The Walking Dead RPG

J’prends une grande inspiration. Parce que c’est pas contre elle que j’suis en colère. C’est contre moi. Et rien de c’que je dirais ou ferais changera quoi que ce soit. J’ai merdé. J’ai cru qu’on survivrait à tout ça, c’était pas le cas. Va falloir que j’fasse avec. Mais au moins, j’arrive à soutenir son regard sans le détourner. Ouais, j’suis coupable. Ouais y a rien qu’je ferais qui effacera quoi que ce soit. Mais j’assume. A défaut d’autre chose. « On aurait dû faire ça oui. » J’suis étonné de dire ça aussi calmement. Probablement parce que j’suis déjà arrivé à cette conclusion il y a quelques jours, après avoir pété une porte à coups de pieds. « Et ça s’reproduira pas. » Hors de question de sacrifier qui que ce soit de nouveau. « Ca s’reproduira pas… » J’répète ça dans un murmure, mon regard se perdant un instant dans le vide, alors que j’essaie tant bien que mal de garder les idées au clair.

Et, quand elle reprend, je hoche la tête. « Je sais. » Qu’ils nous ont suivis uniquement parce qu’on leur a demandé. Parce que je leur ai demandé. J’me frotte le visage à deux mains, laissant filer un silence quand elle souligne qu’on va ptet encore perdre d’autres gens. « Il faut qu’on la tire de là. » C’est même pas une question. Sauf que j’suis bien conscient qu’il va falloir la jouer fine avec les IF. Vu qu’on aura qu’un seul otage à échanger, forcément, ça va pas bien s’passer. Et pour l’moment, j’ai surtout temporisé, espérant qu’elle trouverait une solution qui évite encore plus de drames avec sa petite cervelle de génie.

Autant dire que j’suis pas déçu quand elle reprend. J’fronce à peine les sourcils quand elle me dit qu’on va leur donner c’qu’ils veulent. J’vais pas mentir, récupérer ce putain de mioche pour aller le filer en échange de Nova m’a bien évidemment traversé l’esprit, avant que j’réalise que ça nous mettrait juste un peu plus dans la merde. J’vois déjà comment l’autre con m’a gonflé juste parce que j’ai rappelé à Elena qu’ils décideraient rien sans nous. Le reste me laisse un peu plus dubitatif. « Tu veux que j’me fasse passer pour le chef… » J’commence à piger l’idée de leur faire à l’envers à mesure qu’elle déroule ce qu’elle a en tête. « Okay. J’vois. » J’me rends bien compte que j’serais en première ligne et que, si ça foire, j’serais probablement le premier à crever. Mais c’est le prix à payer j’imagine.

J’la contourne pour aller récupérer une bouteille, laissant filer un silence alors que j’pose deux verres sur la table que je remplis d’alcool. « J’sais pas si t’en as besoin. Mais moi si. » J’attends pas vraiment sa réponse et je m’assois sur la banquette, au niveau de la table, pour vider mon verre d’une traite avec une grimace. « Et, dans tous les cas, ils sauront qu’on restera pas les bras croisés s’ils nous cassent les couilles. Mais si on arrête de les chercher, ils le feront aussi. » Je suppose. Ils auront rien à gagner à perdre encore des hommes, surtout que, si c’est personnel pour eux, ça l’est surtout rapport à Tori. On est secondaires à leurs yeux. On l’était en tout cas. J’sais pas si c’est toujours le cas. « Et les autres ? On est obligés d’impliquer combien d’monde de notre groupe là-dedans ? » Vu le regard que j’lui lance, j’pense qu’elle a pigé que moins y en aura, mieux je me porterais. Mais j’suppose qu’on pourra pas tous faire juste tous les deux.

Et j’fixe mon verre vide. Au moins, son esprit logique et sa façon de réfléchir m’aident à pas péter un câble. Parce que j’en étais clairement pas loin. J’me doute bien qu’elle m’en veut. Et qu’elle continuera de m’en vouloir longtemps. Mais elle m’en voudra jamais autant que j’peux m’en vouloir à moi-même. « Salem a déjà fait pas mal de repérage pour notre point de chute. On pourra s’tirer directement. » Finalement, un autre verre, c’est pas plus mal.

