The Walking Dead RPG

C’est de plus en plus difficile de se lever le matin. Ray est vidé de son énergie, et les nuits agitées de Tasya ne l’aident pas à se reposer. Tous les trois peinent à se nourrir, malgré les passes de Phoebe, les petits boulots que peuvent se dénicher les deux autres.

S’aidant du vulgaire bâton qui lui sert de canne et de l’épaisse rampe en bois, Ray descend très laborieusement les marches vieillissantes du bâtiment. A chacun de ses pas, lorsque son poids pèse sur le muscle arraché de son mollet, la douleur lui donne l’impression que les points vont exploser.

Il rejoint la chambre de l’une des prostituées : Marisol. Celle-ci l’a réclamé pour un examen médical ; Ray s’y plie pour mériter le toit que le bordel met au-dessus de leurs têtes. Les filles se débrouillent comme elles le peuvent avec leur propre stock et des produits artisanaux à base de plantes ; au moins, Ray peut les guider dans leur utilisation. Lorsqu’il ressort de là, la fille le remercie d’un baiser sur la joue et d’un grand sourire, que le kiné peine bien à lui rendre. Et lorsqu’il se tourne pour avancer dans le couloir, il se fige en voyant Elijah qui s’apprête à monter les escaliers, accompagné par la matrone.

“Ray. Ce gentleman te cherche.” Fait-elle de sa voix mielleuse en lui faisant signe d’approcher. Une main sur son épaule, elle l’invite à monter avec son invité et lui souffle bien plus bas, comme s'il fallait faire preuve d'une grande discrétion, “Vous pouvez prendre la chambre de gauche. Occupe toi bien de lui, d’accord ? On n’a pas souvent des clients aussi élégants.” Elle gratifie Elijah d’un clin d'œil, laisse le kiné affreusement confus quant à ce qu’elle attend de lui. Il se doute bien que le milicien n’est pas venu pour ça. Quoique. Luther disait très bien connaître les affres de la déviance, et si c’était pour son frère ?

Non, non, certainement pas. Ray espère juste ne pas avoir à affronter de nouveaux problèmes avec la milice... L'angoisse au creux du ventre, il acquiesce et invite Elijah à le suivre. Bien sûr, c’est encore plus compliqué de monter les marches que de les descendre - il espère que le milicien n’est pas pressé. “Qu’est-ce que tu fais ici ?” finit-il par lui demander quand ils sont à bonne distance des oreilles curieuses.

Un bordel au bidonville… Un parfait exemple de l’hypocrisie de New Eden, ou plutôt de ses dirigeants, et une contradiction supplémentaire leur politique hideuse. Mais est-ce vraiment étonnant ? En tout cas, faire ce constat en étant face audit lieu pourrait être presque comique, aux yeux d’Elijah. Presque, si tout ceci n’était pas une illustration concrète de la vie miséreuse réservée aux disgraciés.

Autant dire que le milicien ne s’y trouve pas par plaisir d’y être. Et encore moins pour devenir un client. Non en fait, s’il est là c’est pour venir voir une personne en particulier, dont il a appris… le tout nouveau statut, disons le comme ça. Ray. Et si le cinquantenaire se contente de renvoyer un sourire poli à la maquerelle, cette dernière semble déjà se faire un tout autre scénario dans son esprit, concernant la raison de sa venue. Suivez moi. Pas le choix que d'acquiescer, n’est-ce pas ?

Ils empruntent tout juste l’escalier, lorsque Ray apparaît finalement. Léger instant où Elijah se fige, tandis qu’il regarde la jambe blessée de ce dernier. Aucun doute possible, cette blessure a bel et bien été causé par un chien. En toute réponse au clin d’oeil de la matrone, il lui adresse un mince sourire poli, qui disparait bien assez rapidement: puis il suit Ray, lui laissant le temps de monter les marches à son rythme, compte tenu de ses blessures.

A sa question, le milicien lui lance un regard entendu: il n’en parlera pas avant qu’ils soient dans une pièce close. Une fois ceci fait, il se tourne vers l’ancien kiné. Rien ne concernant la milice. Même s’il a utilisé ce prétexte pour entrer dans le bidonville. J’ai entendu dire que tu étais là depuis quelques jours. Des bruits de couloir. Mais ça, il doit s’en douter, non ? Ce genre d’histoires sont vite relayées, à Walla-Walla. Sauf qu’Elijah, lui, ne se contente pas des rumeurs. Que s’est-il passé, Ray ?

Ray arrive péniblement au dernier étage, Elijah sur ses talons. Il pénètre dans la chambre, dépose sa béquille contre un mur avant de s’asseoir sur le lit. Pas de chaises ni de fauteuils, rien que deux matelas miteux. Ils ont balayé la poussière, agencé un peu les meubles, mais rien ne saurait cacher la misère, la noirceur des murs et cette infâme odeur d’humidité. Pas même le vent froid qui traverse sans mal les fenêtres cassées.

Des bruits de couloir. Effectivement, son absence a bien dû avoir quelques répercussions. Sur sa femme d’abord, probablement retournée vivre avec son père. Et puis, sur le poste d’interne qu’il laisse vacant à l’hôpital. Luther aura forcément demandé des explications.

Ray prend une profonde inspiration à la question d’Elijah. Ce qu’il s’est passé ? Un putain de raz-de-marée dont il ne pourra même pas lui livrer tous les détails. “L’évêque Sciortino est décédé pendant l’un de nos rendez-vous.” Fait-il, un peu sèchement, las de répéter sans arrêt la même histoire. Il relève les yeux, “Est-ce que l’enquête est toujours ouverte ?” Il ne veut pas se faire de faux espoirs. Mais ça expliquerait la présence du milicien à ses côtés. Ray ne lui laisse pas le temps de répondre qu’il ajoute, “J’ai déjà tout dit au sergent Atkins.” Il ne se sent plus légitime à l’appeler par son prénom. Ils ne sont plus de la même famille.

