The Walking Dead RPG

Je suis dans un tout petit espace qui est censé me servir de bureau pour les consultations. Je déteste ça, il faudra que je marchande mieux plus tard pour avoir de la place comme il se doit. Peut-être qu’avec le projet immobilier qui va finir par arriver à terme, je pourrai me réserver une pièce pour moi toute seule ! Parce que là, ça ne va pas le faire.

J’essaie de rendre l’endroit un peu plus attrayant avec une toile, mais… ça prend trop de place. Je tape du pied comme une gamine. Ça me gonfle. Je m’affale sur le fauteuil en soupira, m’avagissant de façon théâtrale. Ce qu’on a perdu en les rejoignant… j’espère qu’on a pas fait une erreur. Personne ne pouvait prédire l’incendie chez eux ou la tempête en même temps cependant…

Je retire mes escarpins et je les envoie valser plus loin, tout en me servant une coupe de vin. Ils ont de bons accords cela dit et ici… je peux jouer les appâts pour les paris et faire la belle. Ils ont aussi leur arrière-cuisine dont j’ai bien hâte qu’ils nous mentionnent. Le temps de nous faire confiance quoi. L’alcool, la drogue, les fêtes, les combats, le bar, les potentielles victimes à escroquer… Oui, l’endroit me plait au fond. Il faudrait juste… réorganiser quelques petites choses.

J’ai des idées de grandeur bien sûr et pas l’autorité pour réaliser quoi que ce soit. Je lâche un nouveau soupire à m’en fendre l’âme avant de prendre une grande gorgée de vin. Pas mauvais ! Puis… ça doit faire deux fois que j’entends quelqu’un passer devant la porte du placard dans lequel je me trouve. Alors, on a pas le courage de venir me voir ? Je mords que sur demande pourtant… Ça m’arrache un sourire un peu sadique d’ailleurs cette pensée.

De nouveau, les pas se font entendre, sans pour autant qu’on toque à ma porte.

- Jamais deux sans trois ! On entre maintenant. C’est un ordre bien évidemment. Je n’aime pas qu’on tourne autour de moi comme un vautour sans motivation. C’est ennuyeux.

Are you deranged like me ?

Je tiendrai pas. Je le sais. Je suis pas stupide, ou du moins, j'ai conscience de mes limites. Curtis, même si notre relation s'était considérablement effritée depuis des mois, m'apportait toujours un soutien et une présence qui me faisait du bien et qui gardait mes démons en cage. Mais il est parti, et même si je lui en veux au fond de moi, je sais qu'il a eu raison. Et qu'il a eu raison de ne pas me prévenir, parce que j'aurais tout fait pour le retenir quitte à le faire culpabiliser. Pour moi, pas pour lui.

Je sais que j'arrive à mes limites. Que je vais plus pouvoir faire semblant longtemps, d'aussi loin que personne n'est dupe. Que j'suis à deux doigts de briser ce que je m'entête à garder intact. Mais j'ai peur. Parce que je sais que je pourrais faire une bêtise, et que j'en ai pas envie. Pas foncièrement l'envie. Mais …

J'hésite. Je suis tourmenté. Je passe plusieurs fois le fameux bureau sans y entrer, sans vraiment me rendre compte que je suis arrivé jusqu'à là. C'est sa voix qui me fige et me ramène pour de bon à moi, me sortant de mes pensées.

J'ai un instant d'hésitation, et finalement, timidement, je passe la porte après avoir quand même tapoté histoire de dire. Billie est installée sur le canapé, un verre à la main, transpirante de sa prestance et son assurance. Je pose un sourire, les fameux sourires de Dany sur mes lèvres.

Hey, Billie … Comment tu vas ?

Mes mains s'enfoncent dans mes poches et je fais un petit pas à l'intérieur du bureau.

Ça fait un moment que t'es avec nous et ... on a jamais trop pris le temps de se voir j'crois bien ! C'est … c'est mignon, ici. Comment t'as … aménagé l'espace et tout.

Je me sens tout petit, tout misérable, et j'ai qu'une envie, c'est repartir de l'autre côté pour me terrer dans mon propre déni.