Je me passai deux mains sur le visage, avant de planter de nouveau mon regard clair sur lui. Joaquin ne cherchait pas à fuir son implication dans tout ce merdier. Mais les épreuves avaient eu le mérite de le faire grandir. Plutôt que de s’apitoyer sur lui-même, comme il avait pu le faire lors de notre départ de la distillerie, il me promit avec résolution qu’il ne reproduirait pas les mêmes erreurs. « Ok… » Je soufflai avec un peu de lassitude, avant d’hocher la tête quand il me proposa un verre en retour. « Ok. » Je bus celui-ci d’une traite, laissant le liquide me réchauffer de l’intérieur.

Le plan que je venais d’établir lui convenait. Je savais que Joaquin avait à cœur de se racheter, alors il n’hésiterait pas à se mettre sur le devant de la scène, quitte à essuyer les tirs en premier. Il fallait encore décider du lieu de l’échange et… oui, voir aussi qui nous comptions encore impliquer. « On ne prendra que les volontaires. La moitié des nôtres et des leurs, si ça convient également à Elena. On prend le plus gros des risques, alors on applique mon plan. A moins qu’elle en ait un meilleur, je ne transigerais pas là-dessus. » Je restais toujours ouverte à la proposition, mais nos options restaient limitées. « On a besoin d’éléments capable d’agir rapidement, et si possible furtivement. » Mais je me doutais que nous n’aurions pas forcément le choix. Tous n’étaient pas prêts à s’impliquer autant. Il s’agissait pourtant de leur leader, alors j’imaginais sans peine que les Inglorious Fuckers auraient à cœur d’être présents. « Le mieux serait de choisir un port comme lieu d’échange, pour nous simplifier la fuite. J’aurais aussi les eaux comme barrage naturelle. Si je suis insaisissable, je pourrais assurer votre sécurité pleinement sans me soucier de la mienne. » Et, Joaquin ne le savait peut-être pas encore, mais c’était de cette façon que j’étais le plus efficace. Si nous pouvions leur tendre une embuscade, je serais à mon plus bel avantage. Je pourrais gérer quantité d’imprévus. Et il y en aurait, bien entendu.

J’étais soulagée d’apprendre qu’ils n’étaient pas restés inactifs non plus, durant ces jours interminables seule et isolée. « Salem a trouvé un nouveau garage ? » C’était souvent ce qu’elle privilégiait comme planque. C’était plus simple pour la maintenance, assez grand pour loger tout le monde mais assez petit pour ne pas consommer trop d’énergies. Je sortis une carte du meuble au-dessus de ma tête, la dépliant face à lui. « Montre-moi. » Je le fixai longuement ensuite. « Il faudra garder cet emplacement anonyme, pour notre sécurité. Il faut faire passer le message aux autres. On expliquera nos raisons à Elena. J’espère qu’elle les entendra. » C’était une question de sécurité. Nous avions déjà perdu Centralia, et si les Inglorious Fuckers se faisaient prendre par Luke et sa bande, rien ne nous dirait qu’ils ne lâcheraient pas l’information sous la torture. C’était toujours plus facile de trahir ses alliés que ses propres frères et sœurs. On ne pouvait blâmer personne.

« Joaquin… » Je baissai le regard sur la carte, avec de nouveau cette envie irrépressible de prendre le large, bien plus loin encore que les S.T.A.R.S ne l’escompteraient. Mes doigts s’attardèrent sur l’île de Vancouver dessinée dessus. « Je veux rentrer chez moi. Je vais vraiment le faire. »

J’ai pigé maintenant. Que j’pourrais pas revenir en arrière Que de dire que j’suis qu’une merde ou quoi que ce soit d’approchant fera pas avancer les choses non plus. J’dois juste… accepter. Que ça a merdé. Que j’suis en partie responsable. Et que j’dois faire en sorte que plus jamais ce genre de choses arrive. J’ai un soupir silencieux, mon regard fixant le vide quelques instants. Et, quand j’vois qu’elle a aussi vidé son verre d’une traite, j’remplis de nouveau les deux en silence.

