The Walking Dead RPG

Elle a raison, c'est sûr. J'évite le monde réel, et tout ce qui va avec, donc, pas grand chose de positif.
Je garde mes yeux baissés, assimilant ce qu'elle me dit en essayant de ne pas trop le prendre pour moi, au risque de bêtement me blesser et me refermer sur moi-même. C'est con, alors même que je lui avoue que mes addictions sont problématiques, j'ai envie d'en consommer. De me faire éclater la tête pour de bon, et ça me fait perdre le fil une seconde.

J'ai juste un bref soufflement de nez amer quand elle annonce que l'humain tombe et se relève. Et si moi je me relève pas ? Je deviens quoi, alors ? Ça veut dire que je suis trop faible pour être seulement considéré comme un humain ? Que j'ai échoué ?

Je crois pas que j'arriverai à me relever, j'ajoute du bout des lèvres. J'en ai même pas envie. C'est trop … trop dur.

Même si l'aplomb avec lequel elle me dit que j'irai mieux me fait relever les yeux vers elle, je fuis son sourire bienveillant, honteusement. Et mon cœur manque un battement, avant d'accélerer au verdict : arrêter les drogues et l'alcool. Je le savais, que c'était la suite logique. Pourquoi ça me terrifie, alors, et pourquoi je positionne immédiatement Billie comme une ennemie ?
Mon visage se renfrogne, je referme les bras contre mon buste. Ma jambe s'agite nerveusement.

Je … je sais pas.

J'inspire par la bouche, avec l'impression d'avoir envie de vomir. Mes yeux se ferment une seconde, je déglutis et secoue la tête. En qui j'ai confiance ? Mes pensées s'emmêlent. Bouge-toi, Dany, bouge-toi putain.
J'énumère doucement sur mes doigts, prenant sur moi pour ne pas laisser l'ombre m'emplir la tête.

Lexie … Thaïs … Aamir … Reese … je … je suis pas sûr de pouvoir arrêter les drogues, Billie, j'articule en levant un regard un peu implorant vers elle.

Douce ironie contradictoire de demander de l'aide sans accepter de faire ce genre d'efforts, n'est-ce pas ? Arrêter les subtances, ce serait la porte ouverte à tous les traumas, à me retrouver de nouveau ensevelis par le passé, écrasé par les démons. Je les sens, constamment. Et j'ai peur de ce qui risque d'arriver si jamais je les revois frontalement.
Alors je me lève, me défile de son contact sur mon épaule.

Laisse tomber tout ce que je viens de dire, d'accord ? C'était ... c'était juste un moment de faiblesse. Ca ira mieux demain.

"Runnin', runnin', runnin' through the dark,
Watch me run a little more ▵"

Il a peur. Je me suis trop emballée visiblement. Alors je me relève rapidement et viens me placer entre la porte et lui.

- Tututut. Hors de question qu’il me fuit. Il est venu jusqu’à moi, je ne vais pas le laisser partir si facilement. S’il te plait, rassois-toi Danny. Je sais que ça fait peur, mais on ne va pas tout attaquer d’un coup. Et je serai là, toujours. On va faire de petits pas ensemble, d’accord ?

Je ne sais pas s’il va m’obéir et reposer son cul sur le canapé ou s’il va préférer rester début vu qu’il me semble anxieux. Une chose est certaine, je ne le laisse pas partir tout de suite.

- La drogue et l’alcool sont aussi un divertissement. Je ne te dis pas d’arrêter, même si ce sera sans doute la meilleure chose à faire, mais nous enlever le peu de bon que l’on a dans ce monde de merde ? Ce n’est pas trop mon genre Daniel. J’aimerais simplement qu’ensemble, nous soyons capables de réduire un petit peu ta consommation, tout doucement. Comme ça, on sera plus en mesure de traiter tes symptômes. Il faut cependant lâcher notre fou de temps en temps, non ? J’ai un grand sourire malicieux en disant ça.

Parce que j’y crois. Parce que de jouer un rôle qui n’est pas le notre je connais trop bien. Parce que de s’amuser est un droit fondamental à mes yeux.

- Tu es venu me voir et je veux t’aider. Professionnellement et… si tu le veux bien, en tant qu’amie. J’en ai rien à faire honnêtement, je veux juste jouer dans sa tête. Me prouver que je suis douée en l’aidant, mais en m’amusant aussi. Tu m’as déjà nommé tellement de personnes qui pourront t’aider, qui te soutiendront Danny, tu peux m’ajouter à la liste.

