The Walking Dead RPG

C’est quoi ça ? Un cheval ? Je vois bien que c’est un canasson, putain. J’suis pas demeurée à ce point-là. « Qu’est-ce que tu fous là ? » Evidemment, il me répond pas. Ça aurait été grave flippant s’il l’avait fait remarque. J’sors du bâtiment, j’vérifie à nouveau en regardant autour de moi, avant de rentrer à nouveau. Il est toujours là. Okay. Un cheval. Nor-mal. J’m’approche un peu et il commence à s’agiter. « Okay, pas de souci, j’reste là. » Pas que j’ai peur de c’truc, mais c’est vachement grand quand même. « T’as l’air en bonne santé. » Il crève pas de faim ni rien c’est clair. Au moins, il fait pas de bruit. Et il est vivant. Ça existe les chevaux morts-vivants ? Non, les animaux s’transforment pas. Pour le moment. Toujours est-il qu’il est pas arrivé tout seul quand même ? J’fronce les sourcils et ressors, refermant correctement les accès, pour aller faire le tour.

Ils ont quand même pas ramené un cheval ? Ça s’trouve encore ça en plus ? Non c’est pas eux, comment tu veux qu’ils arrivent à capturer un cheval ? Non, au mieux, ils l’auraient volé. J’vois aucun des deux faire ça clairement. Lukas sait même pas monter à cheval. Et à qui ils seraient allés piqués c’truc ?

Je lève la tête vers le balcon et j’tends l’oreille, sans rien entendre. Ni là haut, ni aux alentours à part des piafs, ça, c’est bon signe. Ils sont ptet sortis. C’qui résout pas la question du cheval. Ils l’ont ptet trouvé et gardé pour… le bouffer ? Étrangement, j’les imagine mal vouloir tuer un cheval, surtout qu’on manque pas trop de bouffe actuellement. Et puis, il est trop beau pour finir en steak. Donc ils vont pas l’échanger non plus, y aurait de grandes chances que ça s’finisse comme ça sinon.

Putain, j’espère qu’il a pas encore fait le con j’vous jure. Ouais, il est plus réfléchi que moi, mais il s’attire quand même vachement de problèmes quand il est tout seul. Mais il est pas seul, y a Mary. Est-ce que j’suis un peu dédaigneuse en le disant ? Ouais. Est-ce que j’suis jalouse ?... Non. Non, carrément pas. C’est cool qu’il se fasse des potes. Ou qu’il drague. En même temps, il est doué pour ça. Se faire des amis. Draguer, j’suis pas sûre. Mais du coup, ouais, c’est chouette. Ouais... Même s’il a choisi précisément la nana qui fallait pas. Enfin, la sœur de la nana qui fallait pas. P’tain j’espère qu’elle est pas là la vieille cinglée. Autant casser leur tête à tête, je trouverai ça plutôt drôle, autant tomber sur la blondasse, ça me ferait grave chier.

Mais c’est aucun des trois que je trouve en franchissant la fenêtre et en faisant quelques pas dans le salon. Et j’me retrouve avec ma dague en main en dévisageant le mec qui squatte l’appart.

« Putain mais t’es qui toi ? »

Il n’était pas prévu que je reste plus d’une semaine chez Mary-Abigail et Lukas. Le plus simple serait certainement que j’attende le retour de Johanna pour faire le chemin du retour avec elle, mais elle n’avait pas pointé le bout de son nez. Je ne pouvais pas attendre indéfiniment. J’avais besoin d’obtenir le plus rapidement possible les informations que je recherchais auprès des Scarecrows. J’espérais qu’Isha avait pu avancer sur la question de son côté.

Pendant que les deux autres adolescents étaient partis à The Store pour troquer quelques prises de chasse, je pliai mes bagages en vue du départ qui aurait lieu le lendemain matin. Je ne m’attendais pas vraiment à les voir revenir si vite, en entendant quelqu’un retomber sur le balcon. « Vous avez fait vite… » Je finis de replier mon duvet, pour leur jeter à peine un coup d’œil. Sauf que j’aurais dû être plus vigilant. Je me figeai comme un lapin pris dans les phares d’une voiture quand la personne m’interpella. Ce n’était ni Abigail, ni Lukas. Mes mains se posèrent aussitôt sur le manche de ma lame accrochée à ma ceinture. Je restais accroupi au sol, prêt à bondir. « Je pourrais te retourner la question. » Elle connaissait cet endroit ou elle venait de débouler par hasard ? C’était plus probable qu’elle sache que Lukas et Abigail vivaient ici, non ? Mais elle passait quand ils n’étaient pas là… comme si elle avait fait du repérage en avance. Mon cerveau tournait à cent à l’heure avant que je ne me rappelle subitement des paroles de Lukas. Il vivait ici, avec son père et sa sœur. Alors si ce n’était pas Johanna, c’était peut-être… « Tu es… Jodie ? » Et si elle me répondait que oui ? Comme je pouvais en être sûr ? Je retirai pourtant mes mains du manche de ma lame, pour les ouvrir en signe d’apaisement. « Je suis un ami d’Abigail. Et tu es la sœur de… » Allez, il fallait qu’elle le dise. « Je suis désolé, mais il faut que je sois sûr. » Je ne pouvais pas prendre de risques, si elle était venue les piller. On ne pouvait plus se fier à personne désormais.