Dans ma tête, ça continue de s’bousculer, de tourner en rond non-stop comme un putain de disque rayé. Ca s’reproduira pas. Je m’y raccroche comme je peux, alors qu’on finit par aborder plus clairement le plan. Et j’souffle, sourcils froncés. « Il faudra des gens capables de garder leur sang-froid si ça part en couilles… quand ça partira en couilles. » J’ajoute, pensif. « Pas Alice. Ni Salem. » Si Alice est pas du genre impulsive de base là, elle pourra pas se contenir. A sa place, j’pourrais pas non plus. Sauf que moi, j’ai pas le choix et je laisserais personne prendre ce genre de risques à ma place. Déjà qu’l’idée de pas être seul devant ces connards me dérange, mais on pourra pas vraiment faire autrement. A sa remarque, j’ai un hochement de tête. « Et j’aime autant pas avoir à m’soucier de ta sécurité non plus. » Ca en moins à l’esprit, je serais focalisé sur ce que j’ai à faire. « T’as toute la zone au nord de Mukilteo. » On a déjà pu faire pas mal de repérage là-bas, on sera pas en territoire inconnu.

Et je me penche pour regarder la carte, tapotant du doigt alors que j’mets quelques secondes à m’repérer. « Là. Silverdale. Pas trop loin de Kitsap. Garage au bord de la flotte. C’est l’idéal pour qu’on s’tire rapidement si besoin. » Qu’on garde la planque secrète m’parait logique, évident même. Déjà qu’on a perdu la plus importante, celle sur laquelle on avait l’plus bossé, ça me ferait chier de recommencer. « Ouais. Les autres auront pas de souci avec ça. Elena non plus. J’pense qu’ils ont tous globalement pigé que c’était allé beaucoup trop loin. Pour Luna, tu veux lui filer ou pas ? » Elle fait pas vraiment partie du groupe, mais elle est très souvent avec nous quand même. A elle de voir. J’ai un temps avant d’ajouter, avec une grimace de dédain que j’cherche même pas à cacher. « Ah, pour info, Sebastian est revenu dans leur groupe. Il a déjà réussi à m’gonfler en trente secondes. » Alors ouais, plus tôt on pourra se casser, mieux ce sera. J’ai un froncement de sourcils avant d’ajouter. « Il faut aussi absolument qu’on gère les malades. La petite de Lennox a pris cher. Elle a failli crever y a quelques jours de ça. Je l’ai sauvée de justesse. Elle se remet tant bien qu’mal. » Et j’vide de nouveau mon verre, avec une nouvelle grimace.

J’me focalise sur les trucs concrets, dont on a b’soin pour avancer et se tirer de là dans les meilleures conditions. Même si j’ai un peu l’impression d’être en train de me noyer. De pas savoir à quoi m’raccrocher. Et je me dis que ça va être de pire en pire dans les jours à venir. Le temps qu’on organise ça, qu’on récupère Nova. J’ai un froncement de sourcils quand elle prononce d’nouveau mon prénom, sans trop savoir où elle veut en venir. Et je vois où s’posent ses doigts un instant. Avant de hocher la tête au reste. « D’accord. Depuis l’temps que t’en parles, c’est le bon moment ouais. Et ça nous fera de bien d’prendre le large. » J’me rends pas compte que, si ça se trouve, j’fais pas partie du voyage.

Penchée en avant, je lui rendis un regard en coin qui en disait long. « Pas toi non plus, dans ce cas. » Alice et Salem risquaient de perdre leur sang-froid ? C’était l’hôpital qui se moquait de la charité. Il n’était pas mieux en la matière, et pourtant, je me devais de lui faire confiance. Je me frottai les yeux d’une main, exténuée. « Ne fais pas tout foirer, Joaquin. » Il était doué pour ça.