T'as ... t'as bonne mine. Le soleil il a fait ressortir tes p'tites tâches de rousseur sur tes joues. C'est mignon, j'aime bien.

"Runnin', runnin', runnin' through the dark,
Watch me run a little more ▵"

Je lui souris. Je savais que c’était lui et que ça ne serait pas long avant qu’il trouve le chemin jusqu’à moi. On a eu quelques séances du temps de Seattle. Je connais ses craintes, ces faiblesses, ces troubles. Il ne m’a suffi qu’un d’un coup d’œil pour savoir que ça n’allait pas dernièrement, mais il a de la chance ! Il m’a moi.

- Ça va ça va. Je lui souris, pleinement satisfaite de voir qu’il n’a pas pu résister quand je lui ai dit que ma porte était ouverte.

J’aime avoir raison, c’est complètement enivrant par moment. Je le laisse déblatéré pour ne rien dire, même s’il me paie plusieurs compliments au passage. Ça ne tombe pas non plus dans l’oreille d’une sourde, j’aime la flatterie à mon égard après tout.

- Assis. Je tapote une place sur le fauteuil à mes côtés.

J’ai bien sûr un sourire que je veux bienveillant sur les lèvres, même si au fond je crie victoire dans mon esprit. Une distraction, un cas compliqué, je suis ravie par la tournure des choses. De savoir que lui ne va pas bien et qu’il a encore besoin de moi. C’est parfait ainsi.

- Ne tournons pas autour du pot Danny. Nous nous connaissons un petit peu tous les deux, n’est-ce pas ? Nous n’en sommes pas à notre première rencontre et je veux que tu te sentes libre de parler ici. Toujours. Tu viens me voir quand tu as besoin de moi et ce sera toujours avec plaisir, d’accord ? Je feins très bien la bienveillance comme toujours, c’est mon métier après tout. Si tu commençais par m’expliquer un petit peu comment tu te sens ?

Mal, c’est un fait indéniable. Je l’ai aperçu boire en grande quantité et seul. C’est un premier red flag comme on dit. Se défoncer seul, aussi. Il a une sale tête, comme s’il ne dormait plus, mais ça je le sais à cause du dortoir commun de merde et qui pu la chiotte. Il ne lui reste plus qu’à mettre des mots sur tout ça et je pourrai commencer à lui faire profiter de mon talent.

Are you deranged like me ?

Je m'avance et m'assois sans opposer la moindre résistance, sachant parfaitement que le combat est perdu d'avance.
Prenant soin d'éviter son regard, j'attrape entre deux doigts une mèche de mes cheveux pour la triturer inconsciemment. Ça me fait chier, aussi, de venir vers elle seulement pour ça, et ne pas avoir été foutu de parler avec elle avant, de juste partager d'humain à humain. À croire qu'elle est là juste pour ma petite santé mentale.

Elle n'est pas dupe, et elle enchaîne très vite, m'enlevant bien des étapes avant d'oser quoique ce soit avec elle. D'un côté, c'est un soulagement, et ça me fait déculpabiliser d'être là. De l'autre … ça veut dire s'ouvrir.

Hm …

Je me gratte la joue, viens jouer avec l'une de mes bagues. Je sais même pas quoi dire, comment démêler le flot infini de noir qui brouille mes pensées.

J'ai … je retraverse une sale période, je crois.

Et c'est un euphémisme putain de merde.

Je sais … je sais plus comment faire pour m'en sortir. J'ai l'impression d'avoir la tête sous l'eau, tout le temps. Et je … j'ai peur.

Ma voix se brise légèrement à la fin de cet aveux. Mon ventre se noue. J'ai envie de pleurer. Je sais qu'il ne faudra que quelques minutes à peine avant que mon cerveau ne referme la porte à la face de ma demande à l'aide. Avant que je reprenne mon masque du Dany simplet et jovial. Parce que putain ça me coûte de parler.

J'étais parvenu à … à me retrouver un peu. Mais avec tout ce qui s'est passé, ces derniers mois, ça recommence. Et j'me suis perdu. J'ai l'impression … que j'ai perdu. Contre … tout ça.

Je me tapote la tempe, un air dégoûté traversant mon visage.