Ça devait être vachement pratique les téléphones portables quand même. Pas à s’inquiéter d’arriver devant une porte fermée, ou de tomber au mauvais moment, ou de pas savoir où se trouve son frangin. Bon, clairement, y a des trucs qui m’manquent vachement plus que ça, surtout que j’en avais pas. Ptet que j’en aurais eu, un téléphone. Mais à choisir, j’reprends sans hésiter les patinoires. Ou la télévision. J’sais pas trop. Non, les patinoires, ça m’manque vachement plus le patin.  

N’empêche, on pourrait ptet se trouver des talkies, ou une radio. J’suis sûre y a moyen de mettre la main sur des trucs encore, en demandant au vieux, il aura sans doute des contacts, qui lui trouveront ça en échange de ses services ou j’sais pas quoi.

Mais genre là, ça aurait été super cool de pouvoir les joindre, plutôt que de me retrouver face à un mec que je connais pas. Enfin, à bien y regarder, c’plus un gamin qu’un mec. J’plisse les yeux et je resserre la prise sur mon arme en le voyant saisir la sienne. Et franchement, qu’il ait eu l’air d’attendre quelqu’un, je m’en cogne. Je fronce les sourcils, jetant des coups d’œil autour de nous, mais y a rien d’inhabituel, pas de traces de bagarre, pas de casse, pas de sang. Rien, en dehors de lui et de son sac. Sauf que tout le reste, ça se nettoie.

Mon attention se reporte sur lui quand il prononce mon nom, sans pour autant me détendre. Si lui montre ses mains dans un geste de paix, je me contente de m’éloigner un peu de la fenêtre, juste pour être sûre de pas voir un de ses potes surgir par là. « J’connais pas d’Abigail. » Comment il peut savoir que je suis… Ah si. « La blondasse l’appelle comme ça. Ou Mary-Abigail… Mais c’est Mary maintenant. » Ouais, détail important. Les mâchoires crispées, je l’observe encore quelques secondes avant de soupirer. « Lukas. J’suis la frangine de Lukas. »

Je me détends un peu, hésitant quand même à ranger mon arme que j’ai quand même baissée. « Et ouais, c’est Jodie donc. » Je fais quelques pas pour vérifier l’appart l’air de rien. Ouais, c’est hyper naturel. « Ils sont où les tourtereaux ? Ils étaient censés être là. Ils vont bien ? » Je le dévisage, rangeant finalement mon arme. « Et toi, c’est quoi ton nom ? Et qu’est-ce tu fous là ? » Je vais me poser sur un accoudoir du canapé, posant mon sac à mes pieds. « Hé mais c’est à toi le cheval en bas ? » Au moins ça expliquerait sa présence. Enfin, j’crois.

Elle raffermit sa prise sur son arme, mais celle-ci était bien inutile. Je ne l’imaginais pas assez rapide pour fondre sur moi avant que je n’ai le temps de tirer un trait d’arbalète. J’étais certain de ne pas rater mon coup dans cette configuration. Je me rendis compte avec effroi que de songer à éliminer la menace était devenu mon premier réflexe ces mois passés. Ce n’était qu’une gamine comme moi, non ? Et… elle devait forcément les connaître. Elle ne pouvait pas s’être pointée ici complètement par hasard, alors qu’elle semblait attendre quelqu’un.

Je devrais vraiment respirer un bon coup. Sauf que de l’entendre me répondre qu’elle ne connaissait pas d’Abigail me glaça les sangs. J’écarquillai les yeux, l’arme subitement levée, avant qu’elle ne rectifie. « M-Mary-Abigail, oui. » Je relâchai la pression sur mon arme, titubant presque après ce violent coup de pression. « D’accord, oui. D’accord… » C’était bien la sœur de Lukas. « Je suis désolé de t’avoir braqué. J’ai… » Je déglutis un peu. « Tu m’as fait peur. »