Je me concentrai de nouveau sur le plan, hochant la tête. « Un coin suffisamment éloigné de notre planque mais dans cette zone-là sera parfait. Mais laissons-les croire qu’ils peuvent décider. Propose-leur simplement un port au Nord de Seattle, ils se méfieront moins s’ils pensent maîtriser le terrain. Nous prendrons de l’avance pour inspecter les lieux en détail. » Le plan entendu, il ne nous restait plus qu’à prévenir les autres.

Et, déjà, il nous fallait songer à l’avenir. Si certains ne devaient pas revenir de cette embuscade, il faudrait néanmoins que les autres puissent se mettre à l’abri des Sinners. J’hochai la tête, plutôt satisfaite du choix de Salem pour notre nouveau refuge. « C’est parfait. » Nous avions un accès direct à la mer tout en étant suffisamment dissimulés dans les terres. Un garage n’attirait pas l’attention et subvenait parfaitement à nos besoins. Il remplacerait notre première planque à merveille. « Il va falloir récupérer nos installations de Monroe. Centralia est compromise, mais Monroe est trop proche des voies ferroviaires de New Eden. En outre, nous ne pourrons pas faire le trajet aisément. Mukilteo et Olympia restent plus accessibles pour nos affaires courantes. » Ces deux points de chute avaient également un accès à la mer, ce qui nous faciliterait la vie depuis l’île de Kitsap. « Fuir de Centralia nous a énormément coûté, alors tâchons de faire profil bas et refaire nos réserves. »

Je relevai la tête de nos cartes à la mention de Luna, réfléchissant à cette question épineuse. Pouvions-nous réellement lui faire confiance ? Elle n’avait pas exprimé un désir ferme de nous rejoindre jusqu’à maintenant. Luna restait un électron libre mais… « Demande-lui personnellement si elle compte nous aider pour l’embuscade. Si elle répond par l’affirmative et ne fait pas tout capoter, elle aurait ma confiance pleine et entière. Donc oui, on lui communiquera la localisation. » Ce n’était qu’une fois sur le terrain que nous apprenions vraiment sur qui nous pouvions compter. Les actes parlaient plus que les paroles.

Je poussai un soupir las, à la mention de Sebastian. « Ne te préoccupe pas de lui, d’accord ? » Je ne voulais pas perdre de temps ni d’énergie avec quelqu’un qui cherchait à manipuler la vérité à son avantage. J’étais consciente que notre première rencontre avec les Inglorious Fuckers se serait mieux déroulée sans lui, mais à peine. Elle aurait été catastrophique dans les deux cas. Enfin, c’était du passé. Au moins, toute cette merde avec les Sinners nous avait permis de forger de nouvelles alliances. Notre retrait du conflit ne devrait pas marquer la fin de celle-ci.

Apprendre que la gamine de Lennox avait bien failli y passer me rappela à un problème bien plus immédiat. « D’accord… Laissons-nous du temps pour l’échange d’otages avec les Sinners. Il faut que tout le monde ait pu récupérer. Nous avons suffisamment de médicaments pour tout le monde ? » Heureusement que Kaycee était là. J’étais néanmoins surprise que ce soit Joaquin qui soit intervenu plutôt qu’elle.

Je me rejetai dans le fond du canapé, sans toucher à mon verre. Je me réfugiai plutôt sous une couverture laissée là, sentant un froid glacial m’envahir peu à peu. Ce n’était peut-être qu’un coup de fatigue, après tout. Le jeun de plusieurs jours avait laissé des traces. Les derniers jours plongés dans l’incertitude avaient été difficiles à encaisser. « Tu crois que les autres voudront venir avec nous ? Même si c’est un départ pour l’inconnu ? »

J’ai un sourire sans joie à sa répartie. Elle a pas idée d’à quel point je réprime mon côté sanguin, surtout ces dernières semaines. A un moment, j’sais que j’vais bien finir par péter les plombs, mais, les années passant, je sais maintenant quand ça arrive. Et comment gérer. La plupart du temps en tout cas. Et, quand elle continue, je claque d’une voix sèche, la fixant dans les yeux quelques instants. « T’en fais pas pour ça. » Si j’ai pas à gérer Salem qui explose deux fois plus vite que moi ou Alice qui aura envie de tous les taillader, ça devrait aller.