Et j'suis … désolé de revenir te voir pour ça.

Je marque une pause, j'hésite un instant.

Mes délires éveillés ont failli me faire attaquer au couteau un homme de The Haven, j'avoue à demi-voix, honteux, histoire de résumer l'étendu de mon état.

Même si Tucker a été incroyable et que je me doute qu'il ne dira rien autour de lui, je sais pas si c'est la solution. C'est grave, ce qu'il se passe, ce qui m'arrive. Et j'ai peur de devenir un vrai danger pour les autres si j'continue à porter des oeillères.

"Runnin', runnin', runnin' through the dark,
Watch me run a little more ▵"

Bon en gros, il traverse une période difficile et il a besoin d’une psy. Ce n’est pas vraiment une surprise, je sais que je suis indispensable pour certains cas, sinon je me débrouille pour l’être.

- Si tu te casses le bras, tu n’iras pas voir le médecin ? Parce que tu vas toujours le voir quand ça ne va pas ? J’ai toujours ce sourire bienveillant aux lèvres, mais je veux qu’il réfléchisse un petit peu pour le coup. Je suis psychologue Daniel. Tu viens me voir quand ça ne va pas et je ne t’en tiendrai jamais rigueur. C’est mon travail et j’adore aider. Sinon je n’aurais pas fait cette carrière.

Gros mensonge que tout ça, mais personne n’a besoin de le savoir. J’étais dans le domaine par avarice, parce que je voulais être reconnue et parce que je suis passionnée par l’esprit humain, sur le comment je peux le manipuler. Sur le pouvoir que ça me donne, sur le contrôle que j’en ai.

- Si par contre, tu veux qu’on soit ami également, ça me ferait très plaisir. Ce n’est toutefois pas une obligation. Tu peux choisir ce que tu veux.

Bon, maintenant que toutes ces conneries sont poussées sur le côté, on va faire le point sur ce qui lui arrive. Déjà, parce que c’est grave plus intéressant pour moi de parler de ses délires et de son esprit malade. Il a quand même attaqué quelqu’un et ça c’est une super nouvelle pour moi.

- Nous allons reprendre la thérapie, d’accord ? Nous allons tester de nouvelles choses et… je te propose de tenter quelques aides naturelles. Avant toute chose par contre, qu’est-ce qui t’a fait rechuter Danny ?

Est-ce un deuil ? Un traumatisme qui est revenu à la surface ? Plus j’en saurai, mieux je pourrai planifier son traitement.

- Je suis à domicile maintenant en plus. Que j’ajoute en posant une main rassurante sur son épaule. Je vais pouvoir t’aider encore plus qu’avant. Aider et jouer avec lui, un planning qui me branche particulièrement, je ne vais pas mentir. Entre Otis et lui…

Are you deranged like me ?

Je baisse le nez, l'air pas fier sur le visage, alors qu'elle m'explique pourtant avec toute la gentillesse du monde que c'est son métier et que je devrais pas m'excuser de venir la voir pour ça. La vérité, c'est que j'aurais aimé ne pas avoir à revenir la voir. La vérité c'est que j'ai l'impression d'avoir échoué. C'est que j'ai pas l'impression d'avoir avancé un minimum depuis le début. Et ça me tue. Vraiment. Je sais que j'aurais plus la patience de continuer longtemps comme ça.

Je relève brièvement mes prunelles sur la jolie rouquine quand elle ajoute qu'elle serait ravie qu'on soit ami. Un fin sourire étire furtivement mes lèvres.

J'en serai enchanté, je souffle un peu timidement, même si je suis pas vraiment sûr d'être un très bon ami, ni de très bonne compagnie, en fin de compte.

Très vite, on entre malgré tout dans le vif du sujet, et je profite d'un moment de lucidité pour lui exposer rapidement le soucis. Je hoche la tête en portant mon regard sur elle, un air de reconnaissance passant sur mes traits. Une part de moi est soulagé qu'elle soit là, qu'elle ne me juge pas et qu'elle puisse m'aider. Je ne sais pas si elle se rend compte qu'elle est mon dernier recours.