Elle s’inquiétait de leur sort. J’essayais encore de me tranquilliser, de ne pas m’en formaliser. C’était normal qu’elle demande, non ? « Ils sont sortis faire du troc. Ils doivent revenir avant la tombée de la nuit. » Je réalisais avec un temps de retard que je ne m’étais pas encore présenté, effectivement. « Moi, c’est Joachim. Je suis un ami de Mary-Abigail… J’étais venu voir si elle allait bien. On s’était perdu de vue après la chute de Seattle et… sa sœur m’a donné cette adresse quand je l’ai recroisée. » Je reposai mon arbalète, même si je restais les bras ballants plutôt que de reprendre mes affaires. J’avais peur de la quitter des yeux pour le moment. Je n’étais pas franchement à mon aise, contrairement à elle. « Le cheval ? Euh… oui. C’est le mien, il s’appelle Anoki. » Je soufflai doucement, désireux de ne pas m’imposer : « Je repars demain matin. Tu venais pour quelque chose de précis ? Tu veux que je t’aide ? » S’ils n’étaient pas là, peut-être que je pouvais quand même les remplacer pour quoi que ce soit, non ? Après tout, j’avais promis de faire ma part le temps de ma présence.

Un grognement m’échappe. Niveau réflexe, j’suis bonne. Mais ce s’rait mieux que j’sorte le flingue plutôt que la dague… Sauf que j’ai plus l’habitude de me battre contre les morts que contre les vivants. Mais en soi, j’en ai rien à foutre. Il a beau avoir attrapé son arme, j’suis sûre que je peux être plus rapide. C’pas comme si je réfléchissais vraiment, alors j’continue de le menacer… vaguement, parce qu’il baisse un peu sa garde et finit même par lâcher la manche de son arme.

Un pote de Mary donc. Mary-Abigail. Est-ce que je veux savoir pourquoi elle a changé plusieurs fois ? Non, je m’en tamponne. Est-ce que ça me rassure qu’il prétende la connaitre ? Pas des masses non. Il peut dire que c’est un de ses potes sans que ce soit vrai. Mais il connait Lukas aussi. J’le toise encore un peu avant que mes muscles se détendent. Je hausse les sourcils et une moue appréciatrice totalement sincère. « Ouais, j’suis super impressionnante je sais. J’fais tout le temps flipper les mecs, t’as pas à avoir honte. » C’est totalement compréhensible, suffit de me regarder. Sans parler de mon entrée fracassante et terrifiante.

C’est bien ma veine tiens, qu’ils soient sortis. Fait chier. Genre j’vais devoir faire la conversation avec lui ? J’lui pose des questions, c’est déjà pas si mal en fait. Et mieux encore, j’l’écoute quand il m’répond. « T’étais à Seattle aussi ? Et tu connais aussi la cin… frangine ? Johanna ? » Qui a suffisamment confiance en lui pour lui donner l’adresse. Super. Etrangement, ça me rassure carrément pas. Je récupère ma gourde et bois une longue gorgée, sans trop le quitter des yeux. Mais en partant du principe qu’il est pas là par hasard, qu’il la connait vraiment, qu’il les connait vraiment… c’est un ami de Mary. Mary est cool dans son genre. « Anoki. Okay. » Je le fixe en clignant des yeux. « T’as un ch’val donc. Et tu viens d’où pour avoir un cheval à toi ? » J’me doute bien qu’il me le dira pas comme ça, mais bon. J’me lève en attrapant mon sac pour aller le poser dans la chambre que je squatte quand je viens. Et c’est carrément pas du tout pour vérifier que le reste de l’appart est vide. « Non, je venais voir comment ça allait, je… » J’arrive plus à être séparée de lui trop longtemps. Ça craint. Je fronce un peu les sourcils en revenant vers lui. « Ils sont partis tôt ? Tu m’accompagnes pour relever les collets ? Ils ont pas dû le faire avant de partir. » Je fais trop des efforts putain, j’espère que j’aurais l’droit à un regard impressionné de leur part quand ils reviendront.
… Et ptet que j’aurais l’droit de toucher son cheval sans qu’il me dévore. Le cheval, pas lui.

« Euh… ah bon ? Enfin… si tu le dis. » Je lui offris un regard interdit, en le détaillant brièvement de haut en bas. Elle plaisantait, non ? Elle n’avait pas eu l’air de plaisanter. Mais elle devait être encore plus petite que Mary-Abigaïl ! Je n’étais même pas sûre qu’elle dépasse les herbes hautes, avec son tout petit gabarit. Comment cette brindille sèche pouvait être flippante ?