Et je préfère me concentrer sur le reste, le plan à proprement parler. Un bref hochement de tête en réponse, avant que j’souffle, sourcils froncés. « S’ils sont pas cons, ils feront de même. Faudra qu’on fasse super gaffe. » Et jusqu’à présent, ils ont été tout sauf cons ces fils de pute. Au reste, quand on parle de la future planque, j’ajoute, pensif. « J’pense par contre que le coin a été pas mal ratissé. On va devoir pousser un peu pour pouvoir nous équiper d’nouveau. Faudra qu’on réorganise des vraies expéditions de récup’. » Comme on en faisait, il y a des mois, des années de ça. Ca m’fait bizarre de revenir à la source ou quelque chose du genre. Mais ça va être nécessaire. Mine de rien, on commençait à se faire à notre pseudo confort. Là, on va d’voir repartir de pas grand-chose, en espérant qu’on arrive à récupérer du matos dans nos deux autres planques. « J’m’occuperais d’organiser tout ça après. Enfin si… » Si on rentre en un seul morceau donc. Hum. Bref. « J’sais pas dans quel état sera le garage avec cette tempête. » J’espère que tout a pas été pété non plus. Ca risquerait de me casser les couilles de faire tout le trajet jusque là-bas pour rien. Mais vu qu’on saura qu’en y allant.

J’ai un soupir silencieux, finissant mon verre, alors qu’on évoque Luna rapidos. « Bonne idée. Mais elle s’était déjà portée volontaire pour nous aider rapport à tout ce merdier. Donc j’ai déjà une petite idée de sa réponse. » Je pense que j’m’avance pas trop, mais j’suis persuadé que tout ça, ça lui tient à cœur. Je me contente d’un grognement agacé à l’évocation de Sebastian, haussant une épaule quand elle me dit de pas me préoccuper de lui. De toute façon, y a largement de quoi faire sans s’rajouter ce connard en plus. Rien que les gens malades déjà. J’ai une grimace, me frottant le visage. « On peut pas compter sur l’infirmerie des Fuckers, ils ont encore plus de malades que nous. Et on arrive pas à savoir à quel point c’est le contrecoup de tout ce qui s’est passé, de la tempête ou un truc encore plus grave. Va falloir qu’on soit vigilants. » J’me rends bien compte que j’réponds pas vraiment à sa question et j’ajoute, sourcils froncés. « On est pas larges. Mais si tout le monde tombe pas malade, on devrait s’en tirer de ce côté-là. »

Mais quand j’vois à quel point elle est déjà pâle, ça présage rien de bon. J’tends la main pour toucher son front rapidos et j’fronce de nouveau les sourcils. « T’as mangé quelque chose ? » Et, à sa question, j’la fixe quelques secondes. « C’est un truc important pour toi. Et ça serait une sacrée expédition. Alors … ouais, je pense que tu serais étonnée du nombre de gens que ça pourrait intéresser. » Ne serait-ce que pour souffler un peu, prendre le large, au sens propre et figuré. Oublier un peu toutes la merde dans laquelle on patauge depuis des mois.

Joaquin était confiant. Trop, peut-être même. Je devais néanmoins lui faire confiance sur ce coup-là. C’était à lui de rattraper tout ce merdier. S’il s’en tenait au plan, tout irait bien. Je me doutais que Luke chercherait également à avoir un coup d’avance. Il fallait être plus malin encore que lui.

Je laissais de côté ces questions concernant les Sinners pour penser un peu plus à l’avenir. « La récupération, ça te connaît. Vois également avec Kaycee si elle a besoin de quoi que ce soit pour endiguer la maladie. » Je poussai un profond soupir, en réalisant que les panneaux solaires au garage devaient être également dans un sale état. Il fallait absolument que je remette tout en place avant que le froid ne s’installe, sinon même avec quelques installations en plus, Kaycee ne pourrait pas faire grand-chose pour nous sortir de cette mauvaise passe. « Je te laisse t’en charger avec les autres. Nous allons avoir besoin de nouveaux accords si on veut passer l’hiver. Kaycee, Tiago et moi, on se concentrera là-dessus. »