Il ne me reste plus qu’à enfoncer le dernier clou dans son cercueil.

- Tu peux partir si tu le préfères. Je m’écarte de la porte. Je serai quand même là si tu reviens, mais tu es venu me trouver aujourd’hui et sache que je t’admire pour ça. D’avoir le courage de reconnaitre que quelque chose ne va pas et d’aller voir quelqu’un qui peut nous aider. C’est un grand pas vers l’avant. Je suis fière de toi. Je lui offre à nouveau un sourire doux, lui laissant l’illusion qu’il a un choix dans toute cette histoire.

Are you deranged like me ?

Je ferme fort les paupières quand elle s'imisce entre moi et la sortie, avec l'envie, à la manière des enfants, de me boucher les oreilles. Tout plutôt que d'affronter un peu plus cette réalité.
Mais je refoule mon soupir, rouvre mes yeux pour fixer un point derrière son épaule en reculant d'un pas, sans me rasseoir malgré sa demande. Mes bras sont refermés contre mon buste, comme une stupide protection, et je peine à cacher la détresse sur les traits tirés de mon visage.

J'opine pourtant du chef à ses mots et l'écoute docilement. Qu'est-ce que je peux faire d'autre ? C'est moi qui suis venu la voir, pas vrai ? Les larmes me montent aux yeux, je renifle un coup. Je suis même pas digne de l'amitié qu'elle veut m'offrir que j'arrive même plus à en sourire.

Elle termine de parler, et moi, je garde le silence, restant un instant debout, face à elle. Ce n'est que lorsqu'elle amorce un mouvement de décalage minime que j'en profite pour me faufiler, et je m'éclipse sans rien ajouter, comme un lâche, sans regarder en arrière.

Je me déteste.

––––––––––

Il est tôt. Ou tard, je sais pas. J'ai squatté le bureau de Billie presque toute la nuit. Dans un coin, prostré, à ne même pas être foutu de savoir si j'étais terrifié à cause de mes démons, d'une quelconque et énième crise de panique ou de mon envie de me défoncer la gueule que je repoussais encore et encore. Ou peut-être de tout ça à la fois.
Bref, c'est pas la forme, et j'finis par me dire que Billie va jamais débarquer. J'ai fuis les autres, je voulais pas qu'ils me voient comme ça. D'ailleurs je suis même pas sûr que quelqu'un ait capté quoique ce soit à mon sujet. Soit je suis super bon comédien, soit ils s'en fichent. Ou ils ont d'autres chats à fouetter, sans doute.

Quand la porte s'ouvre finalement, je me redresse à peine. Mes bras enserrent mes jambes, je suis en sueur. J'imagine que c'est pas la plus belle image qu'elle aurait pu avoir de bon matin.

Hey Billie, j'articule, la voix tremblante.

Je déglutis, plisse les yeux quand la lumière m'aveugle.

Je … j'sais pas si je suis en manque ou si j'suis juste en état de panique … je sais pas ce que j'ai. J-je voulais pas te déranger … mais j'savais pas quoi faire et j'voulais … j'voulais pas prendre de dose avant de te voir …

Elle est bien là, pourtant, ma putain de morphine à sniffer. Je l'ai posée sur son bureau, tandis que moi j'me suis foutu en-dessous, histoire de pas la voir, histoire d'avoir l'impression d'être un peu isolé sans pour autant être enfermé.

"Runnin', runnin', runnin' through the dark,
Watch me run a little more ▵"

J’ouvre la porte et je sursaute en entendant une voix me saluer. Je reconnais immédiatement Daniel donc je vois les pieds dépasser de sous mon bureau d’ailleurs. Je retiens une grimace, parce que j’ai pas du tout envie de devoir composer avec tout ça à cette heure, mais… Je n’ai pas le choix si je veux pouvoir m’amuser à un autre moment avec lui. Un petit sacrifice qui en vaudra la peine.

Je referme tout doucement la porte derrière moi et pose ma lampe sur mon bureau. C’est là que je vois un petit sachet de poudre. Je me mords l’intérieur de la joue pour ne pas sourire. Je ne sais pas exactement ce que c’est, mais je sais que ce sera amusant. Je m’en détourne pourtant pour m’accroupir devant mon bureau et y découvrir Daniel, suintant et tremblant.