J’avais, de toute évidence, un véritable phénomène devant moi. Je reposai mon arbalète contre le canapé, en évitant tout geste brusque, comme face à un animal sauvage. Elle avait beaucoup de questions à poser. Je n’avais aucune raison précise de faire de la rétorsion d’informations. Elle pourrait en apprendre autant de la bouche de son frère ou de notre amie commune. « Je suis à Seattle en ce moment mais… non, je ne suis pas originaire de Seattle à la base. Tu as fui New Eden, c’est ça ? » J’essayais de me rappeler les quelques bribes de discussion que j’avais eu avec Lukas à son sujet. Son frère n’était pas un grand bavard alors… « Je connais Johanna, oui. Je connais mieux Mary-Abigaïl, mais c’est Johanna que j’ai croisé en premier après la chute. Elle était venue chez moi pour faire soigner un ami. » Je commençais peut-être à en dire trop. C’était un de mes travers. Enfin ça ne servait à rien de lui taire d’où je venais, ses compagnons de route le savaient déjà. « Je suis de The Haven, à la base, mais… j’y suis pas retourné depuis un petit moment. » Je préférais qu’elle ne m’associe pas trop à eux, juste par mesure de sécurité. Enfin, ça lui expliquerait pourquoi j’avais un cheval. On était de loin le camp qui en avait le plus.

Elle avait l’air d’hésiter quant à l’attitude à adopter ensuite. Jodie était agitée, sans que je n’en détermine la vraie raison. Si elle n’aimait pas les étrangers, je pouvais certainement comprendre. « Ils sont partis tôt, oui… » La suite me figea un peu, sous le coup de la surprise. « Je… oui. Je peux, oui. » Elle voulait que je l’accompagne pour relever les collets. C’était pour garder un œil sur moi ou pour faire plus amples connaissances ? Peut-être un peu des deux. « C’est loin ? Tu veux y aller à cheval sinon ? » Autant essayer d’être gentil, non ? J’avais bien envie de revenir ici, si je le pouvais, alors…

C’est quoi ce regard sceptique là ? J’suis pas impressionnante ptet ? Tu m’étonnes, j’s’rais morte de rire à sa place. J’ai un sourire un peu pincé alors que je me retiens de lever les yeux au ciel. Faut que j’trouve des trucs plus crédibles à dire, vu qu’j’ai l’air super convaincante sinon. Ou il est hyper naïf. Ou beaucoup trop poli. L’un comme l’autre, c’est moche pour lui.

Et j’suis ptet aussi conne que lui de relâcher mon attention comme ça, alors que j’sais même pas s’il dit la vérité… Mais on  va dire que si, et puis, il me fait penser à Lukas, alors forcément, c’est difficile de continuer à brandir mon arme, même si j’essaie d’en savoir plus. « Ouais, avec le vieux… Le père de Lukas. J’ai perdu de vue Lukas à cause de ses connards. J’ai mis des mois à lui r’tomber d’ssus. Il était avec Mary quand j’l’ai retrouvé.» Et encore, c’était quasi que par chance. Mais il doit déjà le savoir. J’arrive, ou presque, à retenir ma grimace à la mention de la blondasse. « Donc t’es pote avec les deux. » ça m’épate que les gens puissent être amis avec elle sans voir qu’il lui manque plus d’une case. Ou ptet qu’ils sont aussi cinglés qu’elle. « J’connais d’nom ouais. C’est là-bas que Mary a acheté l’arc du frangin. C’est comme ça qu’tu l’as connu ? Parce qu’elle y bosse d’temps en temps ? » Ptet que Johanna y bossait aussi. J’fronce un peu les sourcils. Un p’tit moment ? « Pourquoi t’es à Seattle plutôt que chez toi ? » Il préfère être près des New Eden qu’avec sa famille ? J’me fous de sa vie, mais c’est chelou non ?

Au moins, y a personne de planqué dans l’appart. Les affaires de Lukas et d’Marie sont encore là. Et y a pas de traces de luttes ailleurs non plus, parce qu’on sait jamais ouais… J’grimace quand il confirme mes doutes et qu’il a l’air aussi surpris qu’moi d’ma proposition. Ouais, j’suis épatante je sais. « Cool ! » J’aurais préféré y aller seule, mais si c’est vraiment un pote de Mary, j’peux faire un effort… Et puis, c’est mieux que d’le laisser seul ici. Ou d’me faire suivre si c’est un psychopathe au final. Loin ? On s’en fout qu’ce soit loin non ? Je le fixe un peu trop longtemps avant de répondre. « Tu m’emmènerais ? Avec… Anoki ? » Est-ce que j’ai envie ? Carrément qu’ouais. Sauf qu’il va bien s’rendre compte. « Sont pas tous si loin, les collets… Mais… J’suis jamais montée à ch’val. » Je hausse les épaules comme si ça avait pas trop d’importance. Trop de nonchalence ptet. Ça marcherait ptet si j’avais pas ces putains d’étoiles dans les yeux.