Je réfléchissais si nous avions oublié d’aborder un point précis quand Joaquin me demanda subitement si j’avais mangé quelque chose. Je relevai la tête, lui rendant un regard incertain. « Ce que tu avais dans ton sac tout à l’heure… » Ca lui allait bien de jouer les mamans poules, à celui-là. « Je vais tout vomir si je mange plus. Ca fait des jours que je n’avais rien eu dans le ventre. » J’irais certainement voir Kaycee tout à l’heure, juste pour m’assurer que ma fièvre et ma toux n’allaient pas dégénérer. Mais dans l’immédiat, je ferais sans doute mieux d’aller dormir un peu.

Un mince sourire étira mes lèvres. Joaquin était persuadé qu’ils seraient nombreux à vouloir m’accompagner dans cette folle entreprise. Je n’en étais pas aussi convaincue que lui. « Quand on sera sûr d’avoir un pied à terre confortable ici, on pourra songer à des expéditions plus poussées. » Dans l’immédiat, la priorité était ailleurs. Je me relevai, avec ma couverture en cape, pour me dresser sur la pointe des pieds et venir lui décocher un baiser furtif. « Je vais me coucher. Je te laisse t'occuper du reste. » J’avais eu assez d’émotions pour la journée.

J’note qu’elle fait pas plus de commentaires que ça. De toute façon, on a pas le choix de se faire confiance sur ce coup-là, même si j’peux piger qu’elle soit pas jouasse à l’idée que j’sois en première ligne et que j’fasse tout foirer. Sauf que j’suis pas sûr qu’elle calcule à quel point c’est important pour moi. A quel point j’ai besoin d’assumer cette merde. Même moi, j’ai du mal à vraiment piger la portée de tout ça. Parce que c’est nouveau.

J’suis pas mécontent qu’on change de sujet et qu’on parle de tout ce qu’il y a à faire pour le groupe. Un bref hochement de tête à sa remarque et j’souffle, à mi-voix. « J’irais faire du repérage et choper des cartes du coin. Ca ira. » J’suis confiant parce que ouais, c’est mon rayon la récup. On aura pas trop de mal à se refaire. Surtout que, cette fois, on est pas tous seuls à gérer. « On va d’voir faire avec ce qu’on a en stock pour gérer tout ça. » J’ai envie de dire que ça va l’faire mais, quand je repense à la môme de Lennox ou à l’état de ceux de l’autre groupe, j’préfère pas trop m’avancer là-dessus. « T’auras de quoi nous remettre l’électricité d’ici la fin de l’été. » Posé d’une voix assurée. Que ce soit avec ce qu’on retrouvera à Monroe ou ailleurs, j’saurais me démerder. Et on a besoin de toute façon.

J’laisse filer un silence, vidant son verre à elle pour la peine, avant de grimacer. « Okay. Faudra que tu prennes un truc plus tard. On a des soupes qui trainent, ça devrait passer. » J’essaie de me rappeler tout ce que Kaycee et Faith m’ont donné comme directives. La voir sourire me fait du bien en tout cas. Surtout après tout ce qu’on vient de se dire. Ca m’donne l’impression qu’on avance et qu’on peut y arriver. Et je la fixe quelques secondes, avant de hocher de nouveau la tête. « On fera ça. Tu peux compter sur moi dans tous les cas chica. » On verra bien qui a réellement envie de nous accompagner le moment venu. Surtout qu’il faudra un peu d’temps si elle veut que notre nouveau point de chute soit confortable.

Et elle finit par annoncer qu’elle va s’recoucher. C’est pas plus mal vu la gueule qu’elle tire. Mais j’ai un temps avant de tendre la main pour serrer doucement son épaule. « Ruby… j’suis heureux. Que tu sois revenue en un seul morceau. » J’aurais pas supporter de la perdre. Surtout pas maintenant. Et j’vais la serrer contre moi quelques instants, prenant une grande inspiration. « Va dormir. Je veille sur toi. » Et je continuerais de le faire aussi longtemps que j’le pourrais.