En sevrage donc. Parce qu’il voulait me voir sobre qu’il précise. Je lui offre un sourire compatissant, avant de me relever et de trouver un restant d’eau dans un de mes verres. Un linge propre et hop, j’en fais une compresse un peu… fraiche, malgré l’eau température pièce.

Je reviens auprès de Daniel avec tout ça et je commence à lui éponger avec douceur le visage.

- C’est courageux de ta part. Et tu as réussi à tenir jusqu’ici Danny. Je suis fière de toi. Je savais qu’il reviendrait bien vite dans mes jupes aussi. Jamais tu ne me déranges. Que je reprécise, même si c’est totalement faux. Tu veux te sevrer ou tu voulais toute ta tête pour me parler ? Nuance importante ici. J’ai besoin de savoir ce qu’il cherche à faire. Fais-moi une petite place. Sans attendre, je me faufile à ses côtés sous le bureau, épaule contre épaule avec mon patient.

Je ne pense pas que de le faire sortir de là-dessous immédiatement me permettra de l’amadouer aussi rapidement que je le voudrais. Donc je vais faire comme si je m’adaptais.

Je vais le laisser reprendre la parole aussi, me dire ce qu’il a besoin de me dire. Je ne vais pas le brusquer et on partira de ce qu’il veut bien me confier pour commencer.

Are you deranged like me ?

Je cligne des yeux et ai un bref mouvement de recul quand je vois sa main approcher de mon visage, luttant contre mon envie de m'enfoncer un peu plus sous le bureau, luttant contre l'impression d'être face à mon passé. L'eau a au moins le mérite de me raccrocher un minimum à cette réalité. Pas la meilleure pour autant, mais tout de même.

Je prends sur moi, me concentre sur la douce voix de Billie, mes prunelles tentant de capter les siennes à travers le brouillard qui m'étouffe.

Je … je sais pas …

Le temps est incertain. Elle me regarde. Combien de secondes ? Des minutes peut-être ? J'ai à la fois l'impression d'être au ralenti et que tout va trop vite. Comme si je voyais les mouvements en slow-motion, mais que j'étais pour autant trop engourdi pour réussir à les capter pour de vrai.
Elle finit à côté de moi, et je déglutis, enferme mon visage entre la paume de mes mains, forçant ma respiration à se calmer. Pourquoi je suis là ? Pourquoi je m'affiche comme ça devant elle, déjà ? Pourquoi j'ai pas juste pris ma dose et fais comme si tout allait bien dans ma vie ?

J'ai …

Mes bras retombent sur mes cuisses.

J'ai refais un cauchemar, je commence d'une voix tremblante, qui peine à franchir mes lèvres. Et … au réveil j'avais l'impression qu'ils étaient là … autour de moi, sur moi. Leurs yeux brillaient dans le noir.

Mes doigts se crispent face à moi, dans le vide, comme si je revivais déjà la scène.

Et … et leurs mains se tendaient vers moi et … et j'voulais pas … j'voulais pas crier, pour pas déranger les autres … Je savais où j'étais mais... je savais que c'était pas vrai, mais j'voulais pas … crier. J'ai juste voulu …

Mes propos ont décousus, je secoue la tête, attrape mes cheveux, me balance d'avant en arrière. La vérité, c'est que si j'avais eu une arme pour en finir, là, je ne crois pas que j'aurais hésité longtemps.

J'ai voulu prendre une dose … mais j'ai pas réussi … j'ai pas réussi parce que j'ai-j'ai culpabilisé et j'ai pensé à toi …

J'ai pas senti que les larmes coulaient sur mes joues. Je me redresse vaguement, ferme fort les paupières, un accent brisé dans la voix. Je suis misérable, je le sais. Et j'ai même plus la force d'avoir honte de mon état.

Je sais pas quoi faire Billie. Je veux que ça s'arrête.

"Runnin', runnin', runnin' through the dark,
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Il n’aime pas les contacts. Je ne m’arrêterai pas pour autant. C’est ce qui le garde ancrer dans la réalité, que ce soit moi qui lui éponge le front d’eau fraiche, ou mon épaule contre la sienne maintenant que nous sommes tous deux sous mon bureau.