Je déglutis, cherche mes mots, ne relève ensuite les prunelles dans sa direction que quand elle ajoute que l'on pourra se voir plus souvent en me touchant affectueusement l'épaule, ce qui m'arrache un nouveau petit sourire. Mes mains sont sur mes genoux, je triture mes doigts, classant mes souvenirs, essayant de trouver un sens à tout ça.

Hm … je sais pas trop … y'a eu des morts dans mon groupe. Des disparitions qui m'ont fait mal. J'ai aussi quitté Curtis, et il est parti de la faction après coup. Je crois que c'est … l'enchaînement de tout ça. J'arrive plus à relativiser.

Je marque une pause, mes narines tressaillent. J'ai honte de ce que je suis et de ce que je m'apprête, encore, à lui avouer.

J'ai repris les drogues et l'alcool. Encore plus qu'avant. Y'a pas une journée où j'suis pas complètement défoncé. Je crois pas que j'arriverai à arrêter un jour. Mais si je prends rien, c'est encore pire. Je crois ...

Un soupir m'échappe et mes épaules s'affaissent légèrement en avant.  

Je crois pas que j'arriverai à m'en sortir. J'essaie. J'ai essayé. Mais ... chaque fois c'est pire. Je me sens ... comme si j'étais englouti. Et que j'arrivais plus à respirer. C'est stupide.

Je porte ma main à ma bouche, et je me mets à me grignoter la peau, autour de l'ongle de mon pouce.

J'y pense de plus en plus. A juste ... arrêter. Disparaître. J'ai l'impression que ce serait le seul moyen pour être apaisé.

"Runnin', runnin', runnin' through the dark,
Watch me run a little more ▵"

Bon, trop de choses difficiles en même temps, une rupture, le retour de l’addiction prononcé et les tendances suicidaires. Rien de nouveau sous le soleil. Tout ça est lié et relié comme toujours.

J’attrape le calepin qui trainait sur le bureau tout près et je prends des notes au fur et à mesure de ses explications. Je ne l’interromps pas, mais je compte bien le secouer un petit peu.

- Tu sais qu’il n’y a aucun jugement de ma part. Jamais. Je ne vais pas passer par quatre chemins pour te dire la vérité par contre. Tu pourras toujours compter sur moi Dany. Tu ne digères pas les difficultés, tu les évites. Ton esprit en souffre et n’arrive pas à composer avec tout ça, parce que tu ne le laisses pas prendre le temps de réaliser ce qui s’est passé. Tu le court-circuites constamment. La drogue et l’alcool, quand on en consomme de manière plus… ludique d’accord, mais si tu prends tout ça pour ne plus avoir conscience de toi-même, ça joue dans tes symptômes. Non seulement vu ce que tu mets dans ton corps, mais avec l’effet que ça a sur ta psyché.

J’essaie vraiment de vulgariser au maximum.

- Épuisé, incapable de traiter toutes nouvelles informations, ou anciennes douloureuses, noyer dans la drogue et l’alcool, ton cerveau divague. Ton mal-être est bien réel et sans pouvoir avancé, il te consume. Normal de vouloir disparaitre. C’est… Humain. Tu n’es qu’humain Daniel. Nous ne sommes pas des machines. Nous sommes parfaitement imparfaits. Nous tombons et nous nous relevons. Constamment. Tout le monde.

Maintenant, parlons planning.

- Il nous faut un plan de match. Parce que tu iras mieux et je t’aiderai. Je lui offre un joli sourire bienveillant. Tu es plus fort que tu ne le crois. Je vais faire quelques recherches pour voir si je peux trouver des médicaments ou des plantes qui pourront aider certains de tes symptômes. Je veux te voir quatre fois par semaine et nous allons débuter une thérapie cognitive. Nous allons rebrancher tout ça en place. Je repose ma main sur son épaule comme pour lui offrir du soutien. Ce n’est que pour le mettre en confiance en fait. Ce cas… il va être diablement intéressant. Alcool et drogue… Nous avons le choix. On arrête tout d’un coup ou on commence à réduire les doses. En qui as-tu confiance ici ? Pour t’aider quand je ne serai pas là ?

Pour le surveiller en gros. Parce que je ne lui collerai pas au cul constamment.

Are you deranged like me ?