La chambre est miséreuse, comme il faut de toute façon s’y attendre dans un endroit pareil: quoique, avoir un toit au-dessus de la tête relève sûrement de la chance, au sein du bidonville. Alors que sont les murs noirs, l’odeur de l’humidité et le vent froid à côté des rues insalubres et dangereuses ? Des désagréments, tout au plus. Un constat plutôt réaliste, tandis que le regard d’Elijah se pose vaguement sur son environnement, avant de revenir sur Ray.

Je vois, répond-t-il simplement, le ton lourd de sens. Vu les réponses de ce dernier, il n’en saura certainement pas plus pour le moment.  Mais une chose est sûre: l’ancien kiné ne s’est pas retrouvé ici sans la moindre raison. Tout comme il doit être lié à la mort de cet évêque. Non, ça m’étonnerait. Léger froncement de sourcils. Qui aurait dans l’idée de le rouvrir, alors que le procès n’a même pas un mois ? Quelle utilité, surtout, de faire une telle chose ?

Toujours debout, Elijah fait quelques pas à travers la pièce, pensif. Jusqu’aux derniers propos de Ray. Il s’est chargé de ton interrogatoire ? Ce qui expliquerait une blessure aussi importante, certainement pas dû à un homme. Puis il a finalement un soupir. Je ne suis pas là pour t’en faire repasser un. Son attention se pose à nouveau sur le trentenaire: après tout, il le lui a déjà dit que sa venue n’a aucun lien avec la milice, quelques instants plus tôt.

L’enquête n’est pas rouverte. Soit. En même temps, les proches de Phoebe et Tasya le pourraient-ils vraiment ? Ray ne se fait pas d’illusions sur les siens. Ce qu’il avait de famille n’essaiera pas de le sortir de là.

“... Oui. River et Ashe.” Précise-t-il dans une pointe de cynisme dont il devrait probablement se passer. Enfin. Il voit mal ce qui pourrait lui arriver de pire.

Ray relève les yeux vers Elijah lorsqu’il affirme ne pas être là pour en remettre une couche. Le kiné est soulagé, bien sûr, même s’il se doute que le milicien aurait eu des méthodes plus raisonnables que son ex-beau-père. Il est intrigué, aussi. “Pourquoi alors ?” Il le détaille un instant, plisse légèrement les yeux. “Si tu es venu profiter du bordel, je peux te conseiller une fille.” Fait-il la voix un peu plus grave, inquiet à l’idée qu’Edith ait finalement visé juste.

Les propos de Ray confirment ce dont Elijah se doutait déjà: cette blessure est bel et bien due à un chien. Ashe. Bien évidemment. Ce chien accompagne toujours River, qu’importe où le militaire se rende. S’il n’a pas peur de ce genre d’animaux, leur obéissance sans aucune limite l’a cependant toujours dépassé. Je vois. Que dire de plus, de toute façon ? Il n’a jamais vraiment vu River à l’œuvre durant des interrogatoires. Mais l’état de Ray en est un avant-goût, disons. Quant au ton de ce dernier, le milicien le perçoit bien, mais se garde de tout commentaire.

La curiosité de l’ancien kiné semble revenir au galop: et si Elijah ne s’en formalise pas plus, i secoue bien assez rapidement la tête à sa proposition. Non merci. Je n’ai pas la moindre envie d’encourager tout ça. Il n’en a d’ailleurs jamais compris l’intérêt. Son regard se pose de nouveau sur le jeune homme face à lui. Pour te voir, tout simplement. J’ai appris que tu étais ici il y a quelques jours. Autant dire qu’il en a plutôt été étonné: aux dernières nouvelles, Ray tentait de redorer son blason. Et honnêtement, je préférais en apprendre les raisons de toi, que des rumeurs.

Elijah n’est donc pas là pour les prostituées, mais bien pour le voir ? Mais pourquoi ? Ray ne parvient pas à envisager qu'il n’ait pas autre chose en tête en venant jusqu’ici, devant lui. Il fronce légèrement le regard en fixant son vis-à-vis et puis, il se résigne à se contenter de cette réponse.

S’il le veut, il lui précisera sa version de l’histoire. Il n’a plus rien à cacher de toute façon. Ray soupire, “J’ai été jugé coupable d’homicide involontaire. C’est déjà une chance que j’ai été directement envoyé ici.” Les gens dans son cas passent normalement par une électroconvulsivothérapie. Peut-être River aura-t-il retenu le cas de légitime défense, même s’il était impossible de le prouver.

“Je n’avais clairement pas l’intention de tuer.” Précise-t-il, au cas où l’évidence ne coule pas de source pour le milicien. Il se mord l’intérieur de la lèvre, ajoute, “Tasya et Phoebe ont essayé de me couvrir.” Pour une raison qui lui échappe encore. “Et donc… nous y voilà.” Il a un bref rictus sans joie en relevant le nez vers leur nouveau logement délabré. Un simple pas de travers, un manque de chance, et voilà leurs vies réduites à néant.

Il tourne les yeux vers Elijah, "J'aimerais te dire que j'espère ne pas avoir mis Luther en difficulté avec mon départ précipité." Fait-il, las, "Mais honnêtement, j'ai bien du mal à y prêter quelconque importance." L'hôpital lui paraît bien loin. Et Ray a conscience d'être remplaçable. Les étudiants en médecine ne sont pas très nombreux à Walla-Walla, mais il est certain que le gynécologue y aura trouvé son nouvel interne.