Je lui pose une question simple. J’ai dans l’optique de lui laisser prendre une ligne si c’est ce qu’il veut, mais qu’une toute petite dose juste pour calmer le manque. Toutefois, il ne semble pas savoir ce qu’il veut. Il a un doute. Pas de ligne pour l’instant donc. S’il hésite, c’est qu’il veut être sobre et ça, c’est là-dessus que je dois l’encourager pour l’instant.

Je l’écoute donc me parler de son cauchemar. De ce qu’il pense avoir vu. De ce qu’il a ressenti. De cette culpabilité quant à sa dope. Et il me demande de l’aide. Il revient à genou pour me demander l’aide qu’il a refusée l’autre jour. Je jubile. J’ai le pouvoir. J’adore ça. C’est l’heure d’entrer en scène !

Du bout du pouce je viens essuyer les larmes sur la joue qui me fait face, puis ma main vient de poser dans son dos, dans une sorte d’étreinte rassurante.

- Je suis là, Dany. Je suis là. Je laisse de petites secondes passer, le temps qu’il puisse vraiment prendre conscience que je ne vais nulle part, que je ne le juge pas. Tout va s’arrêter. Je vais t’aider, d’accord ?

Ce n’est pas réellement une question et je ne lui demande certainement pas son consentement. Il me l’a vendu en se trouvant ici à cette heure, planqué sous mon bureau.

- Tu sais… Les terreurs nocturnes c’est très répandu. Il y a plein de moyens de régler ça, sans que tu aies à prendre de la drogue. Les hallucinations sont sans doute pires en fait à cause de ça. Donc… si on commençait par essayer de ne plus consommer avant d’aller dormir ? D’essayer d’être plus ou moins sobre avant ? J’ai quelque chose à te prescrire, une plante naturelle qui aidera pour l’anxiété et pour le moral dépressif. Tu voudrais tenter Dany ? Encore une fois, hors de question de réellement lui donner le choix.

Are you deranged like me ?

J'ai l'impression que ça me fait mal quand elle me touche, que ça éveille une flopée de douleurs, comme si ma peau était brûlée et à vif. Pourtant je la laisse faire et je hoche la tête, désespéré, quand elle m'annonce que tout va s'arrêter. Si seulement. Dans ma tête, la seule manière de tout arrêter, c'est en disparaissant pour de bon. L'arrêt des drogues me terrifie bien plus que l'idée de mourir.

Je lève la tête, ravale mes larmes en vain, avale ma salive. Mes doigts se glissent dans mes cheveux sales. Je dois puer la mort. Tout en moi doit transpirer la misère. Et pourtant Billie reste, et parle encore.

Je … j'arrive pas à dormir si je prends rien.

Déjà à l'époque, avec Curtis, c'était joint sur joint. C'était moindre par rapport à ce que je prends aujourd'hui, mais je ne fermais pas l'oeil tant que je m'étais pas assommé de cette manière.
Je sers les dents, alors que je me rappelle – comme si j'avais oublié – que j'ai laissé ma dose là, au-dessus de ma tête, et mon cœur accélère. Ça m'embrouille l'esprit comme s'il n'était pas assez ravagé, et je bafouille pour répondre à la jeune femme.

Hm oui-oui pourquoi … pourquoi pas … ça peut pas m'faire de mal.

Je fuis son regard, car j'ai peur de ce qu'elle pourrait y lire, aussi car je ne crois pas une seule seconde au fait que ces plantes naturelles puissent fonctionner.
Je frémis, me ronge les ongles. J'ai l'impression de sentir le sang s'écouler dans mes veines. J'aime pas. J'entends mes pensées. J'ai la sensation que quelqu'un nous attend, de l'autre côté de la porte. Luke, ou quelqu'un d'autre. J'ai même pas conscience que c'est mon cerveau malade qui me rend parano comme ça. J'ai juste … peur.

Ils sont pas là ? T'as … Vérifié ? Je marmonne après un silence, confus. Y'a … pas de danger ?

Je prends une grande inspiration. Mes joues sont rouges écarlates, je crois que je crève autant de chaud que je grelotte. C'est trop.

J'ai besoin de... de …

De faire fuir les démons.
Je m'agite pour sortir de ma pathétique cachette dans l'optique de récupérer ma came, me barrer en courant pour me planquer dans un coin, loin des regards, et me retourner le cerveau. J'aurais pas tenu longtemps, c'est clair, mais c'est bien le dernier de mes soucis.

"Runnin', runnin', runnin' through the dark,
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