausse légèrement du ton: puis il s’approche une nouvelle fois de Ray, ses yeux le fixant toujours autant. Vas-y, répète ce que tu viens de dire. Un pas de plus, puis deux. Elijah est proche de lui, plus qu’il ne l’était auparavant. Je n’essaie pas de me donner bonne conscience, j’essaie de faire mon putain de boulot.

Voilà pourquoi tu es naïf, Ray. Tu crois quoi au juste, qu’il suffit de faire des enquêtes et que miraculeusement, ça ira dans notre sens ? Que rien ni personne ne peut entraver ces démarches, faire clore le dossier ou nous menacer ?  Mais bordel, ouvre les yeux ! Son regard reste ancré dans celui du plus jeune, tandis qu’il écoute finalement sa proposition, concernant le paiement. Ce n’est pas quelque chose que tu pourras obtenir rapidement, ça.

“Ton travail d'enquêteur est une putain de supercherie.” reformule-t-il sur le ton de la provocation. Elijah approche. Dans l’étroitesse de cette misérable chambre, Ray ne peut plus vraiment mettre de distance. “Recule.” ordonne-t-il nerveusement. Sa proximité le met mal à l’aise. Elle est menaçante et, l’espace d’un instant, le kiné se demande s’il est allé trop loin. Face à n’importe quel autre milicien, il aurait fait profil bas. Parce qu’il pensait le connaître un peu, il en a oublié qu’Elijah est l’un d’eux. Que sans en craindre la moindre conséquences, il pourrait bien le passer à tabac ou lui loger une balle dans le ventre.

Sans avoir assez de compassion pour le tuer.

Les mots continuent pourtant de l’agacer. Il ne se pense pas moralement supérieurs aux autres. Ray a bien conscience d’avoir agi avec égoïsme et lâcheté à chaque fois que sa vie ou son confort étaient en jeu. Mais comparé à ceux qui torturent, violent et tuent, il reste un enfant de choeur.

“Je sais tout ça.” Il s’en doute, du moins, que la hiérarchie est corrompue, pourrie jusqu’à l’os. Il s’accroche aux yeux de son vis-à-vis, soupire, “Ce que j’essaie de te faire comprendre c’est que se ranger du côté de la loi de New Eden et comparer ça à de la morale ça n’a aucun putain de sens.” Son regard se plisse légèrement. Les deux hommes ne se comprennent pas, comme s’ils ne parlaient pas la même langue. “Tu sous-entends que je mérite mon châtiment. Qu’Harper mérite le sien. Pourtant, tu sais que la justice ici ne vaut rien.” Il relève le menton, repoussant le buste de son ami de la paume d’une main un peu trop fébrile.

“Dans quel camp es-tu, exactement ?” fait-il avec un mépris teinté de crainte dans sa voix. “Celui qui t’assure une petite vie tranquille, n’est-ce pas ?” Une courte pause, avant de reprendre, “C’est ce que j’ai essayé de faire, moi aussi. Mais je n’ai torturé personne pour ça.”

Ton travail d’enquêteur est une putain de supercherie. Plus que chacun des mots prononcés par Ray, c’est tout particulièrement son comportement provocateur qui l’énerve, le sortant presque hors de ses gonds. Presque car malgré tout, Elijah n’est pas vraiment du genre sang chaud. Du moins, pas assez pour commettre un geste qu’il regrettera sûrement. Quant aux propos de l'ex-kiné... A-t-il réellement tord ? Pas tant que ça, mais encore une fois, la faute revient aux quelques fruits pourris du panier.

Garde tes ordres pour toi, réplique-t-il froidement. Qu’il se permette d’en donner aux autres, soit, mais pas à lui. Le milicien reste un long instant ainsi, le regard ancré dans le sien, avant de reculer d’un demi-pas. Un seul uniquement. Non, à part t’en douter, tu ne sais pas. Tout simplement car il n’a jamais fait partie de la milice. Mais ne serait-il pas un peu de mauvaise foi aussi ? Puis il a un long soupir. Et si tu écoutais ne serait-ce qu’un putain d’instant, tu saurais que je n’ai jamais dit ça. On dirait presque que Ray fait exprès de ne pas comprendre…

Personne ne devrait être condamné à finir dans un bidonville. Deuxième fois qu’il le répète, d’ailleurs. Mais si cet endroit n’existait pas, et que la justice était digne de ce nom, vous ne seriez quand même pas uniquement considérés comme des victimes. Malgré des circonstances atténuantes légitimes et compréhensibles. Qu’il se voile là-dessus si ça l’amuse, malheureusement, c’est la réalité. Oui, elle ne vaut rien. Mais ce mec tombera, et je ne lâcherais pas l’affaire avant que ce soit le cas.

Dans un réflexe presque automatique, lorsque Ray le repousse et le touche, Elijah s’empare de son poignet: sa main l’enserre, sans pour autant y mettre de la force, tandis qu’il ne le lâche pas. Tu rigoles ? Il a un rire jaune. Vivre dans cette foutue ville n’a rien de tranquille. Puis il lève les yeux au ciel. Sans blague, tu ne l’as jamais fait parce que tu n’étais pas un putain de milicien. Il fallait que quelqu’un le fasse, à moins que t’aurais préféré qu’elle tombe sur énième Alec ? Non, lui n’a jamais eu à faire ce genre de choix, quoiqu’il puisse dire. Il baisse le bras de Ray, avant de le relâcher. Tu veux savoir toute la vérité ? Il a un instant de silence, le fixant. Tout ce que je veux, c’est faire partir ma famille d’ici. Point barre.